Cinci a écrit :Salut Didyme,
Je n'ai pas la prétention de te dire "ce qui est" quant au fond de l'univers et jusque dans les dernières arcanes du mystère de Dieu. Je te fais part de ce que je ressens face à toute cette histoire bien mystérieuse.
Je te dis que je n'arrive pas à concevoir vraiment un Dieu qui saurait tout, tout mais vraiment tout depuis toujours, en maîtrise totale d'absolument tout et jusqu'à maîtriser aussi bien le libre-arbitre des êtres intelligents. Dans un pareil cas de figure, les notions de responsabilité personnelle ou de jugement particulier ne rimeraient à rien. Tous les êtres ne seraient bien que ce que Dieu aurait voulu qu'ils soient, posant des choix déjà déterminés par le grand manipulateur, sans compter que le présent ou le futur n'existeraient pas vraiment non plus, en le sens que le présent ne pourrait pas être gros de tous les possibles. Non, le plan est déjà tracé pour nous.
On pourrait croire que ce système serait ni plus ni moins celui de la fatalité chez les anciens Grecs.
Avant même sa naissance, une diseuse de bonne aventure pourrait raconter à la mère du futur petit Oedipe de quoi sera fait son destin. Le mythe dit que, dans le but de contrecarrer les prédictions funestes annoncées, les parents auront agit de la manière la plus sûre, pour que la prédiction ne se réalise jamais. Mais, ce faisant, ils ne réussissent qu'à oeuvrer, malgré eux, en vue de la concrétisation de ce qui devait être. Liberté des protagonistes? zéro. Il n'y a pas moyen d'échapper à la fatalité. Oedipe fini bien comme il devait finir, réalise le crime qu'il devait commettre.
Je sais bien que la Bible va parfois laisser entrevoir une avenue de fatalité semblable, Tout comme je sais que des mystiques peuvent avoir des visions qui se concrétiseraient dans l'avenir. Il n'empêche que tout ceci pose question. Il n'en retire rien au caractère inimaginable de la chose.
Quand Yvonne-Aimée de Malestroit note dans son journal une vision bien précise, très détaillée, qu'elle aura eu, disons, en 1924, pour découvrir plus tard que la scène vue à l'époque n'était qu'un événement réel qu'elle vivra en 1944 : il en suppose que la 2e Guerre mondiale était déjà décidée, embarquée sur des rails, inévitable au moins depuis 1924. On essaiera de se représenter tout l'engrenage que cela suppose pour que le réel finisse bien par coïncider avec la vision. Des prières pour éviter la guerre ? Aucune chance pour qu'elles puissent être exaucées.
Pourquoi faudra-t-il que la Sainte Vierge apparaisse ensuite à des enfants en 1947 pour leur demander de prier, comme si leur prière actuelle avait pourtant le pouvoir de modifier le destin en cours? C'est un peu absurde si l'on suppose que la Sainte Vierge, bien placée pour savoir de quoi sera fait le destin du pays, demande à des enfants de prier pour éviter un drame, le sous-entendu étant qu'à défaut de le faire le drame pourrait survenir. Le futur est décidé dans un cas, le futur est incertain dans l'autre.
Je ne connais pas ce qu’il en a résulté de cette révélation mais si elle a abouti à ce que leurs prières soient efficaces, on pourrait penser que cette apparition et ces prières fassent parties du déterminisme, qu’il était prévu que les choses se passent ainsi, par l’intermédiaire d’une révélation et de prières. Sans cela, les choses se seraient passées selon le drame. Mais il était prévu dans le plan de Dieu que ce drame soit évité.
Et si dans le cas contraire, le drame n’a pas été évité, on pourra en déduire que les prières n’ont pu l’empêcher car rien ne peut empêcher le déterminisme.
Ce que je veux dire par là c’est que si on veut il y aura toujours une façon d’interpréter les choses pour les faire coller au déterminisme…
Par contre, Belin a fait remarquer quelque chose dans ce message auquel j’ai justement pensé récemment :
Belin a écrit :Une image qui n'a plus rien à voir avec l'original est bonne pour la poubelle. Si j'ai une un photo de mon épouse qui est abîmée au point de ne plus du lui ressembler, je peux essayer de la restaurer, sinon si ce n'est plus possible de le faire, cette photo qui n'a plus rien à voir avec mon épouse n'est qu'un bout de papier qui salit mon bureau, je la met à la poubelle.
Le péché a fait que nous sommes une image qui ne ressemble plus du tout à l'originale (Dieu) et si nous nous opposons à la restauration de cette image de Dieu par notre désobéissance, eh ben nous sommes bien pour la poubelle...
C’est-à-dire que nous sommes bien la création de Dieu, que Dieu connaît nos choix, nos réactions d’avance de ce qu’il nous a conçu. Mais il y a le péché auquel je n’ai pas pensé dans tout ça. Quel est exactement la conséquence du péché ? Fait-il que par le péché nous sortons du cadre de la création, de ce nous sommes de par l’acte créateur de Dieu, comme si le péché détruisait certaines de nos fondations pour nous reconstruire en quelques sortes à travers le péché. Et que ce que nous devenons devient étranger à Dieu, qu’il ne connaisse plus sa création et donc que là, Il ne connaisse plus effectivement les choix que l’on va faire selon cette nouvelle configuration. Le péché existe lorsque l’on sort du cadre de la volonté de Dieu et donc en péchant nous sortons du cadre de sa volonté, Il entrerait alors dans l’inconnu. Et votre approche des choses paraîtrait plus tenable avec cette indéterminé reposant sur le péché. Et je me demande si d’un coup il faille se réjouir de cette indéterminée, de cette liberté si celle-ci est le fruit du péché ?!
Mais évidemment ce n’est jamais si simple car est-il juste de penser que Dieu est d’une certaine façon dans l’ignorance, ce qui lui retirerait son omniscience ?
Est-il juste de penser que nous ne sommes plus fondamentalement l’œuvre de Dieu du fait du péché ? Le péché est-il quelque chose qui nous reconstruit, faisant disparaître certaines parties de la création de Dieu ou est-il comme quelque chose qui se greffe à nous, comme une saleté mais qui ne retire pas les fondements de notre être, ce que l’on est fondamentalement ?
Et certainement d’autres implications, questionnements que je n’ai pas en tête sur le coup.
Cinci a écrit :Paxetbonum,
En parlant de Dieu comme d'un spectateur impuissant devant un scénario déjà écrit et qu'il ne pourrait même pas modifier, je pensais au cas de Jésus face à Judas, en supposant que Dieu aurait dû savoir de tout éternité que Judas allait trahir et le reste. Si ce script existe depuis toujours dans la pensée de Dieu et que c'est bien ce script et nul autre qui va se concrétiser sans possibilité de changement de dernière seconde pour aucune raison, alors la liberté de Judas est inexistante. Avant même de naître son compte est bon, Tous les déterminismes du monde vont conspirer ensemble [en plus des anges, du diable] de telle sorte que Judas n'aura pas d'autres alternatives que de se comporter comme il se comporte.
Existerait-il un scénario plus horrifiant que celui d'un être dont le destin final jusqu'à l'enfer de flamme et de soufre serait déjà déterminé avant même qu'il ait pu sortir du ventre de sa mère? C'est quelle rédemption possible pour un tel homme? Faudrait parler d'une illusion de liberté pour lui.
D’où mes difficultés avec l’idée de perdition éternelle.