Théo d'Or a écrit :Tiens, s'agirait-il d'un sursaut de cohérence?
Sinon, dans l'encyclique du pape Benoit XVI Caritas in Veritate, il y a des choses intéressantes:
http://www.vatican.va/holy_father/bened ... te_fr.html
A propos du rôle que l’Église - et j'entends bien que nous sommes dedans - peut jouer dans cette dérive de l'Union Européenne, je voudrais poster ici ce qu'écrivait Simone Weil avant même le déclenchement de la seconde guerre mondiale:
"Si l'on regarde de près, d'un regard vraiment attentif, les âmes et les sociétés humaines, on voit que partout où la lumière surnaturelle est absente, tout obéit à des lois mécaniques aussi aveugles et aussi précises que la loi de la chute des corps" (L'amour de Dieu et le malheur)
En 1934, Simone Weil, entre comme ouvrière à la chaîne à Alsthom puis chez Renault. Elle reproche en effet aux milieux syndicalistes de connaître mieux la théorie marxiste que ces hommes que le marxisme prétend libérer. Elle se fait donc proche des travailleurs les plus pauvres, afin de penser non pas pour eux ou à leur place, mais avec eux et à partir de ce qu'ils vivent. La portée de cette expérience fut plus que politique: ce que Simone Weil retient de ces jours passés au milieu de machines qui imposent au corps et à l'esprit une cadence inhumaine, c'est ce qu'elle appelle le malheur. Le malheur, c'est l'impression mortelle de ne compter pour rien , d'être broyée par un mécanisme aveugle, sans attention ni égards pour l'humanité de chaque homme.
Or, ce mécanisme, qu'elle appelle encore le règne de la force est à l'œuvre partout, bien au-delà de l'usine: c'est ce qui fait que tout homme, bien qu'il le cache parfois, se plait à dominer, à être le centre, à étendre son pouvoir partout où il en est capable. C'est ce qu'elle vérifie en 1936, lorsqu'elle s'engage auprès d'anarchistes en résistance contre le franquisme, en Espagne. Si la convivialité semble régner entre ces hommes unis pour un "monde plus juste", ce but même se perd rapidement : "Un abîme séparait les hommes armés de la population désarmée, tout à fait semblable à celui qui sépare les pauvres et les riches", écrit-elle à ce moment. Elle ajoute un peu plus tard: "J'ai eu le sentiment que lorsque les autorités temporelles ou spirituelles ont mis une catégorie d'êtres humains en dehors de ceux dont la vie à un prix, il n'est rien de plus naturel à l'homme que de tuer. Quand on sait qu'il est possible de tuer sans risquer ni châtiment, ni blâme, on tue."
Cette disposition de l'homme à dominer, elle l'appelle, en raison de l'université de son attraction: la pesanteur. Rien n'y échappe: ainsi, un gaz lâché dans l'atmosphère occupe immédiatement tout l'espace qu'il peut, de la même façon que "les poules se précipitent à coups de bec sur une poule blessée". Toute force humaine ou naturelle, individuelle ou collective, tire à chaque instant ses ultimes conséquences.
Simone Weil est à ce point persuadée de la justesse de ce point de vue sur la réalité qu'elle va jusqu'à citer Adolf Hitler dans "Mein Kampf" : "Dans un monde où les planètes et les soleils suivent des trajectoires circulaires, où les lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu'elle contraint à la servir docilement ou qu'elle brise l'homme ne peut pas relever de lois spéciales."
Ce témoignage me paraît important pour l'époque que nous vivons aujourd'hui. En effet, si l'homme de notre temps cessait tout à fait de regarder vers Dieu, pour de nouveau chercher une sorte de gestion 'globale et humaine' du monde (est-ce que ce ne fut pas le cas également durant la guerre froide ?), nous risquons de retourner vers un système où ceux qui dominent par le pouvoir de l'argent se verront bien, en prétendant toujours viser le bien commun de tous... réinstaurer une forme moderne de l'esclavage, avec tout ce que cela peut comporter d'odieux.
L'Eglise a évidemment un rôle à jouer dans ce qui se passe sous nos yeux. Et je ne suis pas étonné que notre Pape, Benoît XVI ait justement proclamé 2012 "année de la foi". Car seule une Église relevée dans la foi de ses fidèles, peut faire front efficacement à toutes les entreprises de l'Adversaire.