Le célibat ecclésiastique

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Pierre Carhaix
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Pierre Carhaix » dim. 19 mars 2017, 1:22

Héraclius a écrit :
sam. 18 mars 2017, 23:35
Les catholiques des rites orientaux sont aussi catho que vous et moi cher Pierre. Rien à voir avec une autre confession ! ;)
Imaginez que vous ayez un ami, appelons le Bruno, qui passerait son temps à imiter tout le monde car toujours mal satisfait de lui-même, disant : je n'aime pas mon style de vêtement, je vais m'habiller comme Pierre, il est génial, Pierre. J'aime pas ma coiffure, tiens je vais me teindre les cheveux de la même couleur qu'Henri, et me les arranger comme lui, il est génial, Henri. J'aime pas ma voix, je vais essayer de parler comme Paul, prendre son timbre et ses intonations. J'aime pas ma façon de marcher, ni ma gestuelle, je vais essayer de faire comme Jacques, et imiter sa posture. J'aime pas ma corpulence, trop petit, pas assez baraqué, je vais essayer d'être aussi grand et fort que Fernand, je vais faire de la musculation, manger comme un boeuf, marcher dans la rue en me grandissant un maximum, pour qu'on me prenne pour Fernand. Etc.

Que finirez vous par dire à Bruno ?

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archi
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par archi » dim. 19 mars 2017, 10:00

Bonjour à tous.

La comparaison avec ce que font les autres Eglises chrétiennes - même séparées! - ne consiste pas à savoir si on doit préférer telle tradition à telle autre. Il s'agit d'attester de ce qui a été fait dans l'Eglise depuis l'Antiquité, donc d'identifier "ce qui a été fait toujours, partout et par tous", c'est-à-dire la Tradition avec un grand T, ce qui a été transmis par les Apôtres sous forme de tradition non écrite et qui concerne principalement tout l'aspect rituel du christianisme. Sachant que si une tradition donnée diffère des autres en la matière, il peut s'agir soit d'une tradition particulière légitime (exemple classique et ancien: les différentes coutumes sur le calcul de la date de Pâques, ayant donné lieu à un débat parfois virulent et finalement tranché au Concile de Nicée), soit d'une déviation. La difficulté étant alors de savoir identifier de quoi il s'agit.

Il faut rappeler l'importance de la Tradition Apostolique:
Ainsi donc, frères, tenez bon, et gardez ferme les traditions que nous vous avons enseignées, soit de vive voix, soit par lettre.
(2Th2,15)
Je constate soit dit en passant que toutes les Eglises séparées (byzantine, "monophysite", "nestorienne" - je mets des guillemets parce qu'il est maintenant reconnu qu'aucune de ces 2 communions ne prêche réellement l'hérésie qui a occasionné leur séparation) se caractérisent par un respect des canons sacrés et des livres liturgiques - avec dans les pires des cas un oubli de certaines traditions qui subsistent néanmoins dans les livres sacrés - beaucoup plus que l'Eglise romaine qui est beaucoup plus évolutive, avec un droit canon changeant (là où les 1eres ont conservé tous les canons de l'Antiquité, l'Eglise latine a déjà réécrit 3 fois son corpus canonique), ses usages liturgiques (les changements majeurs en Occident n'ont pas commencé à Vatican II... qu'on pense à la communion sous une seule espèce, la quasi-disparition du diaconat avant que Vatican II ne le remette au goût du jour, la liturgie "récitée", l'âge de la Confirmation qui se décale toujours plus dans le temps, etc...).

(Soit dit en passant, je regrette que quand les catholiques évoquent les traditions orientales à titre comparatif, ils assimilent généralement les Eglises orientales aux Eglises de tradition byzantine, orthodoxes ou catholiques, en négligeant totalement les "monophysites" et les "nestoriens", bref les coptes, les éthiopiens, les syriaques, les arméniens et les assyro-chaldéens).

Bref, le critère, formalisé par écrit par St Vincent de Lérins, et rappelé encore dans des textes récents du Magistère romain, est celui de l'unanimité des traditions qui permet de remonter à la Tradition apostolique.

In Xto,
archi

(J'essaierai de synthétiser ce que je pense sur la question de l'ordination d'hommes mariés et de son éventuelle réintroduction dans l'Eglise latine... si je trouve le temps, parce qu'il y a beaucoup à dire).
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
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Pierre Carhaix
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Pierre Carhaix » dim. 19 mars 2017, 15:24

Et ça continue... La Tradition avec un grand T, ou le fantasme de l'orientalisme qui ronge l'Occident, particulièrement depuis le 19ème siècle. Voir la vie de René Guénon et sa recherche éperdue de la Tradition Primordiale, qui a fini par le mener au soufisme.

Alors que le Christ n'est pas essentiellement venu pour instituer une Tradition avec un grand T à conserver en l'état sans aucune "déviation".

Pourquoi ne pas faire confiance en l'Église latine, et se contenter de ce qu'elle nous a transmis ? La Tradition est "déviante" dès l'évangile. La "déviance" se poursuit au concile d'Antioche. Et puis ça continue à mesure que les apôtres s'ancrent localement, à Rome ou en Asie.

L'Église latine romaine a son identité à elle. Elle n'est pas moins légitime qu'une autre.

Et si elle est illégitime, dans ce cas je vous invite à poursuivre votre logique, rejoignez donc les monophysites, nestoriens, coptes, byzantins, ou fondez une secte Traditionnelle avec un grand T, et laissez donc tranquille l'Église catholique.

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Héraclius » dim. 19 mars 2017, 15:36

Mais personne ne dit cela, rhô. Dire que le célibat écclésiastique latin n'est pas un dogme, citant à l'appui l'existence d'autres traditions, ce n'est ni le rabaisser ni appeller à sa fin !
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par archi » dim. 19 mars 2017, 20:24

Pierre Carhaix a écrit :
dim. 19 mars 2017, 15:24
Et ça continue... La Tradition avec un grand T, ou le fantasme de l'orientalisme qui ronge l'Occident, particulièrement depuis le 19ème siècle. Voir la vie de René Guénon et sa recherche éperdue de la Tradition Primordiale, qui a fini par le mener au soufisme.
:roule:

On dit classiquement que la Révélation Chrétienne est composée de l'Ecriture (ce qui nous a été légué sous forme écrite: les 2 Testaments) et de la Tradition (ce qui nous a été transmis sous forme orale ou - principalement - rituelle). "Tradition" que l'on écrit avec un grand "T" d'une part en raison de son caractère sacré, d'autre part pour la distinguer des traditions avec un petit "t" qui ont été ajoutées ultérieurement (l'articulation entre Tradition et traditions étant d'ailleurs une question assez complexe).

Guénon et son concept de "Tradition Primordiale" n'ont rien à faire là-dedans. Vous n'avez apparemment jamais entendu le terme de "Tradition" dans un autre contexte que celui-ci... Peut-être devriez-vous vous attacher à approfondir votre foi chrétienne? (Parce que là, on est dans les bases)...

In Xto,
archi.
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Pierre Carhaix » dim. 19 mars 2017, 21:50

archi a écrit :
dim. 19 mars 2017, 20:24
Pierre Carhaix a écrit :
dim. 19 mars 2017, 15:24
Et ça continue... La Tradition avec un grand T, ou le fantasme de l'orientalisme qui ronge l'Occident, particulièrement depuis le 19ème siècle. Voir la vie de René Guénon et sa recherche éperdue de la Tradition Primordiale, qui a fini par le mener au soufisme.
:roule:

On dit classiquement que la Révélation Chrétienne est composée de l'Ecriture (ce qui nous a été légué sous forme écrite: les 2 Testaments) et de la Tradition (ce qui nous a été transmis sous forme orale ou - principalement - rituelle). "Tradition" que l'on écrit avec un grand "T" d'une part en raison de son caractère sacré, d'autre part pour la distinguer des traditions avec un petit "t" qui ont été ajoutées ultérieurement (l'articulation entre Tradition et traditions étant d'ailleurs une question assez complexe).

Guénon et son concept de "Tradition Primordiale" n'ont rien à faire là-dedans. Vous n'avez apparemment jamais entendu le terme de "Tradition" dans un autre contexte que celui-ci... Peut-être devriez-vous vous attacher à approfondir votre foi chrétienne? (Parce que là, on est dans les bases)...

In Xto,
archi.
Merci pour la leçon mais je suis au courant de l'existence de la tradition dont est dépositaire l'Église, qui s'exprime sous l'inspiration du Saint-Esprit depuis la Pentecôte, et se diffuse par l'enseignement de l'Église au cours de son histoire, principalement par les Pères de l'Église, le catéchisme, le Dogme, le magistère, la liturgie, le droit canon, les écrits des papes successifs et les conciles.

Et c'est justement pour ça que je trouve bizarre d'aller chercher dans des traditions séparées des arguments pour remettre en cause tout ce dépôt dont l'Église a la garde, consistant à dire que finalement l'Église aurait erré, et fait n'importe quoi pendant des siècles, et qu'on va la remettre dans le droit chemin grâce à des trucs qu'on a "redécouverts" chez les nestoriens et les monophysites.

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par archi » dim. 19 mars 2017, 22:28

Sur la question du célibat/continence ecclésiastique, il me semble qu'on peut dire ceci:
- tout d'abord, personne ne prétend sérieusement que le célibat compris comme l'interdiction d'ordonner des hommes mariés soit d'origine apostolique. Saint Pierre était marié, une quantité innombrable de Saints ont été fils d'ecclésiastiques, certains papes également, et certains ont eu des fils...
De même, il semblerait qu'il n'existe dans l'Eglise latine, même aujourd'hui, aucun canon qui proscrive l'ordination d'hommes mariés (que ce soit dans les anciens Conciles, les décrets de Gratien, le CIC de 1917 ou celui de 1983). Je peux me tromper là-dessus, mais j'ai l'impression qu'un évêque qui déciderait unilatéralement d'ordonner un homme marié (avec une épouse vivante, puisqu'on a déjà des cas d'époux pères de famille ordonnés après veuvage - je pense par exemple au P. Yannick Bonnet) sous réserve de séparation du mariage n'enfreindrait aucune règle canonique.

Le problème est donc bien la continence, soit temporaire dans des cas comme celui exposé par Altior ci-dessus (Eglises orientales), soit permanente selon les canons occidentaux (décrétales du Pape Sirice, conciles d'Elvire et de Carthage, puis plus tard Conciles du Latran... jusqu'au code de droit canonique actuel), mais aussi la cohabitation entre clercs mariés et leur épouse: peuvent-ils vivre comme frère et soeur ou doivent-ils complètement se séparer, comme s'ils n'étaient pas mariés?

La question est de savoir quelle est la Tradition léguée par les Apôtres, et si les normes canoniques apparues à partir du IVe Siècle réflètent celle-ci (comme plusieurs normes contradictoires le revendiquent) et ont donc quelque chose d'essentiel, ou si elles ne représentent que des traditions (avec un petit "t") locales, pas forcément fidèles à la Tradition avec un grand T. De tout ce que j'ai vu, la question est très disputée et ne permet pas de conclure avec certitude. Il me semble qu'il y a quand même pour l'essentiel 4 positions sur lesquelles je me permettrai de donner mes remarques personnelles:

1/ On peut considérer que du temps des Apôtres et de l'Eglise antique, au moment de leur ordination, les prêtres devaient se séparer de leur épouse, leur office itinérant et la fonction sacerdotale même étant incompatibles avec la continuation de la vie conjugale, assimilée purement et simplement à de l'impureté rituelle. Certains veulent ainsi que ceux des Apôtres qui étaient mariés, dans leur mission apostolique, aient quitté leurs épouses.

Ce point de vue extrême se heurte à pas mal d'objections, dont une est scripturaire, puisqu'il s'agit de la 1re Epitre aux Corinthiens (texte que je n'ai pas vu mentionné jusqu'ici dans la discussion, sauf erreur):
N’aurions-nous pas le droit d’emmener avec nous une femme croyante, comme les autres apôtres, les frères du Seigneur et Pierre ?
(1Co 9:5, traduction AELF)
Le terme de "femme croyante" ou de "soeur" selon les traductions, a naturellement fait l'objet d'interprétations variées, d'autant que l'auteur de l'Epître (St Paul) était célibataire, mais à la base il est pour le moins incongru - pour ne pas dire blasphématoire - de penser qu'un Apôtre marié devrait se séparer complètement de sa femme mais pourrait emmener une "soeur" autre que son épouse pour l'accompagner.

2/ Une autre position consiste à dire qu'anciennement, l'ordinand devait renoncer à tout commerce charnel avec son épouse et vivre avec elle comme frère et soeur (mais pas forcément s'en séparer), celui qui s'approche de l'autel devant être pur de toute souillure charnelle qui survient même dans les rapports sexuels licites. C'est en gros la tradition occidentale attestée par écrit à partir du Concile d'Elvire et des décrétales du Pape Sirice. Le Pape Léon le Grand est peut-être celui qui a décrit le plus clairement ce point de vue:
Afin que de charnelle leur union devienne spirituelle, il faut que, sans renvoyer leur épouse, ils vivent avec elle comme s’ils n’en avaient pas, de telle sorte que soit sauf l’amour conjugal et que cesse l’activité nuptiale
.

Cette position a été ravivée au XIe Siècle lors de ce qu'on a appelé la "Réforme grégorienne", non sans un glissement à ce qu'il me semble vers la position précédente puisque tout mariage entre clercs a été assimilé à un mariage illlicite et à un concubinage, sans que la question de savoir si le mariage était licite, ou si les époux devaient cohabiter comme frères et soeurs tout en devant s'abstenir de rapports conjugaux, n'apparaisse.

Le principal problème de cette façon de voir les choses, c'est qu'aucune Eglise orientale ne pratique une telle discipline (continence permanente). La réaction habituelle en Occident est de considérer que toutes ces Eglises orientales, avec leur caractère schismatique (ou Eglises catholiques issues d'une Eglise schismatique et revenues à la communion romaine) ont dévié de la tradition originelle. Ce qui me paraît difficilement défendable:
- d'une part, on dit souvent que l'exception orientale vient du Concile "In Trullo" (VIIe Siècle) qui a défini la discipline Orthodoxe (byzantine) actuelle. Outre que ce Concile est antérieur au schisme, que ses canons aient été approuvés par le Pape (et donc parfaitement catholiques), et qu'il indique bien qu'il ne fait en la matière que reprendre la tradition léguée, il reste que ce Concile est postérieur à la rupture avec les Eglises "nestoriennes" ou "monophysites". Si tel est le cas, quand ces 2 communions (la 2e comprenant au départ 3 Eglises pratiquement indépendantes les unes des autres, avec leurs disciplines propres - cf par exemple les spécificités de la liturgie arménienne) auraient-elles abandonné l'ancienne discipline? Je n'ai jamais vu aucun indice en ce sens.

3/ On peut considérer comme notre ami Altior le fait plus haut, que les canons des Eglises orientales qui prescrivent la continence temporaire partent du même principe que le précédent, mais en limitant le devoir de continence à une période donnée avant la célébration.
Ce point de vue a l'avantage d'accorder les disciplines orientales et occidentale, et de les rattacher toutes deux à la discipline imposée aux Lévites dans l'Ancien Testament, lorsqu'ils officiaient dans le Temple.

4/ Un dernier point de vue considère que la vision du sacerdoce chrétien comme une continuation, en plus parfait, du sacerdoce du Temple dans l'Ancien Testament, est une évolution qui s'est produit dans les premiers temps de l'Eglise qui s'oppose pas à ce qu'elle était à l'origine, où l'on recherchait une rupture avec le Temple. Ce point de vue est par exemple exposé dans ce texte, par ailleurs très complet sur la question qui nous intéresse ici:
http://www.dieumaintenant.com/auxoriginesducelibat.html
Il y a d’abord la resacralisation des responsables chrétiens. Dans les deux premiers siècles on évitait tout ce qui ferait d’eux des « prêtres » au sens du mot latin sacerdos ou du mot grec hiereus, c’est-à-dire des opérateurs attitrés du sacré, par lesquels il faut passer pour présenter une offrande à la divinité. Le vocabulaire proprement sacerdotal était évité pour eux, il était réservé au seul Christ, et par extension à la communauté des fidèles, corps du Christ, mais les responsables étaient (en grec) dénommés episcopoi, c’est-à-dire des veilleurs ou superviseurs, ou presbuteroi, c’est-à-dire des « anciens », membres d’un conseil gérant une communauté. Si, très vite (au 2ème siècle), on voit qu’un seul prononce les paroles de la grande prière eucharistique, c’est à titre de président (proéstôs dans le grec de saint Justin) de l’assemblée. J’ai retracé ailleurs (5)l’évolution qui a peu à peu abouti à ce que le vocabulaire sacerdotal soit utilisé, d’abord pour les seuls évêques au 3ème siècle et pendant la plus grande partie du 4ème, ensuite, précisément autour de 400, pour tous les prêtres. Dès lors les prêtres et les évêques de l’Église pouvaient être considérés d’après le modèle des prêtres juifs, ce que le Nouveau Testament avait soigneusement évité. De ce fait, alors que la sainteté chrétienne refuse les tabous qu’on trouve ici ou là dans la religion païenne ou dans le judaïsme (Jésus abolit les interdits alimentaires), il y a une résurgence au moins partielle de ce que j’ai appelé le sacré de tabou(6) qui isole une sphère sacrée interdite au profane et aux activités ordinaires. La sexualité la plus légitime se met à souiller le sacré.
Ce point de vue, court le risque de conduire à recréer une "Eglise primitive" imaginaire, sur la base d'une interprétation jamais définitive d'un petit nombre d'écrits. L'assimilation du sacerdoce ordonné chrétien comme continuation du sacerdoce du Temple, avec l'équivalence Lévites-Diacres et Cohens-Prêtres, est d'ailleurs apparue très tôt dans la littérature chrétienne.

Par ailleurs, on peut reprendre le raisonnement en sens inverse et considérer que le Corps du Christ tout entier, donc y compris les simples fidèles, sont appelés à la même continence, au moins avant la célébration des Mystères pour ceux qui n'ont pas choisi l'état angélique du célibat permanent. On retrouve alors le cas 3/. C'est d'ailleurs toujours ce que prescrivent les canons orthodoxes (byzantins), au moins, et c'est à mon sens la façon la plus solide de rendre compte du donné révélé et transmis.

Bref, vous l'aurez compris, je pense que la position 3/ est la plus étayée. La position 2/ a quand même l'avantage de représenter la tradition occidentale.

Au départ de cette discussion, il y avait la volonté affichée du Pape François d'ouvrir la voie à l'ordination de viri probati. Je suis loin d'être un inconditionnel de ce Pape, mais franchement, je ne pense pas que nous devions craindre une telle évolution. La constatation que dans certaines parties de l'Eglise, les diacres ordonnés pullulent sans qu'on trouve de prêtre, devrait quand même donner à réfléchir, d'autant que l'ordination de "viri probati" n'est nullement incompatible avec la position dogmatique n° 2/. A contrario, la position 3 a déjà été battue en brèche par la discipline actuelle sur les diacres mariés, à qui on n'a demandé aucun voeu de continence lors de leur ordination (malgré le droit canon qui l'impose). A mon sens, il serait plus facile de l'imposer à des hommes d'un certain âge ayant vécu suffisamment longtemps dans le mariage, et ça pourrait être là l'occasion de rétablir une certaine discipline, si ceux qui y sont attachés savaient profiter de l'occasion plutôt que de rester dans un conservatisme trop strict qui ne se voudrait pas fidèle aux données les plus sûres de la Révélation, mais simplement au statu quo (quel qu'il soit).

Après, on peut débattre d'une continence temporaire plutôt que perpétuelle. On sortirait de la tradition occidentale, et cela supposerait une autre organisation ecclésiale où ces nouveaux prêtres ne célébreraient pas quotidiennement, contrairement à la coutume occidentale (qui n'est vraiment apparue qu'au XVe Siècle). En même temps, ça serait peut-être l'occasion de remettre la plénitude de la tradition liturgique - c'est-à-dire, l'Office Divin chanté en commun, tellement oublié dans une grande partie de l'Eglise - au goût du jour.

In Xto,
archi.
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Toto » dim. 19 mars 2017, 23:16

archi a écrit :
dim. 19 mars 2017, 22:28
De même, il semblerait qu'il n'existe dans l'Eglise latine, même aujourd'hui, aucun canon qui proscrive l'ordination d'hommes mariés (que ce soit dans les anciens Conciles, les décrets de Gratien, le CIC de 1917 ou celui de 1983). Je peux me tromper là-dessus, mais j'ai l'impression qu'un évêque qui déciderait unilatéralement d'ordonner un homme marié (avec une épouse vivante, puisqu'on a déjà des cas d'époux pères de famille ordonnés après veuvage - je pense par exemple au P. Yannick Bonnet) sous réserve de séparation du mariage n'enfreindrait aucune règle canonique.
Bonjour! J'objecte, cf. canons 1041 et 1042 du CIC 1983 (je n'ai pas regardé dans le code de 1917, mais cela m'étonnerait fort que ce n'y soit pas.
archi a écrit :
dim. 19 mars 2017, 22:28
Le principal problème de cette façon [...] auraient-elles abandonné l'ancienne discipline? Je n'ai jamais vu aucun indice en ce sens.
J'objecte! Le concile d'Elvire et les décrétales de saint Sirice dataient bien d'avant le schisme des églises nestoriennes des deux conciles. Donc la promulgation de la continence (de manière absolue ; dans aucun ce des textes, ni d'ailleurs dans des textes analogues du IVe siècle, on ne fait allusion à une continence seulement temporaire) date d'avant le schisme ; ce qui veut dire que, ou les églises susdites n'avaient pas appliqué les prescription, ou alors avec leur histoire troublée, les ont appliquées puis les ont abandonné.

Mais s'il est toujours bon de se référer à l'antique Tradition des premiers temps, on peut se référer aussi à l'histoire plus récente de l'Eglise ; et là, j'aimerais bien qu'on m'explique précisément en quoi un texte de moins de 50 ans, faut-il le rappeler, Sacerdotalis Coelibatus, écrit par Saint Paul VI, ne serait plus d'actualité, périmé, sujet à changement? On peut aussi raisonner in abstracto ; pourquoi veut-on à tout prix que les prêtres puissent être mariés et avoir des relations sexuelles? Qu'est-ce que cela apporte? Est-ce que cela est souhaitable? La réponse là-dessus est que cela n'apporte rien à part de la confusion et de l'eau au moulin des modernistes et des francs-maçons, et que ce n'est absolument pas souhaitable.

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Mac » lun. 20 mars 2017, 13:42

Bonjour :)
archi a écrit :
dim. 19 mars 2017, 22:28
1/ On peut considérer que du temps des Apôtres et de l'Eglise antique, au moment de leur ordination, les prêtres devaient se séparer de leur épouse, leur office itinérant et la fonction sacerdotale même étant incompatibles avec la continuation de la vie conjugale, assimilée purement et simplement à de l'impureté rituelle. Certains veulent ainsi que ceux des Apôtres qui étaient mariés, dans leur mission apostolique, aient quitté leurs épouses.
Mais Zacharie est prêtre (de DIEU) et DIEU ne parle pas d'impureté rituelle mais lui donne d'être le père du grand prophète Saint Jean le Baptiste. En quoi Zacharie aurait-il été impur avec sa femme Elisabeth alors qu'ils n'ont pas péché :?:

Fraternellement :coeur:

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Pierre Carhaix » lun. 20 mars 2017, 15:28

Mac a écrit :
lun. 20 mars 2017, 13:42
Bonjour :)
archi a écrit :
dim. 19 mars 2017, 22:28
1/ On peut considérer que du temps des Apôtres et de l'Eglise antique, au moment de leur ordination, les prêtres devaient se séparer de leur épouse, leur office itinérant et la fonction sacerdotale même étant incompatibles avec la continuation de la vie conjugale, assimilée purement et simplement à de l'impureté rituelle. Certains veulent ainsi que ceux des Apôtres qui étaient mariés, dans leur mission apostolique, aient quitté leurs épouses.
Mais Zacharie est prêtre (de DIEU) et DIEU ne parle pas d'impureté rituelle mais lui donne d'être le père du grand prophète Saint Jean le Baptiste. En quoi Zacharie aurait-il été impur avec sa femme Elisabeth alors qu'ils n'ont pas péché :?:

Fraternellement :coeur:
Il y a justement des rites de purification dans l'ancienne Loi, avant d'approcher l'autel du Temple. S'il y a purification, c'est qu'il y a bien impureté dans la loi mosaïque. Mais ce sont des notions, pureté et impureté, qui n'ont plus court sous la nouvelle alliance, et qui sont remplacées par la chasteté.
Bien sûr vous êtes libre de ne pas reconnaître la nouvelle alliance, mais ce n'est pas ce que fait l'Église depuis 2000 ans. Et nous discutons de l'Église, sur ce fil.

Mac
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Mac » lun. 20 mars 2017, 17:12

Pierre Carhaix a écrit :
lun. 20 mars 2017, 15:28

Il y a justement des rites de purification dans l'ancienne Loi, avant d'approcher l'autel du Temple. S'il y a purification, c'est qu'il y a bien impureté dans la loi mosaïque. Mais ce sont des notions, pureté et impureté, qui n'ont plus court sous la nouvelle alliance, et qui sont remplacées par la chasteté.
Parce que pour vous Jésus a aboli la loi?
Et en quoi avoir des relations avec votre femme légitime vous rend impur?? Pourriez-vous éclaircir ce point?

L'homme quittera on père et sa mère pour s'attacher à sa femme selon DIEU mais apparement pour vous c'est impur! Permettez que je ne saisisse pas la cohérence de votre affaire!

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Cinci » lun. 20 mars 2017, 18:29

Mac,

Il est simplement fait allusion à une particularité de la religion des hébreux dans l'Antiquité. Ainsi, les individus mariés qui appartenaient à la classe sacerdotale et qui devaient effectuer un temps de service au Temple de Jérusalem, comme Zacharie dans l'Évangile, devaient également se séparer de leur épouse le temps où ils officiaient, par conséquent ils devaient pratiquer une continence totale pendant un mois si le service durait un mois. Et puis c'est tout.

Les pratiques de pureté rituelle et légale de la religion de Moïse ne sont que les pratiques de la religion de Moïse. Elles n'ont rien à voir essentiellement ou intrinsèquement avec les coutumes qui sont celles de l'Église catholique bien entendu.

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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par axou » lun. 20 mars 2017, 18:45

Toto a écrit :
dim. 19 mars 2017, 23:16
et là, j'aimerais bien qu'on m'explique précisément en quoi un texte de moins de 50 ans, faut-il le rappeler, Sacerdotalis Coelibatus, écrit par Saint Paul VI, ne serait plus d'actualité, périmé, sujet à changement? On peut aussi raisonner in abstracto ; pourquoi veut-on à tout prix que les prêtres puissent être mariés et avoir des relations sexuelles? Qu'est-ce que cela apporte? Est-ce que cela est souhaitable? La réponse là-dessus est que cela n'apporte rien à part de la confusion et de l'eau au moulin des modernistes et des francs-maçons, et que ce n'est absolument pas souhaitable.
Mais ce n'est pas du tout cela : le Pape propose l'ordination de viri probati pour répondre à des pénuries LOCALES de prêtres dans des "régions reculées". C'est une proposition pragmatique pour répondre à un besoin précis. Il précise dans l'interview au journal allemand Die Zeit que "l'ordination d'hommes célibataires n'est pas dogmatique". Donc que l'Eglise possède toute latitude pour engager un changement de cap. Ce que cela apporte ? Et bien des prêtres là ou il n'y en a plus.
Je ne pense pas qu'il faille compliquer la question.

Bien à vous,

Axou

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Marc Oh
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Marc Oh » lun. 20 mars 2017, 18:59

Mac a écrit :
lun. 20 mars 2017, 17:12
Pierre Carhaix a écrit :
lun. 20 mars 2017, 15:28

Il y a justement des rites de purification dans l'ancienne Loi, avant d'approcher l'autel du Temple. S'il y a purification, c'est qu'il y a bien impureté dans la loi mosaïque. Mais ce sont des notions, pureté et impureté, qui n'ont plus court sous la nouvelle alliance, et qui sont remplacées par la chasteté.
Parce que pour vous Jésus a aboli la loi?
Et en quoi avoir des relations avec votre femme légitime vous rend impur?? Pourriez-vous éclaircir ce point?

L'homme quittera on père et sa mère pour s'attacher à sa femme selon DIEU mais apparement pour vous c'est impur! Permettez que je ne saisisse pas la cohérence de votre affaire!
bonjour à vous, c'est une question qu'il faudrait pauser à un rabbin, ou à un prêtre, d'avant la destruction du Temple! La tradition judaïque s'est perdu pour le culte du Temple. On ne peu ignoré qu'il y a une certaine continuité entre judaïsme et christianisme. Un autel sert au sacrifice et si nous regardons il y a énormément de rites conservés et quelques "innovations" qui accomplissent la Loi.
CF
LES RACINES JUIVES DE LA MESSE - Jean-Baptiste Nadler
http://www.laprocure.com/racines-juives ... 94628.html en court
https://youtu.be/JZ60E4vC548 en plus long par l'auteur
https://youtu.be/0H7GrDbTelc en en 30 min par le même

fraternellement
Marc
Marc Oh!
"... sans l'amour je ne suis rien..."

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Pierre Carhaix
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Re: Le célibat ecclésiastique

Message non lu par Pierre Carhaix » lun. 20 mars 2017, 19:18

Pour revenir au sujet, et l'aborder sous un autre angle, ne croyez-vous pas que la crise des vocations a quelque chose à voir avec un phénomène plus large qui touche le modèle de vie occidental depuis 1945, qui se manifeste, bien sûr dans la chute des vocations religieuses (pas seulement des séminaires, mais aussi des noviciats), mais également le déclin des engagements dans le mariage, le declin démographique dans toute l'Europe, surtout latine, et l'instabilité sociale, notamment celle de l'emploi, l'instabilité des unions, avec le développement des familles monoparentales, voire recomposées ?

Ne croyez vous pas que l'on puisse étendre notre analyse à l'évolution des phénomènes de société pour comprendre ce qui se passe, en cerner notamment les causes, plutôt que se focaliser sur un phénomène aussi isolé que la chute du nombre de candidats dans les séminaires ?

Encore une fois, n'est-ce pas aberrant de présenter le mariage comme la panacée si l'on sait par ailleurs que le problème en amont, pour le moment non défini, entraîne une pénurie des mariages à l'échelle de la société entière, et que par conséquent la cause de cette crise n'est ni le mariage ni le célibat, mais bien autre chose de plus profond, bien en amont ?

Ne confondons nous pas la cause et les effets ? Guérit-on la maladie en agissant uniquement sur les effets ?

Si quelqu'un a la fièvre, par exemple, croit on le guérir en lui faisant faire une grande promenade, histoire de lui faire prendre le frais ?

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