@Chris Prolls
Pendant deux pages de cette discussion, finalement, il ne s'agit que de répéter, textes à l'appui, que le cas hypothétique d'un pape hérétique est envisageable en théorie. Soit.
Vous en venez finalement à ce qui vous permet, d'après vous, de porter cette accusation dont vous avez démontré au moins la possibilité :
On a donc un "pape" qui déclare dans le Saint-Esprit ce qui a été condamné dans le Saint-Esprit par son prédécesseur. Paul 6, en tant que pasteur et docteur universel, par une déclaration solennelle d'un apparent concile œcuménique, arrête et décrète dans l'Esprit-Saint une hérésie formellement et infailliblement condamnée.
Or, la Foi en le dogme de l'infaillibilité pontificale nous oblige à tenir une telle chose pour impossible de la part d'un Pontife romain. Il est impossible qu'un pape déclare dans l'Esprit-Saint une hérésie condamnée par l'Eglise. Cela est contraire à la Foi. Et pourtant, ce que la Foi nous oblige à croire impossible à un véritable pape, Paul 6 l'a fait.
Par conséquent, la Foi nous oblige à conclure que Paul 6 n'était déjà plus, ou n'avait jamais été pape lors de la proclamation de Dignatis Humanae.
Certes, certes. Cependant, il ne vous aura pas échappé une petite subtilité, tout de même :
de Pie Xi et de Paul VI, faites vous remarquez, le second contredirait totalement le premier, et "
on a donc un "pape" qui déclare dans le Saint-Esprit ce qui a été condamné dans le Saint-Esprit par son prédécesseur."
Mais vous noterez que, du coup, la contraposée est également tout aussi vraie :
on a donc un "pape" qui déclare dans le Saint-Esprit ce qui sera condamné dans le Saint-Esprit par un de ses successeurs.
Dit autrement, si le second de ces papes a dit tout le contraire de ce que disait le premier, comme vous l'affirmez, alors il est tout aussi vrai que le premier a dit tout le contraire de ce que dirait plus tard le second.
Si donc il faut vraiment opposer Pie XI et Paul VI, vous tombez sur un os.
Parce que dès lors, quel critère indépendant vous permet de trancher en faveur de l'un, contre l'autre ?
Si on veut à tout prix opposer les deux comme vous le faites, on pourrait tout aussi bien affirmer que le premier était tombé dans une erreur que le second corrige ou évite.
Ah.
Votre argument ici étant fondé uniquement sur le constat (ou supposé tel) qu'ils affirment des principes opposés et contradictoires, vous ne pouvez pas, du coup, en conclure qui des deux est dans le vrai, et qui dans le faux. Vous ne pouvez pas, du coup,
même si votre constat est vrai, en conclure de façon certaine et prouvée lequel est hérétique et lequel ne l'est pas :
tout ce que vous pourriez affirmer (dans l'hypothèse où votre constat est vrai), c'est que si l'un proclame la vraie foi catholique, alors l'autre est hérétique.
Et, du coup, il vous resterait à vous expliquer encre sur votre choix : pourquoi, sur ce point précisément, avoir choisi que tel pape était le vrai et tel autre l'hérétique ?
(l'ordre chronologique ne pouvant évidemment pas être invoqué : le temps, pas franchement un concept qui arrête beaucoup l'Esprit Saint.)
Ceci étant, l'obstacle sur lequel, du coup, vous butez ici sans vous en être rendu compte, n'a lieu d'être que si réellement les déclarations de ces deux papes sont contradictoires et inconciliables, comme deux dogmes qui se contrediraient.
Pour vous sortir de ce mauvais pas, puisqu'on en est à citer à tout va, on pourra donc vous proposer St Augustin :
- [+] Texte masqué
- "Je ne savais pas non plus la vraie justice intérieure qui juge non pas d'après la coutume, mais d'après la loi toute droite du Dieu tout-puissant. Modelant sur les pays et sur les époques les usages des pays et des époques, cette loi, partout et toujours la même, ne change ni avec le lieu ni avec le temps. (...)
Supposez qu'un individu, ignare en matière d'équipement, veuille coiffer le jambart, chausser le casque et qu'il grogne : "ça ne va pas" ; ou que, par une après-midi fériée, quelqu'un bougonne, parce que le droit qu'il avait eu le matin d'ouvrir sa boutique lui est refusé ; ou encore que, voyant dans une maison un esclave manipuler un objet qu'il est défendu à l'échanson de toucher ou faire après la desserte une chose interdite avant le repas, l'on s'indigne que, n'y ayant qu'un logis et qu'un personnel, tous n'aient pas en tout mêmes attributions :
ainsi font ces gens indignés d'entendre dire qu'un acte aujourd'hui illicite fut autrefois licite aux justes et que Dieu, suivant les temps, prescrit aux uns ceci, aux autres cela, tous néanmoins observant une même justice."
"Que s'il s'agit d'unité, d'un homme, d'une journée, d'une maison, ce qui va pour un membre, ils le voient bien, ne va pas pour l'autre ; une chose longtemps autorisée est, d'une heure à l'autre, interdite ; un acte permis ou commandé dans le coin que voici est défendu et puni dans le coin attenant que voilà. Est-ce à dire que la justice change, qu'elle évolue ?
Non, mais les affaires d'un moment qu'elle régit ne vont pas de pair, et pourquoi ? Parce que ce sont affaires d'un moment. L'homme, dont la vie sur terre est bien courte, n'arrive pas, faute d'expérience, à combiner par son propre sens avec les données de son expérience les cas particuliers des siècles anciens et des régions étrangères ; ne s'agit-il au contraire que d'un corps, d'une journée, d'une maison, l'on peut aisément voir ce qui va, selon le cas, pour tel membre, tel moment, tel endroit, telle personne. On s'incline alors, autrement on s'offusque."
St Augustin, Confessions, Livre III
Voilà donc que, quand bien même ces deux papes diraient deux choses opposées, il faudrait que vous envisagiez encore la possibilité que ce soit légitime et juste, s'agissant de temps et de circonstances différentes, et que cela n'est encore pas suffisant pour affirmer que la justice de Dieu et la vérité aient été bafouées.
. Et voici qu'Eloi vous a répondu sur ce point de la liberté religieuse :
Thomas d'Aquin indique qu'"
Il résulte donc de tout cela que toute volonté qui n’obéit pas à la raison, que celle-ci soit droite ou dans l’erreur, est toujours mauvaise."
Ceci entraîne logiquement, vous en conviendrez, qu'une personne qui penserait reconnaître par sa raison la vérité du bouddhisme ou de l'islam ou de la religion des esprits du vent, ne devant pas aller contre sa raison puisque ceci serait d'une volonté mauvaise,
se trouverait bien forcée, alors, si elle voulait agir d'une volonté bonne, de croire au bouddhisme, à l'islam, ou aux esprits du vent.
C'est donc en informant mieux la raison de cette personne qu'on pourrait l'amener à reconnaître son erreur, et non en lui intimant l'ordre "d'être catholique" (ce qui, d'ailleurs, notez bien, n'aurait pas de sens : il ne me semble pas qu'il soit possible, par le droit ou par la force, de forcer quelqu'un à croire).
De même, il vous a été cité un autre texte allant en ce sens.
. Si nous nous résumons bien :
Quand bien-même il y aurait opposition entre les affirmations de Pie XI et de Paul VI (et cela est encore à établir, puisqu'il faut voir et préciser ce que chacun veut dire), il vous faudrait encore :
>1) accepter d'envisager et d'étudier l'hypothèse que ce soit Pie XI qui soit tombé dans l'hérésie sur ce point et non Paul VI (ah, ben, quitte à être sédévacantiste, appliquer complètement sa logique)
> d'autant que
Thomas d'Aquin et
Grégoire le Grand semblent abonder dans le sens de Paul VI ;
>2) envisager que deux lois différentes aient pu légitimement correspondre à deux temps différents, et que ces deux lois aient pour autant exprimé et suivi tout autant l'unique et constante loi et justice de Dieu ;
Comme vous voyez, on est encore loin de conclure à la vacance.
(une dernière note : vous devriez changer votre signature : nul ici ne vous appellera "papiste".)
(une dernière dernière note : se contenter de décréter que "ça ne vous semble pas dans le sujet" et que vos propres citations le sont plus, n'est pas une réponse valable ; si on part du principe que seules les citations qui semblent aller dans votre sens sont adéquates et que toutes celles qui vous gênent sont hors-sujet, alors effectivement la conclusion s'impose, mais pas vraiment par la force de la raison. Vous serez donc bien aimable de prendre en considérations les réponses, objections et citations proposées par vos interlocuteurs ; sinon, la réponse sera d'autant plus simple.