L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

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Cinci
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » ven. 30 déc. 2016, 14:56

Et pourtant, en affirmant qu'il y ait des créatures mauvaises (rien que le dire me parait aberrant quand on connait le créateur de ces PERSONNES (?!), mais bon), vous faites une égalité entre le bien et le mal puisque cela revient à dire que le mal a pu être plus fort que Dieu (le bien) chez certains, qu'il a pu résister au bien de manière absolue (?!). C'est bien que le mal est aussi fort pour certains que le bien pour d'autres. Et ça, ça me choque profondément. Ça me donne le sentiment de malaise profond vis-à-vis de Dieu.
Par leur choix, des êtres spirituels qui furent crée bons se sont rendus mauvais. Ils se sont établis dans le mal. C'est ce que la théologie de l'Église raconte. Comme tu disais, Dieu ne combat pas ces mauvais avec les mêmes armes qu'eux, des armes de violence ou de néantisation. Si le Mauvais se tient dans une sorte de vertige de néant et de destruction, Dieu est dans l'être. C'est son être même qui neutralise le mal dont on parle. On peut repenser à l'épisode du possédé de la ville de Gérasa (un fameux récit qui englobe l'histoire d'un troupeau de porcs qui va se jeter du haut d'une falaise). Les forces du mal sont comme des forces de destruction, mais au final elles ne l'emportent pas sur Dieu.

Le mal plus fort que Dieu? Temporairement. Mais, encore, de façon à ce que celui qui l'emporte sur Dieu l'emporte à son plus grand détriment. Ce n'est pas une bonne idée que de se vouloir "plus fort que Dieu". C'est toujours comme une victoire à la Pyrrhus. Pour le mal, la victoire d'un moment est un peu cher payée. On parle d'une victoire qui ferait illusion. Je ne vois pas qu'il y aurait une égalité réellement entre Dieu et des créatures. Un sujet peut s'établir définitivement dans le mal s'il le veut et cela parce que Dieu le lui permet (comme Jésus permet aux esprits impurs d'aller habiter dans le troupeau de porcs). Le sujet malin tient tout ce qu'il a de Dieu lui-même mais l'inverse n'est pas vrai. Il n'y a pas de Ying et de Yang. La créature a besoin de Dieu pour être ce qu'elle est. Dieu n'a aucunement besoin de la créature.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » ven. 30 déc. 2016, 15:21

Et si Satan peut conserver du bien en lui comme tu dis alors ce serait qu'il n'est pas complètement mauvais, et il me semble qu'un être qui n'est pas totalement mauvais n'est pas totalement perdu, il reste quelque chose à sauver en lui.
L'être déchu conserve une part de bien qui lui provient de Dieu. Par "bien" je pense à l'existence pour commencer, et dans le cas de Satan à sa qualité spirituelle toute semblable à celle des autres anges. Satan dispose de facultés pour influer sur la matière. C'est un bien ou une qualité que les anges possèdent. Qu'Il soit devenu mauvais ne lui enlève pas cette faculté provenant de Dieu. C'est comme l'intelligence. Mais je ne dis pas que Satan conserve des vertus morales. Là-dessus, non! L'ange déchu est totalement perverti. "Enténébré", dirait-on. Il n'est pas récupérable. On ne pourrait jamais en faire un serviteur de Dieu.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » ven. 30 déc. 2016, 19:40

Cinci a écrit :Le mal plus fort que Dieu? Temporairement. Mais, encore, de façon à ce que celui qui l'emporte sur Dieu l'emporte à son plus grand détriment. Ce n'est pas une bonne idée que de se vouloir "plus fort que Dieu". C'est toujours comme une victoire à la Pyrrhus. Pour le mal, la victoire d'un moment est un peu cher payée. On parle d'une victoire qui ferait illusion. Je ne vois pas qu'il y aurait une égalité réellement entre Dieu et des créatures. Un sujet peut s'établir définitivement dans le mal s'il le veut et cela parce que Dieu le lui permet (comme Jésus permet aux esprits impurs d'aller habiter dans le troupeau de porcs). Le sujet malin tient tout ce qu'il a de Dieu lui-même mais l'inverse n'est pas vrai. Il n'y a pas de Ying et de Yang. La créature a besoin de Dieu pour être ce qu'elle est. Dieu n'a aucunement besoin de la créature.
Je ne vais pas me répéter car je répondrais la même chose que précédemment.

Non, je pense que là où on en est arrivé, la divergence tient sur la question de savoir si le péché est ou n'est pas LA personne.

La question que je me pose alors est :
- Qu'est-ce que LA personne, l'identité, l'être en son essence ? (Je ne sais pas trop comment le formuler)
Et d'où tire-t-elle son origine, son existence ?

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » sam. 31 déc. 2016, 16:49

A priori, je cale avec ta réflexion, Didyme. Pas facile.

Enfin ...

Je disais que le Satan finissait par "incarner" le péché. Tu te questionne au sujet de la personne. C'est quoi une personne? La personne est comme un "espace de liberté" et qui n'a de consistance que dans sa relation aux autres. C'est comme un état relationnel. C'est dans ce sens-là que le Satan incarne le péché. Le Satan ne fait pas confiance à Dieu, s'oppose, s'écarte, repousse Dieu absolument ... C'est un état de fond, c'est toute la personne qui s'objecte, le coeur de la personne, c'est un "espace de liberté" qui s'est fermé à Dieu. C'est pourquoi on parle de ténèbre. Ce n'est pas un acte en soi, pas un geste ... le péché ce n'est pas fondamentalement comme le fait de s'être servi deux fois une tranche de gâteau au lieu d'une, le fait d'avoir pu tricher avec une bonne résolution. Le péché c'est l'état d'éloignement d'avec Dieu, c'est le mauvais état de la relation avec le Père.

C'est ce qualifie la situation de péché. Être à l'écart ... Donc, dans le cas des damnés éventuels : leur existence va se définir par ce mauvais état relationnel durable.

Un échec

Toi tu considère qu'Il s'agirait là d'un échec de Dieu. L'enfer serait la reconnaissance d'une impuissance de Dieu Ce dernier n'aurait pas disposé d'une puissance suffisante pour séduire ceux-là. Le grand cycle de la création devrait se clôturer sur un échec de Dieu-le-Père. Choquant!

Je ne sais pas s'il serait bien juste d'évoquer alors un échec de Dieu. Pour parler d'un échec, il me semble, c'est qu'il aurait fallu poser au départ une sorte d'obligation de résultat. Comme si Dieu en créant se devait aussi d'y réussir coûte que coûte à séduire ou charmer toutes ses créatures intelligentes. Pourquoi donc? D'où viens cette obligation au juste? N'est-ce pas placer comme une entière responsabilité sur les seules épaules de Dieu? Ce sera de la faute à Dieu si un damné peut exister.

Si on voit la création comme un risque de la part de Dieu, il me semble que ça change la donne. C'est comme la vie, c'est un risque. En créant, Dieu prend le risque que des créatures intelligentes aillent se perde. Comme Dieu se situe dans le plan de la vie ou de la relation, l'autre "je" qui est en face a aussi des responsabilités quant au maintien d'une bonne qualité des rapports de l'un à l'autre. Ce n'est pas nécessairement un échec si l'autre en face se dérobe, préfère se replier sur lui-même, etc. Au lieu d'un échec, on peut tout simplement penser qu'il arrive ce qui devait arriver, avec l'un qui aura préféré se rebeller définitivement, etc. Un échec? Ou simplement une reconnaissance de ce qui est,

Je ne sais pas si le noeud de ta résistance se situe dans cette histoire d'obligation.

Pour ma part, je verrais plutôt une histoire de risque. Dieu prend des risques, l'homme prend des risques en retour aussi. La foi c'est prendre un risque.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » dim. 01 janv. 2017, 15:33

Je vois bien que ce qui fait tenir ta position ferme, c’est la focalisation que tu fais sur cette idée de la liberté.

Que veut dire « En vérité, en vérité, je vous le dis, leur répliqua Jésus, quiconque se livre au péché est esclave du péché » (Jean 8 : 34), « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur !... Ainsi donc, moi-même, je suis par l’entendement esclave de la loi de Dieu, et je suis par la chair esclave de la loi du péché. » (Romains 7 : 25) (voir ce post-ci), « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. » (Jean 8 : 32) ?

Là où je diverge, c’est que tu fais d’une, de la personne son péché (voir ce post-ci), de deux, du péché un choix valable, qui ne soit ni une erreur de la créature ni une défaillance mais un choix en pleine conscience, d’une créature réalisée, un choix égal à la foi, de même valeur, d’une liberté gal, d’une vérité égal. C’est comme si celui qui péchait n’était pas dans l’erreur, pas égaré et qu’il n’y avait pas qu’un seul chemin, Dieu, mais plusieurs tout aussi acceptable.

Certes, nous faisons un choix libre, on ne nous impose pas un choix que l’on ne veut pas, tout du moins en apparence. Car un choix libre en tant que telle ne peut être fait qu’en Dieu, en nous, dans ce que nous sommes fondamentalement, en tant que créature accomplie, réalisée. Et il est plus qu’évident qu’une créature dans le péché ne peut être accomplie, pour la simple et bonne raison que le péché n’a pas pour finitude l’accomplissement mais la déstructuration, le chaos. Tant que cette liberté n’est pas dirigée vers Dieu alors c’est une liberté entravée. Par ailleurs, c’est une conception contre-nature du péché car vous faites du rejet de Dieu quelque chose de fixe, un choix accompli. Or, la nature du mal est justement d’être instable, changeant, inaccomplie. Comment une créature en état de perdition pourrait-elle donc être réalisée lorsque cette condition dans laquelle elle se trouve implique justement l’inverse ? Il n’y a pas d’immutabilité dans le péché (sauf si Dieu se détournait totalement de l’horizon de la créature, de son cœur, de son être, ce qui me semblerait aboutir à une annihilation en fait) car il n’y a pas de perfection, de plénitude dans celui-ci. Cette immutabilité n’existe qu’en Dieu.

Oui c’est un échec en ce que Dieu ne veut pas qu’une seule de ses créatures se perde, il a même donné son Fils pour l’éviter…
Je ne vois jamais de passages où Dieu veuille que sa créature fasse un autre choix que lui, tu en as déjà vu toi ? Non, chaque fois qu’une créature s’écarte, il la blâme et la rappelle.

Par conséquent, s’il veut sauver tous les hommes et que certains se perdent alors vu comme ça, j’avoue ne pas voir ce que ça pourrait être d’autre qu’un échec. Dieu ne se réjouit certainement pas de la damnation d’une créature sous prétexte d’une pseudo-liberté, une liberté qui n’émanerait plus de lui. Dieu ne serait plus la liberté, son principe mais celle-ci pourrait donc se trouver tout autant dans le péché et Dieu voudrait alors surtout et avant tout se soumettre à cette liberté ? Je ne sais pas, si on pouvait interroger une âme en état de perdition, je serais curieux de savoir si elle se sent pleinement libre.

Le péché lie, soumet mais ne rend certainement pas libre.

Pour moi, ça reste également une conception contre-nature du péché que vous faites en faisant du péché la personne car je ne vois jamais la Bible parler du péché en tant que personne mais plutôt en tant que puissance. D’ailleurs, pour reprendre l’extrait du catéchisme que tu m’as cité, il y est dit « c’est par lui que le péché et la mort sont entrés dans le monde », on y voit une distinction entre le péché en tant que tel et la personne. Ce n’est pas parce qu’il pratique le mensonge et est père du mensonge (dans ce qu’il a fait émergé cette facette du péché) qu’il est le péché lui-même. Après, on sait que Satan est imprégné du péché et qu’il veut attirer dans sa chute tout ce qu’il peut, et qu’il est le tentateur mais il n’est pas le péché, il est Satan. Le péché, je le répète, n’a pas l’être en lui pour être une personne, tout ce qui est de l’ordre de l’être est de Dieu. Le péché n’a pas l’être en lui mais c’est à travers la personne qu’il peut s’exprimer. Sans la personne, le péché est réduit à l’impuissance (voir mon premier post).

Ce n’est pas que ce soit une obligation pour Dieu de nous sauver, le terme n’est pas bon, c’est que c’est selon son principe, selon ce qu’il est, Amour, Bonté.

Tu dis « Au lieu d’un échec, on peut tout simplement penser qu’il arrive ce qui devait arriver, avec l’un qui aura préféré se rebeller définitivement, etc. Un échec ? Ou simplement une reconnaissance de ce qui est », mais j’en reviens au malaise du fait que cela semble faire de chaque créature sa propre création et non plus la création de Dieu. On veut être le créateur à la place du Créateur. C’est Dieu qui créé et Dieu ne créé pas pour la perdition. N’est-ce pas lui retirer et sa prescience et en conséquent sa sagesse qu’une telle approche ?

«Ou simplement une reconnaissance de ce qui est ». C’est comme si c’était encore une fois le hasard qui régentait le monde et que Dieu ne pouvait que constater. Laisser le monde, la création à la merci, à l’absurde du hasard, n’est-ce pas là aussi oublier la sagesse et l’omniscience ?

Tu dis « Pour ma part, je verrais plutôt une histoire de risque. Dieu prend des risques », mais le risque n’est-il pas le contraire de la sagesse ?


Pour revenir à la question sur la personne, l’identité, l’être en son essence, il semble que l’homme soit corps, âme et esprit. Le corps c’est ce qui permet l’expression de la personne. Pour ce qui est de l’âme, j’avoue ne pas vraiment savoir si elle est à dissocier de l’esprit ou non, car j’ai déjà vu les 2 positions.

Si je pars sur l’idée que l’âme est le souffle vitale venant de Dieu, avec les émotions, les sens alors cette partie de la personne est éternellement liée à Dieu. L’âme ne peut être corrompue il me semble tant que la vie, l’existence de la créature demeure.

Pour ce qui est de l’esprit, il me semble que c’est la part d’intellect, de personnalité aussi (?). C’est sur ce point que buterais le plus. Notre intellect, notre personnalité existe-t-elle dès notre création ou se forme-t-elle avec l’expérience ? Moi j’ai tendance à penser que notre personnalité, notre esprit est l’œuvre de Dieu. Cette partie de notre personne peut-elle s’écarter (définitivement) de son créateur ? C’est là où je m’interrogerais actuellement.
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » dim. 01 janv. 2017, 18:35

C'est une vaste réflexion.

:)

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » dim. 01 janv. 2017, 20:20

Oui tu as vu, je ne chôme pas hein, même un 1er janvier. :-D

J'en profite pour te souhaiter mes meilleurs vœux, ainsi qu'à ceux du forum.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » lun. 02 janv. 2017, 3:25

Didyme,

Il ne s'agissait pas d'un reproche déguisé, pas quand je parlais de vaste réflexion. Bonne année! :fleur:
Là où je diverge, c’est que tu fais d’une, de la personne son péché (voir ce post-ci), de deux, du péché un choix valable, qui ne soit ni une erreur de la créature ni une défaillance mais un choix en pleine conscience, d’une créature réalisée, un choix égal à la foi, de même valeur, d’une liberté gal, d’une vérité égal. C’est comme si celui qui péchait n’était pas dans l’erreur, pas égaré et qu’il n’y avait pas qu’un seul chemin, Dieu, mais plusieurs tout aussi acceptable.
La personne tout entière se trouverait possiblement assimilée au péché lorsque cette condition est irrévocable, comme dans le cas de l'ange déchu. On parlerait ainsi des damnés également. Ceux-là feraient vraiment "corps" avec le péché. On parle d'une façon libre. Ici ce n'est qu'une hypothèse de ma part.

Enfin, je ne pense pas qu'il y a là un choix valable pour les pécheurs, égal au fait de choisir Dieu, une absence d'erreur chez celui qui s'égare. Non, c'est l'idée que la personne s'est enfermée sur elle-même, se verrouillant de l'intérieur, dans ses inclinations qui lui font refuser la grâce, ayant cassé un ressort intérieur. Il arrive "cela". En bout de ligne, c'est la reconnaissance de cette réalité, aussi dramatique serait-elle. C'est comme dans l'Évangile au sujet de Judas et où le Christ lui-même semble trahir un certain fatalisme. C'est l'idée d'opposer une dynamique de non foi à celle de la foi.

Par ailleurs, c’est une conception contre-nature du péché car vous faites du rejet de Dieu quelque chose de fixe, un choix accompli. Or, la nature du mal est justement d’être instable, changeant, inaccomplie. Comment une créature en état de perdition pourrait-elle donc être réalisée lorsque cette condition dans laquelle elle se trouve implique justement l’inverse ? Il n’y a pas d’immutabilité dans le péché (sauf si Dieu se détournait totalement de l’horizon de la créature, de son cœur, de son être, ce qui me semblerait aboutir à une annihilation en fait) car il n’y a pas de perfection, de plénitude dans celui-ci. Cette immutabilité n’existe qu’en Dieu.
Satan et tous les autres esprits déchus sont irrémédiablement fixés dans leur état de refus de Dieu, refus au départ de ce qu'il en coûterait au plan personnel sans doute, pour entrer dans la dynamique de la vie divine. C'est une donnée issue de la foi chrétienne. "Qui veut sauver sa vie, la perdra."

Un choix accompli? Un établissement de la personne dans une certaine condition à la suite d'un choix. On peut apparemment faire des choix pouvant déboucher sur un damnation, une condition définitive. C'est Jésus lui-même qui soulève cette perspective. On trouve ceci dans une fameuse réplique aux pharisiens, avec la fameuse mise en garde sur l'existence d'un péché irrémissible. Il existerait un stade de non retour. L'expression de Jésus ne permet pas de penser à un Dieu pouvant empêcher de toutes les manières des hommes de se damner, comme à pouvoir le faire malgré eux, sans leur concours,

La créature déchue n'est pas "réalisée" par rapport à ce qu'elle aurait pu être en Dieu, mais elle réalise les conséquences de son choix, réalise ce à quoi aboutit sa préférence pour son inclination propre à l'encontre de celle de Dieu.

J'aurais l'Impression que tu reste séduit par une sorte de système de rédemption universelle comme le père Origène l'aurait aimé au moins pendant un temps, l'idée que tous les êtres devraient bien finir par être réconciliés avec Dieu, Satan compris. Or l'Église catholique semble bien avoir condamné ce genre d'avenue interprétative.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par PaxetBonum » lun. 02 janv. 2017, 9:45

Didyme a écrit : Si je pars sur l’idée que l’âme est le souffle vitale venant de Dieu, avec les émotions, les sens alors cette partie de la personne est éternellement liée à Dieu. L’âme ne peut être corrompue il me semble tant que la vie, l’existence de la créature demeure.
Bonjour Didyme,

Pourquoi dites-vous que l'âme ne peut-être corrompue tant que l'existence de la créature demeure ?
Le péché mortel tue l'âme en ce sens qu'il coupe le lien avec le Créateur.
C'est bien du vivant de la personne que celle-ci commet ce péché mortel par son corps en accord avec son esprit.

Bonne et Sainte Année !
Pax et Bonum !
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » lun. 02 janv. 2017, 14:04

PaxetBonum a écrit :Pourquoi dites-vous que l'âme ne peut-être corrompue tant que l'existence de la créature demeure ?
Le péché mortel tue l'âme en ce sens qu'il coupe le lien avec le Créateur.
C'est bien du vivant de la personne que celle-ci commet ce péché mortel par son corps en accord avec son esprit.
Cela coupe le lien en partie certes, mais il demeure. Si le lien avec le Créateur était totalement rompu, il me semble que la créature cesserait d'exister car on ne peut avoir l'être, la vie en nous par nous-mêmes. C'est plutôt dans l'idée que tant que la créature demeure alors le lien vitale que m'apparaît être l'âme n'est pas rompue. Mais je suis peut-être trop absolu dans l'affirmation, il y a peut-être en effet une part de l'âme qui puisse être corrompue mais certainement pas toute l'âme.

Et vous, faites-vous une distinction âme et esprit ? Que dit l'église sur ce point ? Car certaines lectures m'ont parues ne pas faire de distinction quand d'autres la faisait.
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » lun. 02 janv. 2017, 14:18

Cinci a écrit :J'aurais l'Impression que tu reste séduit par une sorte de système de rédemption universelle comme le père Origène l'aurait aimé au moins pendant un temps, l'idée que tous les êtres devraient bien finir par être réconciliés avec Dieu, Satan compris. Or l'Église catholique semble bien avoir condamné ce genre d'avenue interprétative.
En fait, il y a plusieurs formes d'approche universaliste. Il semble que la doctrine d'Origène avait été condamné surtout pour son lien avec la préexistance des âmes, de même que sur l'idée qu'une âme puisse être sauvée malgré elle, ce qui serait une négation du libre-arbitre (ce qui bizarrement ne pas semblait être la pensée d'Origène).
Il y a bien eu d'autres Saints de l'église qui l'ont défendu sans être pourtant condamnés. Mais je ne vais pas pour autant suivre aveuglément tous ceux qui défendraient une position universaliste. Par exemple, il y a la position de Grégoire de Nysse qui veut que la fin soit semblable au commencement, ce qui pour moi est une négation de la vie, de l'histoire humaine. C'est comme si toute l'histoire de la vie et de nos vies n'avaient pas de sens, c'est comme leur retirer leur valeur, leurs leçons, leur pédagogie. J'espère que la fin sera plus grande que le commencement. Après j'ai peut-être mal compris sa pensée.
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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » mar. 03 janv. 2017, 18:32

Salut Didyme,

O.K.



Comme supplément, j'aurais ici quelques paroles pouvant nourrir la réfléxion, sait-on jamais? La tienne, la mienne ... ou d'autres ...


Hans Urs von Balthasar disait dans Dieu et l'homme d'aujourd'hui, en 1966 :

  • C'est une lacune de la théologie d'aujourd'hui de ne pas peser assez sérieusement sur le "de quoi" Dieu nous a racheté. Ce "de quoi" que la théologie orientale regarde attentivement, ce n'est rien de moins que l'enfer.
[/i]
et

Il ajoutera dans Espérer pour tous, en 1993 :

  • Quiconque envisage la possibilité d'une damnation éternelle pour un seul en dehors de lui-même ne saurait aimer jusqu'au bout. Cette espérance sans limite n'est pas seulement permise aux chrétiens, elle s'impose à eux.


Olivier Clément, L'autre soleil, 1975 :

  • Le salut universel ne saurait être une certitude, ce serait vider la vie spirituelle de son sérieux, la liberté humaine de sa grandeur tragique mais le salut universel doit être l'objet de notre prière. Le salut universel de tous les pécheurs ne peut-être l'objet de notre foi, il peut être l'objet de notre espérance.

Fernand ouellet [titre?]
  • Thérèse de l'enfant Jésus ne pouvait avoir une vision désespérée de l'enfer. Toujours Thérèse aura souhaitée et espérée qu'aucune âme ne disparaisse en enfer. Elle espérait avec l'intensité de tout son être. Il est hors de doute que la possibilité d'une réprobation éternelle a été pour elle un grand souci. Elle a défendu l'idée d'une espérance sans limite pour tout homme.
Henri Bergson :
  • En négligeant les mystiques, nous passerions à côté des seuls êtres humains qui nous révèlent Dieu.
Sainte Catherine de Sienne :
  • Comment supporterais-je, Seigneur, qu'un seul de ceux que tu as fait comme moi à ton image et à ta ressemblance aille se perdre et s'échapper de tes mains? Non, en aucun cas, je ne veux qu'un seul de mes frères se perdre. Je veux que tous soient arrachés à l'antique ennemi. Que tu les prennes tous pour l'honneur et la plus grande gloire de ton Nom. L'amour ne saurait demeurer en enfer, il détruirait l'enfer de fond en comble. On le supprimerait plus facilement qu'on ne laisserait subsister l'amour en lui, (rapporté par Raymond de Capoue)
Fernaud Ouellet [titre?]
  • Avec les mystiques, nous sommes loin des sentences sans appel de quelques docteurs qui, depuis saint Augustin, ont eu une influence si profonde sur notre vision de l'enfer.
Yves Congar, Quel enfer?, en 1992 :

  • Il y a un enfer auquel je ne crois pas du tout. Celui d'une peine complètement vaine puisque n'aboutissant à aucune conversion. Celle-là me semble absolument contraire à un Dieu dont in nous dit qu'il est la bonté même. D'ailleurs, il est impossible de concevoir ce que peut être une peine éternelle.

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Cinci » mar. 03 janv. 2017, 18:47

J'ajouterais que pour la Bible la justice de Dieu c'est dans l'histoire des hommes la manifestation de sa bonté, de sa miséricorde infinie. Le terme de "justice" en est venu à signifier dans l'Ancien Testament le salut réalisé par le Seigneur et sa miséricorde. C'est le prophète Isaïe qui disait cela. Dieu va se lever pour nous manifester sa miséricorde car le Seigneur est un Dieu juste. Heureux ceux qui espèrent en lui cf. Isaïe 30, 18.

On pourrait se référer aussi à la lettre encyclique de Jean-Paul II de 1980 portant sur la miséricorde, au moins au numéro 52- 53 pour commencer.

http://w2.vatican.va/content/john-paul- ... ordia.html

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par PaxetBonum » mar. 03 janv. 2017, 19:19

Bonssoir Cinci

La dernière citation de Yves Congar me heurte.
Elle est en opposition totale aux enseignements du Seigneur et de l'Eglise.

“ Si votre œil vous est un sujet de scandale, a déclaré Jésus, arrachez-le : il vaut mieux pour vous que n’ayant qu’un œil vous entriez dans le royaume de Dieu, que d’en avoir deux et être précipité dans le feu de l’enfer : où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu ne s’éteint jamais. ”

Ces peines sont bien éternelles.

L'enfer c'est là où Dieu n'est pas, comme la citation de Ste Catherine de Sienne le révèle : 'L'amour ne saurait demeurer en enfer, il détruirait l'enfer de fond en comble. '

Bernanos dans Journal d'un curé de campagne : "L’enfer, madame, c’est de ne plus aimer. Ne plus aimer, cela sonne à vos oreilles ainsi qu’une expression familière. Ne plus aimer signifie pour un homme vivant aimer moins, ou aimer ailleurs. Et si cette faculté qui nous paraît inséparable de notre être, notre être même – comprendre est encore une façon d’aimer – pouvait disparaître, pourtant ? Ne plus aimer, ne plus comprendre, vivre quand même, ô prodige ! L’erreur commune à tous est d’attribuer à ces créatures abandonnées quelque chose encore de nous, de notre perpétuelle mobilité alors qu’elles sont hors du temps, hors du mouvement, fixées pour toujours. Hélas ! si Dieu nous menait par la main vers une de ces choses douloureuses, eût-elle été jadis l’ami le plus cher, quel langage lui parlerions-nous ? Certes, qu’un homme vivant, notre semblable, le dernier de tous, vil entre les vils, soit jeté tel quel dans ces limbes ardentes, je voudrais partager son sort, j’irais le disputer à son bourreau. Partager son sort !... Le malheur, l’inconcevable malheur de ces pierres embrasées qui furent des hommes, c’est qu’elles n’ont plus rien à partager. »

« Madame, lui dis-je, si notre Dieu était celui des païens ou des philosophes (pour moi, c’est la même chose) il pourrait bien se réfugier au plus haut des cieux, notre misère l’en précipiterait. Mais vous savez que le nôtre est venu au-devant. Vous pourriez lui montrer le poing, lui cracher au visage, le fouetter de verges et fina- lement le clouer sur une croix, qu’importe ? Cela est déjà fait, ma fille... » Elle n’osait pas regarder le médaillon qu’elle tenait toujours dans sa main. J’étais si loin de m’attendre à ce qu’elle allait faire ! Elle m’a dit : « Répétez cette phrase... cette phrase sur... l’enfer, c’est de ne plus aimer. – Oui, madame. – Répétez ! – L’enfer, c’est de ne plus aimer. Tant que nous sommes en vie, nous pouvons nous faire illusion, croire que nous aimons par nos propres forces, que nous aimons hors de Dieu. Mais nous ressemblons à des fous qui tendent les bras vers le reflet de la lune dans l’eau. Je vous demande pardon, j’exprime très mal ce que je pense. »

L'enfer c'est donc tout sauf Dieu, c'est donc la haine, le mépris, l'envie, la colère…
C'est dans cet état et entourés de cela que sont les damnés,
Pax et Bonum !
"Deus meus et Omnia"
"Prêchez l'Évangile en tout temps et utilisez des mots quand cela est nécessaire"

St François d'Assise

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Re: L'homme, le péché, l'enfer et Dieu

Message non lu par Didyme » mer. 04 janv. 2017, 1:41

PaxetBonum a écrit :Bonssoir Cinci

La dernière citation de Yves Congar me heurte.
Elle est en opposition totale aux enseignements du Seigneur et de l'Eglise.

“ Si votre œil vous est un sujet de scandale, a déclaré Jésus, arrachez-le : il vaut mieux pour vous que n’ayant qu’un œil vous entriez dans le royaume de Dieu, que d’en avoir deux et être précipité dans le feu de l’enfer : où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu ne s’éteint jamais. ”

Ces peines sont bien éternelles.
En même temps, Yves Congar partage le point de vue de Jean Elluin (qui était aussi celui de didyme l'aveugle il me semble) qui est celui d'un enfer médicinal où le mal est arraché à la créature par le feu divin donc le passage que vous citez pourrait aller dans le même sens pour le coup.
PaxetBonum a écrit :Bernanos dans Journal d'un curé de campagne : "L’enfer, madame, c’est de ne plus aimer. Ne plus aimer, cela sonne à vos oreilles ainsi qu’une expression familière. Ne plus aimer signifie pour un homme vivant aimer moins, ou aimer ailleurs. Et si cette faculté qui nous paraît inséparable de notre être, notre être même – comprendre est encore une façon d’aimer – pouvait disparaître, pourtant ? Ne plus aimer, ne plus comprendre, vivre quand même, ô prodige ! L’erreur commune à tous est d’attribuer à ces créatures abandonnées quelque chose encore de nous, de notre perpétuelle mobilité alors qu’elles sont hors du temps, hors du mouvement, fixées pour toujours.
C'est un point que je ne comprends que cette idée de fixitude, d'où vient-elle ?
Si c'est en raison de l'état de la créature privée de son corps, ce n'est pas parce qu'elles ne peuvent plus agir qu'elles n'ont plus ni conscience ni volonté.
Les anges qui sont des créatures spirituelles ont bien pu déchoir. Or, selon cette idée de fixitude, ils n'auraient pas pu. De même, les récits de mystiques ne font pas état d'une absence de volonté, de conscience.
L'autre est un semblable.

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