Bonjour prodigal,
prodigal a écrit : ↑sam. 01 avr. 2017, 22:17
Je me permets de me citer un peu plus longuement afin d'éviter l'ambiguïté. Je ne dis pas qu'il ne faut pas croire, bien entendu. Ce que je dis , c'est ceci, qui essaie de décrire une aberration :
Elle consiste à poser qu'est vrai ce que l'autorité légitime (par exemple, la tradition) a décrété être tel. Au lieu de poser que c'est parce que x est vrai que l'autorité affirme x, l'autoritarisme pose que c'est parce que l'autorité affirme que x que x devient vrai.
Saint Vincent de Lérins n'est pas capable de fabriquer de la vérité, quel que soit son mérite. Sa parole ne rend pas vrai ce qui ne l'est pas avant qu'il se soit exprimé. Mais on peut, on doit, comme vous le faites, porter attention à ce qu'il dit, parce qu'on suppose qu'il ne le dit pas arbitrairement, mais qu'il a de solides raisons pour cela.
Par conséquent ce sont ses raisons qui importent et qu'il faut croire.
Et ceci n'est pas "mon avis". Il n'y a que la formulation qui est de moi, pas excellente je le reconnais.
Quant aux raisons de saint Vincent de Lérins, il faut connaître le contexte pour les saisir clairement, car on voit bien que sa sentence ne peut être prise à la lettre, rien n'ayant été cru toujours, par tous et partout. Ce qui aurait été cru toujours, par tous et partout, par définition, n'aurait pas même été contesté, et donc ne poserait aucun problème.
Il est intéressant que vous parliez de St Vincent de Lérins. Il ne faut pas se limiter à sa formule, mais lire tout ce qu'il en dit dans son Commonitorium, qu'on peut lire par exemple ici:
http://www.patristique.org/sites/patris ... incent.pdf
Le contexte historique est ce qu'il était (l'hérésie de Nestorius), mais le Commonitorium est resté dans la tradition comme l'expression patristique de la règle de foi de l'Eglise.
Vous remarquerez que, contrairement à ce que vous semblez avoir compris, le principe de St Vincent habituellement résumé par la phrase citée par Suliko, ne se base pas sur une foi aveugle dans l'autorité, mais d'un critère de tradition et d'universalité de la foi, ce qui n'est pas du tout la même chose (au contraire, l'hérésie visée ici est celle d'un patriarche de l'Eglise
[edit sur les dates que j'avais indiquées, ma recherche Google ayant confondu le Concile d'Ephèse et le brigandage du même lieu] ).
Que fera donc le chrétien catholique, si quelque parcelle de l'Église vient à se détacher de la communion de la foi universelle ? - Quel autre parti prendre, sinon de préférer, au membre gangrené et corrompu, la santé du corps tout entier ? 2. Et encore, si quelque contagion nouvelle s'efforce d'empoisonner, non plus seulement une petite partie de l'Église, mais l'Église tout entière à la fois ? — Dans ce cas aussi, son grand souci sera de s'attacher à l'antiquité, qui, évidemment, ne peut plus être séduite par une nouveauté mensongère, quelle qu'elle soit. 3. - Et si, dans l'antiquité même, une erreur se rencontre, qui soit celle de deux ou trois hommes, ou d'une ville, ou même d'une province ? - Alors, il aura grand soin de préférer, à la témérité ou à l'ignorance d'un petit nombre, les décrets (s'il en existe) d'un concile universel tenu anciennement de façon universelle. 4. - Et si quelque opinion vient enfin à surgir où ne se trouve rien de ce genre ? — Alors, il s'appliquera à consulter, à interroger, en les confrontant, les opinions des ancêtres, de ceux d'entre eux notamment qui, tout en vivant en des temps et des lieux différents, mais demeurés fermes dans la communion et dans la foi de l'unique Église catholique, y sont devenus des maîtres autorisés ; et tout ce qu'il saura avoir été soutenu, écrit et enseigné non pas par un ou deux, mais par tous ensemble, d'un seul et même accord, ouvertement, fréquemment, constamment, un catholique se rendra compte qu'il doit lui-même y adhérer sans hésitation.
La foi catholique, c'est avant tout le
témoignage des Apôtres - le terme revient suffisamment souvent dans le Nouveau Testament. La Révélation, la foi catholique sont attestées (et je pense que les Apôtres, par leur martyre, par la force de la religion qui s'en est suivie, ont démontré la vérité de ce témoignage, c'est à mes yeux ce qui différencie la religion chrétienne de toutes les autres religions ou philosophies), et l'autorité à qui a été confiée la succession apostolique est là pour
témoigner à son tour, et pas pour innover. L'autorité elle-même l'a suffisamment et régulièrement rappelé dans tous ses écrits, profession de foi du Concile de Trente, constitution Pastor Aeternus du Concile Vatican I, etc... (pour ne citer que 2 exemples à la fois assez récents et marquants... le témoignage des anciens conciles est encore plus flagrant à ce sujet).
Saint Vincent ne nie pas, bien au contraire, la possibilité de nouvelles formulations dogmatiques, mais toujours (l'expression est consacrée dans l'Eglise et encore plus importante que "ce qui a été cru partout toujours et par tous"):
à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c'est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée
(in eodem scilicet dogmate, eodem sensu, eademque sententia)
Là où je vous rejoins, c'est que l'autorité humaine à elle seule ne saurait s'ériger en oracle incontesté de la Vérité. C'est ce qui me gêne aussi bien chez une bonne partie des "traditionalistes" pour qui la vérité est ce qu'a dit l'autorité au XIXe Siècle, que chez beaucoup de modernistes "néo-conservateurs" qui ne jurent que par l'autorité soit-disant "vivante" (expression fourre-tout qui permet de faire avaler beaucoup d'innovations plus ou moins discutables) des 50 dernières années: l'autorité de référence (Vatican I et les papes pré-conciliaires dans un cas, Vatican II et les papes post-conciliaires dans l'autre), plutôt que de faire ce que propose Saint Vincent et de s'attacher à l'Antiquité, non pas tenter de recopier servilement les formes antiques sans en retrouver la signification, mais au contraire pour bien cerner ce qui constitue "le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée". C'est bien l'antiquité ET la tradition qui sont les critères pour identifier ce qui a proprement autorité parmi les textes très divers représentant ce qu'on a pris coutume de désigner sous le nom de "Magistère".
Au fond, l'ultramontanisme triomphant du XIXe qui croit que rien de ce que nous propose le Pape en matière de foi, discipline, discours, etc... (bien au-delà de ce qu'en a dit Vatican I) ne peut être mauvais (malgré les innombrables exemples historiques, et, pour ses représentants actuels, malgré la pagaille actuelle qui contredit, dans leur opinion même, cette croyance), et le modernisme qui préfère mettre une foi aveugle dans ce que lui suggère (plutôt qu'énonce clairement) le magistère "vivant" des évêques conciliaires, quitte à oublier commodément le magistère antérieur parce que les contradictions sont devenues trop flagrantes, ne sont que 2 faces d'une même erreur (et ce n'est pas un hasard si tous 2 sont nés de la Révolution française).
In Xto,
archi.