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par lmx » jeu. 24 nov. 2011, 14:43
Je voudrais rappeler une chose pour les catholiques intéressés par le sujet.
La règle tire l'acte hors du domaine du strict processus biologique et donc de l'indistinction qualitative des actes mondains.
Que se passe-t-il dans notre ère de la technique ? L'homme n'est plus qu'un processus parmi d'autres, inséré dans d'autres processus. C'est une machine qui fonctionne, et dans une machine on ne peut pas dire que l'action de tel boulon ou que telle commande actionnée soit plus noble ou ait plus de sens que l'autre.
Voilà la modernité, c'est le règne de la "processualité", de l'homogénéisation qualitative de tous les actes humains qui n'obéissent qu'à la règle interne du processus dans lequel ils sont insérés. Ils n'ont aucune finalité supérieure, aucun 'sens', si ce n'est que d'obéir à la règle du processus biologique ou économique dans lequel ils sont pris.
L'essence de la technique, en tant que manière d'aborder le réalité, et donc en tant mode de manifestation du réel, réside dans la réduction de toute chose, de tout phénomène à son utilité, à sa dimension fonctionnelle.
Aujourd'hui il y en a même pour délier sexe et amour, c'est à dire pour réduire la sexualité à un pure processus maitrisable, contrôlable et finalement exploitable.
Dans une telle vision du monde, le monde n'a aucun sens intrinsèque, il est rigoureusement déserté par le sens, "désenchanté" pour reprendre l'expression de Max Weber. Ce n'est qu'une machine dans lequel nos actes n'ont strictement aucune finalité supérieure si ce n'est que de faire fonctionner et d'entretenir le processus.
Fondamentalement faire l'amour est la même chose que d'aller au toilettes ou que de dormir. Pure satisfaction d'un besoin biologique, pure nécessité de faire fonctionner le processus. Ici, même si on nie que l'amour hors mariage soit un péché, aucun acte ne prévaut ontologiquement sur l'autre. Ils sont tous fondamentalement homogènes et n'ont pas plus de valeur que le souffle du vent ou que le brame du cerf.
Ce n'est pas le monde de la Bible, ce n'est même pas un monde tout court dans lequel on peut habiter, prendre place et déployer une activité humaine qui ait du sens.
La sacralité de l'acte vient de ce qu'il est arraché à l'homogénéité qualitative du monde et qu'il participe du divin, c'est-à-dire qu'il s'en fait le "reflet", ou plutôt, qu'il s'en fait le miroir dans lequel l'Amour divin peut se refléter. Ainsi donc, si toute forme d'amour est un reflet si dégradé soit-il de l'Amour, cet amour doit aussi être vécue subjectivement, intentionnellement, comme tel pour être arraché à toutes notre série d'actes biologiques qualitativement homogène, et être ainsi pris et exhaussé dans l'Amour. Ouvert vers l'infini, l'acte sexuel des époux devient véritablement sacré.
Voilà ce qu'on ne comprend plus aujourd'hui : toute chose pour éviter la fermeture en elle-même , la réification matériel puis finalement la dissolution, doit s'ouvrir sur une instance supérieure, Dieu. Dieu est la sphère sacrée dans laquelle tout une série d'acte peut être intégrée et anoblie, mais pour cela ces actes doivent préalablement être arrachés, par la soumission à une finalité plus haute que lui-même, à toute la masse d'actes biologiques qualitativement indistinct. L'acte sexuel ne fait plus partie, quand il est accomplit dans les liens du mariage, de ce domaine homogène auquel on voudrait l'enfermer. Il acquiert une dimension positive, il est "en lien" avec Dieu.
St Paul en faisant de l'union entre les époux l'image de l'union entre le Christ et l'Eglise, vient donc dire que l'amour sexuel est un reflet l'Amour, mais que pour imiter l'Amour divin, il doit être arraché à l'indistinction qualitative du processus et être soumis à une finalité plus haute que lui-même.
Ce qui fait la sacralité d'un acte c'est donc qu'il se fait imitation du divin et qu'il doit être ouvert vers le divin. Il ne doit pas être fermé sur lui même, pris pour lui même, possédé, de sorte que l'amour humain coupé de l'Amour soit chosifié et qu'il finisse fatalement par se désagréger. Mais il doit être constamment ouvert vers cette réalité divine, être continuellement reçue comme don, et non pas fermé sur lui-même comme une possession au sens juridique du terme dont on peut disposer librement et qu'on peut détruire à tout moment.
"Vous ne pouvez rien faire sans moi" dit le Christ. Ce qui veut dire que ce que l'on fait sans Dieu est, à rigoureusement parler, neutre, ontologiquement indistinct de n'importe quel autre acte du processus de la nature. Au contraire, en "faisant tout avec Dieu", l'acte s'ouvre positivement vers l'infini, s'intègre dans la sphère du divin, et acquiert une consistance ontologique qu'il n'avait pas. L'acte est sauvé. L'acte existe positivement. L'acte participe de l'Etre. Le péché étant précisément une mutilation, un obscurcissement de l'être, c'est un acte qui exclut Dieu, qui se ferme sur lui même, et qui donc bascule dans le néant.
Les puritains sont aussi ceux qui disent que Dieu ne s'occupe pas de la façon dont on fait l'amour. Eh bien si. Il s'en occupe, lui donne un cadre dans lequel il peut s'accomplir. Le mariage étant un sacrement, donc quelque chose de sacré, scellé par un acte sexuel, chaque acte devient un acte rituel ; l'essence de l'acte rituel résidant précisément en ce qu'il nous renvoie à un commencement : le sacrifice de la messe nous renvoie tous les dimanches à la crucifixion, l'acte sexuel entre les époux renvoie sans cesse au premier jour du mariage qui est une alliance à l'image de l'alliance éternelle entre Dieu et l'homme , entre le Christ Epoux et l'Eglise Epouse.
Voilà le point de vue de l'Eglise, il est comme ça et ne changera pas, car il en va de notre humanité même. Il est beaucoup plus complexe et infiniment plus riche que ce que cette époque nihiliste qui pervertit tout peut dire sur la sexualité.
Dernière modification par lmx le jeu. 24 nov. 2011, 15:06, modifié 1 fois.