- «Seul tu as été digne [Esdras] de connaître les secrets du Très-Haut! Écris donc dans un livre les merveilles que tu as contemplées et le secret qu'on t'a découvert. Place-le dans un lieu caché! Ce que tu confieras au sages du peuple et aux hommes craignant Dieu dont tu sais le coeur capable, intelligents qui pourront garder le secret du Très-Haut! Pour toi, reste ici sept jours encore, et le Très-Haut te montreras en un autre songe celui[le roi] qu'il a gardé tant de temps.
[...]
je suis venu ici pour prier sur la ruine de Sion et demander un terme à la désolation de notre sanctuaire.
[...]
Je restai sept jours, comme il me l'avait ordonné, dans le champ d'Araab; je mangeai seulement des câpres du champ, leur
nourriture me nourrit à satiété. Au bout des sept jours, j'étais couché, et dans la nuit je vis un songe. Tout à coup il se leva
de la mer un vent impétueux, qui agitait tous ses flots, Je vis que ce vent faisait sortir du sein de la mer une similitude
d'homme, puis que cet homme se mouvait sur les nuées du ciel. Où qu'il tournât son visage, tout tremblait à sa vue; où qu'il émît
la voix tout fondait à sa parole comme cire fond au feu. Puis, je vis une foule innombrable de gens qui se rassemblaient des
extrémités de la terre pour combattre l'homme sorti du sein de la mer.
Puis je vis taillée une pierre qui devint grande montagne sur laquelle il se dressa; je cherchai à découvrir par quelle main avait
été taillée cette pierre devenue montagne mais je ne le pus pas.
Puis je vis tous ceux qui s'étaient assemblés pour mener combat saisis d'une grande crainte, et néanmoins s'efforçant à l'attaque.
Dans la hâte à mener combat de cette foule massée, il ne leva point la main, ne brandit point glaive ou arme de guerre, mais il
frappa de sa voix : et voici que sortait de sa bouche des flots de feu, de ses lèvres un souffle de flamme, tourbillon
d'étincelles,
Cette trombe s'abattit sur la foule qui se hâtait à mener combat; elle les consumma tous, si bien que d'eux il ne resta rien, sauf
poussière de cendre et âcreté de fumée. Puis je vis une merveille qui fut douce à mon coeur. Voici qu'alors cet homme, descendant
de la montagne, appelait à lui une autre foule, celle-là d'Intention pacifique. Et il s'approcha pour le voir une foule de gens,
les uns affranchis, les autres libres, les uns enchaînés et les autres amenant les enchaînés en offrande. Sur quoi, je m'éveillai
de mon somme, et j'invoquai le Très-Haut en disant : [...] maintenant une fois de plus, fais moi connaître l'interprétation de ce
songe! Pour autant, à la vérité, que je pense en mon coeur, malheur à ceux qui seront de reste en ces jours-là! malheur plus
encore à ceux qui ne seront pas de reste. Malheur à ceux qui resteront car ils verront de grandes épreuves, ils connaîtront de
grandes tribulations, comme l'indique ce songe! A tout prendre néanmoins, plus favorisés encore, ceux qui, parmi les dangers,
parviennent à ces jours, que ceux qui trépassent sans avoir vu ce qui surviendra à la fin des temps!
Alors survint l'ange qui m'était venu dès le principe, et il me dit : «C'est bien comme tu l'affirmes!» Plus favorisés ceux qui
seront, et moins ceux qui ne seront pas de reste à la fin des temps. Ceux qui parmi les dangers, parviennent à ces jours garderont
leur trésor dans le danger indestructible, à savoir les oeuvres qu'ils possèdent auprès du Très-Haut et leur foi dans l'Unique.
Telle est l'interprétation du songe que tu as eu. L'homme qui montait du sein de la mer, c'est le Roi que le Très-Haut a gardé
pour ces temps-là, afin que par sa main il délivre et dirige ceux qui restent. Et si tu as vu que de sa bouche il sortait feu,
flamme et tourbillon; que, sans brandir glaive ou arme de guerre, il anéantissait la foule qui se hâtait à mener combat, telle en
est l'interprétation.
Voici que des jours viennent. Quand le Très-Haut sera pour délivrer ceux qui restent sur la terre, ce sera stupeur et agitation
chez ceux qui l'habitent. Ils songeront à lutter les uns contre les autres, ville contre ville, province contre province, peuple
contre peuple, royaume contre royaume, prince contre prince, prêtre contre prêtre, gouverneur contre gouverneur, lévite contre
lévite.
Voici que les jours viennent. Quand seront venus les signes que j'ai précédemment indiqués, il sera manifesté, mon Serviteur, soit
l'homme que tu as vu monter du sein de la mer. [...] Et il se dressera au sommet du mont Sion! A la fin des jours, Sion, la pierre
taillée, sera établie par-dessus toute hauteur; c'est ainsi, comme tu l'as vu que devenu grande montagne la pierre taillée sans
oeuvre de mains. Mais lui, mon Serviteur, accusera les peuples en intelligence d'impiété et cela ressemble au tourbillon, Scrutant
leurs mauvaises actions, il les jettera dans les tourments qui doivent les tourmenter, et cela ressemble à la flamme.»
Source : Mgr L Gry, IV, Esdras. Les dires prophétiques d'Esdras, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1938 [chapitre IX à
XIII pour l'extrait ci-dessus]
Le livre apocryphe d'Esdras est contemporain de Jean, le rédacteur de l'Apocalypse. Le livre d'Esdras fait allusion à un messie conquérant, imbattable, victorieux. Il s'agit d'une idole en réalité. Et c'est ce que Jean appelle la «bête».