Confrontés à un taux de chômage abyssal, les étudiants grecs renouent avec l’émigration. Un drame pour Athènes, qui voit fuir ses diplômés les plus qualifiés.
Thanos Pagkoutsis, 19 ans, est l’un de ces étudiants en colère. Sous les palmiers de l’université Panteion, à Athènes, où il est étudiant, la Grèce a des allures de paradis. A quelques mètres, un bassin apporte une fraîcheur bienvenue alors que l’été s’annonce déjà. Mais Thanos, comme ses camarades de cours, ne peut cacher son désespoir. «Je viens de la région de Macédoine occidentale, qui peut se targuer d’un record : le taux de chômage le plus élevé d’Europe, ironise le jeune homme. Maintenant, nous voyons tous les jours, en Grèce, des gens fouiller dans les poubelles pour manger.» Une situation qui, d’après lui, ne risque pas de s’améliorer dans l’immédiat : «L’accord passé le 2 mai entre le gouvernement et l’Union européenne va encore saigner la Grèce», explique-t-il à propos de l’ensemble des mesures réclamées à Athènes par ses créanciers, celles qui seront votées justement jeudi. «L’énergie va être privatisée», rappelle-t-il. Or ce secteur, l’une des principales ressources industrielles hellènes, repose notamment sur l’exploitation du lignite dans le Nord. «Si la compagnie est privatisée, les mines vont être fermées ; ce sera licenciements à tous les étages, assure Thanos, notre région est finie, et nos vies avec.» Il est directement concerné : son père est mécanicien à la DEI (la compagnie nationale d’électricité). Sa mère est enseignante. Thanos a déjà vu les salaires de ses parents chuter de plus de 30 % depuis 2010. Nouvelles baisses des retraites annoncées, diminution des minima sociaux, hausses des taxes… «L’Etat social est en train d’être détruit», assène-t-il, excédé. Et désormais, lui-même ne voit son avenir que hors de sa terre natale.
Phases migratoires
Selon une étude menée pour la London School of Economics par Lois Labrianidis, professeur en géographie économique et secrétaire général du ministère grec de l’Economie, plus de 280 000 Grecs ont quitté le pays entre 2010 et 2015. Ils seraient 350 000 à être partis entre janvier 2008 et juin 2016, selon Endeavor, un réseau de jeunes entrepreneurs, et même 427 000 sur la même période selon la Banque de Grèce. Une hémorragie pour un pays d’à peine 11 millions d’habitants. Certes, la Grèce a toujours été un pays de migrations. Les deux fondateurs - en 1927 - de Panteion, George Frangoudis et Alexandre Pantos, avaient étudié à Paris, à l’Ecole libre des sciences politiques (l’ancêtre de Sciences-Po). Mais si près d’un siècle plus tard les étudiants de la plus ancienne école de sciences politiques de Grèce renouent avec l’émigration, c’est autant à cause de l’austérité que d’un marché du travail depuis longtemps inadapté. «Depuis trente ans, sur les 80 000 nouveaux entrants sur le marché du travail, seuls 40 000 trouvaient un emploi, souligne Savas Robolis, un expert sur les migrations auprès de l’OCDE. Cette inadéquation structurelle fut en réalité longtemps comblée par les largesses des partis politiques, qui accordaient des contrats dans le domaine public à chaque veille d’élections».
Avec la crise, et les coupes drastiques dans les dépenses publiques, cette pratique a pris fin, révélant la fragilité du marché du travail local. Mais faisant aussi exploser le chômage, qui touche désormais 1,1 million de Grecs, (environ 23 % de la population active). Pour les moins de 25 ans, le taux avoisine les 48 %. L’émigration a donc explosé, une fois de plus. Dans l’histoire récente du pays, il y a eu trois phases migratoires, explique Savas Robolis. Dans les années 60, après la guerre civile, la Grèce a connu un exode rural et d’importants départs de main-d’œuvre vers d’autres pays d’Europe, notamment l’Allemagne. Dans les années 90 en revanche, c’est la Grèce qui a accueilli plus d’un million de migrants venus d’Europe de l’Est, essentiellement d’Albanie. Ils ont travaillé dans la construction et l’agriculture. Depuis 2010, la Grèce subit à nouveau un mouvement de départs vers l’étranger, qui touche cette fois une population très qualifiée. Et c’est bien le problème.
«Les jeunes qui partent sont les mieux formés, les plus éduqués, alors que la Grèce présente un taux de diplômés inférieur à la moyenne de l’UE, comme de l’OCDE», précise Lois Labrianidis. Selon Eurostat, 31,7 % des jeunes Européens entre 25 et 44 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur. Ils ne sont que 29,3 % en Grèce. Mais qu’ils soient jeunes médecins, ingénieurs, informaticiens ou responsables marketing, ce sont eux qui trouvent facilement un emploi à l’étranger. Ce qui attend les jeunes Grecs qui restent dans leur pays : un marché du travail inadapté, un chômage massif et la surqualification par rapport aux emplois proposés. Or, après une année 2016 sans croissance, la Grèce a commencé 2017 avec un recul de son PIB (-0,5 % au premier trimestre par rapport au premier trimestre 2016).
Thanos Pagkoutsis, 19 ans, est l’un de ces étudiants en colère. Sous les palmiers de l’université Panteion, à Athènes, où il est étudiant, la Grèce a des allures de paradis. A quelques mètres, un bassin apporte une fraîcheur bienvenue alors que l’été s’annonce déjà. Mais Thanos, comme ses camarades de cours, ne peut cacher son désespoir. «Je viens de la région de Macédoine occidentale, qui peut se targuer d’un record : le taux de chômage le plus élevé d’Europe, ironise le jeune homme. Maintenant, nous voyons tous les jours, en Grèce, des gens fouiller dans les poubelles pour manger.» Une situation qui, d’après lui, ne risque pas de s’améliorer dans l’immédiat : «L’accord passé le 2 mai entre le gouvernement et l’Union européenne va encore saigner la Grèce», explique-t-il à propos de l’ensemble des mesures réclamées à Athènes par ses créanciers, celles qui seront votées justement jeudi. «L’énergie va être privatisée», rappelle-t-il. Or ce secteur, l’une des principales ressources industrielles hellènes, repose notamment sur l’exploitation du lignite dans le Nord. «Si la compagnie est privatisée, les mines vont être fermées ; ce sera licenciements à tous les étages, assure Thanos, notre région est finie, et nos vies avec.» Il est directement concerné : son père est mécanicien à la DEI (la compagnie nationale d’électricité). Sa mère est enseignante. Thanos a déjà vu les salaires de ses parents chuter de plus de 30 % depuis 2010. Nouvelles baisses des retraites annoncées, diminution des minima sociaux, hausses des taxes… «L’Etat social est en train d’être détruit», assène-t-il, excédé. Et désormais, lui-même ne voit son avenir que hors de sa terre natale.
Phases migratoires
Selon une étude menée pour la London School of Economics par Lois Labrianidis, professeur en géographie économique et secrétaire général du ministère grec de l’Economie, plus de 280 000 Grecs ont quitté le pays entre 2010 et 2015. Ils seraient 350 000 à être partis entre janvier 2008 et juin 2016, selon Endeavor, un réseau de jeunes entrepreneurs, et même 427 000 sur la même période selon la Banque de Grèce. Une hémorragie pour un pays d’à peine 11 millions d’habitants. Certes, la Grèce a toujours été un pays de migrations. Les deux fondateurs - en 1927 - de Panteion, George Frangoudis et Alexandre Pantos, avaient étudié à Paris, à l’Ecole libre des sciences politiques (l’ancêtre de Sciences-Po). Mais si près d’un siècle plus tard les étudiants de la plus ancienne école de sciences politiques de Grèce renouent avec l’émigration, c’est autant à cause de l’austérité que d’un marché du travail depuis longtemps inadapté. «Depuis trente ans, sur les 80 000 nouveaux entrants sur le marché du travail, seuls 40 000 trouvaient un emploi, souligne Savas Robolis, un expert sur les migrations auprès de l’OCDE. Cette inadéquation structurelle fut en réalité longtemps comblée par les largesses des partis politiques, qui accordaient des contrats dans le domaine public à chaque veille d’élections».
Avec la crise, et les coupes drastiques dans les dépenses publiques, cette pratique a pris fin, révélant la fragilité du marché du travail local. Mais faisant aussi exploser le chômage, qui touche désormais 1,1 million de Grecs, (environ 23 % de la population active). Pour les moins de 25 ans, le taux avoisine les 48 %. L’émigration a donc explosé, une fois de plus. Dans l’histoire récente du pays, il y a eu trois phases migratoires, explique Savas Robolis. Dans les années 60, après la guerre civile, la Grèce a connu un exode rural et d’importants départs de main-d’œuvre vers d’autres pays d’Europe, notamment l’Allemagne. Dans les années 90 en revanche, c’est la Grèce qui a accueilli plus d’un million de migrants venus d’Europe de l’Est, essentiellement d’Albanie. Ils ont travaillé dans la construction et l’agriculture. Depuis 2010, la Grèce subit à nouveau un mouvement de départs vers l’étranger, qui touche cette fois une population très qualifiée. Et c’est bien le problème.
«Les jeunes qui partent sont les mieux formés, les plus éduqués, alors que la Grèce présente un taux de diplômés inférieur à la moyenne de l’UE, comme de l’OCDE», précise Lois Labrianidis. Selon Eurostat, 31,7 % des jeunes Européens entre 25 et 44 ans sont diplômés de l’enseignement supérieur. Ils ne sont que 29,3 % en Grèce. Mais qu’ils soient jeunes médecins, ingénieurs, informaticiens ou responsables marketing, ce sont eux qui trouvent facilement un emploi à l’étranger. Ce qui attend les jeunes Grecs qui restent dans leur pays : un marché du travail inadapté, un chômage massif et la surqualification par rapport aux emplois proposés. Or, après une année 2016 sans croissance, la Grèce a commencé 2017 avec un recul de son PIB (-0,5 % au premier trimestre par rapport au premier trimestre 2016).
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