Héraclius a écrit :Mais penser la possibilité de l’enfer éternel pour un âme, et sa (forte) possibilité pour la majorité des âmes, ce n’est pas juger le prochain.
Le penser n’est peut-être pas juger le prochain mais le penser c’est l’accepter, c’est déjà faire un compromis avec le commandement, c’est déjà penser l’autre comme autre.
Héraclius a écrit :En atteste la zèle à convertir des saints. Le grand désir du curé d’Ars est bien de « sauver beaucoup d’âmes » : c’est donc que la possibilité de la damnation, le danger de la damnation, existe.
Alors nous serons tous damnés.
Le problème majeur qui se pose ici est celui de l’unité. Peut-on penser que l’aboutissement de la création, de l’œuvre divine soit la division ? Ou plutôt l’unité ?
Que l’on puisse penser que du côté de l’homme il puisse y avoir division n’est pas le problème mais la création en tant qu’œuvre divine peut-elle aboutir au désordre, à la division, ça c’est le vrai problème.
« Et lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. » (1 Corinthiens 15 :28)
Je lis dans le catéchisme « La création est le fondement de «
tous les desseins salvifiques de Dieu », « le commencement de l’histoire du salut » (DCG 51) qui culmine dans le Christ. Inversement, le mystère du Christ est la lumière décisive sur le mystère de la création ; il révèle la fin en vue de laquelle, « au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1, 1) : dès le commencement, Dieu avait en vue la gloire de la nouvelle création dans le Christ (cf. Rm 8, 18-23). » (art. 280)
Il semble que la fin de la création soit le salut, l’unité et non la division.
De même, on peut lire
« Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. (Colossiens 1 : 16-17)
Or, si toutes choses ont été créées pour lui, la fin doit logiquement être l’unité.
Héraclius a écrit :Penser qu’une âme peut se perdre – et moi je considère bien souvent la perdition d’une âme particulière : la mienne – ce n’est pas péché. Sinon chercher à se faire l’intrument du salut de Dieu serait un péché !
Et vous avez bien raison de considérer la perdition de votre âme si vous pouvez penser la perdition de votre prochain, car comme le témoigne justement les saints, nous sommes le premier perdu, le pire des pécheurs. Donc si on peut penser l’autre damné, c’est soi le premier que l’on considère comme tel.
Héraclius a écrit :Je ne crois pas qu’il soit interdit d’espérer, comme Balthasar ou vous, qu’aucune âme ne se perde. Mais ne niez pas le danger : sinon, vous niez la dignité royale de l’homme à dire « fiat » à son Créateur.
Je ne nie pas cette dignité en tant que respect de la liberté, une liberté finie donc inconstante, soumise au changement et non immuable comme l’expérience nous le démontre. Ce que je nie c’est l’absolue d’une liberté ancrée dans le péché tel une immuabilité dans l’imperfection ?!
Héraclius a écrit :Après tout, nous savons, c’est une vérité de foi, qu’il n’y a pas de rémission pour l’Adversaire.
C’est sûr, en tant qu’adversaire il n’y a pas de rémission.
C’est sûr, c’est une vérité de foi en l’état actuel.
D’ailleurs, y avait-il rémission pour l’homme avant la croix ? Tous, justes comme injustes étaient dans le séjour des morts.
Car on parle souvent sur ces sujets des anges mais il ne faut pas oublier que la croix concerne la nature humaine et non la nature angélique. On ne peut donc prendre l’exemple des anges en ce qui concerne un événement exclusivement humain.
Par ailleurs, il est dit qu’il y aura de nouveaux cieux et une nouvelle terre. Je me demande s’il n’y a pas là un mystère car concernant cette révélation, on considère surtout le fait de « nouvelle terre » qui nous paraît évident mais moins les « nouveaux cieux ». Mais j’avoue que j’ai du mal à comprendre ce qui devrait être renouvelé dans les cieux, si ce n’est justement les créatures célestes, la nature angélique.
Mais bon, comme dit et redit, j’entre là de toute façon sur un terrain qui m’est complètement inconnu.
Héraclius a écrit :En un sens oui, : il n’a pas touché, ni même frôlé, le péché dans toute son immondice. « Semblable à nous sauf le péché ». Le péché, et toute son horreur négative, reste un fait purement humain.
Donc il n’a pas porté tout péché.
Certes, « semblable à nous sauf le péché », car non marqué par le péché originel ni n’ayant commis personnellement de péché. Mais en quoi aurait-il porté tous les péchés s’il n’avait subi la conséquence de tous péchés, s’il n’avait pénétré les ténèbres de chaque homme ? Car alors, ça ne devient plus qu’une simple affirmation.
On peut lire à ce sujet :
»Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Corinthiens 5 : 21)
Et cela concerne tous péchés et non pas seulement certains :
« Il est lui-même une victime expiatoire pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier » (1 Jean 2 : 2)
D’autre part, le catéchisme dit :
« 616 C’est " l’amour jusqu’à la fin " (Jn 13, 1) qui confère sa valeur de rédemption et de
réparation, d’expiation et de satisfaction au sacrifice du Christ. Il nous a tous connus et aimés
dans l’offrande de sa vie (cf. Ga 2, 20 ; Ep 5, 2. 25). " L’amour du Christ nous presse, à la
pensée que,
si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts " (2 Co 5, 14). Aucun homme,
fût-il le plus saint, n’était en mesure de
prendre sur lui les péchés de tous les hommes et de
s’offrir en sacrifice pour tous. L’existence dans le Christ de la Personne divine du Fils, qui
dépasse et, en même temps, embrasse toutes les personnes humaines, et qui le constitue Tête
de toute l’humanité, rend possible son sacrifice rédempteur pour tous. »
D’une part, il y a ce « si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts » qui me paraît renvoyer à cette fameuse unité, solidarité, à ce fameux « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
D’autre part, il me paraît bien indiqué qu’il a pris sur lui les péchés de tous les hommes.
Mais si vous faites référence dans votre réticence à considérer qu’il ait touché les profondeurs du péché au fait qu’il soit dit « tu ne laisseras pas ton saint voir la corruption », voyez ce qu’en dit le catéchisme :
« 627 La mort du Christ a été une vraie mort en tant qu’elle a mis fin à son existence humaine
terrestre. Mais à cause de l’union que la Personne du Fils a gardé avec son Corps, il n’est pas
devenu
une dépouille mortelle comme les autres car " il n’était pas possible qu’il fût retenu en
son pouvoir (de la mort) " (Ac 2, 24). C’est pourquoi " la vertu divine
a préservé le corps du
Christ de la corruption " (S. Thomas d’A., s. th. 3, 51, 3). Du Christ on peut dire à la fois : " Il
a été retranché de la terre des vivants " (Is 53, 8) ; et : " Ma chair reposera dans l’espérance
que tu n’abandonneras pas
mon âme aux enfers et ne laisseras pas ton saint voir la
corruption " (Ac 2, 26-27 ; cf. Ps 16, 9-10). La Résurrection de Jésus " le troisième jour " (1
Co 15, 4 ; Lc 24, 46 ; cf. Mt 12, 40 ; Jon 2, 1 ; Os 6, 2) en était la preuve car la corruption était
censée se manifester à partir du quatrième jour (cf. Jn 11, 39). »
On voit que cette affirmation concerne le corps du Christ mais son âme est bien descendue dans les profondeurs de l’enfer.
Héraclius a écrit :D’autre part il est faux de dire que Dieu réside dans l’âme de chaque homme – en tout cas il n’est certainement pas dans le même sens pour tous. C’est le chrétien, et plus largement le sauvé, qui est constitué en Temple de l’Esprit Saint dans laquelle réside la Gloire acquise au baptême, embrasée à la confirmation et renouvellée dans l’eucharistie. Et chaque fois que l’homme commet un péché mortel, le Temple est profanée, l’autel intérieur souillé, la Gloire se retire (soit : est chassée !), remplacée par l’érection d’une idole. Et c’est l’absolution sacramentelle qui est le moyen ordinaire de la restoration du culte divin dans le Temple de notre corps.
Il est écrit
« Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. (Colossiens 1 : 16-17)
Vous, ce que vous dites dans cette conception des choses c’est comme dire « toutes choses ont été créées pour l’homme », l’homme devient sa propre fin, la fin de toutes choses n’est plus Christ.
De même, vous dites qu’il est faux de dire que Dieu réside dans chaque homme. Dans ce cas, il est également faux de dire que « toutes choses subsistent en lui » car ce que vous dites c’est que l’homme peut dans ce cas subsister par lui seul si Dieu n’est pas en lui, son fondement, ce qui maintient son existence. Car « toutes choses subsistent en lui » revient à dire qu’il est en toute chose. Certes, peut-être pas en plénitude mais certainement pas absent non plus, car on ne pourrait subsister sans Dieu. Sinon, c’est faire de l’homme son propre principe et dire que l’homme subsiste par lui-même et donc nier que « toutes choses subsistent en lui ».
C’est marrant, car cette expression « ni Dieu ni maître » pourrait s’appliquer à cette approche catholique quelque part, puisque l’on fait de l’homme son propre Dieu et maître…