Attendu qu'Il existe un fil sur l'origine du mal et que je ne voudrais pas gâcher celui-ci en déblatérant sur jean Elluin "dedans" - car c'est là-bas, c'est à dire "dedans" l'autre fil, que j'ai obtenu cette suggestion de lecture de la part de Didyme - j'aime mieux traiter le cas à part.
Le livre c'est "Quel enfer?" qui est parut aux Éditions du Cerf en 1994, d'une manière posthume puisque son auteur Jean Elluin a fait retour vers le Père en 1992.
En quatrième de couverture :
"L'enfer a longtemps fait partie de l'imaginaire chrétien de l'au-delà, non sans angoisse, mais sans être trop contesté par les chrétiens eux-mêmes. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Des théologiens eux-mêmes, comme H. Urs von Balthasar, ou des grands auteurs spirituels, comme Thérèse de Lisieux, ont défendu une espérance sans limite pour tout homme : la miséricorde de Dieu n'est-elle pas plus grande que sa justice, si l'on fait acte d'espérance?
Ce livre est le bilan de la recherche menée sans concession durant toute une vie. Jean Elluin n'a pas voulu minimiser l'opposition irréductible entre Dieu et le mal, ni la nécessité de la justice sans laquelle la vie morale serait vidée de sa substance. Le mal en nous doit donc être définitivement écarté de Dieu. Mais ne sommes-nous pas plus grand que le mal? C'est sur cette voie étroite que l'auteur invite à cheminer. Deux éminents théologiens - les pères Yves Congar o.p. et Gustave Martelet s.j. - ont accompagné cette recherche qui ouvre une issue au-delà de l'abîme. "
Dans la préface du livre réalisée par Gustave Martelet :
C'est vrai qu'on dit beaucoup de nos jours que Dieu respecte trop la liberté pour ne pas lui laisser le pouvoir de se perdre à jamais! Sait-on vraiment ce que l'on dit, lorsqu'on parle ainsi de l'enfer et de Dieu? Qu'est d'autre cet enfer auquel on semble tant tenir, qu'une éternité de douleur et de haine dont aucun repentir ne sortira jamais? Comme l'écrit Jean Elluin : "Une haine aveugle et une douleur stérile ne sauraient rétablir le moindre ordre réel d'harmonie ni la moindre justice d'amour - la seule qui soit digne de Dieu!"
En juxtaposant une telle douleur à une telle haine, on ne fait que doubler le désordre et l'injustice. En les éternisant en existence, on porterait le mal à l'infini. Il est vain de prétendre que la réalité d'un tel enfer serait exemplaire et dissuasive. Si elle le fut un temps, elle ne peut qu'inspirer désormais le pure rejet d'un Dieu qui pourrait consentir à jamais à cet "enfer là" ou qui resterait impuissant devant lui, alors que la culture ouvre les coeurs à la réalité d'un Dieu qui n'est Dieu qu'en étant, par essence et non sous condition, l'Amour en trois personnes.
Pour se délivrer du cauchemar lié à ce maximalisme infernal et infernalisant, faudrait-il en venir à souhaiter que Dieu anéantisse ceux qui se condamnent eux-mêmes à un tel supplice? Mais transformer le Créateur en meurtrier final de ses propres enfants pour éviter qu'il soit, indirectement tout ou moins, leur bourreau, c'est redoubler l'absurde ou lieu de l'évincer. On l'évince au contraire en refusant tout simplement cette vision maximaliste qui conduit à renier, comme indigne de nous, Celui qu'on devrait au contraire se réjouir d'adorer.
Il faut en revenir à l'hypothèse envisagée par le dernier concile : "Si dans la formulation de la doctrine, qu'il faut soigneusement distinguer du dépôt de la foi, il est arrivé que sur certains points on ne s'est pas montré assez attentif, il faut y remédier en temps opportun d'une façon appropriée."
Cette situation étant réellement la nôtre devant une vision maximaliste de l'enfer, nul mieux que Jean Elluin ne peut nous aider à sortir d'une pareille impasse. Impasse qui n'est pas celle de la foi, mais d'une intelligence de la foi qui s'appuie encore sur des figures abîmées de la conscience humaine, pour mal interpréter les figures judiciaires de l'Évangile. Or l'Église elle-même nous met sur le chemin dans lequel un Jean Elluin s'est résolument engagé et désire nous engager, quand elle refuse de déclarer jamais que Judas est sûrement damné.
[...]
Appuyé sur une étude longuement et judicieusement menée de main de maître sur saint Augustin et plus encore sur saint Thomas notre auteur renouvelle en profondeur les considérations dites traditionnelles, en fait inacceptables et inacceptées, sur le rapport de la justice et de la miséricorde à propos de l'enfer. A cette lumière, il est capable de critiquer le dernier état de la réflexion d'un Hans Urs von Balthasar sur ce point. Une évocation de la pensée orthodoxe sur le même sujet couronne tout l'ensemble.