J’ai l’impression de revenir des mois en arrière comme si on abordait le sujet pour la première fois. Qui plus est, j’ai l’impression d’être en face de Dr Jekyll and Mister Hyde ?!
Cinci a écrit :Didyme a écrit :Posons la question autrement, considères-tu qu’il existe des personnes pour qui la conversion soit impossible ?
Oui
Je suis abasourdi. Je ne suis même pas sûr qu’une interprétation de ce que dit l’Eglise aille dans ce sens.
Il y a donc une double prédestination ? Il y a donc bien deux humanités visiblement.
Cinci a écrit :Didyme a écrit :Dieu ne sait-il pas comment orienter chaque personne vers le salut ?
Les personnes ont la capacité de refuser Dieu. Et la capacité de refus d’une personne ne met pas en cause la toute-puissance de Dieu. La chute des êtres ou leur damnation ne constitue pas un motif d’accusation à porter contre Dieu cf Dieu est impuissant, Dieu est responsable du malheur, Dieu devrait être capable d'empêcher le désastre.
D’une, tu ne réponds pas vraiment à la question ici.
De deux, oui les personnes ont la possibilité de refuser Dieu.
De trois, l’irrévocabilité du refus d’une personne pose la question de la suprématie, de la supériorité de l’amour, de la vérité sur le péché. Dire que l’attrait du péché peut au final être plus puissant que l’amour de Dieu, c’est poser à mon avis une limite à Dieu, une limite à sa puissance d’amour, de bonté, de justice, de vérité puisque cela ne vainc pas le péché en fin de compte. Je ne sais pas si tu parviens vraiment à saisir ce qui me gêne là-dedans. Je veux dire que si l’âme n’est pas désarmée, ne succombe pas à l’amour divin alors en plus de dire que l’attrait du péché met en défaut l’attrait de Dieu (
« Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 8 :28)), cela place la volonté de l’homme comme plus grande que celle de Dieu, dépassant son infinitude.
Pour finir, il n’y a en tout cas ici aucune accusation portée envers Dieu, moi je n’ai aucun souci avec la parabole du potier que tu as ignoré. Il y a juste que je cherche à comprendre une apparente ( ?) incohérence car on me dit tel chose d’un côté et son contraire de l’autre, il faut bien mettre de l’ordre dans tout ça. Avoir la foi, faire confiance en Dieu et à l’Eglise ne dispense pas de la raison et du sens, de la cohérence. On me dit que Dieu est Créateur d’un côté et on me dit des choses impliquant que Dieu ni ne connait ni n’est le fondement de la créature de l’autre. On me dit que seul Dieu est, que le mal n’est que l’absence de Dieu d’un côté et on fait du péché un contre-oméga (pour reprendre le terme de Jean Elluin) de l’autre, etc.
Je veux bien qu’il y ait des mystères mais je ne suis pas sûr qu’il soit normal qu’il y ait des incohérences, des paradoxes. Et si les paradoxes proviennent de moi alors je reste ouvert à la discussion, je pense qu’on ne peut pas me reprocher de ne pas discuter. Ce n’est pas que je ne cherche pas à comprendre c’est que je ne comprends simplement pas comment on peut tenir certaines positions.
Cinci a écrit :Il ne s’agit pas d’une liberté mais d’un esclavage. On parle de l’esclavage du péché. L’esclave préfère demeurer esclave et parce qu’il y trouve une relative sécurité pour sa personne. La liberté est trop coûteuse, la liberté impliquerait une mort à soi-même, une transformation du mode d’être, etc.
Non la mort à soi-même, c’est plutôt dévier de ce que nous sommes en tant que créature de Dieu, c’est ça qui transforme notre être. La conversion c’est se retrouver ou plutôt se trouver. Mais je comprends quand même ce que tu veux dire par là.
Après, oui j’imagine bien un entêtement mais ce qui pose problème c’est l’entêtement irrémédiable.
Cinci a écrit :Le jeune homme riche de l’évangile refuse de suivre Jésus.
Oui, et que dit le reste du passage ?
« Les disciples ayant entendu cela, furent très étonnés, et dirent : Qui peut donc être sauvé ? Jésus les regarda, et leur dit : Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible. » (Matthieu 19 :25-26)
A Dieu tout est possible, c’est Dieu qui sauve.
J’aurais envie de rapprocher ce passage de
« Jésus les ayant entendu, leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez et apprenez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.» (Matthieu 9 :12-13), « Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. » (Matthieu 18 :11)
Pourtant, à vous lire, j’ai l’impression que cela ne concerne pas ces personnes refusant Dieu ?! Mais c’est justement ce refus qui prouve qu’elles ont besoin d’un « médecin », elles sont en plein dedans, complètement concernés mais on voudrait considérer ces passages pour les biens portants, ceux qui se sont convertis. Mais non, ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades, ceux qui sont sous l’emprise du péché, emprise/maladie qui se manifeste par le rejet de Dieu. On me dira qu’il faut accepter d’être soigné, oui mais il s’agit ici non d’une maladie physique mais d’une maladie spirituelle dont la principale caractéristique est justement le refus ?! Il faut bien commencer à soigner. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, le bon chrétien s’il n’avait pas reçu un rayon de grâce pour se tourner vers Dieu mais s’il avait été abandonné à son péché, il y demeurerait, il n’en sortirait pas par lui-même. C’est Dieu qui sauve…
Et le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. Ceux qui refusent Dieu sont bien perdus, on est d’accord ? Il faut bien considérer ce que signifie ce terme de « perdu », car il n’y a pas plus perdu et pas plus besoin d’être sauvé que celui qui refuse Dieu. Tant qu’on est perdu on refuse Dieu, quand on se converti on a déjà commencé à être sauvé, Dieu a déjà commencé le traitement car la personne ne se serait pas converti sans l’action préalable du médecin divin. Par conséquent, ce sont bien ceux qui sont justement dans le refus qui ont besoin de l’action salvifique de Dieu, car sans elle pas de conversion possible. C’est Dieu qui sauve…
Cinci a écrit :L’esclave ne décide pas vraiment mais il subit. Il n’y a pas un accomplissement de la personne avec l’esclavage, mais une réduction du sujet, une sévère limitation, une dépersonnalisation. Voir le fils prodigue réduit à se nourrir de cosse que l’on ne donnerait même pas à des porcs.
Pourtant, vous faites du refus un accomplissement en l’y enfermant, en en faisant un absolu.
D’ailleurs, tu parles d’esclavage ici et à côté de ça, du « non » comme principe de liberté. En gros, tu me dis que la liberté implique le « non » et que ce « non » est l’absence de liberté ?! Je ne sais pas si tu perçois le paradoxe dans la phrase.
On le sait, si tu es esclave tu n’es pas libre. Comment donc peut-on faire du « non » un principe de liberté ? Le « non » n’est pas juste un choix neutre, le « non » à Dieu c’est le péché, le mal. Si tu n’es pas en Dieu alors tu es dans le péché, il n’y a pas de bien en-dehors de Dieu. Donc si en refusant Dieu tu es dans le péché, tu es donc esclave et si en étant esclave tu n’es pas libre alors par voie de conséquence, ce fameux « non » ne peut être considéré comme un choix libre ni comme un principe de liberté.
Cinci a écrit :Respecter ? On reconnaît la situation.
D’après l’enseignement de l’Eglise, la responsabilité personnelle demeure même dans le cadre du péché. C’est la personne qui consent à pécher. Et personne ne voudrait valoriser ensuite le fait de « consentir au péché, de s’y tenir et de s’y enchaîner ». Personne ne respecte un tel état de fait comme si ce devait être un accomplissement magnifique ! Il y a seulement que la réalité est ce qu’elle est en bout de ligne.
Oui c’est la personne qui consent au péché. Mais ce n’est pas parce qu’elle y consent qu’elle n’est pas égarée. Le problème reste toujours et encore le même en fait, celle de faire de la personne le péché. Mais cette position est pour moi intenable.
Cinci a écrit :Il y a le mystère d’iniquité, comme disait l’apôtre. Ultimement, c’est à cela que je me réfère. Il n’y a pas d’explication cohérente, logique, mais alors rien pour expliquer le pourquoi du mal. Le comportement de Lucifer est un comportement irrationnel pour commencer. C’est tel un comportement de fou. Il n’y a pas d’obligation. Il n’y a pas de nécessité à ce que Lucifer se comportasse comme un fou.
Peut-être quand même un début d’explication dans la condition de créature, de finitude, de n’être pas Dieu (comme dit dans le fil « sur l’origine du mal ») qui rend le péché inéluctable.
Cinci a écrit :Ce n’est pas Dieu qui fabrique un système et dans lequel il y faut joindre une certaine dose de mal afin de produire des fruits magnifiques au bout. Dans un tel système, le mal serait une nécessité, une pièce indispensable au bon fonctionnement de la machine. Le mal y serait un élément logique, le mal n’y serait pas du mal en réalité. Non, ce serait juste l’étape qu’il fallait pour assurer la transition entre ceci et cela. Or il ne saurait être question de cela dans la création de Dieu. Parce que le mal ne vient pas de Dieu, parce que Dieu n’a pas de complicité avec le mal.
Le mal provient du comportement de la créature et qui décide de se fermer à Dieu. La créature fait serment de ne jamais se rendre aux raisons de Dieu, refuse de marcher selon sa volonté.
Il n’y a pas de nécessité à ce que la créature opte pour ce refus.
Non mais moi je suis d’accord et c’est bien ce que je dis, le péché n’est pas une nécessité. Mais je te rappelle quand même que c’est toi et ceux qui pensent ainsi qui faites du péché une nécessité. Vous me dites que la « liberté » implique de pouvoir dire non, vous faites de ce non une nécessité à la « liberté ». Je te rappelle aussi que « non » c’est le péché, c’est le mal, ce n’est pas juste un choix neutre. Vous faites du « non », du péché l’égal du oui, de la vérité. Mais tout ça, je l’ai déjà développé dans les liens que je t’ai donnés et que je me demande si tu les as lus.
Tu dis que le mal, le péché n’est pas une nécessité mais je crois qu’en fait tu ne te rends simplement pas compte que ton système de pensée produit l’inverse, implique ce que tu condamne ( ?!).
Par ailleurs, j’aurais quand même aimé savoir comment tu appréhendes la parabole du potier.
De même, que penses-tu de ce passage :
« Vois ! Je suis Dieu. Vois ! Je suis en toute chose. Vois ! Je fais toute chose ! Vois ! Je ne retire jamais ma main de mes œuvres, et jamais je ne la retirerai dans les siècles des siècles. Vois ! Je conduis toute chose à la fin que je lui ai assignée de toute éternité, avec la même puissance, la même sagesse, le même amour que lorsque je l’ai créée. Comment pourrait-il se faire qu’aucune soit mauvaise ? »