Les combats de l'Église en ce monde

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Raistlin
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Les combats de l'Église en ce monde

Message non lu par Raistlin » mer. 03 juin 2009, 15:03

Bonjour à tous,

Je vous livre ici un extrait de la méditation d'Henri de Lubac sur l'Eglise :
Henri de Lubas a écrit :L'Église est au milieu du monde. Par le seul effet de sa présence, elle y verse une inquiétude inguérissable. Perpétuel témoin de ce Jésus qui est venu « ébranler les assises de la vie humaine », elle y apparaît, c'est un fait, comme un « prodigieux ferment de discorde ». Dieu lui dit comme à son Prophète : « Je t'établis sur les peuples et sur les royaumes pour arracher et pour renverser, pour exterminer et pour démolir » (Jérémie 1:10) , aussi bien que « pour bâtir et pour planter ». Et l'Écriture, qui partout l'annonce, n'est-elle pas tout entière « le livre des combats du Seigneur » ? Cet aspect n'est point à dissimuler. Il est essentiel. Nous ne pouvons oublier que notre Église est militante. Elle est « l'armée du Christ », « la milice du Dieu Vivant », « la milice du grand Roi », milice dans laquelle nous avons été enrôlés au baptême et à la confirmation. Elle ne nous permet pas d'ignorer qu' « il n'est pas possible de concilier la justice avec l'iniquité, ni la lumière avec l'ombre, ni le Christ avec Bélial », et que « reconnaître le Dieu unique, c'est déclarer une guerre sans merci à tous les autres » :

Le Verbe incarné est notre Roi : or, Il est venu en ce monde pour livrer bataille au diable, et tous les saints qui vécurent avant son avènement sont comme les soldats qui composent l'avant-garde de l'armée royale; ceux qui sont venus depuis lors et qui viendront jusqu'à la fin du monde, sont les soldats qui marchent à la suite de leur roi. Lui-même, le roi se tient au centre de son armée; il s'avance, entouré du rempart que lui font ses troupes. Et, bien qu'en une si grande multitude, on puisse voir toutes sortes d'armes diverses - car les sacrements et les observances des peuples anciens ne sont pas les mêmes que ceux des nouveaux, - tous néanmoins combattent pour le même roi et sous le même étendard, ils pourchassent le même ennemi, ils sont couronnés de la même victoire. (Hugues de Saint Victor, De sacramentis christianae fidei, prologus)

Sans doute, cela n'est point à prendre en un sens extérieur, comme il s'agissait d'une puissance humaine s'affrontant à d'autres puissances humaines. Jamais les armes de l'Église ne seront celles du siècle, ni ses objectifs ceux du siècle. « Marchant dans la chair », elle « ne combat pas selon la chair » (2 Co 10:3 ). Le combat qu'elle mène « sous l'étendard de la croix », à l'image du grand Combat rédempteur et en continuité avec lui, est un « combat spirituel ». Il est engagé « contre les princes du monde des ténèbres, contre les esprits du mal dans les hauteurs » (Ephésien 6:12) , et c'est d'abord et toujours dans le secret que chacun doit le mener pour sa part. Chacun doit incessamment conquérir sur les Forces adverses sa propre liberté intérieure. C'est au cœur de chaque soldat qu'il faut pourchasser et anéantir l'ennemi. Car « on ne vient pas au Christ dans le repos et dans les délices, mais à travers toutes sortes de tribulations et de tentations ». En chacun de ceux qui s'appliquent à Le suivre s'affrontent deux angoisses: l'angoisse chrétienne et l'angoisse mondaine, l'angoisse désintégrante et l'angoisse rédemptrice, l'angoisse du péché et l'angoisse de la croix. La ligne qui sépare les deux camps adverses est une ligne invisible, tracée à l'intérieur des consciences. - Mais, inévitablement, la lutte éclate au dehors. Intestino exteriorique conflictu indesinenter exercetur Ecclesia. Au dehors comme au dedans, le « mystère d'iniquité » (2 Thess 2:17) est à l’œuvre . Le « grand combat » dont le prélude fut au ciel, se poursuit entre les hommes à travers toute la durée. Les âmes ne veulent pas laisser troubler leur somnolence. Elles redoutent une vocation trop haute. Les liens de la chair et du sang ne veulent pas se laisser rompre. Le monde considère comme une injure et une provocation toute existence qui n'est pas selon lui. Il se sent menacé par la moindre des conquêtes spirituelles de l'Église; et jamais il ne manque de réagir.

L'Église au milieu du monde, c'est donc l'Église au milieu des combats. L'Israël guerrier la préfigure, conduit par Yahweh à la conquête de son héritage. Son Dieu est le Dieu de la Paix, elle-même est « une bienheureuse vision de paix », elle prêche Celui qui « a fait la paix par le sang de sa croix » (Colossiens 1:20) , elle veut en son sein des doux et des pacifiques, et lorsqu'elle est écoutée, elle exerce toujours une action pacificatrice; mais il faut qu'elle commence par nous arracher à cette fausse paix qui était celle du monde avant le Christ et dans laquelle nous cherchons toujours à nous installer à nouveau. Pour « préparer l'évangile de la paix », c'est saint Paul qui nous le dit, il faut qu'en chacun de nous elle revête « l'armure de Dieu » (Ephésiens 6:11-17 ; cf.1 Thess 5:8-9). Nous sommes dans la servitude: il faut qu'elle nous délivre, et la délivrance ne s'opère pas sans combats. C'est seulement « pour terme » que Dieu « lui a donné la paix » (Psaume 147,14) . Avant donc d'être la Jérusalem en fête célébrant le Seigneur dans la paix enfin possédée, elle doit passer par la condition de Jacob, dont le nom signifie lutte et labeur. Avant d'être couronnée sur les hauteurs, il lui faut se heurter aux puissances de ce monde, et quelles que soient les illusions périodiquement renaissantes d'un certain nombre de ses enfants, elle ne sera jamais ici-bas dans le triomphe et dans la gloire . Plus que les persécutions, plus que les schismes et les hérésies, les dérèglements de ceux qui se disent ses fils lui sont une perpétuelle amertume. Elle poursuit sa marche dans les souffrances et dans l'opprobre, et pas plus que la prospérité - toujours précaire - ne la satisfait, l'adversité ne l'abat; elle se prémunit contre la vaine gloire en s'humiliant et réagit au malheur par l'espérance .
Mais elle ne pactise point avec l'ennemi. Elle ne peut être infidèle à Celui qui a dit: « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive » (Matthieu 10:34) - le glaive de la prédication chrétienne, cette « Parole efficace, plus acérée qu'aucune épée à deux tranchants » (Hebreux 4:12) - qui a dit encore: « Les habitants d'une même maison seront divisés à cause de moi » (Matthieu 10:34-35), et qui fut en effet d'un bout à l'autre de son existence terrestre un « signe de contradiction » (Luc 2:34 ; 12:51-53 ; cf.Colossiens 1:20).

Partout, certes, elle cherche l'entente et l'union, «l'accord et l'harmonie », comme « le moyen le plus efficace de concourir au bien du genre humain ». Elle est prête pour l'obtenir à toutes les concessions qui ne seraient pas des reniements.
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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