"Les Cathos sont-ils de retour", l'effondrement de l’Eglise en France

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Héraclius
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"Les Cathos sont-ils de retour", l'effondrement de l’Eglise en France

Message non lu par Héraclius » mer. 05 juil. 2017, 14:22

Je suis en train de jeter à œil à cet ouvrage du Père Servigny, qui dépeint de façon très clinique l'état objectif de l'Eglise de France, à coup de statistiques, et qui critique énormément l'espèce d'optimisme généralisé et un peu naïf qui depuis des décennies nous assure que tout va bien, alors que pour n'importe quel observateur extérieur notre Eglise est raisonnablement donnée pour morte. Cet espèce d'angélisme qui fait fi de tout les faits parce que "l'esprit qui souffle ne se limite pas à des statistiques", et qui est partagé à bien des égards à la fois par certains progressistes et certains conservateurs.

Il cite à un moment le Père Humbrecht, qui compare la situation au Titanic en accusant notre déni distant alors que tous les indicateurs sont dans le rouge, alors que les trois quart du navire sont déjà sous l'eau. C'est un constat pas totalement noir, certes, plein d'une certaine espérance, mais qui a un goût de douche froide.

Cela m'a fait penser aux propos du Père Bouyer sur l'évolution du vocabulaire de l'Action Catholique au cours du temps. Dans les années 30, on parlait de "reconquête". Dans les années 50, de "témoignage". Dans les années 70, de "présence". Ou encore à une énième dame qui, étonnée de voir un jeune à la messe quotidienne, me confiait, presque confiante, que de ses 4 enfants, pas un n'avait gardé la foi, mais qu'il "restait quelque chose". Quelque-chose, oh, formidable. Quelque chose : c'est à dire rien, ou en tout cas rien pour la génération qui suivra.

Un jour, la France sera peut-être comme l'Algérie, avec 4 évêchés sans fidèles qui assureront une "présence bienveillante" - garantie sans "prosélytisme agressif" - à une population athée qui les méprisera - avec raison.

Héraclius - qui vous offre à l'occasion un "coup de gueule gratuit dans le vide" pas très joyeux, mais bon, mer... zut.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Héraclius » mer. 05 juil. 2017, 15:08

Quelques chiffres :

- probablement 56 pourcent de baptisés en France aujourd'hui - mais un chiffre promis à l'effondrement parce que concernant une population largement vieillissante.
- 30 pourcent d'impact culturel - tout les mariages et enterrements ou l'on demande encore l'action de l'Eglise - chiffre promis à la baisse aussi, pour la même raison - c'est souvent pour faire plaisir aux générations précédentes qu'on se marie à l'Eglise, et je vous fais pas de dessin pour les enterrements.
- 17 pourcent de gens qui vont à la messe au moins à Noël et Pâques.
- 3 à 6 pourcent de pratiquants (aller à la messe entre 1 et 4 fois par mois). La moitié ont plus de 65 ans.
- 1 pourcent de catholiques pratiquants chez les 18-25 ans.


Notez que je suspecte ce dernier chiffre d'être promis à une certaine stabilité - les catholiques engagés aujourd'hui chez les jeunes, je le vois bien, se placent nécessairement en rupture par rapport à leurs contemporains. Je ne sais pas si les générations plus âgées ont conscience de la gamme de sentiments (de l'indifférence méfiante à la haine franche) que suscite la référence à l'Eglise chez cette tranche d'âge des jeunes "millenials". Du coup, on entre - pour le meilleur comme pour le pire - dans une logique assez communautariste. Je ne commenterait pas le pire, mais le meilleur, c'est que cela force à) une adhésion assez radicale, qui ne peut manquer de se transmettre aux enfants. Donc je ne pense pas que les enfants de ma génération seront autant en décalage avec leurs parents chrétiens - au prix d'une logique communautariste, qui à "notre" décharge est moins volontaire que subie.



Héraclius - pessimiste plein d'espérance.
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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Cinci » jeu. 06 juil. 2017, 4:48

Il cite à un moment le Père Humbrecht, qui compare la situation au Titanic en accusant notre déni distant alors que tous les indicateurs sont dans le rouge, alors que les trois quart du navire sont déjà sous l'eau.
Il est impressionnant, ce Père Humbrecht. Un vrai puits de science et un talent pour la transmettre! La spiritualité dominicaine lui va comme un gant.

:)



Je me souviens encore d'une émission de la chaîne KTO où il était invité. Si je ne suis plus très certain du thème sur lequel portait la discussion (un truc assez compliqué, peut-être s'agissait-il du péché originel), je peux dire en revanche que l'animateur lui-même semblait complètement soulevé de son siège, assez ébloui.

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Relief » jeu. 06 juil. 2017, 18:23

Héraclius a écrit :
mer. 05 juil. 2017, 14:22
3 à 6 pourcent de pratiquants (aller à la messe entre 1 et 4 fois par mois). La moitié ont plus de 65 ans.
Cela veut dire que d'ici à 20 ans le nombre de catholiques pratiquants sera divisé par deux (la part des nouveaux pratiquants entre 0 et 20 ans étant négligeable). Concrètement, dans l'église que chacun fréquente, la moitié des paroissiens aura disparu dans deux décennies.

Héraclius a écrit :
mer. 05 juil. 2017, 14:22
1 pourcent de catholiques pratiquants chez les 18-25 ans.
Notez que je suspecte ce dernier chiffre d'être promis à une certaine stabilité - les catholiques engagés aujourd'hui chez les jeunes, je le vois bien, se placent nécessairement en rupture par rapport à leurs contemporains.
1 % de catholiques pratiquants chez les 18-25 ans équivaut à 61.000 jeunes.
Dans un pays de 67 millions d'habitants, il y a 61.000 jeunes de 18 à 25 ans qui vont à la messe régulièrement; c'est-à-dire même pas de quoi remplir le stade de France.

Toutefois comme vous le dites bien Héraclius, c'est un chiffre promis à la stabilité car être catholique pratiquant dans un monde qui n'a de cesse de lutter contre tout ce qui a un lien avec le Christ et la Vierge Marie (le protestantisme étant peu attaqué), c'est faire preuve d'un grand courage et d'une foi ardente.

En partant sur l'hypothèse que ce 1 % de pratiquants se maintienne dans les générations suivantes, et avec des effectifs de classes d’âge sensiblement identiques, donc avec un renouvellement des générations, la France comptera dans 56 ans entre 650.000 et 700.00 catholiques pratiquants dans un pays où vivront 80 millions d'habitants. Ils représenteront 0,8 % de la population.

Héraclius a écrit :
mer. 05 juil. 2017, 14:22
Je ne sais pas si les générations plus âgées ont conscience de la gamme de sentiments (de l'indifférence méfiante à la haine franche) que suscite la référence à l'Eglise chez cette tranche d'âge des jeunes "millenials"
Ils ont une idée de ce que cela peut être, mais effectivement, je pense qu'il leur est impossible d'en avoir pleinement et totalement conscience.
Héraclius a écrit :
mer. 05 juil. 2017, 14:22
Du coup, on entre - pour le meilleur comme pour le pire - dans une logique assez communautariste. Je ne commenterait pas le pire, mais le meilleur,
Dans 30 ans nous serons communautaristes par la force des choses (comme le sont les Français-juifs aujourd'hui), car un catholique isolé est un catholique spirituellement en danger.
Ceux qui pensent que le futur communautarisme catholique est "mal", pensent donc aussi logiquement que le communautarisme actuel des Français-juifs est une mauvaise chose.


Mais qui est responsable de notre quasi disparition ?
Clairement c'est le progressisme dans l’Église qui porte la plus lourde responsabilité. Il a vidé nos paroisses en supprimant toute sacralité, réduisant la pratique religieuse à ce qui semble être un spectacle pour toute personne nouvelle ou occasionnelle entrant dans une église non traditionnelle (je précise que je ne suis pas un traditionaliste et n’assiste jamais aux messes tradi.).

Aujourd’hui encore, il y a des catholiques progressistes qui défendent l'avortement et soutiennent que l'homosexualité est normale, que la PMA et GPA ne sont pas des choses si terribles, et que l’euthanasie, il faudra bien y venir un jour.
Incapables de discerner les mensonges sociétaux du Monde, ces catholiques aiment critiquer les traditionalistes et la sacralité. Ils ont sous les yeux le résultat de décennies de progressisme qui ont mené le catholicisme de France à sa quasi extinction mais ne remettent pour autant rien en cause. C'est parce que leur progressisme d’Église est accolé à un progressisme politique. Ils ne peuvent remettre en question le premier sans renier le second. Or pour eux la politique prime sur les enseignements du Christ qui ne s'y conformeraient pas.

Il y a malgré tout de l'espoir. D'abord parce que la jeunesse catholique pratiquante est à 90 % conservatrice (le plus souvent les progressistes n'arrivent pas à transmette leur foi). Et puis surtout parce que nous savons que notre Seigneur Jésus-Christ n'abandonne jamais ses brebis et ramène à lui celles qui se sont égarées (sans parler du fait que nous ne sommes pas à l'abri de bonnes surprises divines :roule:)

NB : les chiffres que je donne plus haut sur les catholiques pratiquants sont de simples calculs de niveau 6ème issus des données 2017 de l'INSEE que l'on trouve sur son site.
Dernière modification par Relief le dim. 11 mars 2018, 3:55, modifié 2 fois.

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Altior » jeu. 06 juil. 2017, 21:25

Relief a écrit :
jeu. 06 juil. 2017, 18:23
la jeunesse catholique pratiquante est à 90 % conservatrice (entre autres parce que le plus souvent les progressistes n'arrivent pas à transmette leur foi).
Les progressistes ne sont pas arrivés à transmettre leur foi il y a une génération déjà. De nos jours, ils sont dans une autre étape: ils n'arrivent plus à transmettre leur sang. Pour plusieurs raison, dont la plus importante est la pratique de la contraception et de l'avortement.

Je ne crois pas que le problème du progressisme vient des messes ou le sens de la sacralité a été remplacé par le sens de la théatralité. C'est derrière ça, c'est pas même au niveau de la foi, c'est au niveau philosophique. La grande illusion progressiste est la grande illusion du dernier Concile: l'idée qu'on pourrait appartenir en même temps à l'Église et au Monde. Or, ces deux royaumes n'ont rien à voir. C'est la principale idée forte de la radicalité évangélique. On ne peut pas transmettre l'Évangile sans cette idée, ou on ne fait que transmettre une Évangile castrée, un faux message de notre Seigneur, une fausse foi.

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Relief » jeu. 06 juil. 2017, 22:02

Altior a écrit :
jeu. 06 juil. 2017, 21:25
Je ne crois pas que le problème du progressisme vient des messes ou le sens de la sacralité a été remplacé par le sens de la théatralité. C'est derrière ça, c'est pas même au niveau de la foi, c'est au niveau philosophique. La grande illusion progressiste est la grande illusion du dernier Concile: l'idée qu'on pourrait appartenir en même temps à l'Église et au Monde. Or, ces deux royaumes n'ont rien à voir. C'est la principale idée forte de la radicalité évangélique. On ne peut pas transmettre l'Évangile sans cette idée, ou on ne fait que transmettre une Évangile castrée, un faux message de notre Seigneur, une fausse foi.
Vous avez raison, Altior. Vous avez su exprimer les choses mieux que moi.

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Héraclius » jeu. 06 juil. 2017, 22:32

Je ne ne suis pas sûr que ce soit l'occasion de repartir en croisade tradi vs modernos.

Je suis, pour le coup, certain, que le concile n'a pas voulu confondre les deux Cités, le monde et l'Eglise. Il a voulu faire remarquer que le bien qui se produisait hors des limites visibles de l'Eglises était toujours un bien - le raisonnement n'est pas particulièrement tortueux. Et c'est une vision on ne peut plus traditionnelle au demeurant.
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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par axou » jeu. 06 juil. 2017, 23:05

Chers amis,

bien que la situation ne soit guère réjouissante, il y a tout de même un frémissement depuis l'arrivée du nouveau pape, quelques raisons d'espérer :

De jeunes Catholiques plus pratiquants :
http://www.atlantico.fr/pepites/etude-q ... 57761.html

Des catholiques plus engagés :
http://www.ladepeche.fr/article/2016/03 ... ation.html

Une pratique en hausse:
http://www.ndlourdes.fr/index.php/2012- ... e-francois

Bien à vous,

Axou

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Cinci » ven. 07 juil. 2017, 12:13

https://www.youtube.com/watch?v=IGtbC-gKD0I

La mollesse de la transmission de la foi catholique - survol de la question par le père Humbrecht (KTO)

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Relief » ven. 07 juil. 2017, 12:16

Héraclius a écrit :
jeu. 06 juil. 2017, 22:32
Je ne ne suis pas sûr que ce soit l'occasion de repartir en croisade tradi vs modernos.
Les catholiques ne se divisent pas en deux mondes ;) : "tradi" et "modernes". La majorité, dont je fais partie, n'est ni l'un ni l'autre.

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Cinci » ven. 07 juil. 2017, 12:43

Le père Humbrecht fait remarquer qu'Étienne Gilson dressait un même constat en 1934. Une certaine difficulté sur le plan de l'assertivité ... la remarque à propos de Gilson se trouve à 2 ; 30 dans le vidéo.

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Cinci » ven. 07 juil. 2017, 13:22

Cette moindre puissance d'affirmation de sa foi sur le plan personnel découle peut-être de l'encadrement multiséculaire cléricale qui aura été celui des catholiques. Il ne fut jamais demandé beaucoup aux paroissiens. Rien sinon payer, prier et se taire. La politique du "levain dans la pâte" ou de l'enfouissement était sans doute à l'oeuvre depuis le haut Moyen Âge (si ce n'est plus), dans le sens que l'affirmation verbale et articulée à voix haute pouvait être réservée aux religieux, aux prêtres.

Les qualités qui édifient le bon petit troupeau docile sont peut-être différentes de celles qui aident l'individu à faire valoir son point de vue dans un contexte d'opposition ou de contradiction.

J'ai souvent remarqué à quel point les catholiques prisaient bien davantage le consensus, le discours unique, la soumission à la bonne parole. etc. Tout le monde se doit de dire la même chose ... ou alors c'est la fuite, la bouderie, la sectarisation dans le but de retrouver une unanimité de parole, des déclarations libres de toute résistance en face (comme le sermon du prédicateur de l'Oratoire de l'an 1704 ...)

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Marc Oh » ven. 07 juil. 2017, 15:32

Relief a écrit :
ven. 07 juil. 2017, 12:16
Héraclius a écrit :
jeu. 06 juil. 2017, 22:32
Je ne ne suis pas sûr que ce soit l'occasion de repartir en croisade tradi vs modernos.
Les catholiques ne se divisent pas en deux mondes ;) : "tradi" et "modernes". La majorité, dont je fais partie, n'est ni l'un ni l'autre.
Bonjour c'est comme cela que je me voie aussi mais me rend bien compte que je suis catégorisé par les un ou les autres dans le "camp" inverse dès que je m’agenouille, sort un chapelet, fréquentes les offices ou bien à l'inverse lorsque je tourne les mains au ciel, ou entre dans une église en short pendant de grosse chaleur.
Lorsqu'on extirpe l'essentiel de la religion de l'amour, du sacrifice et de la joie.... nous sommes, moi le premier, bien misérable.
Marc Oh!
"... sans l'amour je ne suis rien..."

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Cinci » ven. 07 juil. 2017, 18:08

Le sujet pourrait bien être intéressant en terme de cas d'école, pour le simple fait de s'amuser ensuite à se demander ce qui arrive ou ce qui aurait pu se passer jadis. Oui, on peut échanger.

Cependant, le coup de gueule charrie tout de même ses risques. Il y a toujours le risque de l'apitoiement, de l'effondrement sur soi, la rengaine lancinante, la rumination pour faire grise mine ... Et c'est une dynamique qui ferait contresens avec l'Évangile, contre-témoignage. Une dynamique d'insensés, de myopes, de personnalités "à l'étroit". Ça ne ferait pas de sens! Parce que c'est la nuit qu'il faut faire confiance.



Encore de Bernard Bro :

Une bonheur chrétien

"J'en veux à Dieu de m'avoir fait naître"

"Je n'ai pas peur de mourir, je n'ai pas peur qu'il n'y ait rien après, mais quand je vois vieillir ma mère, et quand je vois tout ce que la vie m'impose, j'en veux à Dieu de m'avoir fait naître." Quand on voit le "cachot" de Lourdes où vivaient Bernadette et sa famille, on se demande qui plus que tout autre aurait eu le droit de dire cela? Sinon Bernadette.

Le premier message de Lourdes se résume en deux mots : la prière et la pénitence. Mais LOurdes contient encore une autre parole évangélique. C'est la première et la dernière. Les historiens en parlent peu. Et pourtant c'est ce qui a sans doute le plus soutenu la vie de Bernadette, c'est le coeur de la Bible et le point de départ de la Révélation. C'est cela même dont tout chrétien est chargé, mandaté, devant le monde entier. Nous sommes désormais tous prophètes, comme dit saint Pierre dans le premier sermon fondateur de l'Église, "tous vos fils et vos filles seront prophètes" (Ac 2,17). Mais de quoi?

Le chrétien m'est pas seul témoin de la grandeur de Dieu. D'une certaine manière, nos frères juifs et musulmans témoignent de l'adoration autant, sinon mieux et plus que nous. Nous ne sommes pas non plus les seuls délégués ou prophètes d'une morale, d'une sagesse ou d'une philosophie. Nous ne sommes pas non plus les seuls délégués au progrès ou à l'efficacité. D'autres le sont et avec force. Nous ne sommes pas les seuls délégués à la prière. Nous découvrons comment les hommes de l'Orient, les hindous par exemple, ou d'autres, ont la nostalgie du divin.

Enfin, nous ne pouvons pas non plus prétendre être les prophètes de ce qui est pourtant au centre de l'évangile : la fraternité universelle. C'est vrai, c'est l'essentiel. Mais un milliard et demi d'hommes, c'est un fait, disent combattre pour la fraternité universelle, se sont mobilisés pour cela et, ce faisant, rejettent Dieu ou disent n'avoir pas besoin de lui.

Alors de quoi sommes-nous les témoins? Cela tient en un mot. Ce fut la parole d'ouverture de Lourdes : ce fut une promesse. Bernadette en a vécu comme d'une contagion. C'est le rêve le plus commun, le plus répandu sur terre. C'est le rêve le plus fou, le plus infini, et parfois le plus désespéré : "J'en veux à Dieu de m'avoir fait naître." Et la Vierge répond : "Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse dans ce monde mais dans l'autre." Elle a promis, et c'est de cela que nous sommes les prophètes. La Vierge a promis le bonheur ou plutôt le Ciel. Cela revient comme le refrain des apparitions de Lourdes :"La Vierge souriait, et Bernadette était irradiée."

Le bonheur impossible?

Le Ciel? Cela suppose deux choses : et que Dieu existe, et que le bonheur soit possible. Le bonheur? Cela suppose deux choses : la possession à la fois intense, infinie et en même temps paisible de tout ce que nous pouvons désirer. Et c'est la difficulté, celle de toutes nos vies, tenir les deux à la fois : l'intensité jusqu'à l'infini et la paix paisible jusqu'à la sécurité. Que le rêve de tenir les deux à la fois ne s'évanouisse pas comme du sable ou de l'eau dans nos doigts. Qui peut y prétendre? On a l'un ou l'autre : l'aventure, la vie, le jaillissement, mais ça passe; ou bien la sécurité, la possession, mais c'est forcément à modèle réduit.

Je ne crois pas que le problème majeur d'aujourd'hui soit celui de l'athéisme. Mais c'est celui du bonheur. Est-ce que nous croyons au bonheur? Est-ce que nous l'espérons encore vraiment? Beaucoup d'entre nous croient au progrès, croient à l'évolution, croient à davantage de possibilités dans leur vie. Mais le bonheur n'est pas cela. On dira : est-ce si facile de continuer à y croire à certains moments de notre vie? Non. Et pourtant c'est là que se joue peut-être le seul blasphème définitif. Ne serait-ce pas ici la ligne de démarcation entre les hommes? Douter que Dieu nous veuille heureux, ou croire au bonheur, et selon les deux derniers mots du Je vous salut Marie, "maintenant" et "à l'heure de notre mort". Il s'agit finalement de croire que Dieu est innocent et veut vraiment notre bonheur. Nous sommes incapables de dire ce qu'est le véritable bonheur. Bernadette nous aide à comprendre ce qu'est l'inverse du bonheur et à découvrir la condition à laquelle il est possible.

Refuser les christianismes tristes

Chose étonnante, Bernadette nous montre d'abord que l'inverse du bonheur n'est pas le malheur. On n'oserait pas le dire, mais elle nous aide à le voir. Elle a traversé tous les malheurs, de la misère noire de l'enfance jusqu'à la Passion de Nevers. Elle a tout connu du malheur, et cependant elle a continué à croire au bonheur et à l'espérer. C'est l'une des phrases les plus authentiques de Bernadette, évoquant la avanies et la dureté de la vie à Bartès : "Quand on pense que le bon Dieu le permet, on ne se plaint pas."

C'est sans doute l'une des plus grandes découvertes de ceux qui vont à Lourdes, en voyant des compagnons plus broyés qu'eux-mêmes. "Après tout, je n'ai peut-être pas le droit de me plaindre." C'est ainsi que par Bernadette nous pouvons comprendre ce qu'est l'inverse du bonheur. C'est le regret, c'est le ressentiment. L'inverse de l'homme évangélique, l'inverse de l'homme des Béatitudes, c'est l'homme de l'amertume, c'est l'homme qui s'enferme dans les limites de ce qu'il y a de négatif dans sa vie. Comment regarder notre famille, notre Église, nos groupes ou notre communauté? L'amertume l'emporte parfois. Nous nous rendons alors nous-mêmes incapables de recevoir une nouvelle promesse de Dieu.

Interdits d'amertume

"J'en veux à Dieu de m'avoir fait naître." Bernadette aurait eu droit à ce regret. Or elle révèle une condition du bonheur. Il est impossible de lutter tout seul contre l'amertume. Le chemin normal est la plainte. Bernadette entend , elle voit, comprend, témoigne jusqu'au sang : si c'est impossible d'être chrétien sans croire au bonheur, c'est en même temps impossible de croire qu'on peut se donner le bonheur tout seul. La condition de l'espérance et de la foi est l'humilité de recevoir le bonheur de la promesse d'un autre. Il est l'objet d'une promesse : c'est à dire qu'il y a Quelqu'un qui le veut pour nous, encore plus que nous. Chose extraordinaire, Bernadette a entendu cela : "Je vous le promets, je vous le promets."

Celui qui veut pour nous le bonheur ne faillira pas. Avec nous, dans le quotidien, jour après jour, il nous aide à refuser le regret, à lutter contre la plainte et le ressentiment.

Y a t-il une tâche plus urgente dans le monde d'aujourd'hui que d'être prophète du Ciel? Il n'y a pas à avoir peur du mot : du Ciel déjà préparé, déjà à préparer, du Ciel déjà commencé. Non pas l'utopie ni le rêve, mais une réalité. Le chrétien est cet homme du désir, d'aventure, d'infini parce qu'il est un homme fait pour le bonheur tout de suite, et pour cela responsable de l'espérance la plus folle au monde : une alliance avec le Ciel. Et c'est un émerveillement.

S'interdire l'amertume ne veut pas dire renoncer à la lucidité. C'est au contraire, la plus grande lucidité qui amène, dans l'Église d'aujourd'hui, à être prophète des chances inouïes du réveil des coeurs parce qu'on a accepté de s'interdire le doute sur les autres, sur l'institution, sur l'avenir. N'en rajoutons pas, la vie suffit. Un pacte est possible dans nos vies, celui du "Je vous salut, Marie" : nous interdire le ressentiment. Le Ciel commence le jour où l'on a découvert, au delà du temps des illusions, qu'il est possible malgré tout de croire au bonheur parce qu'on a découvert la seule condition : Dieu lui-même a refusé tout regret sur sa création. Le dernier mot n'est pas la mort. Notre vie est guidée par la promesse : "Maintenant et à l'heure de notre mort."

Bernard Bro, Les portiers de l'aube, Paris. Éd. du Cerf/Novalis, p. 180

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Re: "Les Cathos sont-ils de retour" - Gérard de Servigny

Message non lu par Relief » sam. 08 juil. 2017, 0:52

Gérald de Servigny : « Les cathos sont-ils de retour ? »



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