Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Pour sauver le peuple juif esclave, Moïse a dû abandonner les richesses de la cour de Pharaon. Cette vie de puissance, de jouissance, d'honneurs, avait son cachet de sécurité et de bonheur. Ces plaisirs se payaient par le travail des autres, leurs souffrances, leur esclavage, leur désespoir.
Tout de même, ils n'étaient que des Juifs, des bons à rien, ces étrangers pouilleux et sales, ces non-Égyptiens!
Moïse se sentit envahi d'une douleur plus profonde, plus cruelle que celle de quitter le luxe de la cour : lui aussi était juif. Lui aussi appartenait à cette race de vauriens qui se prétendaient les élus d'un Dieu quelconque! La souffrance naît d'une loi violée, et voilà qu'il se découvrait embarqué dans la lignée de ceux qui la violent! Et ainsi, le coeur de Moïse se divisait, la tentation le pénétrait jusqu'à la chair vive. Quelle voie prendre?
Continuer à être dur avec les Juifs ou écouter la voix de la vulnérabilité? Avoir un coeur dur, fermé aux souffrances des exploités, ses frères, ou les soutenir? Pharaon ou les pauvres? Le pouvoir ou l'amour? La paix amoureuse de la conscience ou les fêtes et réjouissances dans le sexe, le manger, la renommée, les exécutions de "traîtres"?
Comment concilier nos maux avec l'amour des hommes et de Dieu dans la justice et le partage équitable? Un adulte perverti souffre lorsqu'il commence à aimer , mais heureux soit-il, car il apprend à aimer vraiment.
Mon Dieu, prend mes jambes, mes bras, mes biens, pourvu que tu continues à habiter dans mon coeur heureux de ta présence et de ta paix.
Ce choix réclame du temps, exige un combat qui réussit assez souvent, mais prend la dimension d'une vie.
Le Christ a pris chacune de nos histoires personnelles pour les assainir radicalement, en faire des instruments de salut pour soi et pour les autres, par soi et par les autres, en Lui.
C'est le Moïse qui a délaissé le bonheur éternel pour vivre heureux dans un monde malheureux, qui a souffert, heureux, pour sauver les malheureux.
Le Christ est mort condamné par les pouvoirs politiques et religieux. Il a accepté de mourir son unique mort pour réaliser une résurrection universelle et éternelle, personnelle et totale.
Cette béatitude se vit dans la noirceur, du moins au début et dans ses moments d'intense renaissance : "Père, sauve-moi de cette heure."; "Non, je suis venu pour cela."
(à suivre)