Je profite de ce post très intéressant pour essayer de revenir au sujet, en demandant à ceux qui en préfèrent un autre de bien vouloir, s'il leur plaît, ouvrir le fil adéquat pour mener leurs discussions.Cinci a écrit : ↑mar. 22 oct. 2019, 4:47Le problème que pose le modernisme c'est bien le fait que la critique reste pourtant nécessaire. Un honnête catholique pourrait passer bien à tort pour un moderniste et au motif qu'il critiquerait certains éléments ou inviterait à une révision dans la manière de recevoir tel passage. Un vrai moderniste pourrait être pris pour un honnête théologien, un bibliste catholique faisant simplement son métier et parce que tous peuvent se livrer à des examens critiques apparemment. Parfois c'est bluffant. Il pourrait prendre des années avant de réaliser que le professeur Machin n'a finalement rien d'un catholique.
Je me souviens par exemple d'avoir déjà écouté une ou deux conférences du professeur Thomas Römer, des conférences très longues. Et à la sortie j'aurais été bien en peine de vous dire si le prof est catholique, protestant ou moderniste. A une autre occasion, je me serai déplacé en personne pour entendre un cours d'exégèse des Évangiles livré par une bibliste de l'Université de Montréal et à la maison-mère d'une vénérable communauté de soeurs catholiques. J'écoute le cours et après deux heures je ne saurais pas vous dire si la bibliste a la foi, si elle travaille vraiment au bénéfice de l'avancement des âmes et pour la gloire d'une saine théologie ou bien si elle serait en train de faire une Hans Küng d'elle-même.
Vous mettez l'accent, cher Cinci, sur ce que j'appellerai la loi du silence. Les modernistes avancent masqués. Pourquoi? Il y a plusieurs explications à ce phénomène.
1) l'explication traditionaliste : parce que ce sont de sales hypocrites suppôts de Satan qui comme chacun sait est le père du mensonge. Pas forcément totalement faux, mais tout de même un peu manichéen!
2) l'explication progressiste : parce qu'ils se heurtent à la répression inquisitoriale des esprits étroits et bornés (les traditionalistes, vous les aviez reconnus ) et ne peuvent s'en tirer qu'en taisant ce qui dépasse la faible intelligence des susnommés, incapables de la moindre nuance. L'existence d'un serment anti-moderniste a renforcé cette hypothèse, mais celle-ci n'en reste pas moins tout aussi manichéenne que la précédente.
3) l'explication "paranoïaque" : parce qu'ils sont les surgeons du gnosticisme, infiltrés par la franc-maçonnerie et de surcroît agents de Moscou, donc soumis à la discipline du secret. En réalité, si l'on peut trouver effectivement des passerelles idéologiques avec la franc-maçonnerie, cela perd de sa crédibilité quand on tente de rapprocher modernisme et gnose, qui a priori tendraient à s'exclure, le moderniste ne reconnaissant que la science profane comme instance de vérité.
Mais je serais tenté d'en retenir une quatrième. C'est, selon ma suggestion, parce que l'on ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu. Je m'explique. La crise moderniste, en réalité, ne serait pas un phénomène marginal, mais traduirait la crise profonde de la foi chrétienne, qui semble incompatible avec le monde moderne (d'où la célèbre conclusion du Syllabus de Pie IX). Certains s'en accommodent en rejetant tout ce qui est postérieur au XIIIe siècle, d'autres s'en accommodent en quittant le navire et en assumant d'avoir perdu la foi. Mais la majorité d'entre nous ne s'en accommode pas, tout simplement. Et beaucoup préfèrent éviter le sujet plutôt que de risquer d'avoir à affronter des constats déprimants. Chacun rumine alors ses petits secrets intérieurs et ses doutes.
Il existe un roman de Georges Bernanos dont le personnage principal est un prêtre historien du sentiment religieux et moderniste. Il s'appelle L'Imposture.