Il y a beaucoup plus simple; il suffit de valider un texte après l'avoir adapté à ses propres besoins et de l'imposer grâce à l'aide de l'empereur pour que le reste soit, soit détruit, soit perdu pendant des siècles.
En admettant que la chose soit possible (et je doute fortement que cela le soit, étant donné que cela suppose des structures centralisées inexistantes à l'époque, sans parler du fait que l'Eglise ne parle pas d'une seule voix), qu'en est-il des éditions nestoriennes, ethiopiennes, arméniennes, indiennes, celtes ?
Et tant que l'on est porteur du fléau de la justice divine tout va bien. Certes, de nos jours on voit réapparaître des documents que l'on croyait perdus et d'autres dorment au fond de bibliothèques qui les protègent des regards curieux. Pour ce qui est des altérations dont je parle, Marcion fut le premier à les mettre en avant dans ses textes qui furent bien entendu traités de billevesées pendant des siècles et qui sont réhabilités aujourd'hui par les spécialistes en philologie. La roue tourne. Mais en fait c'est sans importance. Pour croire sans savoir, pas besoin de travail.
La plupart des historiens actuels estiment que c'est Marcion qui a purgé les lettres de Paul et l'Evangile de Luc de ses passages compromettants dans son propre canon, et non l'inverse (l'exception notable à ce consensus dans le monde anglo-saxon étant Marcus Vinzent, qui se trouve être mon prof de patristique).
Héraclius a écrit :Et franchement, lorsque l'on voit l'état des Eglises Asiatiques évangélisées par Paul au début du 1er siècle dans les lettres d'Ignace d'Antioche (un juif confirmé lui-même), on a du mal à saisir ou se situe le schisme dont vous parlez. Quand à l'association de Pierre et Paul dans le martyr, elle remonte à Clément de Rome, dont la lettre est généralement datée de 96. Marcion est encore loin à cette époque...
Attention, Paul ne contrôlait pas ses successeurs. Et Valentin ou Origène pourraient vous dire combien on est bien trahi par les siens.
De là à ce que le retournement de veste n'ai besoin que de quelques décennies...
D'ailleurs on voit logiquement un premier messager s'adresser à des hommes du petit peuple, sans culture et sans éducation, puis, face à l'échec de cette prédication, s'adresse à un érudit de haut niveau.
Cela suppose l'imperfection du premier messager.
Héraclius a écrit :Je ne voie pas vraiment d'où vous déduisez un "manque de maîtrise du sujet" alors que j'ai simplement cité les noms des bogomiles et des pauliciens.
Dans le fait que vous faites plus que les citer mais que vous émettez l'opinion qu'ils n'ont pas eu de connexion. C'est le contraire que l'on peut aisément prouver. Et en partie grâce à un catholique bon teint, Pierre de Sicile.
Je me repose sur le consensus anglo-saxon, base de mon humble et très incomplète étude de la question, tel qu'il est formulé par exemple chez Mark G. Pegg (
On Cathars, Albigenses, and good men of Languedoc Journal of Medieval History 27, 2001), et qui remet fortement en cause la "connexion" bogomile.
Sinon, pour aller au fond des choses, je crois que le problème du Catharisme tel qu'on le retrouve dans vos messages et dans votre signature, c'est qu'il exprime une idée faussée de la nature de l'amour (ou du bien) et du mal. Il semble que le bien et le mal, pour vous, sont des qualités intrinsèques ; ainsi, les âmes pures des brebis de Dieu sont intrinsèquement bonnes, par nature, emprisonnées dans leurs corps de chair ; et si Dieu nous sauve tous c'est que nous somes tous, ultimement, bon.
Le problème, c'est que l'amour contraint (par sa nature) n'a rien de noble, il n'a, pour ainsi dire, aucun sens en lui-même. Seul l'amour libre peut être véritablement amour, et pour être libre il nécéssite le choix, soit se contempler soi-même dans l'orgeuil soit contempler Dieu et son prochain. Hors du libre-arbitre, la bonté ne peut être bonté ; c'est un peu comme si on donnait de la valeur à l'agissement d'un homme qui fait acte "vertueux" (donner son argent aux pauvres, par exemple) sous une menace implacable (une menace de mort sans échappatoire par exemple). Il est évident que, en prenant en compte la cause de l'acte "vertueux", on ne peut le qualifier d'acte d'amour, d'acte désinteressé, tel que le mot grec
agapè l'entend. Or si l'homme est vertueux par nature, si c'est sa nature qui dicte ses actes (et qu'il ne peut refuser en favorisant son intérêt propre à celui de l'autre), alors il est tout aussi contraint, et de fait ne peut être véritablement aimant.
Un monde où tous les hommes sont sauvés, c'est un monde sans libre-arbitre, sans possibilité de refuser ce salut - et donc un monde sans Amour-agapè.
Petite curiosité : qu'est-ce qui empêche Dieu de coller un pain au démiurge et nous sauver par la force ?
Dieu vous garde en Son étreinte d'Amour,
Héraclius -