«Dans le film d'aventure
Aguirre, la colère de Dieu (1972, Werner Herzog), la forêt d'Amazonie acquiert une densité poétique rare. Aguirre, un conquistador mégalomane parti explorer la forêt amazonienne, se heurte à une force naturelle hostile d'une telle puissance qu'elle finit par le détruire, lui et tous les siens. Finissant par perdre l'esprit, et sujet à des visions baroques, il voit son bateau perché au sommet d'un arbre.
(...)
Dans le film d'épouvante
Evil Dead (1981, Sam Raimi), la forêt vivante, maléfique, perverse, cruelle, habitée par un esprit malin, joue le premier rôle. Une fois l'esprit du mal convoqué involontairement par des jeunes gens partis passer des vacances dans une vieille cabane au milieu des bois, ceux-ci se font exterminer l'un après l'autre, à grand renfort d'effets sanglants. La forêt prend une part active à leur extermination. Une scène frappe particulièrement les esprits : celle du viol d'une des vacancières par
les arbres de la forêt, dont les branches et les racines sont animées d'une force démoniaque.
http://www.onf.fr/gestion_durable/somma ... index.html
«... si je me passionnai d'abord pour lui, c'est à cause de ce qu'il disait de la nuit et des arbres, ces deux grandes peurs de mon enfance déchirée par les mystères des ténèbres (oh, pourquoi nous disait-on qu'il y avait des squelettes dans notre cave ? Et pourquoi affirmait-on que ces squelettes sautaient sur les petits enfants, la nuit, et qu'ils leur crevaient les yeux avec leurs longues mains décharnées et moisies qui étaient comme des branches d'arbre ?) Autre symbole de la mort, de la fin de moi-même qui me mouillait de sueur (...)
Hugo, tu écris quelque part :
- L'étang mystérieux, suaires aux branches noires,
frissonne ...
Et
- Les étoiles, pointes d'or, percent les branches
noires;
Le flot huileux et lourd décompose les moires
sur l'océan blême;
Les nuages ont l'air d'oiseaux prenant la fuite;
par moment le vent parle, et dit des mots sans
suite,
Comme un homme endormi
Car pour Hugo, que pourraient être les arbres si ce n'est de gigantesques squelettes agitant follement leurs bras ? et les bois que représentent-ils sinon des puits d'ombre, des gouffres, et les gouffres ne sont-ils pas l'«égout du mal éteint» , de la nuit liquide qui luit, c'est à dire l'Ombre, c'est à dire «le sombre océan où des bêtes qui enfoncent leurs gueules dans l'eau».
- Alors souffle le vent, le vent hideux du soir.
Chaque brin d'herbe siffle et semble une vipère;
La nuit pâle, éveillant les loups dans leur repaire;
on entrevoit, au seuil des antres monstrueux,
Des sphinx aux yeux de femme accroupi sur leurs pattes;
C'est l'heure des Circés, des larves, des Hécates;
On croit voir briller l'oeil des magiques griffons;
Et le noir voyageur, dans les ravins profonds,
Se hâte, sans oser regarder en arrière;
L'affreux hallier frissonne autour de la clairière,
L'eau sinistre soupire, et l'arbre aux sombres noeuds
Se tord, farouche au fond des bois vertigineux.
Hugo dit :
«Nul ne marche seul la nuit dans la forêt sans tremblement. Ombre et arbres, deux épaisseurs redoutables. Une réalité chimérique apparaît dans la profondeur indistincte. L'inconcevable s'ébauche à quelques pas de vous avec une netteté spectrale. On voit flotter, dans l'espace ou dans son propre cerveau, on ne sait quoi de vague et d'insaisisable comme les rêves de fleurs endormies. Il y a des attitudes farouches sur l'horizon. On aspire les effluves du grand vide noir (...) des penchements de branches mystérieux, d'effrayants torses d'arbres, de longues poignées d'herbe frémissantes, on est sans défense contre tout cela.»
Source : Victor-Lévy Beaulieu,
Pour saluer Victor Hugo, Stanké, 1985 (1971), pp 34-37 (le court extrait d'Hugo est tiré d'une page du roman
Les Misérables, au moment où Cosette est envoyée la nuit dans le bois pour prendre de l'eau)
Un autre conteur fameux :
«C'était l'hiver dernier, dans une forêt du nord-est de la France. La nuit vint deux heures plus tôt, tant le ciel était sombre. J'avais pour guide un paysan qui marchait à mon côté, par un tout petit chemin, sous une voûte de sapins dont le vent déchaîné tirait des hurlements. Entre les cimes, je voyais courir des nuages en déroute, des nuages éperdus qui semblaient fuir devant une épouvante. Parfois, sous une immense rafale, toute la forêt s'inclinait dans le même sens avec un gémissement de souffrance ; et le froid m'envahissait, malgré mon pas rapide et mon lourd vêtement.
Nous devions souper et coucher chez un garde forestier dont la maison n'était plus éloignée de nous. J'allais là pour chasser.
Mon guide, parfois, levait les yeux et murmurait : "Triste temps !". Puis il me parla des gens chez qui nous arrivions. Le père avait tué un braconnier deux ans auparavant, et, depuis ce temps, il semblait sombre, comme hanté d'un souvenir. Ses deux fils, mariés, vivaient avec lui. Les ténèbres étaient profondes. Je ne voyais rien devant moi, ni autour de moi, et toute la branchure des arbres entre-choqués emplissait la nuit d'une rumeur incessante. Enfin, j'aperçus une lumière, et bientôt mon compagnon heurtait une porte. Des cris aigus de femmes nous répondirent. Puis, une voix d'homme, une voix étranglée, demanda : "Qui va là ?". Mon guide se nomma. Nous entrâmes. Ce fut un inoubliable tableau.
Un vieil homme à cheveux blancs, à l'oeil fou, le fusil chargé dans la main, nous attendait debout au milieu de la cuisine, tandis que deux grands gaillards, armés de haches, gardaient la porte. Je distinguai dans les coins sombres deux femmes à genoux, le visage caché contre le mur. (...)» (
Maupassant)
http://les.tresors.de.lys.free.fr/poete ... a_peur.htm
«Ah ! me dit-il, combien j'ai de souvenirs sur cette rivière que vous voyez couler là près de nous !
Vous autres, habitants des rues, vous ne savez pas ce qu'est la rivière. Mais écoutez un pêcheur prononcer ce mot. Pour lui, c'est la chose mystérieuse, profonde, inconnue, le pays des mirages et des fantasmagories, où l'on voit, la nuit, des choses qui ne sont pas, où l'on entend des bruits que l'on ne connaît point, où l'on tremble sans savoir pourquoi, comme en traversant un cimetière : et c'est en effet le plus sinistre des cimetières, celui où l'on n'a point de tombeau.
La terre est bornée pour le pêcheur, et dans l'ombre, quand il n'y a pas de lune, la rivière est illimitée. Un marin n'éprouve point la même chose pour la mer. Elle est souvent dure et méchante c'est vrai, mais elle crie, elle hurle, elle est loyale, la grande mer ; tandis que la rivière est silencieuse et perfide. Elle ne gronde pas, elle coule toujours sans bruit, et ce mouvement éternel de l'eau qui coule est plus effrayant pour moi que les hautes vagues de l'Océan. (...)»
http://les.tresors.de.lys.free.fr/poete ... r_leau.htm
https://www.youtube.com/watch?v=tpO1OCGtS2I
(mise en scène : opposition coin désert /habité)
https://www.youtube.com/watch?v=_rR4K-nkNEk
(cf entre 28 et 30 pour le minutage ...
arbre, feuillage, plainte du vent ...)
Texte de Victor Hugo
versus cette bande cinéma de Jacques Tourneur. La "mère nature" sait présenter autre chose qu'un visage ami.