Re: Vatican II serait « pastoral » et donc non dogmatique ?
Publié : lun. 13 nov. 2017, 16:02
... et pourtant le rêve de l'innocence habite tout homme. Le goût d'un paradis nous poursuit où il n'y aurait ni désordre ni difficulté, mais harmonie et transparence, celui d'un univers innocent à l'image du cristal. Des êtres sans défauts, sans reprise. [...] ce serait le monde de la justice. Chacun y posséderait ce qu'il devrait avoir. Chacun n'aurait qu'à rester à sa place, au rang fixé. Personne n'aurait rien à demander. Ce serait l'univers glacé de l'équilibre où une fois son rang fixé, on pourrait ne plus se préoccupé de l'autre, on pourrait s'en débarrasser puisqu'il aurait ce qu'il lui faut, ce qui lui est dû, ce qui lui est requis. Ce serait peut-être le monde de l'innocence. Ce serait aussi le monde clos de la justice.
Pour nous transmettre la contagion de la foi, Dieu n'a pas choisi des êtres de cristal, mais des êtres de chair et de sang. Il aurait peut-être été plus séduisant, il pourrait peut-être paraître plus beau que la foi et le salut dépendent de l'innocence des chrétiens. Cette solution serait sans doute plus redoutable [...] Car elle ne sortirait pas du dilemme du tout ou rien. Ou bien des chrétiens, des "militants" parfaits ou bien personne qui puisse nous transmettre le salut.
En fait, Dieu a remis les clefs de son royaume aux mains de notre liberté, liberté de donner, liberté de recevoir, et non aux mains de notre innocence. Ce qui rend l'Église lointaine aux yeux de certains est justement ce qui nous sauve : à savoir que le baptême est toujours le baptême, le Credo toujours le Credo, la messe toujours la messe, et l'absolution toujours l'absolution, quel que soit l'état d'âme de celui qui célèbre et transmet.
Si le chrétien n'est pas toujours, ou forcément, en amitié avec Dieu, il est toujours libre de vouloir bien faire pour les autres. L'amour de Dieu n'a pas voulu que le salut puisse être compromis par la médiocrité des chrétiens. S'il y a pour nous une invitation à rendre grâce, c'est là qu'elle se trouve.
En effet, si quelqu'un avait le droit d'être jaloux de l'innocence, d'être puriste et de ne pas tolérer que sa vie soit "administrée" indignement, c'est Dieu. Et il ne l'aurait pas toléré, s'il avait préféré l'innocence ou ce qu'on appelle - très mal - sa Gloire avant de nous aimer, et si la Gloire de Dieu avait été celle de la pureté avant d'être celle de la miséricorde. Mais le triomphe de l'amour est précisément que le salut soit offert aux hommes, même indignement, plutôt que de ne pas l'être du tout.
C'est peut-être la seule nouveauté "dogmatique" du dernier concile. Il a remis la miséricorde au centre du Credo. La miséricorde, et non comme on l'a trop facilement dit le "retour au monde". Le concile a proposé beaucoup plus : une certaine folie chrétienne. La sainteté propre au Christ contient une double folie : des êtres de misère sont invités au partage de la Gloire. Première folie, le Concile n'a pas seulement ramené l'Église au monde : mais au monde tel qu'il est, c'est à dire un monde blessé. Deuxième folie : c'est ce monde-là que Jésus incarné invite à la sainteté. C'est bien une folie. Zachée et la pécheresse sont capables de tout. Et c'est pourquoi ils sont capables de sainteté. Celle-ci n'est plus à chercher du côté de l'innocence perdue, imaginée ou récupérée. Elle se trouve dans la confiance et la miséricorde : de Dieu pour nous, de Dieu pour nos frères, de nos frères pour nous, de nous pour nos frères, et ceci avant le temps de la Résurrection et après celui de l'innocence impossible.
Bernard Bro
Les portiers de l'aube, p.192
Pour nous transmettre la contagion de la foi, Dieu n'a pas choisi des êtres de cristal, mais des êtres de chair et de sang. Il aurait peut-être été plus séduisant, il pourrait peut-être paraître plus beau que la foi et le salut dépendent de l'innocence des chrétiens. Cette solution serait sans doute plus redoutable [...] Car elle ne sortirait pas du dilemme du tout ou rien. Ou bien des chrétiens, des "militants" parfaits ou bien personne qui puisse nous transmettre le salut.
En fait, Dieu a remis les clefs de son royaume aux mains de notre liberté, liberté de donner, liberté de recevoir, et non aux mains de notre innocence. Ce qui rend l'Église lointaine aux yeux de certains est justement ce qui nous sauve : à savoir que le baptême est toujours le baptême, le Credo toujours le Credo, la messe toujours la messe, et l'absolution toujours l'absolution, quel que soit l'état d'âme de celui qui célèbre et transmet.
Si le chrétien n'est pas toujours, ou forcément, en amitié avec Dieu, il est toujours libre de vouloir bien faire pour les autres. L'amour de Dieu n'a pas voulu que le salut puisse être compromis par la médiocrité des chrétiens. S'il y a pour nous une invitation à rendre grâce, c'est là qu'elle se trouve.
En effet, si quelqu'un avait le droit d'être jaloux de l'innocence, d'être puriste et de ne pas tolérer que sa vie soit "administrée" indignement, c'est Dieu. Et il ne l'aurait pas toléré, s'il avait préféré l'innocence ou ce qu'on appelle - très mal - sa Gloire avant de nous aimer, et si la Gloire de Dieu avait été celle de la pureté avant d'être celle de la miséricorde. Mais le triomphe de l'amour est précisément que le salut soit offert aux hommes, même indignement, plutôt que de ne pas l'être du tout.
C'est peut-être la seule nouveauté "dogmatique" du dernier concile. Il a remis la miséricorde au centre du Credo. La miséricorde, et non comme on l'a trop facilement dit le "retour au monde". Le concile a proposé beaucoup plus : une certaine folie chrétienne. La sainteté propre au Christ contient une double folie : des êtres de misère sont invités au partage de la Gloire. Première folie, le Concile n'a pas seulement ramené l'Église au monde : mais au monde tel qu'il est, c'est à dire un monde blessé. Deuxième folie : c'est ce monde-là que Jésus incarné invite à la sainteté. C'est bien une folie. Zachée et la pécheresse sont capables de tout. Et c'est pourquoi ils sont capables de sainteté. Celle-ci n'est plus à chercher du côté de l'innocence perdue, imaginée ou récupérée. Elle se trouve dans la confiance et la miséricorde : de Dieu pour nous, de Dieu pour nos frères, de nos frères pour nous, de nous pour nos frères, et ceci avant le temps de la Résurrection et après celui de l'innocence impossible.
Bernard Bro
Les portiers de l'aube, p.192