Sur la Trinité

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
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wanderer
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symbole de saint Athanase

Message non lu par wanderer » dim. 11 juin 2006, 10:51

Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique : s'il ne la garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l'éternité.

Voici la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité, sans confondre les Personnes ni diviser la substance : autre est en effet la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit ; mais une est la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, égale la gloire, coéternelle la majesté.

Comme est le Père, tel est le Fils, tel est aussi le Saint-Esprit : incréé est le Père, incréé le Fils, incréé le Saint-Esprit ; infini est le Père, infini le Fils, infini le Saint-Esprit ; éternel est le Père, éternel le Fils, éternel le Saint-Esprit ; et cependant, ils ne sont pas trois éternels, mais un éternel ; tout comme ils ne sont pas trois incréés, ni trois infinis, mais un incréé et un infini. De même, tout-puissant est le Père, tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit ; et cependant ils ne sont pas trois tout-puissants, mais un tout-puissant. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; et cependant ils ne sont pas trois Dieux, mais un Dieu. Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur ; et cependant ils ne sont pas trois Seigneurs, mais un Seigneur ; car, de même que la vérité chrétienne nous oblige à confesser que chacune des personnes en particulier est Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous interdit de dire qu'il y a trois Dieux ou trois Seigneurs.

Le Père n'a été fait par personne et il n'est ni créé ni engendré ; le Fils n'est issu que du Père, il n'est ni fait, ni créé, mais engendré ; le Saint-Esprit vient du Père et du Fils, il n'est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède. Il n'y a donc qu'un Père, non pas trois Pères ; un Fils, non pas trois Fils ; un Saint-Esprit, non pas trois Saint-Esprit. Et dans cette Trinité il n'est rien qui ne soit avant ou après, rien qui ne soit plus grand ou plus petit, mais les Personnes sont toutes trois également éternelles et semblablement égales. Si bien qu'en tout, comme on l'a déjà dit plus haut, on doit vénérer, et l'Unité dans la Trinité, et la Trinité dans l'Unité. Qui donc veut être sauvé, qu'il croie cela de la Trinité.

Mais il est nécessaire au salut éternel de croire fidèlement aussi en l'incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. C'est donc la foi droite que de croire et de confesser que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme. Il est Dieu, de la substance du Père, engendré avant les siècles, et il est homme, de la substance de sa mère, né dans le temps ; Dieu parfait, homme parfait composé d'une âme raisonnable et de chair humaine, égal au Père selon la divinité, inférieur au Père selon l'humanité. Bien qu'il soit Dieu et homme, il n'y a pas cependant deux Christ, mais un Christ ; un, non parce que la divinité a été transformée en la chair, mais parce que l'humanité a été assumée en Dieu ; un absolument, non par un mélange de substance, mais par l'unité de la personne. Car, de même que l'âme raisonnable et le corps font un homme, de même Dieu et l'homme font un Christ. Il a souffert pour notre salut, il est descendu aux enfers, le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté aux cieux, il siège à la droite du Père, d'où il viendra juger les vivants et les morts. A sa venue, tous les hommes ressusciteront avec leurs corps et rendront compte de leurs propres actes : ceux qui ont bien agi iront dans la vie éternelle, ceux qui ont mal agi, au feu éternel.

Telle est la foi catholique : si quelqu'un n'y croit pas fidèlement et fermement, il ne pourra être sauvé.

wanderer
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la doctrine trinitaire chez saint Thomas (1)

Message non lu par wanderer » dim. 11 juin 2006, 11:17

QUESTION 27 : LA PROCESSION DES PERSONNES DIVINES

Au sujet de la procession, cinq questions se posent : 1. Y a-t-il une procession en Dieu ? 2. Y a-t-il en Dieu une procession qu’on puisse appeler génération ? 3. Outre la génération, peut-il y avoir une autre procession en Dieu ? 4. Cette autre procession peut-elle s’appeler génération ? 5. N’y a-t-il en Dieu que ces deux processions ?

Article 1 : Y a-t-il une procession en Dieu ?

Objections :
1. “ Procession ” évoque un mouvement vers le dehors. Mais en Dieu, il n’y a ni mouvement ni dehors : il n’y a donc pas non plus de procession en Dieu.
2. Tout ce qui “ procède ” est autre que son principe. Mais en Dieu il n’y a aucune diversité : c’est au contraire la simplicité suprême. Donc, pas de procession en Dieu.
3. Procéder d’un autre, cela paraît s’opposer à la notion même de premier principe. Or, comme on l’a montré plus haut, Dieu est le premier principe. Il n’y a donc pas de place en Dieu pour une procession.

En sens contraire, le Seigneur dit en S. Jean (8, 42) : “ Je suis sorti de Dieu. ”

Réponse : Touchant les réalités divines, la Sainte Écriture use de termes qui ont trait à une procession. Procession qui a été comprise en sens divers. Certains l’ont entendue à la manière dont l’effet procède de la cause : Arius disait ainsi que le Fils procède du Père comme sa première créature, et que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme leur créature à tous deux. Mais dans cette hypothèse, ni le Fils ni le Saint-Esprit ne seraient vrai Dieu, contrairement à ce qui est dit du Fils, en la première épître de S. Jean (5, 20) : “ Afin que nous soyons en son vrai Fils : il est vrai Dieu. ” S. Paul dit aussi du Saint-Esprit (1 Co 6,19) : “ Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple du Saint-Esprit ? ” Or il n’appartient qu’à Dieu d’avoir un temple.
D’autres ont entendu cette procession au sens où l’on dit que la cause procède en son effet, en tant qu’elle le meut ou lui imprime sa ressemblance. Ainsi fit Sabellius. D’après lui, Dieu le Père lui-même s’appelle “ le Fils ” en tant qu’il a pris chair de la Vierge ; et il s’appelle “ le Saint-Esprit ” en tant qu’il sanctifie et vivifie la créature raisonnable. Mais cela va contre l’affirmation du Seigneur an 5,19) : “ Le Fils ne peut rien faire de lui-même... ” ; et contre tant d’autres passages qui montrent que ce n’est pas le Père qui est le Fils.
Or, à bien réfléchir, Arius et Sabellius ont pris “ procession ” au sens de mouvement vers un terme extérieur ; de sorte qu’aucun d’eux n’a posé de procession en Dieu même. Mais toute procession suppose une action. Et si, dans le cas de l’action qui se porte sur une matière extérieure, il y a une procession ad extra ; de même aussi dans le cas de l’action qui demeure au-dedans de l’agent lui-même, il y a lieu de considérer une certaine procession ad intra. On le voit surtout dans l’intelligence, dont l’acte, qui est l’intellection, demeure dans le sujet connaissant. En quiconque connaît, et du fait même qu’il connaît, quelque chose procède au-dedans de lui : à savoir, le concept de la chose connue, procédant de la connaissance de cette chose. C’est ce concept que la parole signifie : on l’appelle “ verbe intérieur ”, signifié par le “ verbe oral ”.
Or, Dieu étant au-dessus de toutes choses, ce qu’on affirme de lui doit s’entendre, non pas à la manière des créatures inférieures, autrement dit des corps, mais par analogie avec les créatures les plus hautes, c’est-à-dire avec les créatures spirituelles ; et même empruntée à celle-ci, cette similitude reste en défaut pour représenter les réalités divines. Il ne faut donc pas entendre “ procession ” au sens où il s’en rencontre dans le monde corporel, soit par mouvement local, soit par l’action d’une cause sur son effet extérieur : ainsi la chaleur procède de la source chaude et atteint le corps échauffé. Il faut ici l’entendre par manière d’émanation intellectuelle, tel le verbe intelligible émanant de celui qui parle et demeurant au-dedans de lui. C’est en ce dernier sens que la foi catholique pose une procession en Dieu.

Solutions :
1. Cette objection prend “ procession ” au sens d’un mouvement local, ou bien d’une action qui s’exerce sur une matière extérieure ou qui tend à un effet extérieur. Mais on vient de dire qu’il n’y a pas de procession de ce genre en Dieu.
2. Ce qui procède par procession ad extra, et le principe dont il procède, sont nécessairement divers. Ce n’est plus le cas pour ce qui procède intérieurement par processus intellectuel : ici au contraire, plus la procession est parfaite, plus le terme fait un avec son principe. Il est clair en effet que, mieux la chose est connue, plus la conception intellectuelle est intime au connaissant et fait un avec lui : car l’intellect, en tant précisément qu’il est en acte de connaître devient une seule chose avec le connu. Dès lors, I’intellection divine étant au sommet de la perfection, comme on l’a dit, il s’ensuit nécessairement que le Verbe divin est parfaitement un avec son principe sans la moindre diversité.
3. Procéder d’un principe comme son terme extérieur et divers : oui, cela répugne à la condition de Premier Principe. Mais procéder comme terme intime, sans diversité, par mode intellectuel, c’est inclus dans la notion de Premier Principe. En effet, quand nous disons que l’architecte est le principe de l’édifice, nous évoquons dans ce mot de “ principe ” la conception de son art ; et cette conception serait ainsi incluse dans l’attribut de premier principe, si l’architecte était premier principe. Or Dieu qui est le Premier Principe des choses, est aux choses créées ce que l’architecte est à ses œuvres.

Article 2 : Y a-t-il en Dieu une procession qui puisse s’appeler une génération ?
Objections : 1. La génération est le changement du non-être à l’être, c’est-à-dire l’opposé de la corruption ; l’un et l’autre ont pour sujet la matière. Mais rien de tout cela ne convient à Dieu. Il ne peut donc pas y avoir de génération en Dieu.
2. En Dieu, avons-nous dit, il y a procession de mode intellectuel. Mais en nous cette procession ne s’appelle pas génération. En Dieu non plus, par conséquent.
3. Quiconque est engendré reçoit l’être de son principe ; par suite en tout engendré, l’être est reçu. Mais aucun être reçu n’est subsistant par soi. Et comme l’être divin nous l’avons prouvée est subsistant par soi, il s’ensuit que l’être d’aucun engendré n’est l’être divin. Il n’y a donc pas de génération en Dieu.
En sens contraire, on lit dans le Psaume (2, 7) : “ Je t’ai engendré aujourd’hui. ”
Réponse : La procession du Verbe en Dieu se nomme “génération ”. Pour le montrer, distinguons deux emplois du mot génération. On l’applique d’abord dans un sens général à tout ce qui s’engendre et se corrompt ; dans ce cas, “ génération ” ne signifie rien d’autre que le passage du non-être à l’être. Nous en usons en second lieu, et cette fois au sens propre, à propos des vivants ; dans ce cas, “ génération ” signifie “ l’origine qu’un vivant tire de son principe vivant conjoint ” : on la nomme proprement “ naissance ”. Ceci pourtant ne suffit pas pour être qualifié d’“ engendré ” ; ce nom n’est donné proprement qu’à ce qui procède selon la ressemblance au principe. Un poil, un cheveu ne vérifie pas la condition d’engendré, ni de fils ; seul la vérifie ce qui procède selon la ressemblance ; et non pas selon n’importe quelle ressemblance ; car les vers engendrés des animaux ne vérifient pas une génération, ni une filiation, malgré la ressemblance générique. Pour qu’il y ait génération au second sens, il faut procéder selon la ressemblance spécifique, comme l’homme procède de l’homme ; le cheval, du cheval.
Dès lors, chez les vivants, comme l’homme ou l’animal, qui procèdent de la puissance à l’acte de vie, la génération inclut les deux modes susdits, changement et naissance. Mais dans le cas d’un vivant dont la vie ne passe pas de la puissance à l’acte, la procession, s’il s’en rencontre en lui, exclut absolument le premier mode de génération ; par contre, elle peut vérifier la notion propre aux vivants.
C’est donc ainsi que la procession du Verbe, en Dieu, a raison de génération. Le Verbe, en effet, procède par mode d’activité intellectuelle : et c’est là une opération “ vitale ” ; il procède “ d’un principe conjoint” on l’a déjà dit ; et “par assimilation formelle ”, car le concept d’intelligence est la similitude de la chose connue ; et il “ subsiste en la même nature ”, car en Dieu l’intellection est identique à l’être on l’a montré plus haut. Voilà pourquoi la procession du Verbe en Dieu, prend le nom de “ génération ”, et le Verbe qui procède, celui de “ Fils ”.
Solutions : 1. Cette objection tire argument de la génération au premier sens, celle qui comporte passage de la puissance à l’acte. Ainsi entendue, la génération ne se trouve pas en Dieu, nous l’avons dit.
2. En nous, l’acte d’intellection n’est pas la substance même de l’intellect : aussi le verbe qui procède en nous selon l’opération intellectuelle, n’a pas la même nature que son principe ; et par suite il ne vérifie pas proprement et complètement la notion de génération. Mais l’acte d’intellection divine est la substance même du sujet connaissant on l’a montré plus haut ; aussi le Verbe y procède comme un subsistant de même nature. Et pour cette raison, c’est au sens propre qu’on le dit “ engendré ” et “ Fils ”. De là vient que l’Écriture, pour désigner la procession de la Sagesse divine, fait appel à des notions propres à la génération des vivants, celles de “ conception ”, d’“ enfantement ”. Ainsi le livre des Proverbes (8, 24) fait dire à la Sagesse divine : “ Les abîmes n’existaient pas encore, et j’étais déjà conçue. J’étais enfantée avant les collines. ” Mais pour notre intellect, nous usons seulement du terme “ conception ”, pour autant que le verbe de notre intellect soutient avec la chose connue un rapport de similitude, et non d’identité de nature.
3. Tout ce qui est reçu n’est pas nécessairement reçu dans un sujet ; sans quoi l’on ne pourrait pas dire que toute la substance de la chose créée est reçue de Dieu, puisqu’il n’y a pas de sujet récepteur de toute la substance. Semblablement, ce qui est engendré en Dieu reçoit bien l’être de celui qui l’engendre, sans que pour autant cet être soit reçu dans une matière ou un sujet ; car cela répugne à la subsistance de l’être divin : on le dit “ reçu ”, parce que le terme procédant tient d’un autre l’être divin, et non pas parce qu’il serait distinct de cet être divin. La perfection même de l’être divin contient en effet et le Verbe qui procède intellectuellement et le principe du Verbe, comme aussi nous l’avons dit tout ce qui appartient à la perfection divine.

Article 3 : Outre la génération, peut-il y avoir une autre procession en Dieu ?
Objections : 1. Il n’y a, semble-t-il, en Dieu d’autre procession que la génération du Verbe. Car en admettre une seconde, c’est se donner une raison d’en admettre encore une autre, et ainsi de suite à l’infini : or cela ne saurait être admis. Arrêtons-nous donc à la première : il n’y a qu’une procession en Dieu.
2. D’ailleurs chaque nature ne comporte qu’une manière de se communiquer. La raison en est que les opérations se multiplient et se différencient par leurs termes. Or il n’y a procession en Dieu que par communication de la nature divine. Et puisqu’il n’y a qu’une nature divine, ainsi qu’on l’a montré plus haut, il s’ensuit qu’en Dieu il n’y a qu’une procession.
3. S’il devait y avoir en Dieu une autre procession que la procession intellectuelle du Verbe, ce serait sans doute la procession de l’amour, qui s’accomplit par l’opération de la volonté. Mais cette procession ne peut pas se distinguer de la procession propre de l’intellect, puisqu’en Dieu la volonté n’est pas distincte de l’intellect, on l’a vu plus haut. En Dieu donc, pas d’autre procession que la procession du Verbe.
En sens contraire, on lit en S. Jean que le Saint-Esprit procède du Père (15, 26), et qu’il est lui-même distinct du Fils (14, 16) : “ Je prierai mon Père et il vous enverra un autre Paraclet. ”. Il y a donc en Dieu une autre procession que la procession du Verbe.
Réponse : Il y a deux processions en Dieu : celle du Verbe, et une autre. Pour le faire voir, considérons qu’en Dieu il n’y a de procession qu’en raison de l’action qui demeure en l’agent lui-même, au lieu de se porter vers un terme extérieur. Et dans une nature intellectuelle, cette action immanente se réalise dans l’acte d’intelligence et dans l’acte de volonté. La procession du Verbe appartient à l’acte d’intelligence. Quant à l’opération de la volonté, elle donne lieu en nous à une autre procession : la procession de l’amour, qui fait que l’aimé est dans l’aimant, comme la procession du Verbe fait que la chose dite ou connue est dans le connaissant. Dès lors, outre la procession du Verbe, est affirmée en Dieu une autre procession : c’est la procession de l’amour.
Solutions : 1. Il n’est pas nécessaire d’aller à l’infini dans les processions divines. Car, dans une nature intellectuelle, la procession ad intra trouve son achèvement dans la procession de volonté .
2. Tout ce qui est en Dieu est Dieu, comme on l’a montré. Mais c’est là une condition qui ne se retrouve nulle part ailleurs. Il est donc vrai que la nature divine est communiquée dans toute procession qui n’est pas ad extra : mais ce n’est pas le cas des autres natures.
3. Bien qu’en Dieu intelligence et volonté ne soient qu’une même chose, il est pourtant essentiel à la volonté et à l’intellect que les processions qui s’accomplissent dans leurs opérations respectives se disposent dans un certain ordre : en effet, pas de procession d’amour qui ne dise ordre à la procession d’un verbe, puisque rien ne peut être aimé de volonté, qui n’ait été conçu dans l’intellect. De même donc qu’on doit considérer un ordre du Verbe au principe d’où il procède, bien qu’en Dieu l’intellect et le concept ne soient qu’une même substance ; de même, bien qu’en Dieu volonté et intellect ne fassent qu’un, la procession de l’amour garde une distinction d’ordre avec la procession du verbe, parce qu’il est essentiel à l’amour de procéder de la conception de l’intelligence.

Article 4 : La procession de l’amour en Dieu peut-elle s’appeler génération ?
Objections : 1. Oui, semble-t-il, c’est une génération. Car l’être qui procède en ressemblance de nature chez les vivants, on dit bien qu’il est engendré, qu’il naît. Or ce qui procède en Dieu par mode d’amour, procède en ressemblance de nature : sans quoi il serait étranger à la nature divine, et nous aurions là une procession ad extra. Par conséquent, ce qui procède en Dieu par mode d’amour, procède comme un terme engendré et qui naît.
2. La similitude, qui est essentielle au verbe, est aussi essentielle à l’amour : “ Tout être vivant aime son semblable ”, dit l’Ecclésiastique (13, 15). Si donc, en raison de sa similitude, il convient au verbe qui procède d’être engendré et de naître, cela convient aussi, semble-t-il, à l’amour qui procède.
3. Ce qui ne rentre sous aucune espèce d’un genre, ne fait point partie de ce genre. Donc, du fait qu’on vérifie en Dieu une “ procession ”, il faut bien qu’outre ce nom générique, elle ait un autre nom, spécifique celui-ci. Or on n’en peut donner d’autre que celui de “ génération ”. Il semble donc bien que la procession d’amour en Dieu est une génération.
En sens contraire, s’il en était ainsi, le Saint-Esprit qui est le terme de cette procession d’amour, serait engendré : or S. Athanase le nie : “ Le Saint-Esprit vient du Père et du Fils ; non qu’il soit fait, ni créé, ni engendré [par eux], mais il en procède. ”
Réponse : La procession de l’amour, en Dieu, ne doit pas être qualifiée de génération. On s’en rendra compte par la considération que voici : entre l’intelligence et la volonté, il y a cette différence que l’intelligence est en acte du fait que la chose connue est dans l’intellect par sa similitude : la volonté, elle, est en acte, non parce qu’une similitude du voulu est dans le voulant, mais bien parce qu’il y a en elle une inclination vers la chose voulue Il en résulte que la procession qui se prend selon le caractère propre de l’intellect est formellement assimilatrice, et pour autant il est possible qu’elle soit une génération, car celui qui engendre, c’est le semblable à soi-même qu’il engendre. A l’inverse, la procession qui se prend selon l’action de la volonté, ce n’est pas sous l’aspect d’assimilation qu’elle nous apparaît, mais plutôt comme impulsion et mouvement vers un terme. C’est pourquoi ce qui, en Dieu, procède par mode d’amour ne procède pas comme engendré, comme fils, mais bien plutôt comme souffle. Ce mot évoque une sorte d’élan et d’impulsion vitale, dans le sens où l’on dit que l’amour nous meut et nous pousse à faire quelque chose.
Solutions : 1. Tout ce qui est en Dieu ne fait qu’un avec la nature divine. Ce n’est donc pas du côté de cette unité qu’on peut saisir la raison propre de telle ou telle procession, autrement dit ce qui distingue l’une de l’autre ; la raison propre de chacune des processions doit se prendre de l’ordre qu’elles soutiennent entre elles. Or cet ordre dépend de la nature propre du vouloir et de l’intellect. C’est donc d’après la nature propre de ces deux activités que chaque procession en Dieu reçoit un nom : le nom qu’on donne à une chose, en effet, veut signifier la nature propre de cette chose. Voilà pourquoi ce qui procède par mode d’amour a beau recevoir la nature divine : on ne dira pourtant pas qu’il est “ né ”.
2. Si la similitude appartient au verbe et à l’amour, c’est à titre différent. Elle appartient au verbe en ce sens que lui-même est une similitude de celui qui l’engendre. Quant à l’amour, ce n’est pas qu’il soit lui-même une similitude ; mais la similitude est principe d’amour. Il ne s’ensuit donc pas que l’amour soit engendré, mais que l’engendré est principe de l’amour.
3. Nous ne pouvons nommer Dieu que par emprunt aux créatures, on l’a dit plus haut. Et comme, dans la créature, il n’y a communication de la nature que par génération, la procession en Dieu n’a pas d’autre nom d’espèce que celui de génération. Dès lors, la procession qui n’est pas génération est demeurée sans nom d’espèce : on peut cependant l’appeler “spiration ” puisque c’est la procession de l’“ Esprit ”.

Article 5 : N’y a-t-il en Dieu que ces deux processions ?
Objections : 1. De même qu’on attribue à Dieu la connaissance et le vouloir, on lui attribue aussi la puissance. Donc, si l’on conçoit deux processions en Dieu selon la connaissance et le vouloir, il faut en concevoir une troisième selon la puissance.
2. La bonté est par excellence principe de procession, puisqu’on dit que le bien est diffusif de soi. Il faut donc concevoir en Dieu une procession selon la bonté.
3. En Dieu, la fécondité a plus de puissance qu’en nous. Or en nous la procession du verbe n’est pas unique, mais multiple ; en effet, d’un verbe en nous procède un autre verbe ; et pareillement d’un amour, un autre amour. Donc en Dieu aussi, il y a plus de deux processions.
En sens contraire, ils sont deux seulement qui procèdent en Dieu : le Fils et le Saint-Esprit. Il n’y a donc en lui que deux processions.
Réponse : En Dieu on ne peut concevoir de procession que selon les actions qui demeurent dans l’agent. Or, des actions de ce genre, dans une nature intellectuelle et divine, il n’y en a que deux : l’intellection et le vouloir. Car la sensation, qui semble aussi une opération immanente au sujet sentant, n’appartient pas à la nature intellectuelle ; elle n’est d’ailleurs pas complètement étrangère au genre des actions ad extra, puisque la sensation s’accomplit par action du sensible sur le sens. Il reste donc qu’en Dieu, il ne peut y avoir d’autre procession que celle du verbe et de l’amour.
Solutions : 1. La puissance est principe de l’action qu’on exerce sur autre chose ; l’action évoquée par l’attribut de puissance est donc l’action ad extra. Dès lors, la procession évoquée dans ce même attribut n’est pas la procession d’une personne divine ; ce n’est que la procession des créatures.
2. Au dire de Boèce, le bien concerne l’essence, et non pas l’opération, sinon à titre d’objet de la volonté. Et comme il nous faut concevoir les processions divines à raison de quelque action, la bonté et les attributs du même genre ne nous donnent pas à saisir d’autres processions que celles du Verbe et de l’Amour, en tant que Dieu connaît et aime son essence, sa vérité et sa bonté.
3. C’est par un acte unique et simple que Dieu connaît tout, et pareillement veut tout ; on l’a dit plus haut. Il ne peut donc pas y avoir en lui de verbe procédant d’un autre verbe, ni d’amour procédant d’un autre amour ; il n’y a en lui qu’un Verbe parfait et qu’un Amour parfait. Et c’est en cela que se manifeste sa parfaite fécondité.

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la doctrine trinitaire chez saint Thomas (2)

Message non lu par wanderer » dim. 11 juin 2006, 11:18

QUESTION 28 : LES RELATIONS DIVINES
1. Y a-t-il en Dieu des relations réelles ? 2. Ces relations sont-elles l’essence divine ellememe, ou bien sont-elles “ accolées du dehors ” ? 3. Peut-il y avoir en Dieu plusieurs relations réellement distinctes les unes des autres ? 4. Quel est leur nombre ?

Article 1 : Y a-t-il en Dieu des relations réelles ?
Objections : 1. Boèce dit : “ Quand on fait usage des prédicaments pour parler de Dieu, tous ceux que l’on peut attribuer passent au genre substance ; quant à la relation, il est absolument impossible de l’attribuer. ” Or ce qui se trouve réellement en Dieu peut lui être attribué. C’est donc qu’il n’y a pas réellement de relation en Dieu.
2. Boèce dit encore : “ La relation de Père à Fils, dans la Trinité, et celle de tous deux au Saint-Esprit, sont comme la relation du même au même. ” Or cette dernière n’est qu’une relation de raison, car toute relation réelle exige des extrêmes qui soient réellement deux. Dès lors, les relations qu’on affirme en Dieu ne sont pas des relations réelles, mais de pure raison.
3. La relation de paternité est une relation de principe. Or, quand on dit que Dieu est principe des créatures, cela n’évoque pas de relation réelle, mais seulement une relation de raison. Ni les autres relations qu’on y considère, pour la même raison.
4. Il y a relation en Dieu à raison de la procession intelligible d’un verbe. Mais les relations consécutives aux opérations de l’intellect sont des relations de raison. Dès lors la paternité et la filiation qu’on affirme en Dieu, du fait de cette génération, ne sont que des relations de raison.
En sens contraire, on ne parle de père qu’en raison d’une paternité, et de fils, qu’en raison d’une filiation. Donc, si en Dieu il n’y a réellement ni paternité, ni filiation, il s’ensuit que Dieu n’est pas réellement Père, ni Fils ; il ne l’est que par considération de notre esprit. Or c’est là l’hérésie de Sabellius.
Réponse : Il existe réellement des relations en Dieu. Pour le mettre en évidence, considérons que dans la seule catégorie de relation on trouve des prédicats qui sont attribués par la raison à un sujet sans que, dans la réalité, une propriété de ce sujet leur corresponde. Cela n’arrive pas dans les autres genres ; ceux-ci, tels la quantité et la qualité, signifient formellement et proprement quelque chose d’inhérent à un sujet. Tandis que les prédicats relatifs ne signifient formellement et proprement qu’un rapport à autre chose. Rapport qui parfois existe dans la nature même des choses : quand des réalités sont, par nature, ordonnées l’une à l’autre. De telles relations sont nécessairement réelles. Ainsi le corps pesant possède une inclination et un ordre au lieu central ; par suite, il y a dans le pesant lui-même un rapport au lieu central. Il en est de même dans les autres cas de cette sorte. Mais parfois aussi le rapport signifié par le prédicat relatif n’existe que dans l’appréhension même de la raison, qui établit une comparaison entre une chose et une autre. Ce n’est alors qu’une relation de raison : comme lorsque l’esprit, comparant “ homme ” à “ animal ”, y considère l’espèce d’un genre.
Or, quand une chose procède d’un principe d’une même nature, tous les deux ce qui procède et son principe appartiennent nécessairement à un même ordre ; et par suite ils doivent soutenir entre eux des rapports réels. Donc, puisque, en Dieu, les processions se réalisent en identité de nature, on l’a vu plus haut, nécessairement les relations que l’on considère du fait de ces processions, sont des relations réelles.
Solutions : 1. On dit que le relatif ne s’attribue pas du tout “ en Dieu ”, quand on considère la raison propre du prédicat relatif, laquelle se prend non pas du sujet où il inhère, mais de l’autre, c’est-à-dire du terme auquel le sujet est relatif. Boèce n’a donc pas voulu par là nier l’existence d’aucune relation en Dieu ; il niait que la relation comme telle s’attribuât par manière de réalité inhérente ; elle s’attribue plutôt par manière de rapport à autre chose.
2. La relation signifiée par l’expression “le même” est une relation de raison, s’il s’agit d’identité pure et simple ; car cette sorte de relation ne peut consister qu’en un certain ordre saisi par la raison entre une chose et elle-même, prise sous deux de ses aspects. Il en est autrement lorsqu’on dit de plusieurs réalités qu’elles sont identiques, non plus numériquement, mais quant à leur nature générique ou spécifique. Boèce met donc en parallèle relations divines et relations d’identité, non pas sous tous les rapports, mais en ceci seulement que les relations dont il s’agit, tout comme la relation d’identité, n’introduisent aucune diversité dans la substance.
3. La créature procédant de Dieu en diversité de nature, Dieu est en dehors de tout l’ordre créé ; en outre, sa relation aux créatures ne provient pas de sa nature. Ce n’est pas, en effet, par une nécessité de sa nature qu’il produit les créatures, mais par sa pensée et par son vouloir, on l’a dit plus haut. De là vient que la relation aux créatures n’est pas réelle en Dieu. En revanche, la relation à Dieu est réelle dans les créatures ; car cellesci sont soumises à l’ordre divin, et il est intrinsèque à leur nature de dépendre de Dieu. Quant aux processions divines, elles s’accomplissent en identité de nature ; leur cas ne peut donc pas être assimilé au précédent.
4. Les relations résultant, dans les choses connues mêmes, de la seule opération de l’intellect, ne sont que des relations de raison ; c’est en effet la raison qui les découvre entre deux objets appréhendés. Mais les relations qui résultent des opérations de l’intellect et s’établissent entre le verbe et son principe, ne sont pas de simples relations de raison : ce sont des relations réelles. Car l’intellect lui-même et la raison sont bien une réalité, et ils se rapportent réellement à ce qui en procède intellectuellement, de même que la chose corporelle se rapporte réellement à ce qui en procède corporellement. C’est ainsi qu’en Dieu paternité et filiation sont des relations réelles.

Article 2 : Ces relations sont-elles l’essence divine elle-même ?
Objections : 1. Au dire de S. Augustin, “ parmi les noms qu’on donne à Dieu, tous ne désignent pas la substance. On lui donne des noms relatifs comme celui de Père, qui se dit par rapport au Fils ; et ces noms-là ne s’attribuent pas au titre de la substance ”. C’est donc que la relation n’est pas l’essence divine.
2. S. Augustin écrit aussi : “ Toute réalité désignée par un terme relatif, est encore quelque chose quand on fait abstraction de l’aspect relatif : ainsi le maître est un homme, l’esclave est un homme. ” Donc, s’il existe des relations en Dieu, il doit y avoir en Dieu autre chose que ces relations : or ce ne peut être que son essence ; donc son essence est autre chose que ses relations.
3. L’être du relatif consiste à se rapporter à autre chose. Donc, si la relation est l’essence divine elle-même, l’être de cette essence divine consistera à se rapporter à autre chose. Cela n’est pas compatible avec la perfection de l’être divin, qui est ce qu’il y a de plus purement absolu et subsistant par soi. Donc la relation n’est pas l’essence divine elle-même.
En sens contraire, toute réalité qui n’est pas l’essence divine, est une créature. Or la relation se vérifie réellement en Dieu. Donc, si elle n’est pas l’essence divine, ce sera une créature ; et dès lors on ne devra pas lui rendre un culte de latrie. Or on chante au contraire dans la Préface : “ .. Afin d’adorer la propriété dans les Personnes, et l’égalité dans la majesté. ”
Réponse : On dit que sur ce point Gilbert de la Porrée s’est trompé, mais que dans la suite, au Concile de Reims, il rétracta son erreur. Il disait en effet qu’en Dieu les relations sont assistentes, c’est-à-dire accolées du dehors.
Pour éclaircir cette question, notons d’abord qu’en chacun des neuf genres d’accident, il y a deux aspects à considérer. Il y a d’abord l’être qui convient à chacun d’eux en tant qu’accident ; et pour tous en général, il consiste à exister dans le sujet : en effet, l’être de l’accident, c’est d’exister dans un autre. L’autre aspect à considérer en chacun d’eux, c’est la raison formelle propre de chacun de ces genres. Or, dans les autres genres que la relation, par exemple dans la quantité et la qualité, la raison formelle propre du genre se prend encore par rapport au sujet ; on dit ainsi que la quantité est une mesure de la substance, que la qualité est une disposition de la substance. Mais la raison formelle propre de la relation ne se prend pas par rapport au sujet en qui elle existe ; elle se prend par rapport à quelque chose d’extérieur.
Donc, si nous considérons les relations, même dans les choses créées, en tant que relations, sous cet aspect elles se trouvent bien assistentes, et non pas fixées du dedans ; c’est-à-dire qu’elles signifient un rapport contigu en quelque sorte à la chose référée elle-même, puisqu’il se porte à partir d’elle vers l’autre. Tandis que, si l’on considère la relation en tant qu’accident, elle est aussi inhérente au sujet ayant en lui un être accidentel. Gilbert de la Porrée, lui, n’a considéré la relation que sous le premier aspect.
Or tout ce qui, dans les créatures, possède un être accidentel, selon qu’on le transfère en Dieu, y possède l’être substantiel ; car rien n’existe en Dieu à la manière d’un accident dans son sujet ; tout ce qui existe en Dieu est son essence. Ainsi donc, si l’on considère la relation sous l’aspect où, dans les choses créées, elle a un être accidentel dans le sujet, de ce côté la relation qui existe réellement en Dieu a l’être de l’essence divine ne faisant qu’un avec elle. Mais en tant même que relation, elle ne signifie pas un rapport à l’essence, mais bien à son opposé.
Ainsi est-il clair que la relation réelle en Dieu est réellement identique à l’essence, et n’en diffère que par une considération de l’esprit, en tant que la relation évoque un rapport à son opposé, que n’évoque pas le terme d’essence. On voit aussi qu’en Dieu il n’y a pas à distinguer l’être relatif et l’être essentiel : ce n’est qu’un seul et même être.
Solutions : 1. Ce passage de S. Augustin n’entend pas nier que la paternité, ou toute autre relation en Dieu, soit, quant à son être, identique à l’essence divine ; il note que la relation ne s’attribue pas selon le type d’attribution qui convient à la substance, c’est-à-dire comme une réalité existant dans le sujet dont on l’affirme, mais comme se rapportant à un autre. Pour cette raison l’on dit qu’en Dieu il n’y a que deux prédicaments (substance et relation). En effet, les autres prédicaments impliquent un rapport au sujet d’attribution, tant dans leur mode d’être que dans la raison formelle de leur propre genre ; or rien de ce qui existe en Dieu ne peut soutenir, avec le sujet où il existe et dont on l’affirme, d’autre rapport que celui d’identité, parce que Dieu est absolument simple.
2. Comme au niveau des créatures on ne trouve pas seulement dans l’attribution relative le rapport à l’autre, mais aussi quelque chose d’absolu, ainsi en Dieu mais d’une tout autre manière. Car dans la créature cet absolu que l’on trouve joint au relatif en est réellement distinct, alors qu’en Dieu ils sont une seule et même réalité, que le terme relatif ne suffit pas à exprimer, ne la comprenant pas tout entière en sa signification. Il a été dit plus haut, à propos des Noms divins, qu’il y a dans la perfection de l’essence divine plus de richesse que ne peut signifier quelque nom que ce soit. Si donc, en Dieu, l’absolu s’ajoute au relatif, ce n’est pas comme une réalité autre, mais comme le signifié d’un nom complète le signifié d’un autre.
3. Si la perfection divine ne contenait rien de plus que le signifié du terme relatif, son être serait certes imparfait, puisqu’il serait par rapport à un autre. De même, si elle ne contenait rien de plus que le signifié du terme “ sagesse ”, elle ne serait pas une réalité subsistante. Mais parce que la perfection de l’essence divine est trop grande pour être embrassée dans la signification d’un autre nom, le fait que notre terme relatif, ou tout autre nom attribué à Dieu, ne signifie pas quelque chose de parfait, n’entraîne pas du tout que l’essence divine est un être imparfait, car elle comprend en soi la perfection de tous les genres, on l’a dit plus haut.

Article 3 : Peut-il y avoir en Dieu plusieurs relations réellement distinctes les unes des autres ?
Objections : 1. Quand deux choses sont identiques à une troisième, elles sont identiques entre elles. Or toute relation qui existe en Dieu, est dans la réalité identique à l’essence divine. Les relations ne se distinguent donc pas les unes des autres.
2. Il est vrai que la paternité et la filiation se distinguent de l’essence divine quant à leur raison formelle ; mais c’est aussi le cas de la bonté et de la puissance. Or, cette distinction de raison n’entraîne pas de distinction réelle entre la bonté et la puissance divines. Elle n’en pose donc pas non plus entre la paternité et la filiation.
3. Il n’y a de distinction réelle en Dieu qu’en raison de l’origine. Or une relation ne provient pas d’une autre relation à ce qu’il semble. Donc les relations ne se distinguent pas réellement les unes des autres.
En sens contraire, Boèce dit qu’en Dieu, “ la substance contient l’unité, la relation multiplie la trinité ”. Donc, si les relations ne se distinguent pas les unes des autres, il n’y aura pas de trinité réelle en Dieu ; il n’y aura qu’une pure trinité de raison. Or, c’est là l’erreur de Sabellius.
Réponse : Attribuer un prédicat à un sujet, c’est nécessairement lui attribuer tout ce qui appartient à la définition du prédicat. Par exemple, si le prédicat “ homme ” convient à quelqu’un, nécessairement le prédicat “ raisonnable ” lui convient aussi. Or la relation comporte, par définition, un rapport à autre que soi, rapport qui oppose relativement la chose à cet autre. Dès lors, puisqu’en Dieu il y a réellement relation, comme on l’a dit, il doit y avoir aussi réellement opposition. Mais l’opposition relative inclut dans sa définition même une distinction. Il doit donc y avoir en Dieu distinction réelle, affectant, non pas sans doute, la réalité absolue qu’est l’essence, où se trouve la plus haute unité et simplicité, mais la réalité relative.
Solutions : 1. Aristote a marqué les limites du principe évoqué, quand plusieurs êtres sont identiques au même, ils sont identiques entre eux. Cela vaut, d’après lui, s’il s’agit d’identité à la fois dans la réalité et dans la pensée : par exemple “ tunique ” et “ vêtement ”. Mais cela ne vaut plus dès qu’il y a distinction de raison. Ainsi l’action est bien identique au mouvement, et la passion de même ; il ne s’ensuit pas cependant qu’action et passion soient identiques ; “ action ” implique en effet référence au principe du mouvement dans le mobile, tandis que “ passion ” évoque provenance à partir d’un autre. Il en est de même dansle cas present ; la paternité est identique en réalité à l’essence divine, et la filiation pareillement ; cependant l’une et l’autre comportent en leur raison formelle propre des rapports opposés : d’où vient qu’elles se distinguent l’une de l’autre.
2. Puissance et bonté ne comportent pas d’opposition dans leur notion ; leur cas est donc différent.
3. Bien que, à parler strictement, les relations ne proviennent ni ne procèdent l’une de l’autre, c’est pourtant en considérant la procession d’un terme émanant d’un principe, qu’on les conçoit opposées.

Article 4 : Quel est le nombre des relations en Dieu ?
Objections : 1. Il semble qu’en Dieu il n’y ait pas seulement quatre relations réelles : paternité et filiation, spiration et procession. En effet, on peut considérer en Dieu des relations de connaissant à connu, de voulant à voulu : relations réelles, à ce qu’il semble, et non comprises dans la liste ci-dessus. Il y a donc plus de quatre relations réelles en Dieu.
2. Nous saisissons des relations réelles en Dieu à raison de la procession intellectuelle du verbe. Mais, dit Avicenne, les relations d’ordre intelligible se multiplient à l’infini. Il y a donc en Dieu une infinité de relations réelles.
3. De toute éternité, les idées des choses sont en Dieu. Or elles ne se distinguent les unes des autres que par leur rapport aux choses, on l’a dit plus haut. Il y a donc beaucoup plus de quatre relations éternelles en Dieu.
4. Égalité, similitude, identité sont bien des relations ; et on les attribue à Dieu dans son éternité. Il y a donc en Dieu, de toute éternité, plus de relations qu’on n’en a énuméré tout à l’heure.
En sens contraire, il semblerait plutôt qu’il y en a moins que quatre. Car, selon Aristote, “ c’est un seul et même chemin qui va d’Athènes à Thèbes et de Thèbes à Athènes ”. Pareillement, c’est une seule et même relation qui va du père au fils : celle qu’on nomme “ paternité ” ; et qui va du fils au père : on la nomme alors “ filiation ”. A ce compte, il n’y a pas quatre relations en Dieu.
Réponse : C’est la doctrine du philosophe que toute relation se fonde ou sur la quantité, par exemple : double et moitié ; ou sur l’action et la passion, par exemple : cause et effet, père et fils, maître et serviteur, etc. Or, il n’y a pas de quantité en Dieu : “ Il est grand sans dimensions ” dit S. Augustin. Dès lors il ne peut y avoir en Dieu de relation réelle que fondée sur l’action. Et non point sur les actions selon lesquelles procède quelque chose d’extérieur à Dieu, car les relations de Dieu aux créatures ne sont pas réellement en lui, on l’a vu plus haut. On ne peut donc concevoir en Dieu de relations réelles que selon les actions qui posent en lui une procession intérieure, et non pas extérieure.
Nous avons vu d’autre part qu’il n’y a que deux processions de ce genre ; l’une se prend selon l’opération intellectuelle, et c’est la procession du verbe ; l’autre se prend selon l’opération de la volonté, et c’est la procession de l’amour. Et en chaque procession, il faut considérer deux relations opposées : la relation de ce qui procède à partir du principe, et celle de principe même. Or, la procession du verbe s’appelle une génération, au sens propre qui convient aux êtres vivants ; et la relation de principe de générations chez les vivants parfaits, se nomme “ paternité ” ; la relation de terme émané du principe, se nomme “ filiation ”. Quant à la procession de l’amour, nous avons dit qu’elle n’a pas de nom propre ; les relations qu’elle fonde n’en ont donc pas non plus. On donne pourtant le nom de “ spiration ” à la relation du principe de cette procession, et celui de “ procession ” à la relation du terme procédant, bien que ce soient là proprement deux noms de procession ou d’origine, et non de relation.
Solutions : 1. Là où connaissant et connu, voulant et voulu font deux, il peut y avoir relation réelle du savoir à la chose sue, de la volonté à la chose voulue. Mais en Dieu, connaissant et connu ne font absolument qu’un ; car c’est en se connaissant qu’il connaît tout le reste. Il en est de même pour la volonté et son objet. Dès lors, en Dieu, ces relations ne sont pas plus réelles que des relations d’identité. En revanche, la relation au verbe est réelle ; car par “ verbe ”, nous entendons le terme qui procède par l’opération intellectuelle, et non pas la chose connue. En effet, quand nous connaissons la pierre, ce qu’on nomme “ verbe ”, c’est ce que l’intellect conçoit de la chose connue.
2. En nous, les relations intelligibles se multiplient à l’infini, car c’est par autant d’actes distincts que l’homme connaît la pierre, puis encore connaît ce savoir ; les actes de connaissance se multiplient ainsi à l’infini, et par suite aussi les relations connues. Mais en Dieu rien de tel, puisqu’il connaît tout dans son acte unique.
3. Les rapports idéaux sont objet de la connaissance divine ; leur multiplicité n’entraîne donc pas l’existence d’une multitude de relations, voilà tout
4. Égalité et similitude, en Dieu, ne sont pas des relations réelles, mais de pures relations de raison : on le montrera plus loin.
5. La route est la même d’un point à un autre, et vice versa : mais les directions sont différentes. On ne peut donc pas conclure de là que la relation de père à fils et sa réciproque soient identiques ; on pourrait seulement le conclure de quelque réalité absolue qui serait interposée entre eux.
Nous avons exposé tout d’abord les notions qu’il semblait nécessaire de connaître touchant les processions et les relations ; il nous faut maintenant aborder l’étude des Personnes. Elle comprendra deux parties : les Personnes considérées en ellesmêmes, et les Personnes comparées entre elles. Dans la première, nous devrons d’abord considérer les Personnes en général, puis chaque Personne en particulier.
L’étude des Personnes en général comporte quatre questions : 1° La signification du terme “ personne ” (Q. 29) 2° Le nombre des Personnes (Q. 30) 3° Les attributs que ce nombre implique ou exclut, tels ceux qui évoquent diversité, similitude, etc. (Q. 31). 4° Notre connaissance des Personnes (Q. 32).

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la doctrine trinitaire chez saint Thomas (3)

Message non lu par wanderer » dim. 11 juin 2006, 11:18

QUESTION 29 : LES PERSONNES DIVINES
Au sujet de la signification du mot “personne ”, nous verrons : 1. La définition de la personne. 2. La comparaison de ce terme avec ceux d’essence, de subsistance et d’hypostase. 3. Le terme personne convient-il à propos de Dieu ? 4. Ce qu’il y signifie.

Article 1 : Définition de la personne
Objections : 1. Boèce en donne cette définition : la personne est la substance individuelle de nature raisonnable. Or cette définition paraît irrecevable. En effet, on ne définit pas le singulier ; c’est donc à tort qu’on la définit.
2. Dans cette définition, le terme “ substance ” est à prendre soit au sens de substance première, soit au sens de substance seconde. S’il s’agit de substance première, le mot “ individuelle ”, est de trop, car la substance première est la substance individuelle. S’il s’agit de la substance seconde, “ individuelle ” en fait une définition fausse et contradictoire dans ses termes ; car ce sont les genres et les espèces qu’on appelle substances secondes. Cette définition est donc mal faite.
3. Dans la définition d’une réalité, on ne doit pas insérer de terme signifiant une intention logique, Par exemple, l’énoncé que voici : “ l’homme est une espèce d’animal ”, ne constitue pas une bonne définition, car “ homme ” désigne une réalité, tandis qu’espèce désigne une intention logique. Dès lors, puisque “personne ” désigne une réalité, (ce terme en effet signifie une substance de nature raisonnable), il est incorrect d’introduire dans sa définition le terme “ individu ”, qui désigne une intention logique.
4. “ La nature, dit Aristote, est le principe du mouvement et du repos dans l’être qui y est sujet par soi, et non accidentellement. ” Mais la personne se vérifie chez des êtres soustraits au mouvement, comme Dieu et les anges. Il ne fallait donc pas mettre le mot “ nature ” dans la définition de la personne, mais plutôt celui d’“ essence ”.
5. L’âme séparée est une substance individuelle de nature raisonnable, elle n’est pourtant pas une personne. C’est donc que notre définition pèche par quelque endroit.
Réponse : L’universel et le particulier se rencontrent dans tous les genres ; cependant ils se vérifient d’une manière spéciale dans le genre substance. La substance, en effet, est individuée par elle-même ; tandis que les accidents le sont par leur sujet, c’est-à-dire par la substance : on dit “ cette ” blancheur, dès lors qu’elle est dans “ ce ” sujet. C’est donc à bon droit qu’on donne aux individus du genre substance un nom spécial : on les nomme “ hypostase ” ou “ substance première ”.
Mais le particulier et l’individu se rencontrent sous un mode encore plus spécial et parfait dans les substances raisonnables, qui ont la maîtrise de leurs actes : elles ne sont pas simplement “ agies ”, comme les autres, elles agissent par elles-mêmes ; or les actions existent dans les singuliers. Aussi, parmi les autres substances, les individus de nature raisonnable ontils un nom spécial, celui de “ personne ”. Et voilà pourquoi, dans la définition ci-dessus, on dit : “ La substance individuelle ”, puisque “ personne ” signifie le singulier du genre substance ; et l’on ajoute “ de nature raisonnable ”, en tant qu’elle signifie le singulier dans les substances raisonnables.
Solutions : 1. Bien que l’on ne puisse pas définir tel ou tel singulier, on peut définir ce qui constitue la raison formelle commune de singularité. C’est ainsi que le Philosophe définit la substance première. Et c’est de cette manière que Boèce définit la personne.
2. Pour certains, dans la définition de la personne, “ substance ” est mis pour “ substance première ” (qui est l’hypostase) ; et cependant “ individuelle ” n’y est pas de trop. En effet, par ces termes d’hypostase ou de substance première, on exclut l’universel ou la partie ; car on ne qualifie pas d’hypostase l’homme en général, ni même sa main, qui n’est qu’une partie. Mais, en ajoutant “ individuelle ”, on exclut de la personne la raison d’aptitude à être assumé ; dans le Christ, par exemple, la nature humaine n’est pas une personne, parce qu’elle se trouve assumée par un plus digne : le Verbe de Dieu.
Cependant, il vaut mieux dire que, dans notre définition, “ substance ” est pris dans un sens général qui domine les subdivisions (substance première et substance seconde), et que l’adjectif “ individuelle ” amène ce terme à signifier la substance première.
3. Parce que les différences substantielles nous sont inconnues, ou encore n’ont pas de nom, il nous faut parfois user de différences accidentelles à leur place. On dira, par exemple, que le feu est “ un corps simple, chaud et sec ” ; car les accidents propres sont des effets des formes substantielles et les manifestent. Pareillement, pour définir des choses, on peut prendre des noms d’intentions logiques au lieu de noms de choses inexistants. C’est ainsi que le terme “ individu ” figure dans la définition de la personne : il y désigne le mode de subsister qui appartient aux substances particulières.
4. D’après Aristote, le mot “ nature ” a d’abord été donné à la génération des vivants, c’est-à-dire à la naissance. Et comme cette génération procède d’un principe intérieur, le terme a été étendu au principe intrinsèque de tout mouvement : c’est la définition même qui en a été donnée par Aristote. Et parce que ce principe est formel ou matériel, on appelle “ nature ” aussi bien la forme que la matière. Mais la forme achève l’être de chaque chose : on appelle donc en général “nature” l’essence de chaque chose, c’est-à-dire cela même qu’exprime la définition. Et c’est en ce sens que le mot “ nature ” est pris ici. Aussi Boèce dit-il : “ La nature est ce qui informe chaque chose en la dotant de sa différence spécifique. ” Celle-ci en effet est la différence qui achève la définition et qui se prend de la forme propre de la chose. Il convenait donc bien, pour définir la personne, qui est l’individu d’un genre déterminé, d’employer le terme de “ nature ” plutôt que celui d’essence, qui dérive d’esse, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus commun.
5. L’âme est une partie de la nature humaine : et du fait que, tout en subsistant à l’état séparé, elle garde son aptitude naturelle à l’union, on ne peut l’appeler une substance individuelle, c’est-à-dire une hypostase ou substance première pas plus que la main ou toute autre partie de l’être humain. Voilà pourquoi ni la définition, ni le nom de personne ne lui conviennent.

Article 2 : Persona, hypostasis, subsistentia et essentia sont-ils synonymes ?
Objections : 1. Persona et hypostasis paraissent bien synonymes. Boèce dit que les Grecs appellent hypostasis la substance individuelle de nature raisonnable. Or c’est là précisément la signification du mot persona chez les Latins. Les deux termes sont donc parfaitement synonymes.
2. En parlant de Dieu, on dit aussi bien tres subsistentiae ou tres personae. Et nous ne le ferions pas si persona et subsistentia ne signifiaient pas la même chose. Donc persona et subsistentia sont synonymes.
3. Selon Boèce, ousia, autrement dit essentia, désigne le composé de matière et de forme. Mais ce qui est composé de matière et de forme, c’est l’individu du genre substance, c’est-à-dire cela même qu’on appelle hypostasis ou persona. Tous ces termes paraissent donc bien signifier la même chose.
En sens contraire, Boèce dit aussi que les genres et les espèces subsistent seulement, tandis que les individus non seulement subsistunt, mais encore substant. Or, de subsistere vient l’appellation de subsistentia ; et de substare, celle de substantia. Si donc la condition d’hypostase ou personne ne convient pas aux genres ni aux espèces, hypostasis et persona ne sont pas synonymes de subsistentia.
5. Selon Boèce encore, on nomme hypostasis la matière, et ousiosis, c’est-à-dire subsistentia, la forme. Mais ni la matière ni la forme ne peuvent être appelées persona. Donc persona n’est pas identique aux termes susdits.
Réponse : Selon Aristote, “ substance ” s’emploie en deux sens. On appelle d’abord ainsi la quiddité de la chose, c’est-à-dire ce qu’exprime la définition ; on dit ainsi que la définition signifie la substance de la chose. Les Grecs nomment cette substance-là ousia, que nous pouvons traduire par essentia. Dans un second sens, on appelle substance le sujet ou suppôt qui subsiste dans le genre substance. Et si on le prend en général, on peut d’abord lui donner un nom qui désigne l’intention logique : celui de “ suppôt ”. On lui donne aussi trois noms qui se rapportent à la chose signifiée, à savoir : res naturae, subsistentia et hypostasis, qui correspondent à trois aspects de la substance prise en ce second sens. En tant qu’elle existe par soi et non dans un autre, on l’appelle subsistentia, car subsister se dit de ce qui existe en soi-même et non en autre chose. En tant qu’elle est le sujet d’une nature commune, on l’appelle res naturae, par exemple, “ cet homme ” est une réalisation concrète de la nature humaine. En tant qu’elle est le sujet des accidents, on l’appelle hypostasis ou substantia. Et ce que ces trois noms signifient communément pour toutes les substances, le mot persona le signifie particulièrement pour les substances raisonnables.
Solutions : 1. Chez les Grecs, hypostasis signifie proprement, de par sa composition même, n’importe quel individu du genre substance ; mais l’usage courant lui fait désigner l’individu de nature raisonnable, à cause de son excellence.
2. De même que pour Dieu nous employons le pluriel : trois personnes ou trois subsistances, ainsi les Grecs disent trois hypostases. Mais le mot substantia qui, à considérer le sens propre du terme, correspond à hypostasis, prête à équivoque en latin, puisqu’il signifie tantôt l’essence et tantôt l’hypostase. C’est pour éviter cette occasion d’erreur, qu’on a préféré traduire hypostasis par “ subsistence ” plutôt que par “ substance ”.
3. L’essence est proprement ce que signifie la définition. Or celle-ci comprend les principes spécifiques, et non les principes individuels. Par suite, dans les êtres composés de matière et de forme, l’essence ne signifie pas seulement la forme, ni seulement la matière, mais le composé de matière et de forme communes, considérées comme principes de l’espèce. Mais c’est le composé de “ cette matière ” et de “ cette forme ”, qui est une hypostase ou une personne ; car une âme, de la chair et des os sont bien constitutifs de l’homme en général ; mais “ cette âme ”, “ cette chair ” et “ ces os ” sont bien constitutifs de cet homme singulier ; c’est pourquoi “ hypostase ” et “ personne ” signifient en plus du contenu d’essence, les principes individuels : ils ne sont donc pas synonymes d’essentia dans les composés de matière et de forme, comme on l’a dit en traitant de la simplicité de Dieu.
4. Aux genres, Boèce attribue de subsistere, parce que, s’il convient à certains individus de subsister, c’est comme appartenant à des genres et à des espèces compris dans le prédicament substance ; ce n’est pas que les espèces et les genres subsistent comme tels, sinon dans la théorie de Platon, qui fait subsister les substances des choses à part des singuliers. En revanche, la fonction de substare convient aux mêmes individus à l’égard des accidents, lesquels ne font point partie de la définition des genres et des espèces.
5. Le composé individuel de matière et de forme tient en propre de sa matière la fonction de sujet des accidents De là ce mot de Boèce que “ la forme pure ne peut pas être sujet ”. Quant à subsister par soi, il le tient en propre de sa forme. Celle-ci ne survient pas dans une chose déjà subsistante : elle donne l’être actuel à la matière pour que l’individu puisse subsister. Voilà pourquoi Boèce rapporte hypostasis à la matière, et ousiosis ou subsistentia à la forme : c’est que la matière est principe du substare, et la forme, principe du subsistere.

Article 3 : Convient-il d’employer le terme “ personne ” pour parler de Dieu ?
Objections : 1. Denys écrit : “ Il faut absolument se refuser la hardiesse de dire ou penser quoi que ce soit de la Déité supersubstantielle et cachée, en dehors des termes dont l’expression nous est donnée par les Saintes Écritures.” Or le nom de personne ne se trouve pas employé dans la Sainte Écriture du Nouveau ni de l’Ancien Testament. Il ne faut donc pas employer ce mot à propos de Dieu.
2. Boèce nous dit : “ Le mot personne parait dériver des masques qui représentaient des personnages humains dans les comédies ou tragédies : persona en effet vient de personare (résonner) ; parce que le son, en roulant dans la concavité du masque, est amplifié. Les Grecs nomment ces masques prosôpa (visages), parce qu’on les met sur le visage et devant les yeux si bien qu’ils cachent la figure.” Or ceci ne peut convenir en Dieu, sinon par métaphore. Donc le nom de personne n’est applicable à Dieu que par métaphore.
3. Toute personne est une hypostase. Mais le terme d’hypostase ne semble pas convenir à Dieu, car, d’après Boèce, il désigne le sujet des accidents ; et il n’y a pas d’accidents en Dieu. S. Jérôme dit même que, “ dans ce mot d’hypostase, un venin se cache sous le miel ”. Le terme de personne ne doit donc pas être dit de Dieu.
4. Enfin, si une définition ne peut être attribuée à un sujet donné, le terme défini ne le peut pas davantage. Or la définition, donnée plus haut, de la personne ne semble pas convenir à Dieu. D’abord, parce que la raison implique une connaissance discursive ; et on a montré que celle-ci ne convient pas à Dieu ; on ne peut donc pas dire que Dieu soit “ de nature raisonnable ”. Ensuite, parce que Dieu ne peut pas être appelé substance “ individuelle ” ; car le principe d’individuation est la matière, et Dieu n’a pas de matière. En outre, Dieu ne soutient pas d’accidents, pour être qualifié de “ substance ”. Il ne faut donc pas attribuer à Dieu le nom de personne.
En sens contraire, le Symbole de S. Athanase dit : “ Autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit. ”
Réponse : La personne signifie ce qu’il y a de plus parfait dans toute la nature : savoir, ce qui subsiste dans une nature raisonnable. Or tout ce qui dit perfection doit être attribué à Dieu, car son essence contient en soi toute perfection. Il convient donc d’attribuer à Dieu ce nom de “Personne ”. Non pas, il est vrai, de la même manière qu’on l’attribue aux créatures ; ce sera sous un mode plus excellent, comme il en est de l’attribution à Dieu des autres noms donnés par nous aux créatures ; on a expliqué cela plus haut, au traité des noms divins.
Solutions : 1. Il est exact qu’on ne rencontre pas le nom de personne appliqué à Dieu dans les Écritures de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Mais on y trouve maintes fois affirmé de Dieu ce que signifie ce nom ; autrement dit, que Dieu est par soi au suprême degré, et qu’il est souverainement intelligent. Et s’il fallait, pour nommer Dieu, s’en tenir littéralement aux mots que l’Écriture sainte applique à Dieu, on ne pourrait jamais parler de lui dans une autre langue que celle où fut composée l’Écriture de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Mais on a été contraint de trouver des mots nouveaux pour exprimer la foi traditionnelle touchant Dieu : car il fallait bien entrer en discussion avec les hérétiques. Ce n’est d’ailleurs pas là une nouveauté à éviter, puisqu’il ne s’agit pas de chose profane ; elle n’est pas en désaccord avec le sens des Écritures. Or ce que l’Apôtre prescrit (1 Tm 6, 20), c’est d’éviter “ dans les mots les nouveautés profanes ”.
2. Si l’on se reporte aux origines du mot, le nom de personne, il est vrai, ne convient pas à Dieu ; mais si on lui donne sa signification authentique, c’est bien à Dieu qu’il convient par excellence. En effet, comme dans ces comédies et tragédies on représentait des personnages célèbres, le terme de personne en vint à signifier des gens constitués en dignité ; de là cet usage dans les églises, d’appeler “ personnes ” ceux qui détiennent quelque dignité. Certains définissent pour cela la personne : “ Une hypostase distinguée par une propriété ressortissant à la dignité. ” Or, c’est une haute dignité, de subsister dans une nature raisonnable ; aussi donne-t-on le nom de personne à tout individu de cette nature, nous l’avons dit. Mais la dignité de la nature divine surpasse toute dignité ; c’est donc bien avant tout à Dieu que convient le nom de personne.
3. Le nom d’hypostase non plus ne convient pas à Dieu dans son sens étymologique, puisque Dieu ne soutient pas d’accidents ; mais il lui convient dans son sens authentique de “ réalité subsistante ”. S. Jérôme a bien dit qu’un venin se cachait sous ce mot : car, avant que sa signification fût pleinement connue des Latins, les hérétiques égaraient les simples avec ce mot, en les amenant à confesser plusieurs essences comme ils confessaient plusieurs hypostases : cela, grâce au fait que le terme de “ substance ”, qui est la traduction littérale du mot grec “ hypostase ”, se prend couramment chez les Latins au sens d’“ essence ”.
4. On peut dire que Dieu est de nature “ raisonnable ”, au sens où “ raison ” évoque non pas le raisonnement discursif, mais la nature intellectuelle en général. De son côté, “ individu ” ne peut sans doute convenir à Dieu pour autant qu’il évoque la matière comme principe d’individuation ; il lui convient seulement comme évoquant l’incommunicabilité. Enfin “ substance ” convient à Dieu en tant qu’il signifie l’exister par soi. Cependant, certains disent que la définition ci-dessus, donnée par Boèce, ne définit pas la personne au sens où nous parlons de Personnes en Dieu. Ainsi Richard de Saint-Victor, voulant corriger cette définition, a-t-il dit que la personne, quand il s’agit de Dieu, est “ une existence incommunicable de nature divine ”.

Article 4 : Que signifie, en Dieu, le nom de Personne ?
Objections : 1. “ Quand nous disons : la personne du Père, écrit S. Augustin, nous ne disons pas autre chose que la substance du Père ; car c’est en lui-même qu’on le dit “ personne ”, et non par rapport au Fils. ”
2. La question quid s’enquiert de l’essence. Or, selon S. Augustin, lorsque l’on dit : “ Ils sont trois qui témoignent dans le ciel, le Père, le Verbe et le Saint-Esprit, ” si l’on demande : trois quoi? (quid tres ?), on répond : trois personnes. Ce nom de personne signifie donc l’essence.
3. Ce que le nom signifie, selon le Philosophe, c’est sa définition. Or on définit la personne : une substance individuelle de nature raisonnable, on l’a dit. Donc le nom de personne signifie bien la substance.
4. Quand il s’agit des hommes et des anges, la personne ne signifie pas une relation, mais quelque chose d’absolu. Si donc, en Dieu, ce nom signifiait la relation, il s’attribuerait de façon équivoque à Dieu, aux hommes et aux anges.
En sens contraire, Boèce dit que tout nom concernant les Personnes signifie une relation. Or aucun nom ne les concerne de plus près que celui de “ personne ”. Donc le nom de “ personne signifie une relation.
Réponse : Ce qui fait difficulté pour le sens de ce terme en Dieu, c’est qu’on le dit au pluriel des Trois, condition qui le met à part des noms essentiels ; et cependant il ne s’attribue pas relativement, comme les termes qui signifient une relation. Certains ont donc pensé que le terme de “ Personne ”, par sa teneur propre signifie purement et simplement l’essence en Dieu, tout comme le mot “ Dieu ” ou celui de “ Sage ” ; mais à cause des instances des hérétiques, il a été accommodé par décision conciliaire à tenir lieu des noms relatifs, surtout dans l’emploi au pluriel ou avec un terme partitif : “ Les trois Personnes” par exemple, ou bien “ Autre est la personne du Père, autre celle du Fils ”. Mais cette explication paraît insuffisante. Car, si le mot “ personne ”, en vertu de sa signification propre, n’a pas de quoi signifier autre chose que l’essence en Dieu, on n’aurait pas mis fin aux calomnies des hérétiques en disant “ Trois Personnes ” ; on leur aurait au contraire donné là occasion de calomnies plus graves.
C’est pourquoi d’autres ont dit que le mot “ personne ”, en Dieu, signifie à la fois l’essence et la relation. Les uns disent qu’il signifie directement l’essence, et indirectement la relation ; pour cette raison que “ personne ”, c’est comme si l’on disait per se una (une par soi) ; or, l’unité concerne l’essence, tandis que “ par soi ” implique la relation en construction indirecte. Et de fait, on saisit le Père comme subsistant par soi, en tant que distinct du Fils par sa relation. D’autres, en revanche, ont dit qu’il signifie directement la relation et indirectement l’essence, pour cette raison que, dans la définition de la personne, “ nature ” vient en complément indirect. Et ces derniers se sont davantage approchés de la vérité.
Pour tirer cette question au clair, nous partirons de la considération que voici. Une chose peut entrer dans la signification d’un terme moins général, sans entrer dans la signification du terme plus général : ainsi “ raisonnable ” est compris dans la signification du mot “ homme ”, mais il ne l’est pas dans celle du mot “ animal ”. Aussi, chercher la signification du terme “ animal ”, et chercher celle de ce cas d’animal qu’est “ l’homme ”, cela fait deux. De même, autre chose est de chercher la signification du mot “ personne ” en général, autre chose de chercher celle de “ Personne divine ”.
En effet, la personne en général signifie, comme on l’a dit, la substance individuelle de nature raisonnable. Or, I’individu est ce qui est indivis en soi et distinct des autres. Par conséquent la personne, dans une nature quelconque, signifie ce qui est distinct en cette nature-là. Ainsi, dans la nature humaine, elle signifie ces chairs, ces os et cette âme, qui sont les principes individuants de l’homme. S’il est vrai que ces éléments-là n’entrent pas dans la signification de “ la personne ”, ils entrent bien dans la signification de “ la personne humaine ”. Or en Dieu, nous l’avons dit, il n’y a de distinction qu’à raison des relations d’origine. D’autre part, la relation en Dieu n’est pas comme un accident inhérent à un sujet ; elle est l’essence divine même ; par suite elle est subsistante au même titre que l’essence divine. De même donc que la déité est Dieu, de même aussi la paternité divine est Dieu le Père, c’est-à-dire une Personne divine. Ainsi “ la Personne divine ” signifie la relation en tant que subsistante : autrement dit, elle signifie la relation par manière de substance c’est-à-dire d’hypostase subsistant en la nature divine (bien que ce qui subsiste en la nature divine ne soit autre chose que la nature divine).
D’après ce qui précède, il reste vrai que le nom de “ Personne ” signifie directement la relation, et indirectement l’essence : la relation, dis-je, non pas en tant que relation, mais signifiée par manière d’hypostase. Il reste vrai aussi que la Personne signifie directement l’essence et indirectement la relation, si l’on considère d’une part que l’essence est identique à l’hypostase et, d’autre part, que l’hypostase en Dieu se définit et se signifie
“ distincte par relation ” ; ce qui pose la relation, signifiée comme relation, cette fois, en détermination indirecte dans la définition de la Personne. On peut dire aussi que cette signification du nom de “ Personne ” n’avait pas été saisie avant la calomnie des hérétiques ; on n’usait donc alors de ce terme qu’au sens d’un attribut absolu pris parmi les autres. Mais dans la suite le mot de “ Personne ” fut appliqué à signifier le relatif, en raison de ses aptitudes de signification ; c’est-à-dire que, s’il désigne le relatif, ce n’est pas un pur effet de l’usage, comme le pensait la première opinion, cela tient aussi à sa signification propre.
Solutions : 1. Le mot “personne ” s’attribue absolument, et non pas relativement, parce qu’il signifie la relation, non par mode de relation, mais par mode de substance, entendez d’hypostase. Voilà pourquoi S. Augustin dit qu’il signifie l’essence. En Dieu, en effet, l’essence est identique à l’hypostase : aucune distinction en lui entre quod est et quo est.
2. La question quid ? s’enquiert parfois de la nature que signifie la définition ; ainsi, quand on demande : Quid sit homo ? (Qu’est-ce que l’homme ?), on répond : C’est un animal raisonnable et mortel. Parfois aussi elle s’enquiert du suppôt ; ainsi quand on demande : Quid natat in mari ? (Qu’est-ce qui nage dans la mer ?), on répond : c’est le poisson. Et c’est dans ce dernier sens que la question : Quid tres ? (trois quoi ?) a obtenu cette réponse : trois Personnes.
3. Le concept de substance individuelle, c’est-à-dire distincte et incommunicable, implique la relation s’il s’agit de Dieu ; on vient de l’exposer.
4. Un terme général n’est pas équivoque du seul fait que les termes moins universels ont des définitions différentes. Par exemple, le cheval et l’âne n’ont pas la même définition spécifique ; et cependant ils vérifient univoquement le nom d’animal, car la définition générique d’“ animal ” leur convient à tous deux. Dès lors, s’il est vrai que la relation entre dans la signification de “ Personne divine ”, sans entrer dans celle de “ personne angélique ou humaine ”, il ne s’ensuit pas que le terme “ personne ” soit équivoque. Il n’est d’ailleurs pas univoque non plus ; rien ne peut être attribué univoquement à Dieu et aux créatures on l’a vu plus haut.

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la doctrine trinitaire chez saint Thomas (4)

Message non lu par wanderer » dim. 11 juin 2006, 11:19

QUESTION 30 : LA PLURALITÉ DES PERSONNES EN DIEU
1. Y a-t-il plusieurs personnes en Dieu ? 2. Combien sont-elles ? 3. Que signifient en Dieu nos termes numériques ? 4. Comment le nom de personne est-il commun en Dieu ?

Article 1 : Y a-t-il plusieurs personnes en Dieu ?
Objections : 1. La personne est la substance individuelle de nature raisonnable. Donc, s’il y a plusieurs personnes en Dieu, il s’ensuivra qu’il y a en lui plusieurs substances, ce qui semble hérétique.
2. Plusieurs propriétés absolues ne font pas plusieurs personnes, ni en Dieu, ni en nous ; donc plusieurs relations le feront moins encore. Or en Dieu il n’y a pluralité que de relations, nous l’avons dit. On ne peut donc pas dire qu’il y a plusieurs personnes en Dieu.
3. L’être vraiment un, dit Boèce parlant de Dieu, est ce qui n’a pas de nombre. Or, toute pluralité implique un nombre. Il n’y a donc pas plusieurs personnes en Dieu.
4. Où il y a pluralité, il y a tout et partie. Donc, si l’on compte plusieurs personnes en Dieu, il faudra aussi poser en lui tout et partie : cela contredit la simplicité divine.
En sens contraire, S. Athanase dit : “ Autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit. ” Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont donc plusieurs personnes.
Réponse : Il y a plusieurs personnes en Dieu, selon nos prémisses. En effet, nous avons montré que le terme “ personne ” signifie en Dieu la relation en tant que réalité subsistant dans la nature divine. D’autre part nous avons établie qu’il y a en Dieu plusieurs relations réelles. Il s’ensuit qu’il y a plusieurs réalités subsistantes dans la nature divine, autrement dit qu’il y a plusieurs personnes en Dieu.
Solutions : 1. Dans la définition de la personne, le terme “ substance” ne signifie pas l’essence, mais le suppôt, puisqu’on ajoute “ individuelle ”. Or, pour signifier cette substance-là, les Grecs emploient le terme d’“ hypostase ” ; ils disent ainsi “ les trois hypostases ”, comme nous disons “ les trois personnes ”. En revanche, chez nous il n’est pas d’usage de dire “ trois substances ” : ce terme étant équivoque, on ne veut pas donner à entendre “ trois essences ”.
2. En Dieu, les propriétés absolues, telles que bonté et sagesse, ne s’opposent pas mutuellement, et par suite ne se distinguent pas réellement. De ce fait, bien qu’elles soient subsistantes, elles ne font pas plusieurs réalités subsistantes, c’est-à-dire trois personnes. Quant aux propriétés absolues des créatures, elles ne subsistent pas, bien qu’elles se distinguent réellement les unes des autres, comme la blancheur et la douceur. Mais en Dieu les propriétés relatives sont à la fois subsistantes et réellement distinctes entre elles, nous l’avons vu. Voilà pourquoi la pluralité de ces propriétés-là suffit à poser en Dieu une pluralité de personnes.
3. La suprême unité et simplicité de Dieu nous fait exclure de lui toute pluralité d’attributs absolus, mais non d’attributs relatifs. Car les relations qualifient le sujet par rapport à un autre, n’impliquant ainsi aucune composition dans le sujet qu’elles qualifient. Boèce lui-même l’enseigne dans l’ouvrage allégué.
4. Il y a deux sortes de nombres : le nombre simple ou absolu, tel que deux, trois, quatre ; et le nombre qui est dans les choses dénombrées, comme deux hommes, deux chevaux. Donc, si l’on considère en Dieu le nombre pris absolument ou abstraitement, rien n’empêche qu’on y vérifie tout et partie ; cela n’existe que dans la considération de notre esprit, car le nombre abstrait des réalités dénombrées ne se trouve que dans la pensée. Mais on peut considérer le nombre tel qu’il est dans les choses dénombrées ; alors sans doute, s’il s’agit de choses créées, un est à deux, ou deux est à trois comme la partie au tout ; par exemple, un homme est moins que deux hommes, deux sont moins que trois. Mais cela ne vaut pas en Dieu ; on verra plus loin que le Père est aussi grand que la Trinité tout entière.

Article 2 : Combien y a-t-il de personnes en Dieu ?
Objections : 1. On vient de dire qu’en Dieu c’est la pluralité des propriétés relatives qui entraîne une pluralité de personnes. Or il y a quatre relations en Dieu : la paternité, la filiation, la commune spiration et la procession. Il y a donc quatre personnes en Dieu.
2. En Dieu, il n’y a pas plus de différence entre la nature et la volonté qu’entre la nature et l’intelligence. Or, en Dieu, la personne qui procède par mode de volonté, comme amour, se distingue de la personne qui procède par mode de nature, comme fils. Donc la personne qui procède par mode d’intelligence, comme verbe, se distingue aussi de la personne qui procède par mode de nature comme fils. Et nous voilà encore conduits à poser plus de trois personnes en Dieu.
3. Dans les créatures, ce qui est excellent possède davantage d’opérations intimes ; ainsi l’homme a sur les animaux ce privilège qu’il est doué d’intelligence et de vouloir. Or, Dieu dépasse infiniment toute créature. En lui donc, s’il y a procession de personne, ce ne sera pas seulement par mode de volonté et d’intelligence, mais par une infinité d’autres modes. Il y a donc en Dieu un nombre infini de personnes.
4. C’est en raison de son infinie bonté que le Père se communique infiniment en produisant une personne divine. Or, le Saint-Esprit possède aussi une bonté infinie. Donc il produit aussi une personne divine, et celle-ci une autre, et ainsi à l’infini.
5. Tout ce qui se compte en nombre fini a une mesure, puisque le nombre est une mesure. Or, les Personnes divines échappent à toute mesure, selon S. Athanase : “ Immense est le Père, immense est le Fils, immense est le Saint-Esprit. ” Donc elles excèdent le nombre trois.
En sens contraire, on lit dans la 1° lettre de S. Jean (5, 7) : “ Ils sont trois qui témoignent dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit. ” Et si l’on demande : Trois quoi ? on répond : Trois Personnes, comme S. Augustin l’expose. Il y a donc seulement trois Personnes en Dieu.
Réponse : Les thèses précédemment établies nous font nécessairement poser trois Personnes en Dieu, pas davantage. En effet, on a montré que “ plusieurs personnes ”, c’est plusieurs relations subsistantes, réellement distinctes entre elles. Et il n’y a de distinction réelle entre les relations divines qu’en raison de l’opposition relative. Deux relations opposées ressortissent donc nécessairement à deux personnes ; mais s’il est des relations qui ne s’opposent pas, elles ressortissent nécessairement à une même personne.
Dès lors, la paternité et la filiation, qui sont deux relations opposées, appartiennent nécessairement à deux personnes : la paternité subsistante est donc la personne du Père, et la filiation subsistante est la personne du Fils. Si les deux autres relations ne s’opposent à aucune des deux précédentes, elles s’opposent l’une à l’autre, et par suite ne peuvent appartenir toutes deux à une même personne. Il faut donc ou bien qu’une des deux appartienne à ces deux personnes, ou bien qu’une relation convienne à l’une des deux personnes, et l’autre relation à l’autre personne. Mais la procession ne peut convenir au Père et au Fils, pas même à l’un seulement d’entre eux : car il s’ensuivrait que la procession intellectuelle (qui est génération en Dieu, et nous donne à saisir les relations de paternité et de filiation) proviendrait de la procession d’amour (qui nous donne à saisir les relations de spiration et de procession), puisque la personne qui engendre et celle qui naît procéderaient de celle qui spire ; ce serait là contredire nos principes. Il reste donc que la spiration appartienne et à la personne du Père et à celle du Fils, puisqu’elle n’a d’opposition relative ni à la paternité ni à la filiation. Et par suite la procession doit nécessairement appartenir à une autre personne ; c’est elle qu’on nomme la personne du Saint-Esprit, procédant par mode d’amour, comme on l’a dit. Il n’y a donc en Dieu que trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Solutions : 1. Il y a bien quatre relations en Dieu ; mais l’une d’entre elles, la spiration, au lieu de se poser à part de la personne du Père ou du Fils, leur convient à tous deux. Aussi, bien qu’elle soit relation, elle ne prend pas le nom de “propriété ”, puisqu’elle n’appartient pas à une personne seulement ; ce n’est pas non plus une relation “ personnelle ”, c’est-à-dire qui constitue une personne. En revanche, les trois relations de paternité, filiation et procession sont qualifiées de “ propriétés personnelles ”, comme constituant les personnes : la paternité est la personne du Père, la filiation est la personne du Fils, la procession est la personne du Saint-Esprit.
2. Ce qui procède par mode de connaissance, comme verbe, procède formellement en ressemblance de son principe, tout comme ce qui procèdepar mode de nature. Aussi avons-nous dit que la procession du Verbe divin est identiquement génération par mode de nature. Mais l’amour comme tel ne procède pas par ressemblance de son principe, bien qu’en Dieu l’amour soit consubstantiel en tant que divin. C’est pour cela que la procession de l’Amour en Dieu ne s’appelle pas une génération.
3. L’homme, qui est plus parfait que les autres animaux, a en effet davantage d’opérations immanentes ; mais c’est parce que sa perfection se réalise par mode de composition. Aussi, chez les Anges, qui sont plus parfaits encore, mais plus simples, il y a moins d’opérations immanentes que chez l’homme : ils n’ont ni imagination, ni sensation, etc. En Dieu, il n’y a réellement qu’une seule opération, qui est son essence. Mais on a vu comment cela comportait deux processions.
4. Cet argument vaudrait si le Saint-Esprit possédait une bonté numériquement distincte de celle du Père ; alors en effet, comme en raison de sa bonté le Père produit une personne divine, il faudrait que le Saint-Esprit en produise une aussi. Mais c’est la même et unique bonté qui est commune au Père et au Saint-Esprit. Et si une distinction s’introduit, c’est en raison des relations des personnes. Par conséquent, la bonté convient au Saint-Esprit comme reçue d’un autre ; elle convient au Père comme au principe qui la communique. Mais en raison de l’opposition relative, être principe d’une personne divine est incompatible avec la relation constitutive du Saint-Esprit ; car celui-ci procède des autres personnes qui peuvent exister en Dieu.
5. S’il s’agit du nombre abstrait, qui n’existe que dans la pensée, il est vrai que tout nombre déterminé a pour mesure l’unité. Mais si, dans les personnes divines, on considère le nombre réel, il n’y a plus là de mensuration : les trois personnes, on le verra, n’ont qu’une même et identique grandeur, et rien ne se mesure soi-même.

Article 3 : Que signifient en Dieu nos termes numériques?
Objections : 1. L’unité de Dieu, c’est son essence. Or tout nombre est l’unité plusieurs fois répétée. Donc en Dieu tout terme numérique signifie l’essence divine, et pose bien ainsi quelque chose en Dieu.
2. Ce qui se dit à la fois de Dieu et des créatures, convient à Dieu plus éminemment qu’aux créatures. Mais les termes numériques posent bien quelque chose dans les créatures. Donc à plus forte raison en Dieu.
3. Si les termes numériques ne posent rien en Dieu et n’y sont employés que pour exclure une imperfection, savoir : la pluralité, pour nier l’unité ; l’unité, pour nier la pluralité ; alors, on tourne dans un cercle vicieux qui ne fait que nous embrouiller sans rien résoudre. C’est inadmissible. Il faut donc bien que les termes numériques posent quelque chose en Dieu.
En sens contraire, S. Hilaire écrit : “ L’affirmation d’une société, c’est-à-dire d’une pluralité, a exclu l’idée d’isolement et de solitude (en Dieu). ” Et S. Ambroise : “ Quand nous disons : un Dieu, l’unité exclut une pluralité de dieux ; et nous ne posons pas de quantité en Dieu. ” Il semble donc bien que, si l’on fait appel à des termes de ce genre à propos de Dieu, c’est pour nier, et non affirmer quelque chose de positif.
Réponse : Le Maître des Sentences dit qu’en Dieu nos termes numériques ne posent rien et ne font que nier. D’autres tiennent le contraire.
Pour tirer ceci au clair, nous partirons de la considération que voici. Toute pluralité suppose une division. Or il y a deux sortes de divisions : l’une matérielle, par division du continu ; elle donne lieu au nombre qui est une espèce de la quantité. Ce nombre-là ne se rencontre donc que dans les réalités matérielles, douées de quantité. L’autre est la division formelle, par opposition ou diversité de formes ; elle donne lieu à une multitude qui n’est pas dans un genre déterminé, mais fait partie des transcendantaux ; l’être, en effet, est un ou multiple. Et c’est la seule multitude qui se rencontre dans les réalités immatérielles.
Donc, certains ne considéraient que la multitude qui est une espèce de la quantité discontinue ; et voyant bien que cette quantité ne trouve pas de place en Dieu, ils ont pensé que nos termes numériques n’affirment rien de positif en Dieu et ne font que nier. D’autres, considérant aussi le même type de multitude, émirent cette opinion : de même qu’on attribue à Dieu la science sous l’aspect propre de savoir, et non sous son aspect générique de qualité, puisqu’il n’y a pas de qualité en Dieu, de même on affirme en Dieu un nombre sous la raison propre de nombre et non sous son aspect générique de quantité.
Pour nous, nous disons que les termes numériques attribués à Dieu ne sont pas empruntés au nombre, qui est une espèce de la quantité ; on ne pourrait les attribuer à Dieu que par métaphore, comme les autres propriétés des corps : largeur, longueur, etc. Ils sont pris à la multitude qui est un transcendantal. Or cette multitude-là est aux réalités qu’elle qualifie, comme l’un, convertible avec l’être, est à l’être. Et, comme on l’a dit en traitant de l’unité de Dieu, cet un-là n’ajoute à l’être que la négation d’une division ; car l’un, c’est l’être indivis. Dès lors, qu’on le dise de ce qu’on voudra, “ un ” signifie cette chose-là dans son indivision. Par exemple, en disant : l’homme est un, on signifie la nature de l’homme comme indivise. Et il en va de même quand nous qualifions des choses “ multiples ” : la multitude ainsi entendue signifie ces choses mêmes en leur indivision respective. Mais le nombre qui est une espèce de quantité ajoute à l’être un accident ; de même aussi, l’unité principe du nombre.
Attribués à Dieu, les termes numériques signifient donc les réalités mêmes qu’ils qualifient, et n’y ajoutent qu’une négation. En ceci, le Maître des Sentences a dit vrai. Par exemple, quand nous disons : “ l’essence est une ”, “ une ” signifie l’essence en son indivision ; quand nous disons : “ la personne est une ”, cet attribut signifie la personne en son indivision ; et quand nous disons : “ les personnes sont plusieurs ”, nous signifions les personnes, chacune en son indivision : car, par définition, la multitude est constituée d’unités.
Solutions : 1. L’“ un ” qui est un transcendantal est plus général que la substance ou la relation ; et “ multitude ” est dans le même cas. Un terme numérique peut donc désigner en Dieu soit la substance, soit la relation, suivant les attributs auxquels on l’adjoint. Et pourtant les termes de cet ordre ne posent pas seulement l’essence ou la relation : ils y ajoutent, en vertu de leur signification propre, la négation d’une division.
2. La multitude qui ajoute quelque chose de positif dans l’être créé est une espèce de la quantité. Ce n’est pas elle qu’on transpose analogiquement en Dieu, mais seulement la multitude transcendantale, laquelle n’ajoute aux sujets dont on l’affirme que leur indivision à chacun : telle est la multitude que l’on affirme en Dieu.
3. “ Un ” ne nie pas la multitude, mais la division ; et celle-ci précède logiquement l’unité et la multitude. De son côté, la multitude ne nie pas l’unité : elle nie la division dans chacun des éléments constituant cette multitude. Tout cela d’ailleurs a été exposé à propos de l’unité divine. D’ailleurs, il est bon de savoir que les autorités alléguées En sens contraire ne sont pas des preuves suffisantes ; si la pluralité exclut la solitude, et si l’unité exclut la pluralité de dieux, cela n’entraîne pas que ces termes ne signifient rien d’autre. La blancheur exclut bien la noirceur ; mais ce terme de “blancheur” ne signifie pas uniquement exclusion de la noirceur.

Article 4 : Comment le nom de “ personne ” est-il commun en Dieu ?
Objections :1. Une seule chose est commune aux trois personnes : l’essence. Or le nom de “ personne ” ne signifie pas directement l’essence. Ce n’est donc pas un terme commun aux trois.
2. Commun s’oppose à l’incommunicable. Or la personne est incommunicable par définition : On n’a qu’à se reporter à la définition donnée par Richard de Saint-Victor. Le nom de personne n’est donc pas commun aux trois.
3. Admettons qu’il leur soit commun ; cette communauté se vérifie ou bien réellement, ou seulement en raison. Ce n’est pas réellement, puisqu’ainsi les trois personnes seraient une seule personne ; pas davantage en pure raison, puisqu’alors “personne ” serait un universel, et qu’en Dieu il n’y a ni universel, ni particulier, ni genre, ni espèce on l’a vu plus haut. Le nom de personne n’est donc pas commun aux trois.
En sens contraire, S. Augustin dit qu’à la question : “ trois quoi ? ” on a répondu : trois personnes, parce que le signifié de ce terme leur est commun.
Réponse : “ Personne ” est bien un nom commun aux trois : notre langage l’atteste, puisque nous disons : “ les trois Personnes ” ; de même qu’en disant “trois hommes ”, nous attestons que le terme “ homme ” est commun à ces trois sujets. Mais il est clair qu’il ne s’agit pas d’une communauté de réalité, telle qu’est celle de l’unique essence commune aux trois ; il n’y aurait alors pour les trois qu’une personne, comme il n’y a qu’une essence’.
On s’est donc demandé de quelle communauté il s’agit ; et les réponses sont multiples. Communauté d’une négation, dit-on, alléguant le terme “ incommunicable ” qui se trouve dans la définition de la personne. Communauté d’une intention logique, disent d’autres, parce que la définition de la personne contient le terme “individuel” : comme si l’on disait que “ cheval ” et “bœuf” ont ceci de commun, d’être une espèce. Mais ces deux réponses sont à rejeter, du fait que “ personne ” n’est ni un terme négatif, ni un terme de logique, mais bien un nom de chose ou réalité.
Voici plutôt ce qu’il faut dire. Même en ces cas humains, “personne ” est un nom commun, de cette communauté logique qui est celle non pas du genre ou de l’espèce, mais de l’individu indéterminé. En effet, les noms de genre ou d’espèce, par exemple “ homme ”, “ animal ”, signifient formellement les natures communes mêmes, et non pas les intentions logiques des natures communes ; ce sont les termes “ genre ” ou “ espèce ” qui signifient ces intentions. Tandis que l’individu indéterminé, par exemple : “ quelque homme ”, signifie une nature commune avec le mode déterminé d’existence qui appartient aux singuliers, savoir : d’être par soi subsistant à part des autres. Enfin, le nom d’un singulier déterminé comprend dans sa signification les caractères distincts déterminés : dans “ Socrate ”, par exemple, on évoque cette chair et ces os. Il y a pourtant une différence à noter : “ Quelque homme ” signifie l’individu par le biais de sa nature posée avec le mode d’existence propre au singulier ; tandis que le nom de “ personne ” ne signifie pas formellement l’individu du côté de sa nature, il signifie la réalité qui subsiste en telle nature. Or, ceci est commun logiquement à toutes les Personnes divines : chacune d’elle subsiste en la nature divine, et subsiste distincte des autres. Voilà comment le nom de “ personne ” est logiquement commun aux trois Personnes divines.
Solutions : 1. Le premier argument suppose une communauté réelle que nous avons écartée.
2. Certes, la personne est incommunicable ; cependant ce mode même d’exister incommunicablement peut se trouver commun à plusieurs.
3. Il s’agit de communauté logique, et non réelle. Cela pourtant n’entraîne pas qu’il y ait de l’universel ou du particulier en Dieu, ni qu’on y trouve genre ou espèce ; d’abord parce que, même en ces cas humains, la communauté du terme “ personne ” n’est pas celle d’un genre ou d’une espèce ; ensuite parce que les Personnes divines n’ont qu’un seul être ; or genre, espèce ou n’importe quel prédicat universel, s’attribue à plusieurs sujets qui diffèrent par leur être.

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Message non lu par wanderer » dim. 11 juin 2006, 11:20

QUESTION 31 : TERMES EVOQUANT UNITÉ OU PLURALITÉ EN DIEU
On étudiera ici les vocables intéressant l’unité ou la pluralité en Dieu.
1. Le terme même de trinité. 2. Peut-on dire que le Fils est “ autre ” que le Père ? 3. Le terme exclusif “ seul ”, qui paraît nier l’existence d’un autre, peut-il s’adjoindre à un nom essentiel ? 4. Peut-il s’adjoindre à un nom personnel ?

Article 1 : Y a-t-il une trinité en Dieu ?
Objections : 1. Tout nom, en Dieu, signifie la substance ou la relation. Or le terme “ trinité ” ne signifie pas la substance, car il s’attribuerait à chaque personne. Il ne signifie pas non plus la relation, car il ne se construit pas dans la phrase comme un terme relatif. Il ne faut donc pas faire usage de ce terme à propos de Dieu.
2. “ Trinité ” se présente comme un nom collectif, car il signifie une pluralité. Or un nom de ce genre ne convient pas en Dieu, l’unité du nom collectif étant la moindre des unités, alors qu’en Dieu se vérifie l’unité suprême. Le terme “ trinité ” ne convient donc pas en Dieu.
3. Ce qui est trine est triple. Mais en Dieu, il n’y a pas de “ triplicité ”, car celle-ci est une espèce d’inégalité. Donc, pas de trinité non plus.
4. Ce qui se vérifie en Dieu, se vérifie en l’unité de l’essence divine, puisque Dieu est son essence. Donc, s’il y a trinité en Dieu, il y aura trinité dans l’unité de l’essence divine : ce qui ferait trois unités essentielles. Ce qui est hérétique.
5. C’est une règle des noms divins, que le concret s’y attribue à l’abstrait : la déité est Dieu, la paternité est le Père. Or on ne peut pas dire : la trinité est trine. Cela ferait en effet neuf réalités en Dieu : autre erreur. Il ne faut donc pas faire usage de ce terme en Dieu.
En sens contraire, S. Athanase écrit : “ On doit adorer l’unité dans la trinité et la trinité dans l’unité. ”
Réponse : Quand il s’agit de Dieu, le terme “ trinité ” évoque le nombre précis des personnes. Donc, de même qu’on reconnaît une pluralité de personnes en Dieu, il y a lieu de faire appel au mot trinité ; car cela même que “ pluralité ” signifie en général, le terme “ trinité ” le signifie de manière précise et déterminée.
Solutions : 1. Étymologiquement, le mot trinité paraît signifier l’unique essence des trois Personnes, trinitas étant mis pour triumunitas. Mais ce qu’il signifie à proprement parler, c’est plutôt le nombre des personnes de l’unique essence ; aussi ne peut-on pas dire : “ le Père est la trinité ”, car il n’est pas les trois personnes. En outre, il ne signifie pas les relations en tant que telles, mais plutôt le nombre des personnes en relation les unes avec les autres, et c’est pourquoi il ne se construit pas grammaticalement comme un relatif.
2. Dans sa signification, le nom collectif implique deux choses : une pluralité de suppôts, et une certaine unité entre eux, qui est l’unité d’un ordre. Un peuple, par exemple, est une multitude d’hommes soumis à un certain ordre. Donc, si l’on s’en tient à la première condition, “ trinité ” rentre dans la catégorie des noms collectifs. Mais il en diffère quant à la seconde : dans la trinité divine, il n’y a pas seulement unité d’ordre, il y a en outre unité d’essence.
3. “ Trinité ” est un terme absolu qui signifie le nombre trois des Personnes. “Triplicité ” signifie la proportion de trois à un, c’est-à-dire un cas d’inégalité, comme on peut l’apprendre chez Boèce. Il y a donc une trinité en Dieu, mais pas de triplicité.
4. Dans la trinité divine, il y a à considérer un nombre et les personnes dénombrées. Donc, quand on dit “ la trinité dans l’unité ”, on n’introduit pas le nombre dans l’unité de l’essence, comme si elle était trois fois une ; on pose simplement les trois personnes dans l’unique nature, comme on dit des suppôts d’une nature qu’ils subsistent en cette nature-là. Inversement, on dit “l’unité dans la trinité ”, comme on dit qu’une nature existe en ses suppôts.
5. Dans trinitas est trina, le prédicat signifie la multiplication de trois par lui-même ; car trina pose une tridistinction dans le sujet auquel on l’attribue. On ne peut donc pas dire : trinitas est trina : il s’ensuivrait qu’il y a trois suppôts de la trinité, de même que, si je dis “ Dieu est trine ”, il s’ensuit qu’il y a trois suppôts de la déité.

Article 2 : Peut-on dire que le Fils est autre que le Père ?
Objections : 1. “ Autre ” est un terme relatif qui évoque une diversité de substance. Donc, si le Fils est un autre que le Père, ils seront divers. Or, selon S. Augustin, en disant “ trois personnes ”, on n’entend évoquer aucune diversité.
2. Les sujets qui sont autres entre eux, diffèrent en quelque façon les uns des autres. Dès lors, si le Fils est un autre que le Père, il en est aussi “ différent ”. Mais S. Ambroise s’y oppose : “ Le Père et le Fils ne font qu’un par leur divinité ; il n’y a là ni différence de substance, ni la moindre diversité. ”
3. Alienum, c’est-à-dire étranger, dérive de alius, c’est-à-dire autre. Mais le Fils n’est pas “étranger” au Père, car, dit S. Hilaire, “entre Personnes divines il n’y a rien de divers, rien d’étranger, rien de séparable. ” Donc le Fils n’est pas non plus un autre que le Père.
4. Alius, c’est-à-dire un autre, et aliud, c’est-à-dire autre chose, ont même signification sauf le genre connoté, ici neutre, là masculin. Si donc le Fils est alius, c’est-à-dire autre que le Père, il s’ensuit qu’il est aussi aliud, c’est-à-dire “ autre chose ” que le Père.
En sens contraire, on lit dans le De fide ad Petrum : “ Unique est l’essence du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; en cette essence, le Père n’est pas une chose, le Fils une autre, le Saint-Esprit une autre, bien que personnellement le Père soit un autre que le Fils, etc. ”
Réponse : Des formules inconsidérées font encourir le reproche d’hérésie, dit S. Jérôme. Donc, quand on parle de la Trinité, il faut procéder avec précaution et modestie : “ Nulle part, dit S. Augustin, l’erreur n’est plus dangereuse, la recherche plus laborieuse, la découverte plus fructueuse. ” Or, dans nos énoncés touchant la Trinité, nous avons à nous garder de deux erreurs opposées entre lesquelles il faut nous frayer une voie sûre : l’erreur d’Arius qui enseigne, avec la trinité des Personnes, une trinité de substances ; et celle de Sabellius, qui enseigne, avec l’unité d’essence, l’unité de personne.
Pour écarter l’erreur d’Arius, on évitera de parler de “ diversité ” ou de “ différence ” en Dieu ; ce serait ruiner l’unité d’essence. Mais nous pouvons faire appel au terme de “ distinction ”, en raison de l’opposition relative ; c’est en ce dernier sens qu’on entendra les expressions de “ diversité ” ou “ différence ”, des personnes, si on les rencontre dans un texte faisant autorité. En outre, pour sauver la simplicité de l’essence divine, il faut éviter les termes de “ séparation ” et “ division ” il s’agit de la division du tout en ses parties ; pour sauver l’égalité, on évitera le terme de “ disparité ” ; pour sauver la similitude, on évitera ceux d’“ étranger ” et “ divergent ”. “ Chez le Père et le Fils, dit S. Ambroise, la déité est une et sans divergence. ” Et d’après S. Hilaire, il n’y a rien de séparable en Dieu.
Pour écarter d’autre part l’erreur de Sabellius, nous éviterons singularitas (solitude), qui nierait la communicabilité de l’essence divine : d’après S. Hilaire, en effet, c’est un sacrilège d’appeler le Père et le Fils “un Dieu solitaire ”. Nous éviterons aussi le terme “ unique ”, qui nierait la pluralité des Personnes ; S. Hilaire dit ainsi que “ solitaire ”, “unique ” sont exclus de Dieu. Si nous disons “ le Fils unique ”, c’est qu’il n’y a pas plusieurs Fils en Dieu ; mais nous ne disons pas que Dieu est “ unique ”, parce que la déité est commune à plusieurs suppôts.Nous évitons encore le terme de “ confus ”, pour respecter l’ordre de nature entre les Personnes. S. Ambroise dit ainsi : “ Ce qui est un, n’est pas confus ; ce qui n’est pas différencié, ne peut pas être multiple. ” On évitera aussi le mot “ solitaire ”, pour respecter la société des Personnes : “ Ni solitaire, ni divers : voilà comment nous devons confesser Dieu”, dit S. Hilaire.
Or, le masculin alius, c’est-à-dire un autre, évoque une pure distinction de suppôts ; on peut donc sans inconvénient dire que le Fils est alius a Patre, autre que le Père, car il est bien un autre suppôt de la nature divine, et pareillement une autre personne, une autre hypostase.
Solutions : 1. “ Un autre ” alius est assimilable aux termes qui désignent l’individu : il vaut pour le suppôt (non pour l’essence). Pour en vérifier l’attribution, il suffit donc qu’il y ait distinction d’hypostase ou de personne. Au contraire, pour qu’il y ait “ diversité ”, il faut une distinction de substance seconde, c’est-à-dire d’essence. C’est pourquoi le Fils est un autre que le Père, sans qu’ils soient divers.
2. “ Différence ” implique distinction de forme. Or, il n’y a qu’une forme en Dieu : “ Lui qui existait en la forme de Dieu... ”, dit S. Paul. Le terme “ différent ” ne convient donc pas proprement en Dieu, comme l’enseigne l’autorité alléguée. Damascène, il est vrai, use de ce terme à propos de Dieu, parce que la propriété relative s’exprime à la manière d’une forme ; il dit en effet que les hypostases ne diffèrent pas entre elles par leur substance, mais par leurs propriétés déterminées. Au fond, comme on l’a dit dans la réponse, “ différence ” vient là pour “ distinction ”.
3. Alienum veut dire : étranger et dissemblable ; mais alius n’évoque rien de tel. C’est pourquoi l’on dit que le Fils est alius, c’est-à-dire un autre que le Père, mais non pas alienus, c’est-à-dire étranger au Père.
4. Le neutre est un genre indéterminé, le masculin est un genre déterminé et distinct, ainsi que le féminin. Le neutre convient donc pour signifier l’essence commune ; le masculin et le féminin, pour signifier un suppôt déterminé dans la nature commune. Ainsi, quand il s’agit des hommes, si l’on demande : Qui est-ce ? ou Quis (au masculin), on répond par un nom de personne : C’est Socrate. Mais si l’on demande : Qu’est-ce ? ou Quid (au neutre), on répond : C’est un animal raisonnable et mortel. Voilà pourquoi, puisqu’en Dieu il y a distinction de personnes sans distinction d’essence, on dit que le Père est alius (au masculin), c’est-à-dire un autre que le Fils, et non aliud (au neutre), c’est-à-dire autre chose. Inversement, on dit qu’ils sont unum (au neutre), c’est-à-dire une seule chose ; et non pas unus (au masculin), c’est-à-dire un seul sujet.

Article 3 : Le terme exclusif “ seul ” peut-il s’adjoindre à un terme essentiel ?
Objections : 1. Au dire du Philosophe, celui-là est seul, qui n’est pas avec un autre. Mais Dieu est avec les anges et les âmes des saints. On ne peut donc pas dire que Dieu soit seul.
2. Ce qu’on peut adjoindre à un nom essentiel, en Dieu, peut s’attribuer à chaque personne ou à toutes ensemble. Ainsi l’on peut dire que le Père est Dieu sage, que la Trinité est Dieu sage, puisque Dieu peut être qualifié de sage. Or S. Augustin s’arrête à cette thèse, que le Père n’est pas le seul vrai Dieu. C’est donc qu’on ne peut pas dire “ Dieu seul ”.
3. Si le mot “ seul ” se trouve adjoint à un terme essentiel, l’exclusion vise ou bien un prédicat personnel ou bien un prédicat essentiel. Elle ne vise pas un prédicat personnel, car il est faux de dire : “ Dieu seul est Père ”, puisque l’homme l’est aussi. Elle ne vise pas non plus un prédicat essentiel : en effet, si la proposition “ Dieu seul crée ” était vraie, celle-ci le serait aussi, à ce qu’il semble : “ le Père seul crée ” ; car ce qui est vrai de Dieu, l’est aussi du Père. Or la dernière proposition est fausse, puisque le Fils aussi est créateur. C’est donc que le mot “ seul ” ne peut s’adjoindre à un terme essentiel, en Dieu.
En sens contraire : On lit dans la 1° épître à Timothée (1,17) : “ Au roi immortel des siècles, invisible, seul Dieu... ”
Réponse : Le mot “ seul ” peut s’employer de deux façons : “ catégorématique ” ou “ syncatégorématique”. On appelle “ catégorématique ” le terme qui pose purement et simplement dans le sujet la chose qu’il signifie ; c’est le cas de “ blanc ” dans l’expression : “ l’homme blanc ”. Pris ainsi, le mot “ seul ” ne peut absolument pas être apposé à un terme quelconque en Dieu ; il y poserait une solitude, d’où il suivrait que Dieu est solitaire : et cela vient d’être exclu.
On appelle “ syncatégorématique ” le terme qui dit un rapport entre prédicat et sujet, comme “ tout ”, “ nul ”, etc. ; c’est aussi le cas du mot “ seul ”, qui exclut tout autre sujet de la participation au prédicat. Par exemple, quand on dit : “ Socrate seul écrit ”, on ne veut pas dire que Socrate soit solitaire ; on veut dire que personne n’écrit avec lui, même si beaucoup sont là avec lui. Si l’on prend ainsi le mot “ seul ”, rien n’empêche de l’adjoindre à un terme essentiel en Dieu, pour signifier que tous les autres êtres sont exclus de la participation au prédicat. On peut dire par exemple : “ Dieu seul est éternel ”, car rien en dehors de Dieu n’est éternel.
Solutions : 1. Certes, les anges et les âmes des saints sont toujours avec Dieu ; et pourtant, s’il n’y avait pas plusieurs personnes en Dieu, nécessairement Dieu serait seul ou solitaire. Car la nature d’un être qui est de nature étrangère à la nôtre, n’empêche pas notre solitude ; on dit bien de quelqu’un qu’il est seul au jardin, malgré toutes les plantes et les bêtes qui s’y trouvent. De même on dirait que Dieu est seul ou solitaire, malgré les anges et les hommes qui sont avec lui, s’il n’y avait pas plusieurs personnes en Dieu. Ce n’est donc pas la société des anges et des âmes qui tire Dieu de sa solitude absolue, encore moins de sa solitude relative, c’est-à-dire de celle qui se vérifie pour tel attribut particulier.
2. Si l’on veut parler proprement, on n’emploie pas “ seul ” pour modifier le prédicat : celui-ci est toujours pris formellement. Le mot “ seul ” intéresse le sujet, car il exclut tout autre sujet que celui qu’il accompagne. Tandis que l’adverbe “ seulement ”, exclusif lui aussi, s’emploie et pour le sujet et pour le prédicat. On peut dire en effet : “ Socrate seulement court ” ; autrement dit, aucun autre ne court. Et on dit aussi : “ Socrate court seulement ” ; autrement dit, il ne fait rien d’autre. Par conséquent, des expressions comme celles-ci : “ le Père est le seul Dieu ”, ou “ la Trinité est le seul Dieu ”, sont impropres, à moins d’introduire quelque sous-entendu du côté du prédicat ; par exemple, on veut dire : “ la Trinité est celui qui seul est Dieu ”. S. Augustin qu’on allègue n’établit pas une thèse ; il propose l’explication d’un texte difficile, il veut dire que l’invocation “ à l’invisible et seul Dieu ” doit s’entendre de la Trinité seule, et non de la personne du Père.
3. Quel que soit le prédicat, essentiel ou personnel, “ seul ” peut s’adjoindre à un terme essentiel posé en sujet. En effet, la proposition “ Dieu seul est Père ” a deux significations : “ Père ” peut attribuer au sujet la personne du Père ; alors la proposition est vraie, puisqu’aucun homme n’est cette Personne. “ Père ” peut aussi n’attribuer que la relation de paternité : alors la proposition est fausse, puisque pareille relation se vérifie en d’autres (de manière non univoque, cela s’entend). De même, il est bien vrai que “ seul Dieu crée ”. Si l’on n’en peut déduire : “ donc seul le Père crée ”, c’est que, disent les logiciens, le terme exclusif “ immobilise ” le terme qu’il accompagne ; autrement dit, l’on ne peut pas étendre la proposition aux suppôts particuliers par retour du général au particulier. De cette proposition, par exemple : “ Seul l’homme est un animal capable de rire ”, il ne suit pas que “ seul Socrate est un animal, etc. ”.

Article 4 : Un terme exclusif peut-il s’adjoindre à un nom personnel ?
Objections : 1. Le Seigneur dit à son Père (Jn 17, 3) : “ Qu’ils te connaissent, toi, seul vrai Dieu. ” C’est donc que “ le Père seul est vrai Dieu ”.
2. On lit en S. Mathieu (11, 27) : “ Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père. ” Autrement dit : seul le Père connaît le Fils. Et connaître le Fils est bien commun aux Trois. Ainsi, même conclusion que ci-dessus.
3. Le terme exclusif n’exclut pas ce qui est impliqué dans la notion même du terme auquel on l’adjoint. Il n’exclut, par exemple ni la partie, ni l’universel : de “ Socrate seul est blanc ”, on ne peut pas conclure : “ Donc sa main n’est pas blanche ”, ni non plus : “ Donc l’homme n’est pas blanc. ” Or une Personne est impliquée dans la notion de l’autre : le Père est impliqué dans la notion du Fils, et réciproquement. Donc en disant : “ Le Père seul est Dieu ”, on n’exclut ni le Fils, ni le Saint-Esprit : cette expression paraît donc vraie.
4. D’ailleurs l’Église chante : “ Toi, le seul Très-Haut, Jésus Christ. ”
En sens contraire, la proposition “ le Père seul est Dieu ” se résout en deux autres qui l’expliquent : “ Le Père est Dieu ” et “ Nul autre que le Père n’est Dieu. ” Mais cette dernière est fausse, car le Fils, qui est Dieu, est un autre que le Père. Donc la proposition “ le Père seul est Dieu ” est fausse, ainsi que toute autre de ce genre.
Réponse : La proposition “ le Père seul est Dieu ” peut avoir plusieurs sens. “ Seul ” peut qualifier le Père ; et pris de façon catégorématique, il fait du Père un solitaire ; alors la proposition est fausse. Pris de façon syncatégorématique, il donne encore lieu à plusieurs sens : si “ seul ” exclut les autres de la forme du sujet “ Père ”, la proposition est vraie, car elle signifie alors : “ Celui qui est seul à être le Père, est Dieu. ” C’est l’explication qu’en donne S. Augustin, quand il écrit : “ Nous disons "le Père seul", non qu’il soit séparé du Fils ou du Saint-Esprit, mais nous signifions par là qu’ils ne sont point Père avec lui. ” Cependant, ce sens-là n’est pas celui qui ressort du langage habituel à moins d’y sousentendre par exemple : “ Celui qui seul se nomme le Père est Dieu. ”
Dans son sens propre, “ seul ” exclut de la participation du prédicat ; et cette fois, la proposition est fausse, si l’on veut dire : à l’exclusion d’“ un autre ” (alius) ; elle est vraie, si l’on veut seulement dire : à l’exclusion d’“ autre chose ” (aliud). En effet, le Fils est un autre que le Père, mais non pas autre chose ; pareillement le Saint-Esprit. Mais le mot “ seul ” concerne proprement le sujet, avons-nous dit : il veut donc plutôt exclure “ un autre ”, qu’“ autre chose ”. Par conséquent, il ne faut pas généraliser pareille expression ; quand on en rencontrera dans un texte faisant autorité, on aura soin de l’expliquer.
Solutions : 1. L’expression “ Toi, le seul vrai Dieu ” s’entend non pas de la personne du Père, mais de toute la Trinité, selon S. Augustin. Si d’ailleurs on l’entend de la personne du Père, on n’exclut pas les autres Personnes, à cause de l’unité d’essence ; c’est-à-dire qu’alors “ seul ” exclut seulement “ autre chose ”.
2. Même Réponse à la seconde difficulté : quand on attribue au Père une perfection essentielle, on n’exclut ni le Fils ni le Saint-Esprit, en raison de l’unité d’essence. Notons par ailleurs qu’il ne suffit pas de répondre que le vocable latin nemo équivaut à nullus homo, donc que l’exclusion ne vise que les hommes ; ce n’est pas le cas, dans le texte allégué, car on n’aurait pas à y faire exception du Père. Nemo (personne) est pris là au sens usuel, c’est-à-dire qu’il exclut universellement n’importe quelle nature rationnelle.
3. Le terme exclusif n’exclut pas ce qui est compris dans la notion même du terme auquel il est joint et ne fait qu’un sujet avec lui : ce qui est le cas de la partie et de l’universel. Mais le Père et le Fils sont deux suppôts distincts : le cas n’est donc pas le même.
4. Nous ne disons pas, sans plus, que “ seul le Fils est le Très-Haut ” ; nous disons que seul il est “ le TrèsHaut avec le Saint-Esprit dans la gloire de Dieu le Père ”.

AAAAA!TTTTT!
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La Très Sainte Trinité

Message non lu par AAAAA!TTTTT! » mer. 02 août 2006, 17:00

Bonjour a tous , j'aimerais avoir votre avis sur l'interprétation de la trinité ...

Jésus est le fils de dieu , ou est -il a considérer comme dieu , qu'est ce que le saint esprit...

Que pensez vous des theses d'arius (église arienne ) ?

merci
Dieu est un concept ?

nelly emont
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Message non lu par nelly emont » jeu. 03 août 2006, 13:39

Et voilà pourquoi votre fille est muette !

jean_droit
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Message non lu par jean_droit » jeu. 03 août 2006, 15:57

J'ai trouvé dans le site VIV cet article que je trouve intéressant.

J'aime bien aussi le livre sur La Trinité dans la collection "Tout simplement"
La Trinité.. Bousquet François
Editeur : Atelier - Collection : Tout simplement
Date de parution : 10/02/2000
175 pages
ISBN : 9782708234862
14,48 Eur

Le livre sur La Trinité de Saint Augustin ?


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Cardinal Journet
La Trinité
mercredi 2 août 2006.

Je voudrais maintenant essayer d’entrer - mais comme il faut le faire, c’est-à-dire en tremblant - dans la théologie du mystère de la Trinité. Comme une approche que tous les théologiens, tous les Pères de l’Église, tous les saints désirent, chacun avec ce qu’il y a en lui de possibilités : non seulement celles de leur coeur mais aussi celles de leur intelligence. Cette approche doit toujours se faire dans le proster­nement de l’être tout entier, dans la conviction que la connaissance d’un peu de ces grandes choses a plus de prix que celle de toute l’universalité des choses inférieures.

C’est le mystère que l’on annonce aux petits enfants, celui de trois Personnes possédant ensemble, ex aequo, une seule et même essence divine, infinie. Qu’est-ce qu’une Personne ? C’est un "moi", un "je", un "quelqu’un". Si donc on dit qu’il y a trois Personnes en Dieu, cela signifie que trois "Moi", trois "Je", trois "Quelqu’un" possèdent identiquement la même nature, la même essence, la même éternité : possèdent en commun l’Absolu divin.

Mais tout de suite nous achoppons sur le mystère : trois personnes possédant ensemble la même nature, cela ne se voit jamais ici-bas. D’immenses difficultés vont être soulevées dès le début du christianisme par des gens qui étaient certainement de grands esprits, qui connaissaient, désiraient accepter l’Evangile, mais qui voulaient le servir en effaçant de son contenu ce qu’ils interprétaient comme une contradiction, à savoir une multiplication en Dieu qui est unique.

Pour éluder ce mystère de trois "Quelqu’un" possé­dant ensemble la même nature divine, vont surgir deux "fuites", deux manières de rationaliser, de façon à ne pas prêcher aux païens des choses leur apparais­sant dès le premier regard comme folles, inintelli­gibles et contradictoires. Pour sauver la Révélation chrétienne, on va la rendre acceptable à la raison humaine, en la libérant de l’aspérité de ses mystères, de cette transcendance qui ouvre le coeur.

Ces deux manières de rationaliser, ces deux voies, je les ai déjà indiquées sommairement.

La première de ces manières de rationaliser est apparue vers l’an 200, c’est le modalisme dont le représentant le plus important sera Sabellius : il ne peut y avoir pluralité à l’intérieur de l’Absolu ; car alors l’un des termes, pour se différencier de l’autre, devrait posséder quelque chose que ce dernier ne pos­séderait pas ; par conséquent, ni l’un ni l’autre ne serait l’Absolu. L’Absolu unifie et résorbe tout. Donc, si on parle de trois en Dieu, le Père, le Fils, l’Esprit, s’il y a trois réalités, elles ne peuvent pas être distinctes réellement entre elles, ce sont seule­ment des modes de désigner la même Personne unique et absolue à partir de ses effets hors de la divi­nité, dans le monde . Ces erreurs issues du modalisme se reproduisent toujours à travers les âges, parce que l’esprit vient buter contre des difficultés qui sont éter­nelles et qu’il essaie toujours de les éluder par les mêmes voies, en termes qui diffèrent suivant les civi­lisations. C’est ainsi que vous retrouverez le moda­lisme dans la grande philosophie panthéiste alle­mande, de Fichte par exemple.

Là contre, l’Eglise affirme trois Personnes réelle­ment distinctes à l’intérieur de la divinité. Comment expliquer cela ? Avant toute explication, l’Eglise lève sur la Révélation divine, si obscure qu’elle lui paraisse, un regard de foi en la transcendance du mystère de Dieu. Elle accepte que cela est ; ensuite on essayera d’expliquer le comment. Mais on n’ac­commodera pas la transcendance de la Vérité divine à l’esprit d’une époque - qui serait d’ailleurs assez vite contredit par l’esprit de l’époque suivante - pour être repris et contredit indéfiniment. Ce serait rabaisser toutes les grandeurs divines pour les mettre au plan des choses humaines, dissoudre le sel dans l’eau.

La seconde voie pour essayer de rationaliser le mystère de la Trinité est celle de l’arianisme. Elle est un peu postérieure. Arius était un prêtre d’ Alexandrie, très brillant, certainement plus que son évêque. On ne peut pas, se dit-il, annoncer aux Gentils un christianisme contenant des contradic­tions. Si vous dites que le Père est Dieu et que le Fils est Dieu, vous avez deux Dieux et vous retombez dans ce polythéisme contre lequel il a tant fallu se battre. La Révélation divine, pendant près de deux mille ans, a répété au peuple juif : « Le Seigneur ton Dieu est un Dieu unique ». Alors il faut dire que Dieu, dans le ciel, a un Fils qui procède de lui, qu’il a engendré, mais ce Fils n’est pas Dieu, c’est la plus haute des créatures. Il est appelé Dieu, à la manière de la plus splendide des créatures.

On rejoignait alors un système intellectuel contem­porain : la gnose. Pour expliquer la coexistence d’un Dieu infiniment bon et du mal dans le monde, on imaginait que Dieu avait créé une première créature, extraordinairement splendide, laquelle en avait créé une deuxième, moins belle, qui à son tour en avait créé une troisième, moins belle... et peu à peu s’était opérée la dégradation, en sorte que finalement nous arrivons à un monde où se trouve beaucoup de bien, mais mêlé à beaucoup de mal. Alors en disant : le Dieu révélé de l’Écriture c’est le Père, qui a envoyé son Fils, lequel est la première et la plus splendide des créatures, on se rendait accessible à l’"intelligentsia" païenne de ce temps-là, à qui on expliquait : vous acceptez le système des gnoses ; eh bien, l’être créé le plus beau, c’est celui-là qui est apparu au milieu de nous en Jésus. Dans cette conception, il y a bien une génération en Dieu, mais elle est extérieure à Dieu, et non pas à l’intérieur de la divinité. Et l’on explique aux chrétiens que c’est la seule interprétation pos­sible de l’Évangile. Jésus dit de lui-même : « Le Père est plus grand que moi », vous voyez donc bien qu’il n’est pas Dieu ! Et puis, à maintes reprises, il prie son Père : s’il était Dieu, il ne prierait pas, car Dieu ne prie pas, il exauce ! Et vous voyez Jésus sur la croix s’écrier : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? » Par conséquent, pour sauver tout l’Évangile, il n’y a pas d’autre possibilité que d’ac­cepter l’arianisme !

Mais cela est fuir la transcendance du mystère : un seul Dieu en trois Personnes divines, égales, co-éter­nelles, co-subsistantes. Il faut l’accepter même si cela va contre la culture du temps. C’est vrai, c’est une folie. C’est quelque chose qui écartèle la raison, mais pour faire entrer en elle quelque chose de plus grand qu’elle. Je ne dis pas que cela contredit la raison ; mais alors qu’elle allait clore son univers spirituel sur elle-même, faire son Parthénon clos, vient l’ouver­ture ; elle n’est pas brisée, mais elle reste comme interdite en présence d’un mystère qui la dépasse. C’est là que trouve son application la parole de Pascal : « La dernière démarche de la raison est de croire qu’il y a une quantité de choses qui la dépas­sent ». Que la raison alors se soumette ! En se sou­mettant à ces grandeurs, elle grandit.

Quelle était donc en forme l’objection des Ariens ? Deux identiques à un même troisième, disaient-ils, sont identiques entre eux. Si A est identique à X, et B identique à X, cela veut dire que A est identique à B. Si donc le Père est Dieu, identique à Dieu, si le Fils est Dieu, identique à Dieu, le Père est identique au Fils. L’objection paraissait imbrisable. Et pourtant elle ne l’était pas. Aristote, un métaphysicien païen, avait dit, quatre cents ans auparavant : "Il n’est pas toujours vrai que deux identiques à un même troi­sième sont identiques entre eux, précisément lorsqu’il y a entre le premier et le second terme une opposition de relation". L’exemple qu’il prenait est très simple : la route qui va de Thèbes à Athènes et celle qui va d’Athènes à Thèbes, c’est identiquement la même route. Mais si vous la considérez comme partant de Thèbes et arrivant à Athènes, vous ne pourrez pas dire que le départ à partir de Thèbes est identique à l’arrivée à Athènes. Il y a un terme d’où part la réa­lité, et un terme où elle aboutit, et le terme où elle aboutit est distinct du point d’où elle part. Donc, opposition de relation.

Ce type d’exemple que prenait Aristote dans l’ordre des choses visibles va pouvoir être transposé, en sorte que ces tout grands que sont saint Athanase puis les Pères cappadociens, saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire de Nysse et saint Basile, auront la réponse à donner aux Ariens : "O hommes très savants, leur dira saint Grégoire de Nazianze, le nom de Père n’est pas, comme vous le croyez, un nom d’essence, il désigne une relation : la relation du Père au Fils et du Fils au Père."

Si je disais : il y a trois Dieux et un Dieu ; ou bien : trois relations et une relation ; ou bien : trois Personnes et une Personne, ce serait dans chaque cas une contradiction. Or Dieu ne nous donnera jamais à accepter une contradiction. Mais je dis : il y a trois "Moi" qui possèdent ensemble la même essence, et ces trois sont opposés l’un à l’autre, d’une opposition de relation. Dans la Trinité il faut dire que le Père est autre que le Fils, le Fils autre que le Père, et l’Esprit saint autre que chacun des deux. Mais il ne faut pas dire que le Fils est une autre réalité que le Père, le Père une autre réalité que le Fils, et l’Esprit encore une autre réalité. En latin, il précise : il faut dire alius est Pater, alius est Filius, et non pas aliud est Pater, aliud Filius.

On peut reprendre maintenant l’image de saint Nicolas de Flüe, le cercle avec les trois points sur la circonférence. L’essence divine représentée par le cercle appartient totalement au Père, totalement au Fils, totalement à l’Esprit saint, sans être divisée. Le Père est toute l’essence divine comme la donnant au Fils, le Fils est toute l’essence divine comme la rece­vant du Père, et l’Esprit saint est toute l’essence divine reçue du Père et du Fils, et restituée intégrale­ment

Vous voyez ce mystère. Il peut arriver à chacun de nous de se heurter à quelque mystère de la vie chré­tienne, de cet ordre-là ou un autre, jusqu’à celui de la mort qui viendra à un moment donné. Toujours, vien­dront des moments où l’homme devra être brisé d’une manière ou d’une autre, pour être placé dans la situation de devoir faire acte d’acceptation. C’est ce qu’il y a de plus précieux au monde, c’est ce que j’appelle une démission de soi-même devant la gran­deur de Dieu. Même quand l’homme ne comprend pas, s’il accepte il sait que ce n’est pas à une contra­diction qu’il dit "oui". Mon Dieu, je remets mon intelligence... je remets ma vie entre vos mains.

(...)

« Seigneur notre Dieu, nous croyons en toi, Père, Fils et Esprit saint, car la Vérité n’eût pas dit : Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit si tu n’étais pas Trinité. Seigneur, Dieu, tu n’aurais pas ordonné que nous fussions baptisés au nom de ce qui n’est pas le Seigneur Dieu. Nous sommes baptisés dans les trois Personnes, nous sommes baptisés dans un seul Dieu : Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un Dieu unique. » St Augustin.

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Passage contredisant la Trinité ?

Message non lu par Raistlin » jeu. 08 mars 2007, 0:21

Bonjour,

Il y a un passage de la première épître de Paul aux Corinthiens qui me pose problème.

1 Corinthiens 11:3
"Je veux pourtant que vous sachiez ceci : le chef de tout homme, c'est le Christ; le chef de la femme, c'est l'homme; le chef du Christ, c'est Dieu."

Comment l'Eglise catholique comprend ce passage ? En effet, de prime abord, il semble contredire la Trinité.

Merci de vos réponses.

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Message non lu par Boris » jeu. 08 mars 2007, 9:13

Le Fils est soumis au Père.

Il faut lire également Mt XXVI 42 : Pater, si non potest hic calix transíre, nisi bibam illum, fiat volúntas tua. (chant de communion du Dimanche de la passion)
et Phil II 8 : Christus factus est pro nobis obédiens usque ad mortem, mortem autem crucis. (graduel de la même messe = psaume entre les 2 lectures selon le Graduel Romain, c-à-d le répertoire officiel des chants de la Messe).

(traduction : Matthieu : Père, si il n'est pas possible que ce calic passe sans que je le boive, que ta volonté soit faite
Philippiens : Le Christ s'est fait pour nous obéissant jusqu'à la mort, et la mort sur une croix)

Mais il faut aussi replacer cela dans son contexte : chef ne veut pas forcément dire "petit chef" comme on en voit trop souvent dans les entreprises de nos jours. Je pense qu'il faut plutôt le comprendre comme personne à suivre :
- le chef de tout homme c'est le Christ : l'Homme doit donc suivre l'exemple du Christ dans sa vie : humilité, obéissance, charité envers Dieu et son prochain, ...
- le chef de la femme c'est l'homme : dans un couple, la femme prend rarement des décisions importante : ce n'est pas dans sa nature (ce n'est pas une quesion de compétences mais de "psychologie"). C'est à l'homme de le faire en concertation avec sa femme.
- le chef du Christ c'est Dieu : ... le Père ! N'oublions pas que le Christ est le Verbe de Dieu, c-à-d sa parole les mot de Dieu. Donc lorsque le Père parle , c'est le Christ qui agit. lors d'un WE d'initiation à la prière pour des enfants, les pères ont demandé aux enfants quel était la langue de Dieu : c''est une langue très simple puisqu'il n'y a qu'un seul mot : c'est Jésus ! Mais ce mot est si puissant qu'il est vivant.
Dernière modification par Boris le jeu. 08 mars 2007, 21:48, modifié 1 fois.
UdP,
Boris

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Message non lu par Raistlin » jeu. 08 mars 2007, 19:39

Merci pour votre réponse, elle est très enrichissante. :)

Bien à vous.

elimelec
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Re: La Sainte Trinité

Message non lu par elimelec » mer. 08 août 2007, 8:18

AAAAA!TTTTT! a écrit :Bonjour a tous , j'aimerais avoir votre avis sur l'interprétation de la trinité ...

Jésus est le fils de dieu , ou est -il a considérer comme dieu , qu'est ce que le saint esprit...

Que pensez vous des theses d'arius (église arienne ) ?

merci
La trinité en question

La trinité en question-préambule

La trinité en question-partie 1

La trinité en question-partie 2

La trinité en question-partie 3

La trinité en question-partie 4

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Re: La Sainte Trinité

Message non lu par Luc » dim. 07 oct. 2007, 22:19

AAAAA!TTTTT! a écrit : j'aimerais avoir votre avis sur l'interprétation de la trinité .
Bonjour

La Trinité c'est le mystère de Dieu en lui-même. Donc c'est pour nous un mystère de foi au sens le plus strict. C'est un de ces mystères cachès en Dieu, qui ne peuvent être connus s'ils ne sont révélès d'en haut (1)

(1) Premier Concile du Vatican, 3e session, 24 avril 1860, '' Constitution dogmatique sur la foi catholique'' Ch 4 (DS 3015)

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Re: La Très Sainte Trinité

Message non lu par Christophe » ven. 01 févr. 2008, 22:37

Le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Voici quelques paragraphes de l'Abrégé du Catéchisme sur ce sujet complexe :

44. Quel est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne?
Le mystère central de la foi et de la vie chrétienne est le mystère de la Sainte Trinité. Les chrétiens sont baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

45. Le mystère de la Sainte Trinité peut-il être connu par la seule raison humaine?
Dieu a laissé des traces de son être trinitaire dans la création et dans l’Ancien Testament; mais la profondeur de son Être comme Trinité sainte constitue un mystère inaccessible à la seule raison humaine, et même à la foi d’Israël, avant l’Incarnation du Fils de Dieu et l’envoi de l’Esprit Saint. Ce mystère a été révélé par Jésus Christ et il est à la source de tous les autres mystères.

46. Que Jésus Christ nous révèle-t-il du mystère du Père?
Jésus Christ nous révèle que Dieu est « Père », non seulement parce qu’il est le Créateur de l’univers et de l’homme, mais surtout parce qu’il engendre éternellement en son sein le Fils, qui est son Verbe, « reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de sa substance » (He 1,3).

47. Qui est l’Esprit Saint, que Jésus Christ nous a révélé?
Il est la troisième Personne de la Sainte Trinité. Il est Dieu, uni au Père et au Fils, et égal à eux. Il « procède du Père » (Jn 15,26), qui, en tant que principe sans commencement, est l’origine de toute la vie trinitaire. Il procède aussi du Fils (Filioque), par le don éternel que le Père fait de lui au Fils. Envoyé par le Père et le Fils incarné, l’Esprit Saint conduit l’Église à la connaissance de « la Vérité tout entière » (Jn 16,13).

48. Comment l’Église exprime-t-elle sa foi trinitaire?
L’Église exprime sa foi trinitaire en confessant un seul Dieu en trois Personnes : Père, Fils et Esprit Saint. Les trois Personnes divines sont un seul Dieu, parce que chacune d’elles est identique à la plénitude de l’unique et indivisible nature divine. Elles sont réellement distinctes entre elles par les relations qui les mettent en rapport les unes avec les autres. Le Père engendre le Fils, le Fils est engendré par le Père, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.

49. Comment agissent les trois Personnes divines?
Inséparables dans leur unique nature, les Personnes divines sont aussi inséparables dans leur action. La Trinité a une seule et même opération. Mais dans l’unique action divine, chaque Personne est présente selon le mode qui lui est propre dans la Trinité.


:arrow: Compendium du Catéchisme de l'Église Catholique

Pour une présentation plus exhaustive, on pourra également se reporter au Catéchisme de l'Église catholique.

PaX
Christophe
« N'ayez pas peur ! » (365 occurrences dans les Écritures)

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