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par Héraclius » mer. 11 janv. 2017, 22:18
Diantre que ces questions sont compliquées.
Cela dit, en effet, je crois qu'un certain nombre de points sensibles, qui résument largement la question se posent.
(a) Effectivement, la question de la sexualité et de la difficulté du célibat/de l'abstinence. Question qui recoupe en son sein (1) la question de la difficulté naturelle de l'abstinence (2) la question de la difficulté culturelle de l'abstinence (j'entend par-là l'influence du discours dominant sur la sexualité).
(b) Le degré de radicalité qui est exigé du chrétien.
(c) La question de l'universalité des cas d'homosexuels vivant en soumission à l'Eglise (comme Raistlin ou le Fils Prodigue) et du statut normatif ou non de leur mode de vie.
La dernière question est très intéréssante. L'argument d'axou, en substance, les renvoie à leur propre subjectivité. Ce que vous faites c'est très bien, sans doute résultant d'un haut appel du Seigneur, mais rien ne vous dit que votre situation est universalisable. L'argument est assez juste, mais il a pour corollaire que si nous sommes tous renvoyé à notre subjectivité (blessée par le péché), alors rien ne nous dit que leur situation n'est PAS universalisable pour autant. C'est à dire que si on dit "Raistlin ne peut pas savoir si son cas est généralisable", on est logiquement amené à dire "axou ne peut pas savoir si le cas de Raistlin n'est pas généralisable". On est renvoyé à notre non-connaissance (notre a-gnotsticisme).
La seconde me laisse aussi songueur. Il faut dire que je n'aime pas beaucoup l'idée que Dieu "accompagne" nos vies. Non, il les boulverse, il les convertit, il les embrase. Il envoie l'Ange de la Mort tuer le viel homme en nous. Il nous appelle à une sainteté totale, et inatteignable, mais vers laquelle nous devons courir. Cela ne veut pas dire que Dieu nous désire 'Pur' 'Juste', mais il veut que nous fassions tout ce qui est à notre portée (c'est à dire pas grand' chose relativement à Sa Grâce mais TOUT pour nous) pour nous donner à lui.
Je refuse notamment catégoriquement l'idée qu'il y ait une sorte d'élite appellé à une vocation radicale, sur-humaine, mais pas les autres. Au fond, nous sommes tous appellés à la radicalité de l'hermite le plus ascétique; simplement, cette radicalité peut et doit s'exprimer dans une vie normale la plupart du temps. Et nous echouons tous (y compris l'hermite) mais le fait d'essayer est le plus important.
C'est d'ailleurs ce que l'Eglise appelle l'état de grâce par opposition à l'état de péché mortel. Être en état de grâce, c'est pas être saint, c'est d'être dans le repentir (et être pardonné) de tous ses péchés. En gros c'est d'essayer du maximum, avoir réformé de sa vie tout ce qu'il est humainement possible de faire pour se jeter dans le gouffre sans fond de l'amour de Dieu.
Dit comme cela cela semble peut-être une critique complète du bel élan de coeur d'axou, mais c'est un peu plus complexe. Ce que je veux dire, c,est que tout dépend de ce que l'on met derrière les mots et des conceptions que l'on a de l'appel du Christ pour tous les hommes. Si le moine n'est pas un super-chrétien, mais un chrétien "normal", on conçoit bien plus aisément que le cas d'un "Fils Prodigue" soit du même coup "normal".
Si on a l'idée du Chrétien comme de quelqu'un tendu comme la corde d'un arc vers l'absolu, de quelqu'un entrain de passer dans les flammes d'une purification totale, d'un être en chute libre dans un gouffre sans fin... Ce n'est pas pareil que si on a l'idée de la dimension spirituelle comme se "sur-imposant" aux réalités du monde.
Est-ce que le Royaume de Dieu est vraiment totalement différent du régime naturel ? Est-ce qu'on met l'emphase sur le Dieu nous aide là ou nous sommes, dans notre situation particulière, ou sur le Dieu qui nous tire d'Egypte pour nous jeter dans 40 ans de désert en vue de la Terre Promise ?
Je veut pas dire cela avec un ton trop polémique. Juste mettre en lumière des différences de fond dans le lecture de l'Evangile qui conditionnent si je puis dire, la lecture que l'on fait du monde.
Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)