Droits de l'Homme et Évangile ?
A Christophe
Je vous cite :
Votre question me surprend un peu... Qui donc est habilité à définir le Bien, sinon Celui qui est la mesure de toute chose ?
Ne comptez pas sur moi pour vous fournir "clef-en-main" un critère infaillible de discernement moral. S'Il nous a confié Sa Parole et a fondé Son Eglise pour la diffuser, en revanche "Dieu a remis l'homme à son propre conseil" (Ecclésiastique XV.14)...
La prise de décision à la majorité n'est qu'une façon de résoudre pacifiquement les désaccords qui ne peuvent manquer de surgir entre les citoyens mais ne préjuge en rien de la bonté - et donc de la légitimité - des décisions adoptées. En fait, on pourrait tout aussi bien - et sans doute avec plus de bonheur - désigner un arbitre reconnu pour ses compétences, sa sagesse et sa vertu...
Evidemment que Dieu est le seul habilité à définir le Bien. Mais où se trouve la courroie de transmission au niveau politique ? Si la plupart des citoyens ont une conception du bien qui ne correspond pas à la bonne, ou n'ont pas de conception de bien du tout - ce qu'à Dieu ne plaise - , comment fait-on ? Nous sommes remis à notre propre conseil, en effet, notre propre conseil. Alors comment faire ? Vous-même admettez ne pas pouvoir fournir de critère de discernement moral, alors comment que je m' débrouille ?
Pour ce que vous dites de la prise de décision à la majorité, je suis d'accord. On peut beaucoup discuter sur l'efficaité et la justice théoriques de ce type de régime. Disons qu'empiriquement, on peut constater que dans la plupart des cas c'est le meilleur moyen de protéger les droits fondamentaux, et que dans l'histoire contemporaine les démocraties ont plutôt tendance à être pacifiques ; les grandes guerres du siècle qui vient de s'écouler ont été causées par des dictatures. Je pense que ce dernier constat peut être l'ultime argument en faveur de ce type de régime. Aussi suis-je dubitatif quand je vous lis évoquer l'arrivée d'un princeps cicéronien exemplaire...
Il est vrai que dans l'optique d'assurer le respect des droits fondamentaux, la Révolution française n'était pas "nécessaire" ; le mouvement avait commencé en Angleterre depuis longtemps (Déclaration des droits, et tendance lente mais efficace, de 1791 à 1886, à assurer la liberté religieuse totale), et commençait juste en France (existence civile des protestants, suppression de la torture par Louis XVI). Nul besoin historique de tuer tant de monde - cf. Napoléon, Terreur, Vendée, etc. - , quel gâchis.
Mais je dévie, et je prêche sûrement pour un convaincu... :roll: de toute manière, je m'aperçois que plus nous discutons et plus nous nous dégageons des points d'accord ; comme quoi un vrai débat sert toujours à quelque chose !
Cordialement
Votre question me surprend un peu... Qui donc est habilité à définir le Bien, sinon Celui qui est la mesure de toute chose ?
Ne comptez pas sur moi pour vous fournir "clef-en-main" un critère infaillible de discernement moral. S'Il nous a confié Sa Parole et a fondé Son Eglise pour la diffuser, en revanche "Dieu a remis l'homme à son propre conseil" (Ecclésiastique XV.14)...
La prise de décision à la majorité n'est qu'une façon de résoudre pacifiquement les désaccords qui ne peuvent manquer de surgir entre les citoyens mais ne préjuge en rien de la bonté - et donc de la légitimité - des décisions adoptées. En fait, on pourrait tout aussi bien - et sans doute avec plus de bonheur - désigner un arbitre reconnu pour ses compétences, sa sagesse et sa vertu...
Evidemment que Dieu est le seul habilité à définir le Bien. Mais où se trouve la courroie de transmission au niveau politique ? Si la plupart des citoyens ont une conception du bien qui ne correspond pas à la bonne, ou n'ont pas de conception de bien du tout - ce qu'à Dieu ne plaise - , comment fait-on ? Nous sommes remis à notre propre conseil, en effet, notre propre conseil. Alors comment faire ? Vous-même admettez ne pas pouvoir fournir de critère de discernement moral, alors comment que je m' débrouille ?
Pour ce que vous dites de la prise de décision à la majorité, je suis d'accord. On peut beaucoup discuter sur l'efficaité et la justice théoriques de ce type de régime. Disons qu'empiriquement, on peut constater que dans la plupart des cas c'est le meilleur moyen de protéger les droits fondamentaux, et que dans l'histoire contemporaine les démocraties ont plutôt tendance à être pacifiques ; les grandes guerres du siècle qui vient de s'écouler ont été causées par des dictatures. Je pense que ce dernier constat peut être l'ultime argument en faveur de ce type de régime. Aussi suis-je dubitatif quand je vous lis évoquer l'arrivée d'un princeps cicéronien exemplaire...
Il est vrai que dans l'optique d'assurer le respect des droits fondamentaux, la Révolution française n'était pas "nécessaire" ; le mouvement avait commencé en Angleterre depuis longtemps (Déclaration des droits, et tendance lente mais efficace, de 1791 à 1886, à assurer la liberté religieuse totale), et commençait juste en France (existence civile des protestants, suppression de la torture par Louis XVI). Nul besoin historique de tuer tant de monde - cf. Napoléon, Terreur, Vendée, etc. - , quel gâchis.
Mais je dévie, et je prêche sûrement pour un convaincu... :roll: de toute manière, je m'aperçois que plus nous discutons et plus nous nous dégageons des points d'accord ; comme quoi un vrai débat sert toujours à quelque chose !
Cordialement
- Christophe
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Eclairer la conscience des peuples ?
Bonsoir
Est-ce que vous me demandez quelle est la forme de gouvernement que je préconise ? Je peux vous répondre - je n'en fais pas mystère ;-) - mais la disscussion n'a pas lieu d'être dans le forum Philosophie. S'il ne s'agit que de comparer les avantages et inconvénients respectifs des différentes formes de gouvernement, nous entrons dans un débat institutionnel qui appartient au domaine des sciences politiques...
Est-ce que vous me demandez quelle est sur Terre l'institution dont la vocation est d'éclairer et de guider la conscience morale de l'humanité ? Je vous répondrai que cette institution, c'est l'Eglise assurément.
Est-ce que vous me demandez ce qu'un homme politique devrait faire pour amener "la plupart des citoyens" a avoir une morale conforme à la Vérité ? Je vous dirais que - pour ce faire - il doit promouvoir de justes rapports entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.
Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question... :???: [/align]
Bien à vous
Christophe
[align=justify]Toute solution retenue sera une solution humaine, et donc imparfaite. Cette imperfection irréductible, il faut certes tenter la minimiser, mais aussi - d'une certaine façon - l'accepter.MB a écrit :Evidemment que Dieu est le seul habilité à définir le Bien. Mais où se trouve la courroie de transmission au niveau politique ? Si la plupart des citoyens ont une conception du bien qui ne correspond pas à la bonne, ou n'ont pas de conception de bien du tout - ce qu'à Dieu ne plaise - , comment fait-on ? Nous sommes remis à notre propre conseil, en effet, notre propre conseil. Alors comment faire ? Vous-même admettez ne pas pouvoir fournir de critère de discernement moral, alors comment que je m' débrouille ?
Est-ce que vous me demandez quelle est la forme de gouvernement que je préconise ? Je peux vous répondre - je n'en fais pas mystère ;-) - mais la disscussion n'a pas lieu d'être dans le forum Philosophie. S'il ne s'agit que de comparer les avantages et inconvénients respectifs des différentes formes de gouvernement, nous entrons dans un débat institutionnel qui appartient au domaine des sciences politiques...
Est-ce que vous me demandez quelle est sur Terre l'institution dont la vocation est d'éclairer et de guider la conscience morale de l'humanité ? Je vous répondrai que cette institution, c'est l'Eglise assurément.
Est-ce que vous me demandez ce qu'un homme politique devrait faire pour amener "la plupart des citoyens" a avoir une morale conforme à la Vérité ? Je vous dirais que - pour ce faire - il doit promouvoir de justes rapports entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel.
Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question... :???: [/align]
Bien à vous
Christophe
Dernière modification par Christophe le mar. 14 sept. 2004, 21:11, modifié 1 fois.
« N'ayez pas peur ! » (365 occurrences dans les Écritures)
Re: Eclairer la conscience des peuples ?
Re:)
Rassurez-vous, vous m'avez répondu. Comme vous le dites, il faudra que je m'applique plus à rester pile poil dans le sujet des forums ! Ceci dit, une discussion sur des thèmes relatifs au bien public doit nécessairement comporter un volet pratique.
Je pense que c'est justement un problème des débats de philosophie politique : lorsque l'on ne fait que de la théorie, on prend des risques pour l'avenir, même à notre petite échelle. Toute discussion de cette nature doit tenir compte d'observations empiriques, et comme vous le dites, compenser la fragilité et l'imperfection des décisions humaines par le souci d'en minimiser au plus la portée. Saint-Just, Rob', Vladimir Illitch, ne faisaient aucune place, dans leur réflexion politique, à l'expérience empirique - ou alors cette expérience était très fantasmée, genre Sparte et Rome. Evitons de faire comme eux, à plus forte raison en invoquant l'Eglise et son magistère.
Par conséquent, lorsque vous dites que l'Eglise doit être le guide moral, je suis d'accord avec vous, mais dans le même temps je pense qu'il faut toujours ménager au moins une petite place pour la contradiction, pour la concurrence ; il faut que des aiguillons extérieurs forcent l'Eglise a ne fournir que ce qu'elle a de mieux, et éviter à tout prix le moindre monopole institutionnel (ce qui n'est pas contradictoire avec un éventuel monopole de la vérité). Cela ne vaut pas que pour l'Eglise, d'ailleurs. Quand on fait de la place à la possibilité de la contradiction, du retournement, cela ne donne pas forcément les meilleurs résultats, mais permet d'en éviter les pires (j'espère que je suis clair ?).
C'est en cela - et revenons au thème central - que l'on peut trouver de l'utilité aux droits de l'homme, et tant pis si le texte de 1789 a des connotations qui nous déplaisent. Il faut trouver les bonnes clés de lecture, et tirer de ce texte le meilleur : l'idée qu'on ferait atteinte à la justice en déniant à l'homme ses droits, et l'idée que les conséquences de ces droits - confrontation, concurrence, initiative -, même lorsqu'elles ne sont pas les meilleures, nous donnent la possibilité de ne pas rester enfermés dans tel ou tel conformisme, et surtout de pouvoir toujours remettre en cause un pouvoir dont rien ne garantit qu'il ne soit pas abusif.
Je ne sais pas si je suis clair :unsure: ; dites-le moi alors.
Bien amicalement
PS : on devrait peut-être ouvrir un autre sujet de discussion : l'Eglise a-t-elle le monopole de la vérité ? Je pense que ce thème a beaucoup de connexions avec celui dont il est question ici.
Rassurez-vous, vous m'avez répondu. Comme vous le dites, il faudra que je m'applique plus à rester pile poil dans le sujet des forums ! Ceci dit, une discussion sur des thèmes relatifs au bien public doit nécessairement comporter un volet pratique.
Je pense que c'est justement un problème des débats de philosophie politique : lorsque l'on ne fait que de la théorie, on prend des risques pour l'avenir, même à notre petite échelle. Toute discussion de cette nature doit tenir compte d'observations empiriques, et comme vous le dites, compenser la fragilité et l'imperfection des décisions humaines par le souci d'en minimiser au plus la portée. Saint-Just, Rob', Vladimir Illitch, ne faisaient aucune place, dans leur réflexion politique, à l'expérience empirique - ou alors cette expérience était très fantasmée, genre Sparte et Rome. Evitons de faire comme eux, à plus forte raison en invoquant l'Eglise et son magistère.
Par conséquent, lorsque vous dites que l'Eglise doit être le guide moral, je suis d'accord avec vous, mais dans le même temps je pense qu'il faut toujours ménager au moins une petite place pour la contradiction, pour la concurrence ; il faut que des aiguillons extérieurs forcent l'Eglise a ne fournir que ce qu'elle a de mieux, et éviter à tout prix le moindre monopole institutionnel (ce qui n'est pas contradictoire avec un éventuel monopole de la vérité). Cela ne vaut pas que pour l'Eglise, d'ailleurs. Quand on fait de la place à la possibilité de la contradiction, du retournement, cela ne donne pas forcément les meilleurs résultats, mais permet d'en éviter les pires (j'espère que je suis clair ?).
C'est en cela - et revenons au thème central - que l'on peut trouver de l'utilité aux droits de l'homme, et tant pis si le texte de 1789 a des connotations qui nous déplaisent. Il faut trouver les bonnes clés de lecture, et tirer de ce texte le meilleur : l'idée qu'on ferait atteinte à la justice en déniant à l'homme ses droits, et l'idée que les conséquences de ces droits - confrontation, concurrence, initiative -, même lorsqu'elles ne sont pas les meilleures, nous donnent la possibilité de ne pas rester enfermés dans tel ou tel conformisme, et surtout de pouvoir toujours remettre en cause un pouvoir dont rien ne garantit qu'il ne soit pas abusif.
Je ne sais pas si je suis clair :unsure: ; dites-le moi alors.
Bien amicalement
PS : on devrait peut-être ouvrir un autre sujet de discussion : l'Eglise a-t-elle le monopole de la vérité ? Je pense que ce thème a beaucoup de connexions avec celui dont il est question ici.
- Christophe
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Cher MB
Loin de moi l'idée de vous contredire sur l'importance pour les théoriciens de se confronter aux données empiriques... Et, en fait ce n'était absolument pas l'objet de ma remarque. Il me semble que la philosophie politique et la science politique - qui sont deux disciplines "théoriques" - usent de méthodologies très différentes pour traiter de problèmatiques propres à chacune. D'où un semblant de cloisonnement...
Cela étant dit, les utilisateurs sont bien évidemment invités à ne pas limiter leurs interventions à un seul forum...[/align]
Mais je ne comprends pas en quoi "la confrontation, la concurrence, l'initiative" sont des conséquences de droits de l'homme tels que proclamés par la déclaration de 1789. Ni la suite... [/align]
In Christo
Christophe
[align=justify]Excusez-moi, parfois mon rôle d'administrateur/modérateur interfère avec mon rôle d'intervenant... Ne traiter qu'un seul thème par fil me semble important pour la clarté des disscussions (pensons aux lecteurs) et plus propice à l'approfondissement de la réflexion que sauter du coq à l'âne.MB a écrit :Rassurez-vous, vous m'avez répondu. Comme vous le dites, il faudra que je m'applique plus à rester pile poil dans le sujet des forums ! Ceci dit, une discussion sur des thèmes relatifs au bien public doit nécessairement comporter un volet pratique.
Je pense que c'est justement un problème des débats de philosophie politique : lorsque l'on ne fait que de la théorie, on prend des risques pour l'avenir, même à notre petite échelle. Toute discussion de cette nature doit tenir compte d'observations empiriques, et comme vous le dites, compenser la fragilité et l'imperfection des décisions humaines par le souci d'en minimiser au plus la portée. Saint-Just, Rob', Vladimir Illitch, ne faisaient aucune place, dans leur réflexion politique, à l'expérience empirique - ou alors cette expérience était très fantasmée, genre Sparte et Rome. Evitons de faire comme eux, à plus forte raison en invoquant l'Eglise et son magistère.
Loin de moi l'idée de vous contredire sur l'importance pour les théoriciens de se confronter aux données empiriques... Et, en fait ce n'était absolument pas l'objet de ma remarque. Il me semble que la philosophie politique et la science politique - qui sont deux disciplines "théoriques" - usent de méthodologies très différentes pour traiter de problèmatiques propres à chacune. D'où un semblant de cloisonnement...
Cela étant dit, les utilisateurs sont bien évidemment invités à ne pas limiter leurs interventions à un seul forum...[/align]
Alors je vous laisse initier le fil "l'Eglise a-t-elle le monopole de la vérité ?"Par conséquent, lorsque vous dites que l'Eglise doit être le guide moral, je suis d'accord avec vous, mais dans le même temps je pense qu'il faut toujours ménager au moins une petite place pour la contradiction, pour la concurrence ; il faut que des aiguillons extérieurs forcent l'Eglise a ne fournir que ce qu'elle a de mieux, et éviter à tout prix le moindre monopole institutionnel (ce qui n'est pas contradictoire avec un éventuel monopole de la vérité). Cela ne vaut pas que pour l'Eglise, d'ailleurs. Quand on fait de la place à la possibilité de la contradiction, du retournement, cela ne donne pas forcément les meilleurs résultats, mais permet d'en éviter les pires (j'espère que je suis clair ?).
[align=justify]Je comprends que vous voulez "positiver" pour sauver de ce texte ce qui mérite de l'être - ce qui est tout à votre honneur et à votre bénéfice - bien que cela ne change rien à la qualité intrinsèque de cette déclaration...C'est en cela - et revenons au thème central - que l'on peut trouver de l'utilité aux droits de l'homme, et tant pis si le texte de 1789 a des connotations qui nous déplaisent. Il faut trouver les bonnes clés de lecture, et tirer de ce texte le meilleur : l'idée qu'on ferait atteinte à la justice en déniant à l'homme ses droits, et l'idée que les conséquences de ces droits - confrontation, concurrence, initiative -, même lorsqu'elles ne sont pas les meilleures, nous donnent la possibilité de ne pas rester enfermés dans tel ou tel conformisme, et surtout de pouvoir toujours remettre en cause un pouuvoir dont rien ne garantit qu'il ne soit pas abusif.
Je ne sais pas si je suis clair :unsure: ; dites-le moi alors.
Mais je ne comprends pas en quoi "la confrontation, la concurrence, l'initiative" sont des conséquences de droits de l'homme tels que proclamés par la déclaration de 1789. Ni la suite... [/align]
In Christo
Christophe
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Je viens de m'inscrire, il faut fêter cela… Puisque je viens de lire tout cette discussion, une ou deux réflexions me viennent à l'esprit:
1) cela "m'inquiète" qu'un catéchumène éprouve le besoin de poser cette question sur la déclaration des droits de l'homme. Lui n'est pas en cause, évidemment, et ses interventions ultérieures montre une saine dose de bon sens (ce n'est pas inclus dans la préparation au baptème, mais cela lui sera sûrement très utile par la suite!). Non, ce qui m'inquiète, c'est que cette personne a dû rencontrer des catholiques qui se focalisent à ce point sur la Révolution (et ses funestes conséquences, etc.), qu'ils parviennent à donner l'impression que l'adhésion à une conception anti-révolutionnaire fait partie du package pour entrer dans l'Eglise!
2) la discussion est fort intéressante, mais on ne saisit pas bien si ce qui est en question est un point d'histoire ou un point de pensée politique. Un point d'histoire: si l'on cherche à savoir ce que voulaient les rédacteurs de la DDHC, dans le contexte de l'époque, et comment l'Eglise, à l'époque, a réagi; un point de pensée politique: si le problème est de comprendre quelle place faire aux Droits de l'homme dans une conception chrétienne de l'ordre politique.
Aujourd'hui, plus personne ne fait de cette Déclaration un programme politique. Elle a fait l'objet de nombreuses critiques, de droite comme de gauche (voyez Marx), et n'est pas un texte sacré. Par ailleurs, l'Eglise elle-même fait désormais souvent référence aux droits de l'homme, en les entendant, évidemment, dans un sens assez différent de celui qui prévalait en 1789 (où ces "droits de l'homme" passaient pour s'opposer aux "droits de Dieu"). La référence, aujourd'hui, est plutôt la déclaration universelle, ou la convention européenne.
La position de Wanderer montre qu'il entend ce texte dans son sens contemporain: en gros, celui de l'après-totalitarisme. Christophe, lui, semble attaché à une forme de pensée contre-révolutionnaire, qui est parfaitement respectable mais gagne, à mon avis, à se présenter comme ce qu'elle est: une pensée politique comme une autre, compatible, comme d'autres, avec la foi chrétienne, mais certainement pas la seule option possible.
Voilà. C'est pas très percutant, j'en suis conscient, mais si cela clarifie un peu le débat, n'est-ce pas?… :blink:
1) cela "m'inquiète" qu'un catéchumène éprouve le besoin de poser cette question sur la déclaration des droits de l'homme. Lui n'est pas en cause, évidemment, et ses interventions ultérieures montre une saine dose de bon sens (ce n'est pas inclus dans la préparation au baptème, mais cela lui sera sûrement très utile par la suite!). Non, ce qui m'inquiète, c'est que cette personne a dû rencontrer des catholiques qui se focalisent à ce point sur la Révolution (et ses funestes conséquences, etc.), qu'ils parviennent à donner l'impression que l'adhésion à une conception anti-révolutionnaire fait partie du package pour entrer dans l'Eglise!
2) la discussion est fort intéressante, mais on ne saisit pas bien si ce qui est en question est un point d'histoire ou un point de pensée politique. Un point d'histoire: si l'on cherche à savoir ce que voulaient les rédacteurs de la DDHC, dans le contexte de l'époque, et comment l'Eglise, à l'époque, a réagi; un point de pensée politique: si le problème est de comprendre quelle place faire aux Droits de l'homme dans une conception chrétienne de l'ordre politique.
Aujourd'hui, plus personne ne fait de cette Déclaration un programme politique. Elle a fait l'objet de nombreuses critiques, de droite comme de gauche (voyez Marx), et n'est pas un texte sacré. Par ailleurs, l'Eglise elle-même fait désormais souvent référence aux droits de l'homme, en les entendant, évidemment, dans un sens assez différent de celui qui prévalait en 1789 (où ces "droits de l'homme" passaient pour s'opposer aux "droits de Dieu"). La référence, aujourd'hui, est plutôt la déclaration universelle, ou la convention européenne.
La position de Wanderer montre qu'il entend ce texte dans son sens contemporain: en gros, celui de l'après-totalitarisme. Christophe, lui, semble attaché à une forme de pensée contre-révolutionnaire, qui est parfaitement respectable mais gagne, à mon avis, à se présenter comme ce qu'elle est: une pensée politique comme une autre, compatible, comme d'autres, avec la foi chrétienne, mais certainement pas la seule option possible.
Voilà. C'est pas très percutant, j'en suis conscient, mais si cela clarifie un peu le débat, n'est-ce pas?… :blink:
"Qui, sinon le philosophe, examinera si Socrate est le même que Socrate assis?" (Aristote)
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Bienvenue !
Bienvenue à vous, Philarête !
S'il faut fêter cet heureux évènement... :cheers:
Il ne s'agissait donc ici nullement de faire le procès de la Révolution.[/align]
Je vous propose à tous de poursuivre ce débat en publiant la déclaration universelle de 1948. Qu'en dites vous ?
Si j'ai parfois semblé manquer de clarté à cet égard, merci de me corriger.[/align]
Bien à vous
Christophe
S'il faut fêter cet heureux évènement... :cheers:
[align=justify]Il s'agissait - selon moi - d'une question de philosophie politique (d'où son placement dans le forum "Philosophie") : quel acceuil faire à la conception des droits de l'homme véhiculée par le texte de la DDHC de 1789, dans une conception chrétienne de l'ordre politique. Répondre à cette question nécessitait d'éclairer un peu le sens de la déclaration - au-delà de la sémantique pure - à la lumière du contexte historique et philosophique de sa rédaction.Philarête a écrit :2) la discussion est fort intéressante, mais on ne saisit pas bien si ce qui est en question est un point d'histoire ou un point de pensée politique. Un point d'histoire: si l'on cherche à savoir ce que voulaient les rédacteurs de la DDHC, dans le contexte de l'époque, et comment l'Eglise, à l'époque, a réagi; un point de pensée politique: si le problème est de comprendre quelle place faire aux Droits de l'homme dans une conception chrétienne de l'ordre politique.
Il ne s'agissait donc ici nullement de faire le procès de la Révolution.[/align]
Ce que vous écrivez me semble tout à fait juste. MB a d'ailleurs écrit des choses analogues.Aujourd'hui, plus personne ne fait de cette Déclaration un programme politique. Elle a fait l'objet de nombreuses critiques, de droite comme de gauche (voyez Marx), et n'est pas un texte sacré. Par ailleurs, l'Eglise elle-même fait désormais souvent référence aux droits de l'homme, en les entendant, évidemment, dans un sens assez différent de celui qui prévalait en 1789 (où ces "droits de l'homme" passaient pour s'opposer aux "droits de Dieu"). La référence, aujourd'hui, est plutôt la déclaration universelle, ou la convention européenne.
Je vous propose à tous de poursuivre ce débat en publiant la déclaration universelle de 1948. Qu'en dites vous ?
[align=justify]Je ne renie pas les élèments contre-révolutionnaires de ma pensée politique, mais il me semble avoir toujours eu soin de distinguer - sur ces forums - ce qui est de l'ordre du nécessaire vis-à-vis de la foi chrétienne (par exemple, pour revenir au thème de ce débat, la souveraineté de Dieu) et ce qui reste de l'ordre du contingent (par exemple, l'exercice de la souveraineté pratique par un roi en monarchie ou par le peuple en république).Christophe, lui, semble attaché à une forme de pensée contre-révolutionnaire, qui est parfaitement respectable mais gagne, à mon avis, à se présenter comme ce qu'elle est: une pensée politique comme une autre, compatible, comme d'autres, avec la foi chrétienne, mais certainement pas la seule option possible.
Si j'ai parfois semblé manquer de clarté à cet égard, merci de me corriger.[/align]
Bien à vous
Christophe
« N'ayez pas peur ! » (365 occurrences dans les Écritures)
J'ai trouvé un lien vers la déclaration de 1948 :
http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm
Merci à Christophe d'avoir dit que j'avais écrit des choses "tout à fait justes"
Pour être complet, peut-être faut-il ajouter d'autres textes.
Déclaration des droits de l'enfant (http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm)
Peut-être y a-t-il un texte sur les droits de la femme ? Je n'en sais rien.
Amicalement
http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm
Merci à Christophe d'avoir dit que j'avais écrit des choses "tout à fait justes"
Pour être complet, peut-être faut-il ajouter d'autres textes.
Déclaration des droits de l'enfant (http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm)
Peut-être y a-t-il un texte sur les droits de la femme ? Je n'en sais rien.
Amicalement
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Tout à fait d'accord pour continuer la discussion.
Je n'oublie pas que je n'ai pas répondu à Christophe sur le "souffle libérateur de la révolution", je ne me défile pas, mais ça attendra un peu, le temps que je me remette un peu plus à jour en histoire pour ne pas parler sur des impressions ou des sentiments, mais sur des faits. Ca viendra je ne sais pas quand. Ma préparation du concours d'instituteur implique une remise à niveau en histoire salutaire, alors ça ne tardera pas trop.
Je crois que ce Philarête est un intervenant de grande valeur
Pour vous répondre, aucun catholique ne m'a bouré le crâne, c'est juste que sur un autre fil que je vous encourage à lire (que pensez vous de la fraternité saint pie X?), tout le monde semblait d'accord sur ce point, alors j'ai choisi de lancer le débat. Et tout le monde n'est pas exactement d'accord à ce que je vois, alors j'ai bien fait.
bien à vous Wanderer
Je n'oublie pas que je n'ai pas répondu à Christophe sur le "souffle libérateur de la révolution", je ne me défile pas, mais ça attendra un peu, le temps que je me remette un peu plus à jour en histoire pour ne pas parler sur des impressions ou des sentiments, mais sur des faits. Ca viendra je ne sais pas quand. Ma préparation du concours d'instituteur implique une remise à niveau en histoire salutaire, alors ça ne tardera pas trop.
Je crois que ce Philarête est un intervenant de grande valeur
:lol: :lol: :lol:ses interventions ultérieures montre une saine dose de bon sens
Pour vous répondre, aucun catholique ne m'a bouré le crâne, c'est juste que sur un autre fil que je vous encourage à lire (que pensez vous de la fraternité saint pie X?), tout le monde semblait d'accord sur ce point, alors j'ai choisi de lancer le débat. Et tout le monde n'est pas exactement d'accord à ce que je vois, alors j'ai bien fait.
bien à vous Wanderer
On s'active, sur ce forum! Cela montre que le sujet est intéressant… et je ne veux pas laisser passer plus de temps pour intervenir de nouveau, sinon on va croire que je n'ai fait qu'un petit tour… Merci, en passant, pour vos bonnes paroles d'accueil.
Je cite Christophe :
« Je ne renie pas les élèments contre-révolutionnaires de ma pensée politique, mais il me semble avoir toujours eu soin de distinguer - sur ces forums - ce qui est de l'ordre du nécessaire vis-à-vis de la foi chrétienne (par exemple, pour revenir au thème de ce débat, la souveraineté de Dieu) et ce qui reste de l'ordre du contingent (par exemple, l'exercice de la souveraineté pratique par un roi en monarchie ou par le peuple en république). »
(Comme on voit, je ne maîtrise pas encore la technique des citations, et mon copy-paste est un peu archaïque…)
Notre discussion porte sur un point de philosophie politique, et je vais tâcher de mettre au clair mes idées sur cette question.
Un mot cependant d'abord sur le point historique: je crois partager avec Christophe un regard critique sur "notre" Révolution, non seulement eu égard à sa brutalité, voire sa sauvagerie en bien des épisodes, mais également quant à ses conséquences. Il est clair à mes yeux que la Révolution est "grosse" des germes totalitaires qui s'épanouiront au XXème siècle, dans son projet de refonte totale de la société. Il y a réellement eu chez certains révolutionnaires la prétention à faire naître un homme nouveau, et de voir dans l'Etat l'instrument de cette naissance. L'idée que l'homme se définit entièrement par son appartenance à l'Etat (c'est un des sens du "homme et citoyen" de la Déclaration, même si le point est controversé) entraîne très rapidement sa subordination complète aux fins de l'Etat, avec pour conséquence les guerres totales dont la Révolution, puis l'Empire, ont donné l'exemple. Contrairement à ce que l'on lit parfois, ces guerres, ainsi que les formes autoritaires que prend l'Etat en ces moments, et qui sont devenues réalités en Allemagne et en Russie soviétique, entre autres, ne sont pas des "rechutes", des retombées dans un âge archaïque, mais bien des suites logiques, peut-être même plus conséquentes, du projet révolutionnaire. Aux yeux d'un stalinien de la grande époque, c'est nos démocraties qui sont ringardes, et l'Etat soviétique qui représente "le progrès".
Maintenant, je crois qu'on peut distinguer autre chose dans le projet républicain, autre chose qui passe souvent à l'arrière-plan dans la présente discussion.
J'en trouve l'indice dans le passage cité plus haut de Christophe, opposant la souveraineté d'un seul à celle du peuple. Or ces deux souverainetés ne sont pas homogènes. Ce qui caractérise le mieux, à mes yeux, l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité. Le peuple est souverain, oui, mais sur les questions politiques — et non sur les questions morales et religieuses. Il est souverain pour décider dans les domaines qui sont communs à tous, non dans ceux qui concernent les fins ultimes, ou le bonheur, des personnes. L'Etat peut décider combien il faut ouvrir d'universités, pas pour trancher les débats scientifiques; l'Etat peut protéger certaines corporations menacées, pas définir la manière dont on fait du bon pain; il peut décider dans quelle mesure, dans l'intérêt commun, les croyances religieuses peuvent s'exprimer publiquement, non s'arroger le droit de dire ce qu'il faut croire ou ne pas croire…
Cette forme de souveraineté devient nécessaire, historiquement, lorsque les membres d'une même nation se trouvent en désaccords profonds sur les questions relatives aux biens ultimes: cela a commencé avec la Réforme, et n'a fait qu'augmenter depuis. Ces désaccords sont un fait, qu'on peut déplorer mais qui est réel. Dès lors, il y avait deux solutions: 1) constituer des nations regroupant chacune les fidèles d'une même religion (le principe "cujus regio, ejus religio", i.e. à chaque pays sa religion — principe revendiqué notamment par les Protestants du XVIème siècle, mais qui a séduit un moment Louis XIV), et maintenir l'ancienne subordination du pouvoir temporel au pouvoir religieux. 2) Considérer que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare, et réorganiser les pouvoirs de façon à ce que l'on puisse vivre ensemble, avoir un destin commun, alors même que nous sommes divisés sur la question du Salut. C'est la solution adoptée par la France, déjà sous la monarchie, où le pouvoir temporel a toujours cherché à se ménager une marge d'autonomie par rapport au spirituel (par exemple, l'alliance promue par Richelieu entre la France et l'Empire ottoman, au grand dam de l'Espagne catholique… et impériale, dont le poids en Europe devenait inquiétant).
Dans cette seconde solution, le pouvoir temporel, de fait, accepte de ne plus s'occuper directement du salut des âmes. Mais il revendique, en revanche, la souveraineté dans l'ordre politique: qu'il y ait la paix et la sécurité pour tous, que l'économie soit prospère, que le pays soit considéré et respecté par les autres nations, que l'éducation soit bien assurée, etc, etc. Or dans ces domaines, on peut trouver un accord même entr des gens qui s'opposent par ailleurs sur des questions fondamentales. Comme dit un poète polonais, "le croyant et le libre penseur peuvent être amis dans la brigade de pompiers", autrement dit, ils peuvent être d'accord sur le fait qu'il vaut la peine de combattre les incendies menaçant leurs concitoyens. La solution démocratique consiste à penser que, sur toutes ces questions qui nous concernent fort directement, c'est à nous de décider — au risque de nous tromper parfois…
C'est pourquoi je ne partage pas la vision selon laquelle l'Etat démocratique moderne aurait voulu prendre la place de Dieu, ou régir à coup de suffrage universel les questions qui, auparavant, étaient réglées par l'Eglise: le véritable Etat démocratique laisse à ses citoyens le droit de s'adresser à qui ils veulent pour se diriger dans ces domaines, et administre, pour sa part, ce qui, aux yeux même de l'Eglise d'ailleurs, relève du libre choix.
Il y a danger uniquement quand les frontières entre ces domaines s'estompent. C'est évidemment le cas dans les pays totalitaires, où elles sont radicalement niées, mais c'est aussi le cas dans nos sociétés démocratique, et de façon plus insidieuses.
Cela soulève un vrai défi, que les chrétiens peuvent relever, à mon sens, non en regardant avec nostalgie vers un passé où tout (apparemment) était plus simple, mais en défendant une conception saine de l'ordre politique. Nous avons les moyens de réaffirmer la dignité du politique, et de contribuer à son "auto-limitation", en montrant que ni la famille, ni les croyances ou les mœurs, ne relèvent de la souveraineté démocratique. C'est là que le recours aux "droits de l'homme" peut être utile, et parfois indispensable.
Désolé d'avoir été aussi long, et de n'avoir peut-être enfoncé que des portes ouvertes!
Je cite Christophe :
« Je ne renie pas les élèments contre-révolutionnaires de ma pensée politique, mais il me semble avoir toujours eu soin de distinguer - sur ces forums - ce qui est de l'ordre du nécessaire vis-à-vis de la foi chrétienne (par exemple, pour revenir au thème de ce débat, la souveraineté de Dieu) et ce qui reste de l'ordre du contingent (par exemple, l'exercice de la souveraineté pratique par un roi en monarchie ou par le peuple en république). »
(Comme on voit, je ne maîtrise pas encore la technique des citations, et mon copy-paste est un peu archaïque…)
Notre discussion porte sur un point de philosophie politique, et je vais tâcher de mettre au clair mes idées sur cette question.
Un mot cependant d'abord sur le point historique: je crois partager avec Christophe un regard critique sur "notre" Révolution, non seulement eu égard à sa brutalité, voire sa sauvagerie en bien des épisodes, mais également quant à ses conséquences. Il est clair à mes yeux que la Révolution est "grosse" des germes totalitaires qui s'épanouiront au XXème siècle, dans son projet de refonte totale de la société. Il y a réellement eu chez certains révolutionnaires la prétention à faire naître un homme nouveau, et de voir dans l'Etat l'instrument de cette naissance. L'idée que l'homme se définit entièrement par son appartenance à l'Etat (c'est un des sens du "homme et citoyen" de la Déclaration, même si le point est controversé) entraîne très rapidement sa subordination complète aux fins de l'Etat, avec pour conséquence les guerres totales dont la Révolution, puis l'Empire, ont donné l'exemple. Contrairement à ce que l'on lit parfois, ces guerres, ainsi que les formes autoritaires que prend l'Etat en ces moments, et qui sont devenues réalités en Allemagne et en Russie soviétique, entre autres, ne sont pas des "rechutes", des retombées dans un âge archaïque, mais bien des suites logiques, peut-être même plus conséquentes, du projet révolutionnaire. Aux yeux d'un stalinien de la grande époque, c'est nos démocraties qui sont ringardes, et l'Etat soviétique qui représente "le progrès".
Maintenant, je crois qu'on peut distinguer autre chose dans le projet républicain, autre chose qui passe souvent à l'arrière-plan dans la présente discussion.
J'en trouve l'indice dans le passage cité plus haut de Christophe, opposant la souveraineté d'un seul à celle du peuple. Or ces deux souverainetés ne sont pas homogènes. Ce qui caractérise le mieux, à mes yeux, l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité. Le peuple est souverain, oui, mais sur les questions politiques — et non sur les questions morales et religieuses. Il est souverain pour décider dans les domaines qui sont communs à tous, non dans ceux qui concernent les fins ultimes, ou le bonheur, des personnes. L'Etat peut décider combien il faut ouvrir d'universités, pas pour trancher les débats scientifiques; l'Etat peut protéger certaines corporations menacées, pas définir la manière dont on fait du bon pain; il peut décider dans quelle mesure, dans l'intérêt commun, les croyances religieuses peuvent s'exprimer publiquement, non s'arroger le droit de dire ce qu'il faut croire ou ne pas croire…
Cette forme de souveraineté devient nécessaire, historiquement, lorsque les membres d'une même nation se trouvent en désaccords profonds sur les questions relatives aux biens ultimes: cela a commencé avec la Réforme, et n'a fait qu'augmenter depuis. Ces désaccords sont un fait, qu'on peut déplorer mais qui est réel. Dès lors, il y avait deux solutions: 1) constituer des nations regroupant chacune les fidèles d'une même religion (le principe "cujus regio, ejus religio", i.e. à chaque pays sa religion — principe revendiqué notamment par les Protestants du XVIème siècle, mais qui a séduit un moment Louis XIV), et maintenir l'ancienne subordination du pouvoir temporel au pouvoir religieux. 2) Considérer que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare, et réorganiser les pouvoirs de façon à ce que l'on puisse vivre ensemble, avoir un destin commun, alors même que nous sommes divisés sur la question du Salut. C'est la solution adoptée par la France, déjà sous la monarchie, où le pouvoir temporel a toujours cherché à se ménager une marge d'autonomie par rapport au spirituel (par exemple, l'alliance promue par Richelieu entre la France et l'Empire ottoman, au grand dam de l'Espagne catholique… et impériale, dont le poids en Europe devenait inquiétant).
Dans cette seconde solution, le pouvoir temporel, de fait, accepte de ne plus s'occuper directement du salut des âmes. Mais il revendique, en revanche, la souveraineté dans l'ordre politique: qu'il y ait la paix et la sécurité pour tous, que l'économie soit prospère, que le pays soit considéré et respecté par les autres nations, que l'éducation soit bien assurée, etc, etc. Or dans ces domaines, on peut trouver un accord même entr des gens qui s'opposent par ailleurs sur des questions fondamentales. Comme dit un poète polonais, "le croyant et le libre penseur peuvent être amis dans la brigade de pompiers", autrement dit, ils peuvent être d'accord sur le fait qu'il vaut la peine de combattre les incendies menaçant leurs concitoyens. La solution démocratique consiste à penser que, sur toutes ces questions qui nous concernent fort directement, c'est à nous de décider — au risque de nous tromper parfois…
C'est pourquoi je ne partage pas la vision selon laquelle l'Etat démocratique moderne aurait voulu prendre la place de Dieu, ou régir à coup de suffrage universel les questions qui, auparavant, étaient réglées par l'Eglise: le véritable Etat démocratique laisse à ses citoyens le droit de s'adresser à qui ils veulent pour se diriger dans ces domaines, et administre, pour sa part, ce qui, aux yeux même de l'Eglise d'ailleurs, relève du libre choix.
Il y a danger uniquement quand les frontières entre ces domaines s'estompent. C'est évidemment le cas dans les pays totalitaires, où elles sont radicalement niées, mais c'est aussi le cas dans nos sociétés démocratique, et de façon plus insidieuses.
Cela soulève un vrai défi, que les chrétiens peuvent relever, à mon sens, non en regardant avec nostalgie vers un passé où tout (apparemment) était plus simple, mais en défendant une conception saine de l'ordre politique. Nous avons les moyens de réaffirmer la dignité du politique, et de contribuer à son "auto-limitation", en montrant que ni la famille, ni les croyances ou les mœurs, ne relèvent de la souveraineté démocratique. C'est là que le recours aux "droits de l'homme" peut être utile, et parfois indispensable.
Désolé d'avoir été aussi long, et de n'avoir peut-être enfoncé que des portes ouvertes!
"Qui, sinon le philosophe, examinera si Socrate est le même que Socrate assis?" (Aristote)
Bonjour Philarète ; je suis entièrement d'accord avec vous, mais votre texte soulève une question peu résolue.
Vous affirmez, en gros, la théorie des sphères : il y a une sphère politique, une sphère morale, religieuse, esthétique, etc. et l'Etat n'intervient que dans la première d'entre elles (si j'ai manqué qqch, dites-le moi).
Mais il arrive que ces sphères soient en contact ou pire, s'interpénètrent :
- ex. type, une situation de guerre : conjoncture politique suprême (protéger l'autorité politique), mais qui entraîne des choix moraux importants (ex., comme Churchill, laisser bombarder Coventry alors qu'on en a été prévnu à l'avance, pour ne pas éveiller des soupcçons d'expionnage chez les nazis)
- autre cas, bien connu et déjà débattu ici : législation sur l'avortement, le pacs, le mariage, etc.
- autre cas : législation sur l'immigration.
Etc, etc. ... donc nous en sommes toujours remis à notre jugement et à nous-mêmes dans pas mal de cas.
Cela dit, l'intérêt supérieur du régime dont nous parlons, est justement cette limitation du politique : ainsi on ne garantit pas qu'il fera les meilleures choses, mais on est certain qu'il ne fera pas les pires. Autre avantage : même le dirigeant le plus bête (vous voyez peut-être à qui je fais allusion, ) laissera sa place à un moment ou à un autre. La médiocrité est parfois une solution.
Vous noterez aussi que le fondement de ce genre de régime, c'est la confiance : on présuppose que les institutions vont atténuer une éventuelle volonté politique maligne ; on présuppose que chacun les respectera et respectera le droit ; on a aussi confiance dans l'avenir (et disons, le "progrès") : on pense que rien de grave ne résultera de tout cela, et que si quelque chose de grave doit malgré tout advenir, on saura faire face. Moralement, tout ça, ce n'est pas mal...
Cordialement
Vous affirmez, en gros, la théorie des sphères : il y a une sphère politique, une sphère morale, religieuse, esthétique, etc. et l'Etat n'intervient que dans la première d'entre elles (si j'ai manqué qqch, dites-le moi).
Mais il arrive que ces sphères soient en contact ou pire, s'interpénètrent :
- ex. type, une situation de guerre : conjoncture politique suprême (protéger l'autorité politique), mais qui entraîne des choix moraux importants (ex., comme Churchill, laisser bombarder Coventry alors qu'on en a été prévnu à l'avance, pour ne pas éveiller des soupcçons d'expionnage chez les nazis)
- autre cas, bien connu et déjà débattu ici : législation sur l'avortement, le pacs, le mariage, etc.
- autre cas : législation sur l'immigration.
Etc, etc. ... donc nous en sommes toujours remis à notre jugement et à nous-mêmes dans pas mal de cas.
Cela dit, l'intérêt supérieur du régime dont nous parlons, est justement cette limitation du politique : ainsi on ne garantit pas qu'il fera les meilleures choses, mais on est certain qu'il ne fera pas les pires. Autre avantage : même le dirigeant le plus bête (vous voyez peut-être à qui je fais allusion, ) laissera sa place à un moment ou à un autre. La médiocrité est parfois une solution.
Vous noterez aussi que le fondement de ce genre de régime, c'est la confiance : on présuppose que les institutions vont atténuer une éventuelle volonté politique maligne ; on présuppose que chacun les respectera et respectera le droit ; on a aussi confiance dans l'avenir (et disons, le "progrès") : on pense que rien de grave ne résultera de tout cela, et que si quelque chose de grave doit malgré tout advenir, on saura faire face. Moralement, tout ça, ce n'est pas mal...
Cordialement
- VexillumRegis
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Oui. Tout est d'ailleurs compris à cette époque dans le terme si usité de "régénération" - Comme l'abbé Grégoire, par exemple, qui veut "régénérer" les Juifs en leur accordant des droits civiques en échange de l'abandon de leurs traditions qui exitent "tout au plus plus le rire de la pitié" (dixit son "Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs"Philarête a écrit :Il y a réellement eu chez certains révolutionnaires la prétention à faire naître un homme nouveau, et de voir dans l'Etat l'instrument de cette naissance
A vrai dire, et si l'on s'en tient à la définition rousseauiste "orthodoxe" de la souveraineté nationale (vue comme l'expression de la Volonté générale), celle-ci renferme dans sa définition l'idée qu'elle peut s'étendre à tous les domaines de la vie en société, sans qu'on puisse lui imposer des bornes, puisque rien ne peut être opposé à la Volonté générale.Philarête a écrit :J'en trouve l'indice dans le passage cité plus haut de Christophe, opposant la souveraineté d'un seul à celle du peuple. Or ces deux souverainetés ne sont pas homogènes. Ce qui caractérise le mieux, à mes yeux, l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité
Il ne me semble ni possible, ni souhaitable d'établir une séparation entre les domaines de la politique, de la morale et de la religion.Philarête a écrit :Le peuple est souverain, oui, mais sur les questions politiques — et non sur les questions morales et religieuses.
La politique séparée de la morale, c'est très vite le machiavélisme, c'est-à-dire la mise en pratique de cet infâme maxime selon laquelle la fin justifie les moyens (autre fondement du totalitarisme). Et qu'est-ce au juste que la morale, si ce n'est un ensemble de préceptes pratiques tirés de la sphère des croyances religieuses ?
Non tout cela est étroitement imbriqué et ne peut être séparé.
Juste au passage : l'alliance entre la France et l'Empire ottoman date de François 1er. C'est un exemple de real-politik que personnellement je réprouve dans son principe, quoique (car il faut bien trouver des points positifs...) cette alliance permit à la France de défendre les intérêts des communautés chrétiennes en Orient.Philarête a écrit :(par exemple, l'alliance promue par Richelieu entre la France et l'Empire ottoman, au grand dam de l'Espagne catholique… et impériale, dont le poids en Europe devenait inquiétant)
Philarête a écrit :Dans cette seconde solution, le pouvoir temporel, de fait, accepte de ne plus s'occuper directement du salut des âmes. Mais il revendique, en revanche, la souveraineté dans l'ordre politique: qu'il y ait la paix et la sécurité pour tous, que l'économie soit prospère, que le pays soit considéré et respecté par les autres nations, que l'éducation soit bien assurée, etc, etc.
Evangile selon St Jean, XVIII, 37 a écrit :"Tu es donc roi?" Jésus répondit: "Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage de la Vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix"
Jésus-Christ est Roi, non pas de ce monde ("mon royaume n'est point d'ici-bas"), mais sur ce monde.Evangile selon St Matthieu, XXXVIII, 18 a écrit :"Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre"
Je ne crois pas qu'on puisse rien faire de bon, y compris dans le domaine politique et social, en se coupant de la Vérité; la vraie paix et la vraei prospérité ne peuvent s'obtenir que dans le Christ ; hors de lui, il n'y a que des embûches et des illusions.
Pourtant, en rejetant Dieu de la sphère publique pour le cantoner uniquement dans la sphère privée, l'idéologie (et non l'Etat...) démocratique prend objectivement la place de Dieu.Philarête a écrit :C'est pourquoi je ne partage pas la vision selon laquelle l'Etat démocratique moderne aurait voulu prendre la place de Dieu
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http://www.civitas-institut.com/docu.ph ... revolution
Il s'agit ici d'une critique contre-révolutionnaire semble-t-il contemporaine (1793) du texte de la déclaration de 1789 et de son avatar de 1793. Intéressant dans le cadre de cette discussion.
Bien à vous,
- VR -
- Christophe
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Démocratie et limites de la souveraineté politique
[align=justify]Bonsoir,
Sauf votre respect, Philarête, il me semble que vous tentez de donner un sens nouveau (le respect de la limite naturelle de la souveraineté politique) à un concept dont le sens est déjà largement fixé par le langage (la démocratie).
L'usage commun définit la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, ou réside essentiellement dans le peuple. Contre cet usage, vous redéfinissez la démocratie comme le fait, pour l'Etat, de s'auto-limiter et de se cantonner à sa sphère de compétence. Il y a risque de confusion.
N'y a-t-il pas un profond contre-sens historique à vouloir identifier le projet républicain - ou révolutionnaire - avec cette recherche de la limitation de la souveraienté politique ? Vous l'avez écrit, les réalisations les plus poussées de l'idéal révolutionnaire ont été les totalitarismes du XXème siècle : fascisme, nazisme et communisme. En éliminant toute référence transcendante, la Révolution rend impossible toute considération de "limite naturelle" à la souveraineté politique. En faisant du peuple le principe essentiel de la souveraineté, l'idéologie démocrate annonce la tyrannie de la majorité. Ce n'est que par un résidu de bon sens naturel que les droits de l'homme - incohérents avec le reste de la philosophie politique moderne - ont été proclamés comme une limite inviolable à la volonté populaire.
Que les chrétiens doivent promouvoir une juste conception de la souveraineté politique et de ses limites, c'est évident. Mais cela passe par la lutte contre l'idée fausse selon laquelle la souveraineté (politique) réside dans le peuple (tout en admettant bien sûr que le peuple puisse exercer la souveraineté).
Que la monarchie absolue de Louis XIV - subversion de la Royauté chrétienne - ait provoqué la chute de l'Ancien Régime et causé la Révolution, c'est fort probable. Ce despotisme en avait déjà détruit l'esprit...
Mais n'oublions pas que la souveraineté politique de l'Etat royal traditionnel était fortement encadrée par la loyauté au Siège apostolique et à la loi morale, par la prolifération des contre-pouvoirs sociaux, par l'usage coutumier... Et, pour reprendre vos exemples, il me semble que l'autorité politique sous le régime de la Royauté ne s'est jamais déclarée compétente en matière scientifique, boulangère, ou théologique.
De plus, vouloir voir dans la tentation gallicane française - qui est effectivement une tentative de se soustraire à l'autorité spirituelle de Rome - une aspiration ou un résignation au multiconfessionnalisme de la société me semble pour le moins contestable. C'est la soif de pouvoir qui incite à en repousser les limites...
Je trouve très interessante votre analyse des deux "solutions" à la fracture nationale. Lorsque la religion - du latin religere : "relier" - ne lie plus les citoyens, la cohésion nationale est effectivement en danger. L'Etat séculier et laïcisé est peut-être alors - prosaïquement - une solution acceptable... en attendant la réévangélisation ! Mais l'une des missions de l'Etat n'est elle pas justement de préserver et promouvoir l'unité du pays ?
Bien à vous
Christophe[/align]
Sauf votre respect, Philarête, il me semble que vous tentez de donner un sens nouveau (le respect de la limite naturelle de la souveraineté politique) à un concept dont le sens est déjà largement fixé par le langage (la démocratie).
L'usage commun définit la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, ou réside essentiellement dans le peuple. Contre cet usage, vous redéfinissez la démocratie comme le fait, pour l'Etat, de s'auto-limiter et de se cantonner à sa sphère de compétence. Il y a risque de confusion.
N'y a-t-il pas un profond contre-sens historique à vouloir identifier le projet républicain - ou révolutionnaire - avec cette recherche de la limitation de la souveraienté politique ? Vous l'avez écrit, les réalisations les plus poussées de l'idéal révolutionnaire ont été les totalitarismes du XXème siècle : fascisme, nazisme et communisme. En éliminant toute référence transcendante, la Révolution rend impossible toute considération de "limite naturelle" à la souveraineté politique. En faisant du peuple le principe essentiel de la souveraineté, l'idéologie démocrate annonce la tyrannie de la majorité. Ce n'est que par un résidu de bon sens naturel que les droits de l'homme - incohérents avec le reste de la philosophie politique moderne - ont été proclamés comme une limite inviolable à la volonté populaire.
Que les chrétiens doivent promouvoir une juste conception de la souveraineté politique et de ses limites, c'est évident. Mais cela passe par la lutte contre l'idée fausse selon laquelle la souveraineté (politique) réside dans le peuple (tout en admettant bien sûr que le peuple puisse exercer la souveraineté).
Que la monarchie absolue de Louis XIV - subversion de la Royauté chrétienne - ait provoqué la chute de l'Ancien Régime et causé la Révolution, c'est fort probable. Ce despotisme en avait déjà détruit l'esprit...
Mais n'oublions pas que la souveraineté politique de l'Etat royal traditionnel était fortement encadrée par la loyauté au Siège apostolique et à la loi morale, par la prolifération des contre-pouvoirs sociaux, par l'usage coutumier... Et, pour reprendre vos exemples, il me semble que l'autorité politique sous le régime de la Royauté ne s'est jamais déclarée compétente en matière scientifique, boulangère, ou théologique.
De plus, vouloir voir dans la tentation gallicane française - qui est effectivement une tentative de se soustraire à l'autorité spirituelle de Rome - une aspiration ou un résignation au multiconfessionnalisme de la société me semble pour le moins contestable. C'est la soif de pouvoir qui incite à en repousser les limites...
Je trouve très interessante votre analyse des deux "solutions" à la fracture nationale. Lorsque la religion - du latin religere : "relier" - ne lie plus les citoyens, la cohésion nationale est effectivement en danger. L'Etat séculier et laïcisé est peut-être alors - prosaïquement - une solution acceptable... en attendant la réévangélisation ! Mais l'une des missions de l'Etat n'est elle pas justement de préserver et promouvoir l'unité du pays ?
J'adhères à ce passage, en remplaçant néanmoins "souveraineté démocratique" par "souveraineté politique".Cela soulève un vrai défi, que les chrétiens peuvent relever, à mon sens, non en regardant avec nostalgie vers un passé où tout (apparemment) était plus simple, mais en défendant une conception saine de l'ordre politique. Nous avons les moyens de réaffirmer la dignité du politique, et de contribuer à son "auto-limitation", en montrant que ni la famille, ni les croyances ou les mœurs, ne relèvent de la souveraineté démocratique. C'est là que le recours aux "droits de l'homme" peut être utile, et parfois indispensable.
Bien à vous
Christophe[/align]
« N'ayez pas peur ! » (365 occurrences dans les Écritures)
« Sauf votre respect, Philarête, il me semble que vous tentez de donner un sens nouveau (le respect de la limite naturelle de la souveraineté politique) à un concept dont le sens est déjà largement fixé par le langage (la démocratie).
L'usage commun définit la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, ou réside essentiellement dans le peuple. Contre cet usage, vous redéfinissez la démocratie comme le fait, pour l'Etat, de s'auto-limiter et de se cantonner à sa sphère de compétence. Il y a risque de confusion. »
Je ne pense pas redéfinir la démocratie, mais seulement préciser ce qui est implicite dans la définition généralement acceptée, et que vous rappelez: oui, la démocratie signifie que le pouvoir est exercé par le peuple, mais ce pouvoir lui-même s'exerce sur un certain domaine. Or la distinction entre ce qui est "politique" et ce qui ne l'est pas est antérieure (à la fois logiquement et chronologiquement) à la question de savoir "qui" possède la souveraineté politique.
Je ne crois pas un mot de la "légende française" faisant de la Révolution une grande et totale rupture — c'était le sens des citations de Jouvenel que j'ai postées il y a deux jours. Pour moi, la France a connu la même évolution que d'autres Etats modernes, confrontés à l'impossibilité de maintenir l'ancienne imbrication du théologique et du politique. Il a fallu, dès avant la Révolution, concevoir un domaine où, dans l'intérêt du bien commun, le pouvoir politique pût s'exercer en l'absence même d'accord, de consensus, sur les valeurs sacrées de la vie.
Tant sous l'Ancien Régime que dans la phase de construction républicaine (si l'on omet certaines poussées "pré-totalitaires" lors de la Révolution), les limites du politique étaient claires; et ce, notamment, parce que la religion et les mœurs jouissaient d'une grande stabilité, d'une cohérence et d'une forme d'évidence qui suffisaient à bloquer les tentatives d'extension du politique hors de sa sphère propre. On l'a dit souvent, un Français de 1920, voire de 1950, vivait au fond d'une façon beaucoup plus proche de celle d'un Français de 1780, que d'un Français de 1980: pensez au mariage, aux habitudes de consommation, à l'autorité des parents ou au respect de l'Eglise — pour ne rien dire de la connaissance du catéchisme (même chez des athées déclarés, au demeurant plutôt rares).
Notre problème aujourd'hui est que la religion s'estompe de l'horizon public, et que les mœurs sont dans la confusion totale. Le risque est grand, dès lors, de voir le politique déborder ses frontières. Ainsi de la tendance, qu'on observe de nos jours, à vouloir étendre aux questions de mœurs le modèle de la délibération politique: votons, non pour savoir qui va nous gouverner, mais pour décider de ce qu'est une famille, ou quand finit la vie humaine…
Il y a là un danger mortel, qui est une version soft de projet totalitaire de refonte volontariste de la société. Ce danger procède, non de la démocratie, mais de l'ignorance ou de l'oubli de ce qu'est la démocratie. Et c'est pourquoi je me permettais, dans ma "définition", de faire saillir ce qui était implicite dans l'idée même de ce régime. Pour moi, la grande question politique aujourd'hui n'est pas de savoir s'il faut préférer la démocratie à la monarchie (question qui me semble réglée au niveau national depuis un siècle), mais de savoir comment nous allons éviter que la vraie démocratie cède la place au chaos.
C'est en ce sens que les diverses "déclarations des droits de l'homme", malgré certaines formulations contestables, ont un rôle à jouer, dans la mesure où elles marquent les domaines où aucune autorité politique ne peut légitimement empiéter: elles servent donc à délimiter, de l'extérieur, les domaines où peuvent s'exercer les décisions politiques.
L'usage commun définit la démocratie comme le régime dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple, ou réside essentiellement dans le peuple. Contre cet usage, vous redéfinissez la démocratie comme le fait, pour l'Etat, de s'auto-limiter et de se cantonner à sa sphère de compétence. Il y a risque de confusion. »
Je ne pense pas redéfinir la démocratie, mais seulement préciser ce qui est implicite dans la définition généralement acceptée, et que vous rappelez: oui, la démocratie signifie que le pouvoir est exercé par le peuple, mais ce pouvoir lui-même s'exerce sur un certain domaine. Or la distinction entre ce qui est "politique" et ce qui ne l'est pas est antérieure (à la fois logiquement et chronologiquement) à la question de savoir "qui" possède la souveraineté politique.
Je ne crois pas un mot de la "légende française" faisant de la Révolution une grande et totale rupture — c'était le sens des citations de Jouvenel que j'ai postées il y a deux jours. Pour moi, la France a connu la même évolution que d'autres Etats modernes, confrontés à l'impossibilité de maintenir l'ancienne imbrication du théologique et du politique. Il a fallu, dès avant la Révolution, concevoir un domaine où, dans l'intérêt du bien commun, le pouvoir politique pût s'exercer en l'absence même d'accord, de consensus, sur les valeurs sacrées de la vie.
Tant sous l'Ancien Régime que dans la phase de construction républicaine (si l'on omet certaines poussées "pré-totalitaires" lors de la Révolution), les limites du politique étaient claires; et ce, notamment, parce que la religion et les mœurs jouissaient d'une grande stabilité, d'une cohérence et d'une forme d'évidence qui suffisaient à bloquer les tentatives d'extension du politique hors de sa sphère propre. On l'a dit souvent, un Français de 1920, voire de 1950, vivait au fond d'une façon beaucoup plus proche de celle d'un Français de 1780, que d'un Français de 1980: pensez au mariage, aux habitudes de consommation, à l'autorité des parents ou au respect de l'Eglise — pour ne rien dire de la connaissance du catéchisme (même chez des athées déclarés, au demeurant plutôt rares).
Notre problème aujourd'hui est que la religion s'estompe de l'horizon public, et que les mœurs sont dans la confusion totale. Le risque est grand, dès lors, de voir le politique déborder ses frontières. Ainsi de la tendance, qu'on observe de nos jours, à vouloir étendre aux questions de mœurs le modèle de la délibération politique: votons, non pour savoir qui va nous gouverner, mais pour décider de ce qu'est une famille, ou quand finit la vie humaine…
Il y a là un danger mortel, qui est une version soft de projet totalitaire de refonte volontariste de la société. Ce danger procède, non de la démocratie, mais de l'ignorance ou de l'oubli de ce qu'est la démocratie. Et c'est pourquoi je me permettais, dans ma "définition", de faire saillir ce qui était implicite dans l'idée même de ce régime. Pour moi, la grande question politique aujourd'hui n'est pas de savoir s'il faut préférer la démocratie à la monarchie (question qui me semble réglée au niveau national depuis un siècle), mais de savoir comment nous allons éviter que la vraie démocratie cède la place au chaos.
C'est en ce sens que les diverses "déclarations des droits de l'homme", malgré certaines formulations contestables, ont un rôle à jouer, dans la mesure où elles marquent les domaines où aucune autorité politique ne peut légitimement empiéter: elles servent donc à délimiter, de l'extérieur, les domaines où peuvent s'exercer les décisions politiques.
"Qui, sinon le philosophe, examinera si Socrate est le même que Socrate assis?" (Aristote)
- Christophe
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Salut Philarête
Puisque nous avons montrés qu'historiquement, les deux concepts ne sont pas corrélés, il est faux d'écrire : "Ce qui caractérise le mieux [...] l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité."
Sinon, j'adhères globalement à la suite de votre texte.[/align]
Très cordialement
Christophe
[align=justify]Effectivement. Mais cette idée "implicite" dans la définition de la démocratie est une idée "implicite" dans la définition de tout régime politique légitime, qu'il soit démocrate ou non, comme vous le reconnaissez d'ailleurs vous même : "Or la distinction entre ce qui est "politique" et ce qui ne l'est pas est antérieure (à la fois logiquement et chronologiquement) à la question de savoir "qui" possède la souveraineté politique."Philarête a écrit :Je ne pense pas redéfinir la démocratie, mais seulement préciser ce qui est implicite dans la définition généralement acceptée, et que vous rappelez: oui, la démocratie signifie que le pouvoir est exercé par le peuple, mais ce pouvoir lui-même s'exerce sur un certain domaine.
Puisque nous avons montrés qu'historiquement, les deux concepts ne sont pas corrélés, il est faux d'écrire : "Ce qui caractérise le mieux [...] l'Etat démocratique, n'est pas que la souveraineté est exercée par tous et non par un seul, mais que cette souveraineté a un domaine limité."
Sinon, j'adhères globalement à la suite de votre texte.[/align]
[align=justify]Nous sommes d'accord. Quoiqu'il en semble, je ne fais pas de la question institutionnelle une priorité. Mon "combat" se situe sur un autre plan : faire admettre que la souveraineté ne réside pas dans le peuple, mais que celui-ci peut néanmoins l'exercer légitimement, comme ministre de Dieu. Ceci afin d'éviter l'écueil que vous évoquez, mais qui me semble être moins le chaos qu'un totalitarisme mou : la tyrannie de la majorité.[/align]Pour moi, la grande question politique aujourd'hui n'est pas de savoir s'il faut préférer la démocratie à la monarchie (question qui me semble réglée au niveau national depuis un siècle), mais de savoir comment nous allons éviter que la vraie démocratie cède la place au chaos.
C'est exact. Les Droits de l'Homme constituent une limite nécessaire - non la seule cependant - à l'action politique.C'est en ce sens que les diverses "déclarations des droits de l'homme", malgré certaines formulations contestables, ont un rôle à jouer, dans la mesure où elles marquent les domaines où aucune autorité politique ne peut légitimement empiéter: elles servent donc à délimiter, de l'extérieur, les domaines où peuvent s'exercer les décisions politiques.
Très cordialement
Christophe
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Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948
Pour partir sur des bases saines, je me permets de reproduire la-dite déclaration...
[align=center]Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948[/align]
[align=center]Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948[/align]
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