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Re: Le Pape assure le Patriarcat de Moscou du renoncement de l'Église catholique à l'uniatisme

Publié : lun. 08 oct. 2018, 20:28
par Socrate d'Aquin
Cher Valentin,

Je vous remercie de votre réponse et plus encore, du ton serein que vous avez manifesté jusqu'ici, dans une conversation où tout nous invitait à hausser le ton et à devenir agressif. Moi-même, je crains d'y avoir cédé.

Ce que vous citez appelle quelques réponses rapides.

Concernant le massacre des latins de Constantinople, je ne crois guère à l'hypothèse des latins, que vous citez. La version anglaise de l'article que vous citez mentionne en effet que le légat du Pape eut la tête coupée et attachée à la queue d'un chien (tout comme la version française, mais par un autre historien) ; on imagine mal pour quelle raison autre que religieuse les byzantins eussent voulu agir ainsi.
Par ailleurs, on pourrait donner un argument semblable pour le sac de Constantinople (que je n'approuve en aucune manière) : rivalités économiques, politiques, etc.

Et pour ce qui est de saint Josaphat... outre que l'on peut douter de l'authenticité de la lettre que vous citez (car franchement, wikipedia...), non seulement elle ne suffit pas à le "décanoniser" (pour un catholique en tous cas), mais vous mettez de côté son martyr, qui fut effectué dans des circonstances terribles.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous semblez sous-entendre, je ne veux relativiser aucun crime, et surtout pas ceux qui ont été commis par des catholiques. Je veux seulement que l'on n'accuse pas les uns et les autres de crimes imaginaires. Et surtout, je ne veux pas que l'on profite des vrais crimes pour tirer des conclusions démesurées.

Re: Le Pape assure le Patriarcat de Moscou du renoncement de l'Église catholique à l'uniatisme

Publié : lun. 08 oct. 2018, 22:01
par Socrate d'Aquin
Cher Valentin,
J'entends ce que vous dites Héraclius. Attention cependant à ne pas confondre universalisme et cosmopolitisme : le premier transcende les particularismes et les mesquineries provinciales. Il consiste à savoir d'où l'on vient, et y puiser la racine vitale, afin de la dépasser vers un idéal suprahumain que peuvent entrevoir tous les hommes.
Le cosmopolitisme au contraire, n'est pas dépassement, mais chaos : un agrégat désordonné, éclectique de traditions (racines) diverses, qui coexistent dans un même contexte, mais sans se fondre dans un tronc commun. Il signifie l'indifférence et l'adaptation à toutes les traditions, parce qu'en soi on n'en possède plus une de définie, d'héritée. C'est la tragédie de l’Église latine.

C'est en ce sens que je rejette la conception romaine de la catholicité, qui consiste en réalité à réunir des traditions liturgiques (et donc théologiques) incompatibles sous l'autorité du Vatican. Un prêtre catholique français n'a pas le droit d'avoir une épouse ; mais un prêtre greco-catholique le peut ! Vous voyez bien que c'est absurde.
Il n'y a nulle contradiction dans l'exemple que vous citez : dans un cas, on souligne la très profonde correspondance entre sacerdoce et célibat (correspondance que l'Eglise latine a très justement conservé) ; dans l'autre, on met en valeur que malgré tout, le sacerdoce ne l'implique pas nécessairement. Je me réjouis de cette diversité, en observant qu'on observe de part et d'autres des exceptions.
La chose serait autrement plus grave si l'on admettait une Eglise unitarienne par exemple.
Précisément, il n'y a aucun cosmopolitisme dans l'Eglise catholique : chacun vit selon sa tradition propre, sans confusion ; du moins est-ce là l'idéal qui est donné par l'Eglise.
L’Église orthodoxe quant à elle, est une véritable Communion universelle (katholikos) entre Églises autocéphales. Des particularités locales existent bel et bien entre Grecs, Russes, Roumains et Serbes (elles sont mentionnées par Maxime Kovalevsky dans l'extrait ci-dessus cité par notre ami Socrate) : elles ne sont pas niées d'ailleurs, mais transcendées, sublimées par une théologie commune, véritablement catholique.
C'est tout à fait exact, de même qu'il y a (ou qu'il y a eu) des usages différents en Angleterre (Sarum), en France (Lyon, Paris et Bayeux), en Espagne (rite mozarabe), en Allemagne, en Autriche... pour autant, je n'aurais nulle envie d'imposer l'un ou l'autre de ces usages aux pays de culture orientale.
Pour ce qui est de la France byzantine (catholique ou orthodoxe), j'observe deux choses. D'abord, les paroisses orthodoxes francophone ne sont pas très nombreuses. A Paris, sur la vingtaine de lieux de culte orthodoxes que compte la capitale, on compte en compte deux qui célèbrent la liturgie en français. Ne parlons pas du reste de la France.
De plus, elles se trouvent à mon sens dans une situation peu confortable : d'un côté, elles entendent s'adapter à la réalité du pays où elles se trouvent (et c'est bien). De l'autre, elles ne le font pas jusqu'au bout, et n'adoptent pas les usages liturgiques qui sont ceux de ce pays ("de ceux qui le gouvernent, et pour tout son peuple, prions le Seigneur..." pardon, je n'ai pas pu m'en empêcher).
Par ailleurs, comme l'a très bien dit Héraclius, non seulement la situation liturgique de l'Eglise catholique (et non pas seulement latine, quoi que l'on pense) est bien plus proche de celle que connurent les Pères que ne l'est celle de l'Orthodoxie, mais je ne vois pas pour quelle raison je devrais abandonner ma latinité. Quoi qu'il en soit des additions (très relatives) qui ont enrichi la liturgie romaine, elle est globalement resté semblable à celle que connut Rome avant 1054. Au nom de quoi faudrait-il l'abandonner au profit du rite byzantin, plus récent quoique tout aussi respectable ?
Personne n'attend de vous que vous abandonniez votre latinité. Contrairement à ce que vous affirmez, il existe au sein de l’Église orthodoxe la possibilité de conserver le rite latin, même si, à titre personnel, je considère qu'il ne peut s'agir là que d'une solution transitoire pour des nouveaux convertis avant le passage à la liturgie byzantine, seule véritablement orthodoxe.

Par ailleurs, quelle plus belle preuve de catholicité peut-il y avoir que de louer Dieu dans une langue étrangère, à travers une tradition qui, sans être celle de ses racines propres, les magnifie en les universalisant ? Je n'ai pas l'impression de trahir mes racines françaises, que je chéris tendrement, lorsque je participe à la liturgie slavonne.

Mais admettons que je veuille comprendre tout ce que dit le prêtre sans recourir à l'aide d'un livret liturgique : je n'ai qu'à me rendre dans une des (nombreuses) paroisses francophones qui existent dans toutes les grandes villes de France.
Quelle pauvre latinité que celle que vous mentionnez ; elle se résume à quelques paroisses, essentiellement aux Etats-Unis, coupées la plupart du temps de toute Eglise "canonique", et même dans le cas contraire, privées de toute hiérarchie. En outre, quelle liturgie célèbrent-elles ? Soit une reconstitution hasardeuse de l'ancien rite des Gaules ; soit une douteuse adaptation du rituel anglican ; soit une adaptation de la liturgie romaine, le plus souvent en langue anglaise. Peu attirant.

Au moins les grecs-catholiques bénéficient-ils non seulement de leurs usages liturgiques propres, mais aussi d'une hiérarchie propre (dans le meilleur des cas) : ils ont des clercs formés à leurs traditions, et ordonnés par leurs propres évêques.

J'ai écrit un petit article à ce sujet, si cela vous intéresse : http://reflexioncatholiques.over-blog.c ... caise.html

Re: Le Pape assure le Patriarcat de Moscou du renoncement de l'Église catholique à l'uniatisme

Publié : lun. 08 oct. 2018, 22:04
par Socrate d'Aquin
Valentin a écrit :
dim. 07 oct. 2018, 18:26
Cher Héraclius,

vous croyez qu'il n'y a aucune différence entre les Églises russe, grecque, roumaine et serbe ? C'est bien mal les connaître...
Vous partagez le complexe de supériorité d'un Empire oriental mort depuis 5 siècles qui lui aussi se voyait comme le centre du seul véritable christianisme et regardait les traditions des barbares de l'occident comme fondamentalement inférieures.
Inférieures ? Nullement. Simplement, nos Églises sont coupées l'une de l'autre depuis bientôt mille ans. Et pourquoi ? Parce que le génie latin, qui en soi est éminemment noble et estimable, s'est dévergondé tout au long du Premier millénaire (surtout à partir de la prétendue donation de Constantin), et plus encore au cours du Second, pour en aboutir à l'état catastrophique que nous connaissons.

Seul un Esprit latin purifié de ses erreurs pourrait être accepté de nouveau au sein de l'Orthodoxie. Aujourd'hui c'est absolument impossible, puisque votre Église est rongée de protestantisme et de modernisme, comme vous le savez très bien.

Mais si l’Église latine rétablissait la foi et la doctrine, mettons, du Ve siècle, alors c'est à bras grands ouverts que les Orthodoxes les accueilleraient en leur sein ! Malgré les différences, malgré un Occident augustinien, logicien et aristotélicien et si différent par bien d'autres aspects encore, de l'Orient grec.
Les différences que vous citez entre serbes, russes, grecs, etc. sont négligeables en comparaison de celles qui existent entre latins, byzantins, syriaques, ambrosiens, arméniens, etc.
Par ailleurs, je ne comprend pas très bien : d'un coté, vous affirmez que "seul un Esprit latin purifié de ses erreurs pourrait être accepté de nouveau au sein de l'Orthodoxie" ; de l'autre, vous nous montez cependant, qu'il existe bel et bien un semblant d'orthodoxie occidentale. Ne serait-ce pas une contradiction ?

Re: Le Pape assure le Patriarcat de Moscou du renoncement de l'Église catholique à l'uniatisme

Publié : lun. 08 oct. 2018, 22:06
par Valentin
Socrate d'Aquin a écrit :
lun. 08 oct. 2018, 20:28
Je vous remercie de votre réponse et plus encore, du ton serein que vous avez manifesté jusqu'ici, dans une conversation où tout nous invitait à hausser le ton et à devenir agressif. Moi-même, je crains d'y avoir cédé.
Ah que nenni, que nenni cher Socrate ! Pas une fois je ne vous ai vu dévier du sentier de la patience et de la charité, vertus chrétiennes s'il en fut, et vous faites preuve là de qualités bien rares à votre âge (pardonnez-moi) ; en ce qui me concerne, à 23 ans, je ne débattais pas : je mordais, tel un chien enragé. Cela m'est passé, fort heureusement, et grâces en soient rendues à Dieu !
Concernant le massacre des latins de Constantinople, je ne crois guère à l'hypothèse des latins, que vous citez. La version anglaise de l'article que vous citez mentionne en effet que le légat du Pape eut la tête coupée et attachée à la queue d'un chien (tout comme la version française, mais par un autre historien) ; on imagine mal pour quelle raison autre que religieuse les byzantins eussent voulu agir ainsi.
Je ne connaissais pas ce fait atroce. Si c'est vrai, cela invalide en effet tout ce que je disais !
Et pour ce qui est de saint Josaphat... outre que l'on peut douter de l'authenticité de la lettre que vous citez (car franchement, wikipedia...)
Vous avez raison : n'importe qui peut écrire n'importe quoi dans Wikipédia, et ce ne sera pas nécessairement corrigé.

Alors j'ai fait ma propre petite recherche (mais quel forcené ! me direz-vous - lol).
Et après avoir épluché quelques sites russes, anglais et enfin polonais, j'ai acquis la certitude de l'authenticité de cette lettre, date du 12 mars 1622, et dont il existe de nombreuses traductions en de nombreuses langues. En voici une en anglais (traduction du polonais) ; je n'y ai pas retrouvé le passage exact précité, mais le chancelier Sapieha s'y adresse à Josaphat en ces termes :
Par l'abus de votre autorité, et par vos actions, qui prennent leur origine plutôt en votre vanité et votre haine personnelle que dans la charité envers vos voisins, et qui sont contraires aux lois de notre pays, vous avez produit les dangereuses étincelles qui pourraient allumer un feu dévastateur. (...) Une union générale ne peut être promue que par la charité, et non par la force, et c'est pourquoi il n'est guère étonnant que votre autorité rencontre de l'opposition.

Vous me dites que votre vie est en danger ; mais je crois que c'est votre propre faute. (...)
Votre Sainteté suppose qu'elle est autorisée à spolier les schismatiques et à leur trancher la tête ; les Évangiles enseignent le contraire. Cette union a créé un grand malheur ; vous faites preuve de violence envers les consciences, et vous fermez les églises, et ainsi des chrétiens meurent comme des infidèles, sans sacrements. (...)
Nous n'interdisons pas aux Juifs ni aux Musulmans d'avoir leurs lieux cultes, mais vous, vous fermez des temples chrétiens.
Etc, etc.

vous mettez de côté son martyr, qui fut effectué dans des circonstances terribles.
Certes, vous avez mille fois raison ; mais convenez que si les accusations portées par Sapieha sont vraies, cet homme ne mérite pas le titre de martyr et de saint ! Ne sont-ce pas là les plus hautes dignités auxquelles peut accéder un chrétien ? Comment admettre qu'un homme ayant commis de tels actes puisse y prétendre ? À moins qu'il se soit repenti avant sa mort.
Je veux seulement que l'on n'accuse pas les uns et les autres de crimes imaginaires. Et surtout, je ne veux pas que l'on profite des vrais crimes pour tirer des conclusions démesurées.
Là, nous sommes d'accord ; moi-même j'ai tenté de faire preuve de prudence et de ne pas accuser à tort et à travers. Mais certains faits avérés sont, il faut bien le dire, abominables ; mais cela dit, je ne cherche pas du tout à humilier les catholiques. Ce n'est pas mon intention et ça ne l'a jamais été ; si j'insiste ici sur ce personnage de Josaphat, c'est parce qu'il ne me semble pas du tout en odeur de sainteté, et qu'il y a de sérieux indices historiques qui tendent à confirmer ce soupçon.

Maintenant, si vous le voulez bien, oublions tout ceci... et rappelons-nous que nous sommes des frères séparés, mais appelés à être réunis par la grâce de Dieu.

Que Dieu vous garde et vous bénisse, Héraclius, AdoramusTe, ô Socrate d'Aquin.
À une prochaine fois sur d'autres débats : je me retire de celui-ci, et vous demande pardon pour avoir, sans réelle nécessité, remué le couteau dans ces vieilles plaies.

Re: Le Pape assure le Patriarcat de Moscou du renoncement de l'Église catholique à l'uniatisme

Publié : lun. 08 oct. 2018, 22:22
par Socrate d'Aquin
Cher Valentin,
Ah que nenni, que nenni cher Socrate ! Pas une fois je ne vous ai vu dévier du sentier de la patience et de la charité, vertus chrétiennes s'il en fut, et vous faites preuve là de qualités bien rares à votre âge (pardonnez-moi) ; en ce qui me concerne, à 23 ans, je ne débattais pas : je mordais, tel un chien enragé. Cela m'est passé, fort heureusement, et grâces en soient rendues à Dieu !
Merci de ce beau compliment :) .
Certes, vous avez mille fois raison ; mais convenez que si les accusations portées par Sapieha sont vraies, cet homme ne mérite pas le titre de martyr et de saint ! Ne sont-ce pas là les plus hautes dignités auxquelles peut accéder un chrétien ? Comment admettre qu'un homme ayant commis de tels actes puisse y prétendre ? À moins qu'il se soit repenti avant sa mort.
Mais quel forcené ! lol
Oups... :-D
Je retire ce que j'ai écrit sur l'authenticité de cette lettre. Tout conduit à croire en effet que saint Josaphat a commis ces terribles actes. Si je persiste cependant à le considérer comme un saint, croyez bien que ce n'est en aucune façon en raison de ces crimes ; mais plutôt en raison de son martyr (du moins à mes yeux). Il en va pour lui comme pour Thomas More : je ne le vénère pas en raison des atrocités qu'il a effectivement commises à l'encontre des hérétiques ; mais plutôt parce qu'il a défendu la foi catholique contre les prétentions du roi d'Angleterre.
Là, nous sommes d'accord ; moi-même j'ai tenté de faire preuve de prudence et de ne pas accuser à tort et à travers. Mais certains faits avérés sont, il faut bien le dire, abominables ; mais cela dit, je ne cherche pas du tout à humilier les catholiques. Ce n'est pas mon intention et ça ne l'a jamais été ; si j'insiste ici sur ce personnage de Josaphat, c'est parce qu'il ne me semble pas du tout en odeur de sainteté, et qu'il y a de sérieux indices historiques qui tendent à confirmer ce soupçon.
Je n'ai rien à ajouter à cela (quoique je maintienne ce que je viens d'écrire au sujet de Josaphat), tant ce que vous écrivez me semble juste.
Maintenant, si vous le voulez bien, oublions tout ceci... et rappelons-nous que nous sommes des frères séparés, mais appelés à être réunis par la grâce de Dieu.

Que Dieu vous garde et vous bénisse, Héraclius, AdoramusTe, ô Socrate d'Aquin.
À une prochaine fois sur d'autres débats : je me retire de celui-ci, et vous demande pardon pour avoir, sans réelle nécessité, remué le couteau dans ces vieilles plaies.
Dieu vous bénisse également Valentin, et puisse la séparation des chrétiens prendre fin au plus tôt.