Cet "abandon" du jeûne est surprenant dans l'église catholique qui était réputée pour ses pratiques d'ascèse en d'autres temps.
Cet abandon s'est hélas fait très graduellement. On est passé d'une église latine qui commandait à ses fidèles :
1) En matière de jeûne, de ne prendre qu'un repas par jour, le soir, étant entendu que l'eau (et toute boisson) rompait le jeûne (donc, rien de rien dans l'estomac jusqu'au soir !)
2) En matière d'abstinence : pas de viande, ni de produits d'origine animale (lait, beurre, yaourt, fromage, etc...) (j'ai un doute pour le poisson, qui est interdit chez les orthodoxes. Quant à l'huile, je ne sais pas si elle était totalement interdite, ou seulement en semaine, comme chez les orthodoxes, mais dans tous les cas, on en consommait très peu en carême.)
... au délaissement progressif de toutes ces pratiques ascétiques. Déjà saint Thomas, dans la Somme théologique, estime que l'eau ne rompt pas le jeûne et, si mes souvenirs sont bons, qu'il faut jeûne jusqu'à none (15H00). Mais progressivement, de none, on est passé à un jeûne seulement jusqu'à midi. De plus, depuis déjà bien longtemps, une collation est admise en plus du repas principal. Quant aux produits laitiers, ils ont été autorisés il y a déjà plusieurs siècles, je crois (Dom Guéranger nous explique que la coutume en France a tenu bon jusqu'au 17ème siècle, pour finir par relâcher l'austérité du carême.) Et à présent, il n'y a tout simplement plus de carême du tout, soyons honnêtes ! Je me suis toujours demandée avec une grande perplexité et une certaine tristesse pourquoi l'Eglise latine a cédé peu à peu au relâchement ambiant. Le résultat, c'est que tandis que les orthodoxes et gréco-catholiques ont quatre solides et ascétiques carêmes par an, nous n'avons plus rien. (Et même si les orthodoxes ne jeûnent pas tous strictement -cela dépend des milieux et des pays - au moins, ils peuvent facilement se renseigner sur les pratiques de carême, car le clergé et les monastères maintiennent les règles traditionnelles, tandis que chez nous, le carême se perd, ou du moins se relâche, même chez les traditionalistes et peu de monde connaît bien les règles en matière de jeûne et d'abstinence.) Ce qui est frappant, c'est de voir à quel point la liturgie traditionnelle du carême tourne autour du jeûne et de l'abstinence ! Nombre d'oraisons parlent du jeûne des fidèles, de l'ascèse, etc...C'est pourquoi j'estime pouvoir légitimement conclure en affirmant qu'un carême sans jeûne et abstinence n'est pas un vrai carême ! Si cela vous intéresse, lisez, dans l'Année liturgique de Dom Guéranger, la partie sur le temps du Carême : l'auteur incite avec justesse les fidèles à revenir aux pratiques traditionnelles du jeûne ascétique, et je ne peux qu'être parfaitement d'accord avec sa louable initiative ! Tout comme le Christ a jeûné 40 jours dans le désert, c'est le moindre de nos devoirs religieux que de chercher faiblement à imiter cette sainte pratique.