Fée Violine a écrit : ↑mar. 24 janv. 2017, 2:15
Suliko a écrit : ↑lun. 23 janv. 2017, 21:46
Je crois avoir enfin mis le doigt sur le problème qui nous désunit ! Vous considérez que votre identité (ou plutôt vos identités, pour reprendre votre langage) n'est pas menacée, alors que je pense tout le contraire. Cela fait des décennies que les identités européennes se dissolvent dans le libéralisme ambiant ! Honnêtement, où sont passées les diverses cultures du contient (du moins à l'Ouest), càd nos traditions ? Tout a presque disparu au profit d'une uniformisation sur le modèle américain. Allez dans à peu près n'importe quel coin du monde encore relativement épargné par l'occidentalisation et vous comprendrez tout ce que nous avons perdu : les coutumes, les cérémonies, les danses et musiques traditionnelles, l'habillement, l'architecture, etc...Chez nous, c'est devenu du folklore que l'on ressort un ou deux fois par an et plus globalement, le monde ne m'a jamais semblé aussi uniformisé. Il est paradoxal et ironique que ce mouvement provienne d'un monde occidental qui n'a jamais aussi fermement condamné le colonialisme et ses erreurs, mais qui ne voit pas le problème à considérer son mode de vie et ses mœurs comme absolument universels (cela s'appelle, paraît-il, la grande marche vers le progrès...).
Il est néanmoins vrai qu'un certain nombre d'"identitaires" tendent à jeter tous les torts sur l'immigration massive de ces dernières décennies, alors qu'à mon sens, ce n'est qu'un aspect - certes fondamental - de notre crise d'identité.
Alors là, je suis entièrement d'accord avec vous, votre phrase "Tout a presque disparu au profit d'une uniformisation sur le modèle américain" résume très bien la chose. Je dis souvent que la télé est l'opium du peuple, employé par le capitalisme pour nous abrutir et nous transformer en consommateurs qui ne réfléchissent pas. Aussi je ne regarde pas la télé.
Sauf que je n'y vois pas de rapport avec l'identité? Si la société se délite, je peux recréer de nouveaux liens. Tiens, un jour à propos de liturgie je parlais de "créer de nouvelles traditions" et il me semble que cette expression vous avait semblé étrange. Mais pourquoi pas?
Je suis moi aussi d'accord avec Suliko. Il est paradoxal que ce monde occidental tenant un langage anti-colonisation ait colonisé presque la planète entière par son mode de vie, son obsession de l'argent et son économie dévorante.
Et d'accord avec vous Fée Violine : "Si la société se délite, je peux créer de nouveaux liens". Vous devez absolument lire "Les Tisserands" d'Abdennour Bidar. C'est sur ce sujet : dans un monde habité par deux crises spirituelles majeures qui se font face (dérive théocratique et fascisante dans le monde musulman et coupures de ses racines et de ses sources spirituelle dans le monde occidental), comment tisser des liens dans un monde qui se délite et comment les très nombreuses personnes qui se consacrent à tisser des liens envers et contre tout peuvent se reconnaître et s'unir, bâtir ensemble.
Concernant l'identité : c'est quoi l'identité chrétienne ?
"A l'amour que vous aurez les uns pour les autres, on vous reconnaitra pour mes disciples". Premièrement, la relation entre nous, disciples du Christ, la qualité de nos relations.
Et puis "Ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites ", et à cause de cela que vous êtes les "bien-aimés de mon Père" : visiter le prisonnier, vêtir celui qui est nu, "accueillir l'étranger.."
L'accueil de l'étranger fait partie de l'ADN chrétien, pas étonnant que les évêques le rappellent !
Maintenant la question est : COMMENT on accueille ?
Accueille t-on l'étranger en le laissant vivre dans notre terre d'accueil comme il le faisait chez lui ou lui demande -t-on de faire un effort d'adaptation à la manière de vivre des accueillants ? la deuxième solution me paraît être la bonne : si nous sommes culturellement enracinés, si nous savons qui nous sommes, nous accueillons l'autre en lui demandant implicitement d'abord et explicitement s'il le faut d'apprendre les us et coutumes de la terre d'accueil et de s'y plier pour une grande part (ce qui ne nécessite pas de tout abandonner de son identité première).
Si nous ne savons plus qui nous sommes, si nous sommes encore stupidement rongés par la vieille culpabilité du passé colonial, alors nous laissons l'étranger ramener sa culture et son mode de vie d'origine en ne lui demandant RIEN, et on le parque avec les autres étrangers dans un ghetto et en fait, nous MANQUONS A NOTRE VRAI DEVOIR D'ACCUEIL ! Car ce qui rassure des gens paumés et défaits par la tragédie de l'exil (qu'il soit économique ou de guerre), c'est d'être accueillis par des gens forts, culturellement, spirituellement, qui leur offrent des repères forts, des repères clairs, pas une bouillie infâme ou les personnes sont tellement perdues qu'elle se réfugient dans les plus rigides et les plus fermées à l'autre de leurs propres traditions...
Bien à vous,
Axou