Risque de schisme américain

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Gaudens
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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Gaudens » lun. 07 oct. 2019, 19:37

Cinci ,votre post ci-dessus m'a fait douter un instant.
Mais votre phrase initiale (dire que l'Eglise catholique est un adversaire du libéralisme économique ne serait pas sérieux) a quelque peu remis mes doutes au pacard.Bien sûr que si,l'Eglise a condamné maintes fois le libéralisme ,tant politique ,philosophique qu'économique (au sens de libéralisme pour et dur ,tel que théorisé par Adam Smith et quelques autres et pratiqué par le patronat du XIXè siècle).Voyez par exemple "Rerum novarum".De ce point de vue ,je ne suis pas sûr de voir une réelle différence entre le Pape François et aucun de ses prédecesseurs,tout au plus une différence d'accent.Oui l'Eglise catholique en tant que telle est un gros caillou dans la chaussure des libéraux purs et durs.La seule forte inflexion que je vois en matière sociale,pour ne pas dire la seule nouveauté, est l'accent démesuré mis par François en matière migratoire (avec un discours abondant et parfois contradictoire,d'ailleurs).Et là, je dirais avec Suliko (et vous,Cinci,manifestement) que nous n'avons pas ,en conscience,à le suivre aveuglément.
De ce point de vue,en relisant le propos de Booz sur les politiciens français de "droite",je ne suis pas sûr que tout soit aussi net que cela.Le dernier discours de Marion Maréchal aux"assises de la droite"(pas le meilleur des choix ,ce titre ! ) me fait penser qu'elle commence à prendre du champ par rapport à la doxa libéralo-conservatrice américaine qu'elle semblait suivre presque totalement jusque là...Nous verrons bien.
Et autre chose,Booz:vous êtes un fin analyste en bien des points,et un philosophe calé mais revoyez quelques points d'histoire:les aristocrates français du XVIIIè siècle n'en "avaient pas plein la bouche" de la France,comme vous l'écrivez;ils se disaient, comme leurs ancêtres avant eux, avant toute chose ,fidèles au Roi,d'où le fait qu'ils aient porté les armes contre les armées de la République française au moment de la Révolution régicide.Ce n'est qu'après la Révolution,dans le courant du XIXè siècle, que les fidélités en France, aristocrates inclus, se sont reportées massivement du Roi vers la Nation, pour le meilleur et pour la pire des hécatombes.

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Cinci » lun. 07 oct. 2019, 22:28

Gaudens :

Mais votre phrase initiale (dire que l'Eglise catholique est un adversaire du libéralisme économique ne serait pas sérieux) a quelque peu remis mes doutes au pacard. Bien sûr que si,l'Eglise a condamné maintes fois le libéralisme ,tant politique ,philosophique qu'économique (au sens de libéralisme pour et dur ,tel que théorisé par Adam Smith et quelques autres et pratiqué par le patronat du XIXè siècle).Voyez par exemple "Rerum novarum"
Je pensais justement à l'Église catholique depuis Léon XIII admettons et avec son "Rerum novarum".

L'Église catholique est adversaire du communisme ou d'un certain syndicalisme de combat. On y répugne au socialisme. Mais l'Église catholique n'a jamais été adversaire de la libre entreprise ou du libéralisme économique si vous voulez; pas depuis Léon XIII au moins, je ne parle pas du Moyen Âge avec ses interdits sur le prêt intérêt ou la notion de juste prix, etc.

Les évêques catholique ou le pape à Rome n'ont jamais dénoncé le développement économique ayant eu cours sous la IIIe république en France.

Oui, l'Église catholique a pu dénoncer (pas trop souvent) ce qui aurait pu lui apparaître comme un "excès" dans certains cas. L'Église catholique dénonce la goinfrerie particulière de tel mauvais patron en particulier, le vol réalisé par tel grand baron de la finance abuseur. Sauf que l'Église ne dénonce pas le système économique libéral en tant que tel.

Une comparaison

L'Église ne dénoncera pas le catholicisme, si un mauvais prêtre abuse de ses fidèles vous le comprenez. L'Église fait la même chose avec le libéralisme économique. Des ex-patrons d'une entreprise qui se sauront sauvés avec la caisse de retraite des employés pourront être perçus comme des voleurs. Sauf que ce ne sera pas un argument pour que les évêques réclament une nouveau système économique de remplacement.

Il faut voir que ...

L'Église catholique a pu dénoncer le libéralisme philosophique (Les Lumières, Voltaire) ou politique ou le relativisme moral. Des évêques sous la IIIe république en France pouvaient s'élever contre la démocratie certainement(... contre le libéralisme politique donc) ou contre le suffrage universel (contre le vote des femmes, etc.)

Mais l'Église au même moment ne sera pas élevée contre le développement des entreprises, les prêts bancaires, la liberté des propriétaires de faire ce qu'ils voulaient avec leur capital, le réinvestissement dans les colonies, la croissance du commerce, la formation de grandes sociétés pour bâtir des chemins de fer. L'Église n'a jamais été un frein pour les affaires de la banque Lazard et fils, pour les Schneider au Creusot, ni aux États-Unis pour la constitution des grandes fortunes à la Paul Mellon, à la Morgan ou à la Rocquefeuille (Rockfeller, protestants français d'origine).

Ce n'est pas pour rien si les "communards" français étaient si férocement montés contre l'Église, si les communistes finiront par se révéler si enragés contre la religion chrétienne, si Lénine pouvait dire que son seul véritable adversaire était l'Église catholique en fin de compte. On y accusait l'Église de se montrer infiniment plus réceptive aux doléances des grands propriétaires, grands bourgeois rentiers, des patrons d'entreprises que des plaintes émanant des ouvriers ou des classes populaires. La fameuse religion comme opium du peuple afin de mieux permettre aux exploiteurs capitalistes de tondre les prolétaires : cela vous rappellerait sans doute quelque chose.

Adam Smith

Puis Adam Smith n'était pas un partisan du libéralisme économique "pur et dur" ou du capitalisme sauvage, je veux dire. Il était bien conscient du danger que pouvait représenter un système dans lequel des affairistes seraient laissés à eux-mêmes et comme pour y aboutir à une sorte de monopole profitable qu'à un plus fort. Il était favorable à l'idée d'une sorte de régulation du marché via une force interventionniste extérieure. Sans faire anachroniquement d'Adam Smith un promoteur de l'étatisme, il n'était pas non plus un chantre de la loi de la jungle. Adam Smith n'était pas un amateur de la loi de la jungle, et l'Église catholique non plus. Mais ni l'un ni l'autre n'étaient des opposants au fonctionnement libéral de l'économie du pays.

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par PaxetBonum » mar. 08 oct. 2019, 10:11

Carhaix a écrit :
dim. 06 oct. 2019, 12:15
J'aimerais faire une simple remarque, qui sera sans doute décevante. Il me semble qu'historiquement les schismes, et autres genres de "séparations" qui se sont produites dans le christianisme sont beaucoup moins motivées par des questions réellement spirituelles que par des enjeux :
- politiques
- culturels
Bonjour Carhaix,

Cette opinion relevé par Booz dans le journal 'La Croix' (……. expression ironique supprimée) est totalement fausse.
Sauf erreur les derniers schismes sont tous liés à une divergence théologique ou doctrinale, point de cause politique ou culturelle là-dedans.
Les schismes viennent de ceux qui cherchent à garder la sainte doctrine catholique face aux déviances du modernisme.
Les modernistes ne schismeront jamais car ils savent n'avoir aucun avenir hors de l'Eglise.
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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Carhaix » mar. 08 oct. 2019, 11:31

PaxetBonum a écrit :
mar. 08 oct. 2019, 10:11
Carhaix a écrit :
dim. 06 oct. 2019, 12:15
J'aimerais faire une simple remarque, qui sera sans doute décevante. Il me semble qu'historiquement les schismes, et autres genres de "séparations" qui se sont produites dans le christianisme sont beaucoup moins motivées par des questions réellement spirituelles que par des enjeux :
- politiques
- culturels
Bonjour Carhaix,

Cette opinion relevé par Booz dans le journal 'La Croix' (……. expression ironique supprimée) est totalement fausse.
Sauf erreur les derniers schismes sont tous liés à une divergence théologique ou doctrinale, point de cause politique ou culturelle là-dedans.
Les schismes viennent de ceux qui cherchent à garder la sainte doctrine catholique face aux déviances du modernisme.
Les modernistes ne schismeront jamais car ils savent n'avoir aucun avenir hors de l'Eglise.
Mais justement, c'est l'idée que je ne partage que très modérément. Il est vrai qu'il existe une fracture théologique importante. Mais si on ajoute une dimension purement géopolitique, cette fracture passe à mon avis au second plan. L'un justifie l'autre. C'est le sens de ma réflexion sur tous les schismes qui ont précédé (schisme grec, protestantisme, anglicanisme, gallicanisme).

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par gerardh » mar. 08 oct. 2019, 14:29

_

Bonjour,

Que reproche -t-on au libéralisme ?

__

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Cinci » mar. 08 oct. 2019, 16:38

Bonjour Booz,

Vous écrivez :
Booz :
Par contre il critique fortement, comme Benoit XVI auparavant, des structures de développement économique et de fonctionnement bancaire qui engendreraient des injustices.
Mon propos c'est que l'Église (François, Benoit XVI, Jean-Paul II, etc.) ne représente pas un frein à l'essor de ce système qualifié d'économie libérale. L'Église n'est pas un empêchement au marché libre, à l'enrichissement de ceux qui détiennent des capitaux.

C'est pourquoi je dis qu'il n'y nulle raison "spéciale" pour imaginer que des gens très riches comme Bill Gates, le chanteur Bono, Stéphanie de Monaco ou le président du Mexique devront avoir une dent contre le pape François, et plus une dent contre le pape François qu'ils auraient pu jamais en avoir contre Jean-Paul II, Pie XII, Pie X ou autres. Personnellement, mon expérience me suggérait même le contraire : Les Bill Gates, les Bono, la Rockfeller fondation, Ozzy Osbourne, les héritiers de Hugh Heffner et du pactole que son industrie particulière aura pu générer seraient plutôt porté à considérer d'un oeil débonnaire le pape François; à considérer d'un oeil moins hargneux à la limite ce dernier pape que nos plus anciens.

Que le pape François ou des conseillers au Vatican puissent émettent des critique ne sera pas une nouveauté. De tout temps, l'Église n'aura fait que cela, et soit formuler des critiques, et soit exprimer des réserves ou suggérer des pistes de ce qui lui semblerait meilleur jusque dans le domaine social ou économique, mais sans bien sûr que ça veuille se traduire par une obligation légale pour les patrons de faire ceci au lieu de cela.

Enfin

Je ne vois pas pourquoi un Américain riche, un "Crésus" catholique, possédant peut-être des actions dans un fond vert, un fond d'investissement dans des entreprises cherchant à développer de nouvelles technologies bien moins polluantes, devrait avoir des raisons spéciales pour détester plus le pape François que son prédécesseur et comme sur la seule base d'une soi-disant menace pour son porte-feuille. A croire que Benoit XVI auraient dû avoir des idées tellement différentes de celles de François en matière de libéralisme économique ! Ce n'était pas le cas.

Puis, comme le soulignait Suliko à juste titre, à supposer même que l'on s'attardasse plutôt à considérer quelque très riche Américain bien détestable à l'inverse, le genre que l'on voudrait exécrer parfaitement, quelque catholique fan de Trump, gros pollueur, raciste, impliqué dans le pétrole jusqu'au cou, exploiteur de Noirs en Afrique, on verra toujours aussi mal pourquoi ce devrait être un seul souci pour ses affaires qui l'amènerait à détester le pape François. Quoi ? C'est parce que Benoit XVI avant lui faisait la promotion du capitalisme sauvage ? Peut-être que Jean-Paul II n'avait aucune conscience sociale ? Avant Francois, le bonheur parce que l'Église bénissait les négriers or qu'avec François tout change et voici l'Église qui se découvre une âme de travailleuse sociale revendicatrice contre les riches ?

Ce que je pense c'est que l'analyse du journal La Croix est biaisée. La fausseté c'est l'amalgame qu'on y cherche à faire entre "gros riches Américains et capitalistes détestables" et "particuliers dérangés peu ou prou par le discours publique du pape François" touchant la doctrine de l'Église, les rapports avec les autres religions, etc. Cette considération d'argent est parasite. Il n'est pas besoin d'être riche ou pauvre et soit pour contester ou soit applaudir le pape. Tout plein de riches peuvent porter aux nues notre Souverain Pontife, des pauvres ou des gens de condition fort modeste ne pas l'apprécier du tout.

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Cinci » mar. 08 oct. 2019, 22:17

Carhaix :

Pourquoi un schisme américain ? J'y vois au moins une explication politique : depuis le vingtième siècle, la tête de l'Occident est passée de la vieille Europe aux États-Unis (qui est quelque part, avec le reste du continent américain, une nouvelle Europe). Il me paraît logique que l'Église, attachée intimement à la destinée de l'Occident, suive le mouvement. D'où cette pression de plus en plus présente du clergé américain. Déjà, le choix d'un argentin pour succéder à Benoît XVI est peut-être un signe de cette évolution à venir.
Je ne sais pas.. Ce n'est pas trop clair tant qu'à moi.

La tête de pont de l'Occident en terme de pouvoir ou de puissance matérielle est peut-être passé aux États-Unis. Sauf que les États-Unis sont également passés en Europe. C'est quasiment une annexion sur le plan politique, culturel, civilisationnel. C'est plutôt Rome qui semblerait devoir être colonisé par l'Amérique, non ? Enfin, si je pense à notre dernier concile qui est pas mal au centre de ce qui vous émeut. L'américanisme déjà en discussion critique au temps de Léon XIII, vous vous en souvenez. Il fait longtemps que les Italiens en rêvaient d'ailleurs. Si la pensée démocratico-séculariste états-unienne s'est annexée le Vatican alors c'est quelle nécessité de faire un schisme à New-York ? A quoi bon songer à déménager le siège romain ? C'est maintenant Rome qui permet d'enfoncer mieux les valeurs américaines en Europe. Une soudure serait plutôt en cours d'opération.

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Gaudens » mer. 09 oct. 2019, 15:32

Bonjour à tous les contributeurs de ce fil,

Cenci m’a fait plancher sur le sujet,merci à lui !
Concernant le jugement de l’Eglise sur le libéralisme économique,je n’ai bien sûr rien trouvé chez les Pères de l’Eglise ou les Conciles et papes anciens,tout au plus Saint-Thomas d’Aquin,esprit universel,avait-il posé des jalons importants pour les futures fondations de l’édifice doctrinal sur ces sutes et on le trouve parfois cité dans les encycliques des 140 dernières années ,depuis Rerum Novarum.C’est bien celle-ci qui a posé les fondations de la naissante doctrine sociale de l’Eglise,face au monde nouveau né de l’industrialisation dans un monde qui avait commencé à se déréguler tant dans l’Angleterre protestante que dans la France post-révolutionnaire,les deux pays les plus marqués par l’influence du libéralisme tant économique que politique.
Je propose de mettre sur le site des extraits significatifs des grandes encycliques sociales des papes :Rerum Novarum (1891),Quadragesimo Anno(1931), Laborem Excercens(1981).Si les modérateurs les trouvent trop longs , ils préfèreront peut-être les placer ultérieurement sur un autre fil.J’ai tâché de choisir honnêtement ces extraits bien qu’ils me conduisent à perséverer totalement dans ma perception d’une hostilité de l’Eglise au libéralisme économque dans sa version pure et dure (et tout autant,bien sûr ,au marxisme dur et au communisme,voire au socialsme jusqu’à Pie XI qui maintient au moins un point d’interrogation le concernant).
Au sujet d’Adam Smith et des penseurs du libéralisme originel,merci à Cinci de nous donner des références quant à leur acceptation supposée de l’intervention de l’Etat ou d’un quelconque régulateur :on lit bien cette assertion,sans références, dans l’article Wikipedia consacré au libéralisme économique mais ,en ce qui me concerne, j’en reste à leur aveugle confiance dans la régulation par « la main invisible du marché » notion qui s’oppose à l’enseignement de l’Eglise .Enseignemetn qui mle parait d'une absolue continuité de Léon XIII à François,sous réserve des différences marquées de ton dues à la différence des contextes et des époques (et aussi à l'entrée ,nouvelle,d'une référence aux droits de l'homme chez St Jean-Paul II).
Avant ces extraits je vous suggère la lecture des deux synthèses suivantes(dans mon post suivant) ,l’une venant du site catholique Aleteia (des extraits avec le lien permettant de lire l’article intégralement),l’autre issu d’un site que je ne recommanderais pas habituellement(Egalité et Réconciliation, le site d’Alain Soral) , vers lequel internet m’a vite orienté et qui représente une rapide synthèse hostile au libéralisme économique d’un point de vue catholique ;sa forme est bien sûr polémique,ce qui ne devrait pas choquer Cinci outre mesure !

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Gaudens » mer. 09 oct. 2019, 15:39

Dans Aleteia :
https://fr.aleteia.org/2017/03/16/le-li ... hretienne/

Le marché libéral a des effets sociaux injustifiables dénoncés dès Rerum novarum. Jean-Paul II dans l’encyclique Centesimus annus (1991) soulignait le dilemme : « Il semble que, à l’intérieur de chaque pays comme dans les rapports internationaux, le marché libre soit l’instrument le plus approprié pour répartir les ressources [sous-entendu productives] et répondre efficacement aux besoins. Toutefois, cela ne vaut que pour les besoins “solvables” parce que l’on dispose d’un pouvoir d’achat. » (CA 34).
Les déficits institutionnels et politiques du capitalisme libéral
Benoît XVI dans Caritas in veritate (2009) rappelle les effets délétères du capitalisme libéral. Le corps, la société, la communauté humaine, aucune dimension de la vie n’échappe à la logique marchande : outre la faim dans le monde, exacerbée par la spéculation financière sur les produits agricoles, l’accès à l’eau potable qui s’annonce comme l’enjeu stratégique majeur des années à venir, la pollution devient une préoccupation immédiate. Élargissant nettement la voie ouverte par Paul VI dans Populorum progressio en 1967 (qui allait déjà bien au-delà d’une vision purement économique du développement), Benoît XVI souligne les déficits institutionnels et politiques du capitalisme libéral qui induit une culture individualiste au grand dam de la personne humaine « qui doit être préservée car elle est le sujet qui, le premier, doit prendre en charge la tâche du développement.» (CV 47)
Ne pas séparer les questions économiques, politiques et sociales
L’urgence de la question écologique pose à frais nouveaux le problème – non résolu par la pensée libérale, car écarté facilement – de l’interpénétration de l’économique, du social et du politique. L’encyclique Laudato Si’ (LS) du pape François, en 2015, intègre dans un humanisme écologique les questions économiques, politiques et sociales, qui sont séparées par le libéralisme : « Ainsi, il devient manifeste que la dégradation de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique sont intimement liées » (LS 56). Une vie authentiquement humaine ne peut s’exempter du soin de la création et des créatures, et le souci de la « maison commune » ne saurait être laissé aux simples jeux du marché qui externalisent et ne prennent pas en compte les coûts écologiques et sociaux (LS 195). Le marché peut être, dans certaines conditions, le moyen de gérer la transition vers une écologie intégrale, mais il reste exposé aux dérives spéculatives.
François articule ce que la pensée libérale a disjoint
Finalement, en situant le développement humain non pas simplement dans l’espace sociopolitique, mais aussi dans la longue durée où la société actuelle est en dette écologique envers les générations à venir, le pape François articule ce que la pensée libérale a disjoint : le social, l’économique et le politique. Il enrichit la panoplie des droits humains et met la rationalité instrumentale moderne au service d’un rapport au monde sans exclusive.
L’économie de la connaissance au risque de l’incertain
Dans le champ du libéralisme économique, la lacune la plus massive touche, comme l’a entrevu Jean-Paul II dans Centesimus annus en 1991, l’économie de la connaissance (dont procède la sphère financière) : « Si autrefois le facteur décisif de la production était la terre, et si plus tard, c’était le capital, compris comme l’ensemble des machines et des instruments de production, aujourd’hui le facteur décisif est de plus en plus l’homme lui-même, sa capacité de connaissance qui apparaît dans le savoir scientifique, sa capacité d’organisation solidaire et sa capacité de saisir et de satisfaire les besoins des autres » (CA 32). Sont aujourd’hui bien repérables les effets de l’économie de la connaissance sur les tribulations sociales – notamment les effets de la finance qui se nourrit de l’incertain. En témoigne parmi d’autres phénomènes la façon dont les marchés financiers valorisent les entreprises. La valeur du capital immobilisé diffère de celle du capital immatériel (au-delà des brevets, le know-how, l’organisation, la culture d’entreprise, l’image de marque). Cette différence (que les financiers appellent le Good Will) représente souvent la part essentielle d’une valorisation fondée sur des anticipations toujours risquées car baignées dans l’incertain.
Il y a ceux qui peuvent se prémunir et les autres
L’économie de la connaissance est le corollaire de la spécialisation et donc de l’accroissement des risques, renforçant le pouvoir de la finance et ses conséquences : la divergence entre ceux qui peuvent se prémunir contre les risques économiques et ceux qui ne peuvent pas se couvrir contre les aléas du marché. Le pape François le rappelle dans l’encyclique Laudato Si’ en reprenant à son compte le principe de précaution, corollaire paradoxal mais nécessaire de la modernité libérale : « Ce principe de précaution permet la protection des plus faibles, qui disposent de peu de moyens pour se défendre et pour apporter des preuves irréfutables. » (LS 184). L’enjeu en est une solidarité qui naît non des sentiments, mais des risques affrontés et subis en commun. Il s’agit de bien autre chose que de l’égalité des chances dont se gargarisent certains libéraux. Aleteia

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Gaudens » mer. 09 oct. 2019, 15:40

Dans Egalité et Réconcilaition :
Concernant la propriété privée, elle(la doctrine sociale de l’Eglise) ne la définit pas comme un droit absolu de disposer de ses biens . S’inspirant de saint Thomas, elle précise, ce qui ne va pas sans étonner nos oreilles formées au matérialisme égoïste, que la propriété privée, bien que nécessaire à la satisfaction des besoins vitaux et pour d’autres raisons, est destinée en droit au bien commun. Quand j’use d’un bien matériel (maison, moyen de locomotion, outil, etc), je ne dois pas le faire comme s’il m’appartenait en propre mais comme s’il était à tous, si bien que si je rencontre quelque nécessiteux, je dois lui céder ce bien comme s’il s’agissait d’une restitution. Saint Thomas finit ainsi son argumentation en citant saint Paul (1 Tm 6, 17-18) : « Recommande aux riches de ce monde... de donner de bon cœur et de savoir partager. »
Cette communauté des biens ou destination universelle des biens est traditionnelle dans l’Église, bien que les catholiques, travaillés par des décennies de bourgeoisie néo-protestante, l’aient oublié pour le plus grand bien de la marche libérale. L’Église parle ainsi de droit naturel, non qu’elle enseigne qu’on ne doit rien posséder en propre mais que l’on ne doit pas oublier que, naturellement, nous naissons nus et sans possessions. Le riche qui, par exemple, s’empare en premier d‘une richesse (un puits d’eau par exemple) pour la partager avec le plus grand nombre agit bien et en justice : il faute par contre quand il empêche la redistribution selon un juste prix ou engrange des bénéfices démesurés. Saint Thomas cite dans cette question saint Ambroise : « Que personne n’appelle son bien propre ce qui est commun , car tout ce qui dépasse les besoins, on le détient par la violence. »Egalite et reconciliation


Les extraits suivants de Rerum Novarum
La richesse a afflué entre les mains d'un petit nombre et la multitude a été laissée dans l'indigence.
Une usure dévorante est venue accroître encore le mal. Condamnée à plusieurs reprises par le jugement de l'Eglise, elle n'a cessé d'être pratiquée sous une autre forme par des hommes avides de gain et d'une insatiable cupidité. À tout cela, il faut ajouter la concentration entre les mains de quelques-uns de l'industrie et du commerce devenus le partage d'un petit nombre d'hommes opulents et de ploutocrates qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires.
Parmi les devoirs principaux du patron, il faut mettre au premier rang celui de donner à chacun le salaire qui convient. Assurément, pour fixer la juste mesure du salaire, il y a de nombreux points de vue à considérer. Mais d'une manière générale, que le riche et le patron se souviennent qu'exploiter la pauvreté et la misère, et spéculer sur l'indigence sont choses que réprouvent également les lois divines et humaines.
Si, contraint par la nécessité ou poussé par la crainte d'un mal plus grand, l'ouvrier accepte des conditions dures, que d'ailleurs il ne peut refuser parce qu'elles lui sont imposées par le patron ou par celui qui fait l'offre du travail, il subit une violence contre laquelle la justice proteste.

Une citation du cardinal Richaud (1887-1968), archevêque de Bordeaux(Le Figaro,1959) :
« Le travail de l’homme est une réalité voulue par Dieu et sanctifié par le Christ. Le chômage est donc un mal moral avant d’être un mal économique. Ses conséquences sur la valeur personnelle de l’ouvrier, sur la condition de la vie au foyer, sur l’ensemble de la vie sociale, sont à peser avant tout licenciement. Le chômage ne peut être que temporaire et “subi” par les responsables de la Cité, de la profession, de l’entreprise. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour l’éviter ou le réduire [12]. Jamais il ne saurait être envisagé comme un bien pour relancer une affaire ou équilibrer une situation. Même en face de difficultés économiques d’une entreprise ou d’un pays, les dirigeants doivent avoir le souci de sauvegarder une priorité absolue aux salaires vitaux. Un abandon momentané de la rémunération du Capital, une réduction par le haut de la hiérarchie des salaires et des traitements, un engagement des réserves de l’entreprise peuvent apparaître nécessaires dans une période particulièrement difficile. C’est ici que la morale évangélique du renoncement doit dicter à ceux qui sont avantagés ou qui jouissent d’une plus grande sécurité les gestes que les Chrétiens doivent faire et qui entraîneront leurs collègues et leurs compatriotes… Le dirigeant chrétien… évitera de transférer sur d’autres les difficultés qu’il rencontre. Il s’associera à eux pour les partager… Une conscience chrétienne ne peut supporter qu’une certaine catégorie de citoyens exploitent une période de crise pour s’y enrichir tandis que d’autres connaissent des moyens d’austérité [13]. »

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Gaudens » mer. 09 oct. 2019, 15:42

Extraits de l’encyclique du pape Pie XI Quadragesimo Anno,pour le quarantième anniversaire de Rerum Novarum :
« Au déclin du XIXe siècle, l'évolution économique et les développements nouveaux de l'industrie tendaient, en presque toutes les nations, à diviser toujours davantage la société en deux classes : d'un côté, une minorité de riches jouissant à peu près de toutes les commodités qu'offrent en si grande abondance les inventions modernes ; de l'autre, une multitude immense de travailleurs réduits à une angoissante misère et s'efforçant en vain d'en sortir.
Cette situation était acceptée sans aucune difficulté par ceux qui, largement pourvus des biens de ce monde, ne voyaient là qu'un effet nécessaire des lois économiques et abandonnaient à la charité tout le soin de soulager les malheureux, comme si la charité devait couvrir ces violations de la justice que le législateur humain tolérait et parfois même sanctionnait. Mais les ouvriers, durement éprouvés par cet état de choses, le supportaient avec impatience et se refusaient à subir plus longtemps un joug si pesant. Certains d'entre eux, mis en effervescence par de mauvais conseils, aspiraient au bouleversement total de la société. Et ceux-là mêmes que leur éducation chrétienne détournait de ces mauvais entraînements restaient convaincus de l'urgente nécessité d'une réforme profonde.
il y eut cependant quelques esprits qui furent un peu troublés ; et, par suite, l'enseignement de Léon XIII, si noble, si élevé, complètement nouveau pour le monde, provoqua, même chez certains catholiques, de la défiance, voire du scandale. Il renversait en effet si audacieusement les idoles du libéralisme, ne tenait aucun compte de préjugés invétérés et anticipait sur l'avenir : les hommes trop attachés au passé dédaignèrent cette nouvelle philosophie sociale, les esprits timides redoutèrent de monter à de telles hauteurs ; d'autres, tout en admirant ce lumineux idéal, jugèrent qu'il était chimérique et que sa réalisation, on pouvait la souhaiter, mais non l'espérer.
Quant au rôle des pouvoirs publics, Léon XIII franchit avec audace les barrières dans lesquelles le libéralisme avait contenu leur intervention ; il ne craint pas d'enseigner que l'État n'est pas seulement le gardien de l'ordre et du droit, mais qu'il doit travailler énergiquement à ce que, par tout l'ensemble des lois et des institutions, " la constitution et l'administration de la société fassent fleurir naturellement la prospérité tant publique que privée. .
Car tandis que chancelaient les principes du libéralisme qui paralysaient depuis longtemps toute intervention efficace des pouvoirs publics, l'encyclique déterminait dans les masses elles-mêmes un puissant mouvement favorable à une politique plus franchement sociale ; elle assurait aux gouvernants le précieux appui des meilleurs catholiques qui furent souvent, dans les assemblées parlementaires, les promoteurs illustres de la législation nouvelle.
Cet enseignement, certes, venait à un moment des plus opportuns. Car, en plus d'un pays à cette époque, les pouvoirs publics, imbus de libéralisme, témoignaient peu de sympathie pour ces groupements ouvriers et même les combattaient ouvertement.
s'il est vrai que la science économique et la discipline des moeurs relèvent, chacune dans sa sphère, de principes propres, il y aurait néanmoins erreur à affirmer que l'ordre économique et l'ordre moral sont si éloignés l'un de l'autre, si étrangers l'un à l'autre, que le premier ne dépend en aucune manière du second. Sans doute, les lois économiques, fondées sur la nature des choses et sur les aptitudes de l'âme et du corps humain, nous font connaître quelles fins, dans cet ordre, restent hors de la portée de l'activité humaine, quelles fins au contraire elle peut se proposer, ainsi que les moyens qui lui permettront de les réaliser ; de son côté, la raison déduit clairement de la nature des choses et de la nature individuelle et sociale de l'homme la fin suprême que le Créateur assigne à l'ordre économique tout entier.
Une autre chose encore reste à faire, qui se rattache étroitement à tout ce qui précède. De même qu'on ne saurait fonder l'unité du corps social sur l'opposition des classes, ainsi on ne peut attendre du libre jeu de la concurrence l'avènement d'un régime économique bien ordonné.
C'est en effet de cette illusion, comme d'une source contaminée, que sont sorties toutes les erreurs de la science économique individualiste. Cette science, supprimant par oubli ou ignorance le caractère social et moral de la vie économique, pensait que les pouvoirs publics doivent abandonner celle-ci, affranchie de toute contrainte, à ses propres réactions, la liberté du marché et de la concurrence lui fournissant un principe directif plus sûr que l'intervention de n'importe quelle intelligence créée. Sans doute, contenue dans de justes limites, la libre concurrence est chose légitime et utile ; jamais pourtant elle ne saurait servir de norme régulatrice à la vie économique. Les faits l'ont surabondamment prouvé depuis qu'on a mis en pratique les postulats d'un néfaste individualisme. Il est donc absolument nécessaire de replacer la vie économique sous la loi d'un principe directeur juste et efficace. La dictature économique qui a succédé aujourd'hui à la libre concurrence ne saurait assurément remplir cette fonction ; elle le peut d'autant moins que, immodérée et violente de sa nature, elle a besoin pour se rendre utile aux hommes d'un frein énergique et d'une sage direction qu'elle ne trouve pas en elle-même. C'est donc à des principes supérieurs et plus nobles qu'il faut demander de gouverner avec une sévère intégrité ces puissances économiques, c'est-à-dire à la justice et à la charité sociales. Cette justice doit donc pénétrer complètement les institutions mêmes et la vie tout entière des peuples ; son efficacité vraiment opérante doit surtout se manifester par la création d'un ordre juridique et social qui informe en quelque sorte toute la vie économique. Quant à la charité sociale, elle doit être l'âme de cet ordre que les pouvoirs publics doivent s'employer à protéger et à défendre efficacement ; tâche dont ils s'acquitteront plus facilement s'ils veulent bien se libérer des attributions qui, Nous l'avons déjà dit, ne sont pas de leur domaine propre.
Le nouveau régime économique, faisant ses débuts au moment où le rationalisme se propageait et s'implanta, il en résulta une science économique séparée de la loi morale, et, par suite, libre cours fut laissé aux passions humaines.
Ce sont là les dernières conséquences de l'esprit individualiste dans la vie économique, conséquences que vous-mêmes, Vénérables Frères et très chers Fils, connaissez parfaitement et déplorez : la libre concurrence s'est détruite elle-même ; à la liberté du marché a succédé une dictature économique. L'appétit du gain a fait place à une ambition effrénée de dominer. Toute la vie économique est devenue horriblement dure, implacable, cruelle. À tout cela viennent s'ajouter les graves dommages qui résultent d'une fâcheuse confusion entre les fonctions et devoirs d'ordre politique et ceux d'ordre économique : telle, pour n'en citer qu'un d'une extrême importance, la déchéance du pouvoir : lui qui devrait gouverner de haut, comme souverain et suprême arbitre, en toute impartialité et dans le seul intérêt du bien commun et de la justice, il est tombé au rang d'esclave et devenu le docile instrument de toutes les passions et de toutes les ambitions de l'intérêt ».


L'instabilité de la situation économique et celle de l'organisme tout entier exigent de tous ceux qui y sont engagés la plus absorbante activité. Il en est résulté chez certains un tel endurcissement de la conscience que tous les moyens leur sont bons, qui permettent d'accroître leurs profits et de défendre contre les brusques retours de la fortune les biens si péniblement acquis ; les gains si faciles qu'offre à tous l'anarchie des marchés attirent aux fonctions de l'échange trop de gens dont le seul désir est de réaliser des bénéfices rapides par un travail insignifiant, et dont la spéculation effrénée fait monter et baisser incessamment tous les prix au gré de leur caprice et de leur avidité, déjouant par là les sages prévisions de la production. Les institutions juridiques destinées à favoriser la collaboration des capitaux en divisant et en limitant les risques, sont trop souvent devenues l'occasion des plus répréhensibles excès ; nous voyons, en effet, les responsabilités atténuées au point de ne plus toucher que médiocrement les âmes ; sous le couvert d'une désignation collective, se commettent les injustices et les fraudes les plus condamnables ; les hommes qui gouvernent ces groupements économiques trahissent, au mépris de leurs engagements, les droits de ceux qui leur ont confié l'administration de leur épargne. Il faut signaler enfin ces hommes trop habiles qui, sans s'inquiéter du résultat honnête et utile de leur activité, ne craignent pas d'exciter les mauvais instincts de la clientèle pour les exploiter au gré de leurs intérêts.
Une sûre discipline morale, fortement maintenue par l'autorité sociale, pouvait corriger ou même prévenir ces défaillances. Malheureusement, elle a manqué trop souvent. Le nouveau régime économique, faisant ses débuts au moment où le rationalisme se propageait et s'implanta, il en résulta une science économique séparée de la loi morale, et, par suite, libre cours fut laissé aux passions humaines ».

Gaudens
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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Gaudens » mer. 09 oct. 2019, 15:44

Extraits de Laborem exercens (St Jean-Paul II ) pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de Rerum Novarum :

« A l'époque moderne, dès le début de l'ère industrielle, la vérité chrétienne sur le travail devait s'opposer aux divers courants de la pensée matérialiste et «économiste».
Pour certains partisans de ces idées, le travail était compris et traité comme une espèce de «marchandise» que le travailleur _ et spécialement l'ouvrier de l'industrie _ vend à l'employeur, lequel est en même temps le possesseur du capital, c'est-à-dire de l'ensemble des instruments de travail et des moyens qui rendent possible la production. Cette façon de concevoir le travail s'est répandue plus spécialement, peut-être, dans la première moitié du XIXe siècle. Par la suite, les formulations explicites de ce genre ont presque complètement disparu, laissant la place à une façon plus humaine de penser et d'évaluer le travail. L'interaction du travailleur et de l'ensemble des instruments et des moyens de production a donné lieu au développement de diverses formes de capitalisme _ parallèlement à diverses formes de collectivisme _ dans lesquelles se sont insérés d'autres éléments socio-économiques à la suite de nouvelles circonstances concrètes, de l'action des associations de travailleurs et des pouvoirs publics, de l'apparition de grandes entreprises transnationales. Malgré cela, le danger de traiter le travail comme une «marchandise sui generis», ou comme une «force» anonyme nécessaire à la production (on parle même de «force-travail»), existe toujours, lorsque la manière d'aborder les problèmes économiques est caractérisée par les principes de l'«économisme» matérialiste.
Ce qui, pour cette façon de penser et de juger, constitue une occasion systématique et même, en un certain sens, un stimulant, c'est le processus accéléré de développement de la civilisation unilatéralement matérialiste, dans laquelle on donne avant tout de l'importance à la dimension objective du travail, tandis que la dimension subjective _ tout ce qui est en rapport indirect ou direct avec le sujet même du travail _ reste sur un plan secondaire. Dans tous les cas de ce genre, dans chaque situation sociale de ce type, survient une confusion, ou même une inversion de l'ordre établi depuis le commencement par les paroles du Livre de la Genèse: l'homme est alors traité comme un instrument de production 12 alors que lui _ lui seul, quel que soit le travail qu'il accomplit _ devrait être traité comme son sujet efficient, son véritable artisan et son créateur. C'est précisément cette inversion d'ordre, abstraction faite du programme et de la dénomination sous les auspices desquels elle se produit, qui mériterait _ au sens indiqué plus amplement ci-dessous _ le nom de «capitalisme». On sait que le capitalisme a sa signification historique bien définie en tant que système, et système économico-social qui s'oppose au «socialisme» ou «communisme.
On sait que, durant toute cette période qui n'est d'ailleurs pas terminée, le problème du travail s'est posé en fonction du grand conflit qui, à l'époque du développement industriel et en liaison avec lui, s'est manifesté entre le «monde du capital» et le «monde du travail», autrement dit entre le groupe restreint, mais très influent, des entrepreneurs, des propriétaires ou détenteurs des moyens de production et la multitude plus large des gens qui, privés de ces moyens, ne participaient au processus de production que par leur travail. Ce conflit a eu son origine dans le fait que les travailleurs mettaient leurs forces à la disposition du groupe des entrepreneurs, et que ce dernier, guidé par le principe du plus grand profit, cherchait à maintenir le salaire le plus bas possible pour le travail exécuté par les ouvriers. A cela il faut encore ajouter d'autres éléments d'exploitation, liés au manque de sécurité dans le travail et à l'absence de garanties quant aux conditions de santé et de vie des ouvriers et de leurs familles.
Ce conflit, interprété par certains comme un conflit socio-économique à caractère de classe, a trouvé son expression dans le conflit idéologique entre le libéralisme, entendu comme idéologie du capitalisme, et le marxisme, entendu comme idéologie du socialisme scientifique et du communisme, qui prétend intervenir en qualité de porte-parole de la classe ouvrière, de tout le prolétariat mondial. De cette façon, le conflit réel qui existait entre le monde du travail et celui du capital s'est transformé en lutte de classe systématique, conduite avec des méthodes non seulement idéologiques mais aussi et surtout politiques. On connaît l'histoire de ce conflit, comme on connaît aussi les exigences de l'une et de l'autre partie. Le programme marxiste, basé sur la philosophie de Marx et d'Engels, voit dans la lutte des classes l'unique moyen d'éliminer les injustices de classe existant dans la société, et d'éliminer les classes elles-mêmes. La réalisation de ce programme envisage tout d'abord de «collectiviser» des moyens de production, afin que, par le transfert de ces moyens des personnes privées à la collectivité, le travail humain soit préservé de l'exploitation.
on doit avant tout rappeler un principe toujours enseigné par l'Eglise. C'est le principe de la priorité du «travail» par rapport au «capital». Ce principe concerne directement le processus même de la production dont le travail est toujours une cause efficiente première, tandis que le «capital», comme ensemble des moyens de production, demeure seulement un instrument ou la cause instrumentale. Ce principe est une vérité évidente qui ressort de toute l'expérience historique de l'homme.LA
La considération qui vient ensuite sur le même problème doit nous confirmer dans la conviction de la priorité du travail humain par rapport à ce que, avec le temps, on a pris l'habitude d'appeler «capital». Si en effet, dans le cadre de ce dernier concept, on fait entrer, outre les ressources de la nature mises à la disposition de l'homme, l'ensemble des moyens par lesquels l'homme se les approprie en les transformant à la mesure de ses besoins (et ainsi, en un sens, en les «humanisant»), on doit alors constater dès maintenant que cet ensemble de moyens est le fruit du patrimoine historique du travail humain. Tous les moyens de production, des plus primitifs aux plus modernes, c'est l'homme qui les a progressivement élaborés: l'expérience et l'intelligence de l'homme. De cette façon sont apparus, non seulement les instruments les plus simples qui servent à la culture de la terre, mais aussi _ grâce au progrès adéquat de la science et de la technique _ les plus modernes et les plus complexes: les machines, les usines, les laboratoires et les ordinateurs. Ainsi, tout ce qui sert au travail, tout ce qui constitue, dans l'état actuel de la technique, son «instrument» toujours plus perfectionné, est le fruit du travail.
Cet instrument gigantesque et puissant, à savoir l'ensemble des moyens de production considérés en un certain sens comme synonyme de «capital», est né du travail et porte les marques du travail humain.
Il faut souligner et mettre en relief le primat de l'homme dans le processus de production, le primat de l'homme par rapport aux choses. Tout ce qui est contenu dans le concept de «capital», au sens restreint du terme, est seulement un ensemble de choses. Comme sujet du travail, et quel que soit le travail qu'il accomplit, l'homme, et lui seul, est une personne. Cette vérité contient en elle-même des conséquences importantes et décisives.
il y avait l'erreur fondamentale que l'on peut appeler l'erreur de l'«économisme» et qui consiste à considérer le travail humain exclusivement sous le rapport de sa finalité économique. On peut et on doit appeler cette erreur fondamentale de la pensée l'erreur du matérialisme en ce sens que l'«économisme» comporte, directement ou indirectement, la conviction du primat et de la supériorité de ce qui est matériel, tandis qu'il place, directement ou indirectement, ce qui est spirituel et personnel (l'agir de l'homme, les valeurs morales et similaires) dans une position subordonnée à la réalité matérielle.
Evidemment, l'antinomie, envisagée ici, entre le travail et le capital _ antinomie dans le cadre de laquelle le travail a été séparé du capital et opposé à lui, en un certain sens de façon ontique, comme s'il était un élément quelconque du processus économique _ a son origine, non seulement dans la philosophie et les théories économiques du XVIIIe siècle, mais plus encore dans la pratique économico-sociale de cette époque qui fut celle de l'industrialisation naissant et se développant de manière impétueuse et dans laquelle on percevait en premier lieu la possibilité de multiplier abondamment les richesses matérielles, c'est-à-dire les moyens, mais en perdant de vue la fin, c'est-à-dire l'homme à qui ces moyens doivent servir. Cette erreur d'ordre pratique a touché d'abord le travail humain, l'homme au travail, et a causé la réaction sociale éthiquement juste dont on a parlé plus haut. La même erreur, qui a désormais son aspect historique déterminé, lié à la période du capitalisme et du libéralisme primitifs, peut encore se répéter en d'autres circonstances de temps et de lieu si, dans le raisonnement, on part des mêmes prémisses tant théoriques que pratiques. On ne voit pas d'autre possibilité de dépassement radical de cette erreur si n'interviennent pas des changements adéquats dans le domaine de la théorie comme dans celui de la pratique, changements allant dans une ligne de ferme conviction du primat de la personne sur la chose, du travail de l'homme sur le capital entendu comme ensemble des moyens de production ».

Voilà, c'est fini.Pardon pour ces longueurs !

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Cinci » mer. 09 oct. 2019, 16:29

Gaudens :
Voilà, c'est fini.Pardon pour ces longueurs !
- Pas de mal !


Au sujet d’Adam Smith et des penseurs du libéralisme originel,merci à Cinci de nous donner des références quant à leur acceptation supposée de l’intervention de l’Etat ou d’un quelconque régulateur :on lit bien cette assertion,sans références, dans l’article Wikipedia consacré au libéralisme économique mais ,en ce qui me concerne, j’en reste à leur aveugle confiance dans la régulation par « la main invisible du marché » notion qui s’oppose à l’enseignement de l’Eglise
Je n'ai pas de références précises sous la main à vous donner à propos d'Adam Smith. Je ne me souviens plus chez quel critique ou commentateur j'aurai pu lire ce déni de la récupération dont Smith aura pu faire l'objet, en premier de la part des apôtres de l'ultralibéralisme, ensuite chez ceux en réaction qui auront voulu en faire le père maléfique du capitalisme sauvage. Mais je suis sûr de mon assertion.

De façon, déjà, rien que d'un clic de souris vous tomberez sans mal sur des choses du genre.
Adam Smith n'est pas le farouche partisan d'un libéralisme économique radical qu'on présente souvent. Il se définit d'abord comme un moraliste et un philosophe.
https://www.alternatives-economiques.fr ... t/00025871
L'important ici c'est de savoir que Smith et l'Église catholique du XIXe ou du XXe siècle ne sont pas des contraires qui s'opposent. Smith n'est pas un laudateur des requins de la finance ou un admirateur sans borne des procédés capitaliste vicieux (et ultimement monopolistes !) des barons voleurs américains de l'an 1895, de John D. Rockfeller et de la Standard Oil Company. Smith aurait plutôt été du bord du président Théodore Roosevelt et de sa loi pour briser les monopoles, les fameux cartels nuisibles au bien commun cf Sherman Act (loi de 1890 contre les trusts). Il serait exagéré de vouloir faire d'Adam Smith le grand ancêtre des matérialistes sans âme, de ces libéraux excessifs qui ne voudraient voir toujours le gouvernement du pays n'être qu'au service exclusif des plus riches !
Dernière modification par Cinci le jeu. 10 oct. 2019, 13:25, modifié 1 fois.

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Cinci » mer. 09 oct. 2019, 22:33

Je viens de voir un article de Louis Cornellier dans Le Devoir de lundi dernier.

https://www.ledevoir.com/opinion/chroni ... re-le-pape

Décevant.

Il faudrait soutenir le pape François parce que les terroristes islamistes ne l'aimeraient pas, ni les conservateurs ni les élites financières, ni non plus la mafia italienne.

Quelle place sera accordée pour une critique catholique légitime de notre pape ? Aucune. L'objet est inexistant. C'est le bon pape progressiste contre les forces des ténèbres.
Dernière modification par Cinci le jeu. 10 oct. 2019, 12:15, modifié 2 fois.

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Re: Risque de schisme américain

Message non lu par Carhaix » mer. 09 oct. 2019, 23:11

J'entends dire que les nominations de cardinaux se font dans les rangs progressistes, essentiellement. Voilà qui devrait sans doute apaiser la situation.

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