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Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : ven. 31 mars 2017, 1:28
par Altior
Héraclius a écrit :
jeu. 30 mars 2017, 23:15
En même temps le débat est précisément entre subjectivistes et objectivistes. Certains disent "toutes les manières se valent, c'est la subjectivité qui gouverne ces choses", les autres disent "il y a une hiérarchie des valeurs, certaines manières sont objectivement supérieures à d'autres, trouvons-les".
Benoit XVI a beaucoup insisté sur ce mal fondamental, à la différence, purement terminologique, que lui, il l'appelle «relativisme», pas «subjectivisme». Le relativisme est le fondement philosophique du modernisme. Et, comme la base de toute philosophie sont les questions sur l'existence qu'on appelle couramment «ontologie», on se rend compte que dans la façon différente de définir l'existence se trouve la différence fondamentale entre traditionalisme et modernisme. Pas dans la Messe en latin ou en vernaculaire, pas dans s'agenouiller ou pas, se couvrir la tête ou pas devant Dieu, pas dans la préférance pour St Thomas ou pour Yves Congar. Mais, et ici vous avez magistralement vu, dans la réponse à la question: «où est la vérité ?». Les traditionalistes répondent: la vérité se trouve en dehors de nous et ne dépend pas de nous». Les modernistes répondent: «la vérité se trouve entre nos oreilles». Et, parce que chacun a autre chose entre ses oreilles, ta vérité n'est pas ma vérité. Toi, tu as ton droit a ta vérité, moi j'ai mon droit à ma vérité et il n'y a pas un moyen objectif de voire si ta vérité ou ma vérité est plus vraie. La proposition «Jésus-Christ est Dieu» a une égale valeur, étant tout aussi vraie que la proposition «Baal est Dieu». Alors tout devient logique. Si ces deux propositions sont tout aussi justes et ont légitimité égale, c'est logique que les deux ont le même droit de cité. La neutralité religieuse, la laïcité de l'état et de ses institutions, même des institutions privés ou plusieurs vérités se rencontrent ou ne se rencontrent pas mais il pourrait arriver de se rencontrer devient normale et une valeur en elle-même. Puis, le relativisme (ou subjectivisme) en matière d'existence se repend immédiatement en matière de morale. La notion-même de péché perd tout son sens ou bien, dans le plus optimiste des cas, est renvoyé dans le territoire du subjectif: toi tu es pécheur si tu te sens comme tel. Réciproquement, si tu ne sens pas comme tel, alors tu n'est pas pécheur. Pécher n'est plus une lésion sur une existence objective et suprême, sur Dieu, mais pourrait être, éventuellement, une lésion de la conscience. De ta conscience, qui devient critère et existence suprême.

En union de prière,
A.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : ven. 31 mars 2017, 6:59
par Voyageur
Altior a écrit :
ven. 31 mars 2017, 1:28
Les traditionalistes répondent: la vérité se trouve en dehors de nous et ne dépend pas de nous». Les modernistes répondent: «la vérité se trouve entre nos oreilles».
Il me semble que vous détournez à nouveau la vérité. Si, au moins, vous suiviez tous les prescrits de la Tradition, des Écritures, de l'Église... Il existe au sein du traditionalisme -comme du modernisme- un choix orienté. Le débat initié par Héraclius est très intéressant. Mais je ne vois pas comment être "objectif" dans un tel contexte. Je pense qu'il n'est pas tant question d'objectivité que de référent. Les uns se fixent sur les prescrits actuels, les autres sur des fondements antérieurs. Non, les deux ne sont pas équivalents. Les nécessités humaines, les contextes de crise, la vie en Église étant différents, cela me semble logique que le Catéchisme de Saint Pie X ou le Catéchisme de l'Église Catholique s'y soient adaptés.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : ven. 31 mars 2017, 11:24
par Marc Oh
Voyageur a écrit :
ven. 31 mars 2017, 6:59
Altior a écrit :
ven. 31 mars 2017, 1:28
Les traditionalistes répondent: la vérité se trouve en dehors de nous et ne dépend pas de nous». Les modernistes répondent: «la vérité se trouve entre nos oreilles».
Il me semble que vous détournez à nouveau la vérité. Si, au moins, vous suiviez tous les prescrits de la Tradition, des Écritures, de l'Église... Il existe au sein du traditionalisme -comme du modernisme- un choix orienté. Le débat initié par Héraclius est très intéressant. Mais je ne vois pas comment être "objectif" dans un tel contexte. Je pense qu'il n'est pas tant question d'objectivité que de référent. Les uns se fixent sur les prescrits actuels, les autres sur des fondements antérieurs. Non, les deux ne sont pas équivalents. Les nécessités humaines, les contextes de crise, la vie en Église étant différents, cela me semble logique que le Catéchisme de Saint Pie X ou le Catéchisme de l'Église Catholique s'y soient adaptés.
Bonjour Voyageur, je trouve que la discussion prend une tournure très intéressante. Lorsque vous dites "Les uns se fixent sur les prescrits actuels, les autres sur des fondements antérieurs" n'y a t-il pas confusion en cause et conséquence? Je m'explique c'est parce qu'il y a une seule Vérité que celle d'aujourdui et d'hier sont la même. Dieu n’évolue pas. Si c'est moi qui défini la vérité en effet je me trompe en la cherchant hier. La Vérité est intemporelle (Je suis le chemin la vérité et la Vie), nos visions change entre individus et bien sur au cours des siècle et pour un individu donné elle change également au cour de sa vie. Attention qui dit vision dit illusion et nous nous batissons des idoles.
Nous sommes bourrés d'apriori! Quelle misère! Je parle surtout pour moi, mais je pense que je ne suis pas le seul.
Bonne journée.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : ven. 31 mars 2017, 12:30
par axou
Voyageur a écrit :
ven. 31 mars 2017, 6:59
Altior a écrit :
ven. 31 mars 2017, 1:28
Les traditionalistes répondent: la vérité se trouve en dehors de nous et ne dépend pas de nous». Les modernistes répondent: «la vérité se trouve entre nos oreilles». Altior
Il me semble que vous détournez à nouveau la vérité. Si, au moins, vous suiviez tous les prescrits de la Tradition, des Écritures, de l'Église... Il existe au sein du traditionalisme -comme du modernisme- un choix orienté. Le débat initié par Héraclius est très intéressant. Mais je ne vois pas comment être "objectif" dans un tel contexte. Je pense qu'il n'est pas tant question d'objectivité que de référent. Les uns se fixent sur les prescrits actuels, les autres sur des fondements antérieurs. Non, les deux ne sont pas équivalents. Les nécessités humaines, les contextes de crise, la vie en Église étant différents, cela me semble logique que le Catéchisme de Saint Pie X ou le Catéchisme de l'Église Catholique s'y soient adaptés. Voyageur
Je suis d'accord, et se pose ici la distinction entre traditionalistes et intégristes.
Etre attaché à la Tradition, au rite extraordinaire, à une certaine conception de la dynamique hiérarchique de l'Eglise, être davantage attaché au respect des fondamentaux qu'à l'inculturation et à l'adaptation au contexte, tout cela ne nuit nullement au dialogue et à l'altérité et au respect de l'Eglise d'aujourd'hui, c'est à dire l'Eglise conciliaire !

Mais qu'en est-il de la posture intégriste ?
extrait de wikipédia "intégrisme " : Progressivement, l'intégrisme va désigner le courant qui se réfère à un moment de l'histoire de l'Église catholique dont la forme est considérée comme parfaite, intemporelle et immuable11 et qui se traduit par une conception figée de l’orthodoxie et un refus de l'histoire en mouvement, confondant « la dévotion au passé avec la fidélité à l'éternel » selon le mot d'Étienne Borne.
Se positionner comme un Catholique qui refuse le concile Vatican 2 et demeurer figé en l'An de grâce 1850, n'est ce pas de l'intégrisme ?

Le curseur est à analyser ici me semble -t-il entre traditionalisme et intégrisme. Parce que le dialogue est possible avec les uns et pas avec les autres.

Et la question du référent est cruciale : entre les uns qui acceptent le concile et le autres qui ne l'acceptent pas, et bien on ne vit pas dans la même Eglise ! Enfin vous avez des Catholiques "normaux" de sensibilité diverse qui vivent dans leur Eglise issue du concile (et de tous les autres avant) et des Croyants maso qui se considèrent comme Catholiques mais qui vivent dans une Eglise qu'ils haissent parce que basée depuis 70 ans sur un concile qu'ils vomissent...

Excellente base pour le dialogue !

Axou

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : ven. 31 mars 2017, 16:17
par prodigal
Je partage avec la grande majorité de ceux qui se sont exprimés ici, quelle que soit leur opinion par ailleurs sur la tradition, l'idée que la question essentielle est avant tout celle de la vérité.
Je dirai même, pour reprendre l'exemple d'Axou, que je me sens tout à fait prêt à mener un dialogue avec un intégriste, que je n'y vois aucun inconvénient, sauf si, ce qui est à craindre, le dialogue se révèlait impossible pour des raisons liées à la conception qu'il se ferait de la vérité.
Il y a à mon sens deux aberrations, et deux seulement, quant à la façon de concevoir la vérité.
L"une est le relativisme, je préfère ne pas en parler pour l'instant, car ce n'est pas le sujet. Le sujet est le traditionalisme, qui ne me paraît que très peu concerné par le relativisme.
L'autre pourrait s'appeler, au choix, dogmatisme ou autoritarisme. Elle consiste à poser qu'est vrai ce que l'autorité légitime (par exemple, la tradition) a décrété être tel. Au lieu de poser que c'est parce que x est vrai que l'autorité affirme x, l'autoritarisme pose que c'est parce que l'autorité affirme que x que x devient vrai.
Par exemple, soit le mode de raisonnement suivant : "x est vrai parce que l'Eglise de toujours le dit". Ce raisonnement, s'il prétend faire taire toute objection ou même simplement tout autre point de vue, je dis qu'il est illégitime. C'est aux traditionalistes de dire s'ils se reconnaissent ou non dans ce mode de raisonnement, mais quoi qu'il en soit je tiens qu'il n'est pas valide. En effet, il y a au moins trois entrées possibles pour l'erreur dans ce type d'attitude qu'on peut donc appeler dogmatique. Il se peut que :
1) l'Eglise se soit trompée. C'est rare, mais cela arrive.
2) l'Eglise a dit vrai mais celui qui en tire argument n'a pas compris ce qu'a dit l'Eglise, et son interprétation induit donc qui la suivrait en erreur.
3) l'Eglise a dit vrai et celui qui en tire argument l'a correctement interprétée mais en a exagéré la portée, en croyant pouvoir en tirer des conséquences qui n'entrent pas dans ce qu'a dit l'Eglise.
L'attitude qui consiste donc pour une personne privée à prendre ce qu'elle comprend de l'Eglise pour une vérité ne souffrant ni discussion, ni objection, ni explication, trahit donc la vérité, confondue avec l'opinion privée de cette personne.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : ven. 31 mars 2017, 19:18
par Voyageur
Bonsoir Marc Oh,

Marc Oh a écrit :
ven. 31 mars 2017, 11:24
Je m'explique c'est parce qu'il y a une seule Vérité que celle d'aujourd'hui et d'hier sont la même. Dieu n’évolue pas.
Oui, il n'y a qu'une Vérité et qu'un DIEU.

Concernant DIEU, nous avons tous différentes relations à la divinité. Les récits bibliques ne Lui tracent pas un portrait monolithique. C'est le DIEU vivant, JE SUIS. Un DIEU qui interpelle, se fait proche, menace, rassure, console, puni, guéri... Suivant ses interlocuteurs, suivant les circonstances, IL s'adapte. C'est pour quoi on peut constater la prépondérance de traits différents entre les prophètes, entre les Alliances, entre les évangélistes... Comme vous le dites, "nos visions changent entre individus et bien sûr au cours des siècles et, pour un individu donné, elle change également au cours de sa vie".

Concernant la Vérité, il me semble que le terme renferme essentiellement l'enseignement du Christ. Celui-ci est immuable.

Les dispositions liturgiques, sans cesse fluctuantes, ne me semblent pas en faire partie. Prenons en exemple la manière de communier. Il n'y a pas de donnée scripturaire pour affirmer l'exigence de communier à la bouche. Ensuite, jusqu'au VIe siècle, les fidèles recevaient le Corps du Christ dans la main. [...] Le changement de mentalité apporté par les Francs et le souci de lutter contre des actes de magie (on mettait des hosties en terre pour féconder les récoltes) ont peu à peu amené à recevoir directement l'Eucharistie dans la bouche. (Le nouveau théo, p.1022) Il y a donc eu adaptation au contexte historique et social.

Maintenant, si nous devions trancher en toute objectivité, il me semble que la communion à la main est plus proche de l'Église primitive. Alors, qu'est-ce qui motive les traditionalistes à être intransigeants sur la question ? Pourquoi se sont-ils arrêtés sur le Catéchisme de Pie X ? Quand la seule réponse fournie est : "c'est comme ça et pas autrement !", il faut se rendre à l'évidence que le péril est grand.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : sam. 01 avr. 2017, 14:16
par Suliko
Axou,

Je crois qu'un des problèmes, c'est que vous cherchez à dialoguer et moi à convaincre. Nous ne sommes donc pas du tout dans la même optique, car en tant que catholique, il m'est tout simplement inenvisageable de mettre sur un même niveau l'égalité et l'erreur au nom du dialogue. Pour prendre un exemple concret, vous me dites que je dois respecter la communion dans la main, tout comme vous respectez le fait que certains fidèles communient dans la bouche, tandis que moi, je cherche plutôt à vous faire comprendre que la communion dans les mains n'a aucun légitimité et est néfaste pour la foi en la Présence réelle. Vous voudriez que je reconnaisse que les deux manières de communier ont leur place dans l'Eglise, alors même que je tente de vous convaincre du contraire. Vous me parlez de respect et de tolérance des divers usages, tandis que je vous parle du respect du saint Sacrement, d'histoire et de théologie. Comment pourrions-nous nous comprendre : nous ne nous plaçons pas sur un même niveau. Ma foi ne me permet pas de raisonner comme vous le faites. Votre foi vous permettrait-elle de réfléchir à partir de mon optique traditionnelle ? Je pense que rien ne vous en empêcherait. J'avoue que j'ai souvent caressé l'idée de vous proposer un défi : du point de vue des lectures religieuses, ne lire, pendant trois ou quatre mois, que des ouvrages d'auteurs catholiques reconnus par l'Eglise pour leur orthodoxie et datant de l'époque pré-conciliaire (ce qui vous laisserait tout de même un fort vaste choix !). Cela vous tenterait-il ?

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : sam. 01 avr. 2017, 14:20
par Suliko
Prodigal dit :
Elle consiste à poser qu'est vrai ce que l'autorité légitime (par exemple, la tradition) a décrété être tel.
Et saint Vincent de Lérins lui rétorque :
« Il faut veiller avec le plus grand soin à tenir pour vrai ce qui a été cru partout, toujours et par tous », « Quod ubique, quod semper, quod ab omnibus creditum est ».
Vous comprendrez que je me fie aux saints et à l'enseignement constant de l'Eglise, plutôt qu'à votre avis.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : sam. 01 avr. 2017, 16:49
par Marc Oh
cher Voyageur, merci de votre réponse . J'en suis très heureux. Nous sommes d'accord sur les premiers points. Vous cité "le nouveau Théo" et vous remercie de cette référence. J'y était allé jaugé le contenu. Je vais vous donner la mienne dans un esprit d'échange Fraternel. Je vous serai très reconnaissant de bien vouloir me donner votre franche impression. Il s'agit d'un texte du magistère extraordinaire de Pierre, daté de 2004 et approuvé par St Jean-Paul II. Sur le sujet que vous évoquer il dit:
- 92 - Tout fidèle a toujours le droit de recevoir, selon son choix, la sainte communion dans la bouche.[178] Si un communiant désire recevoir le Sacrement dans la main, dans les régions où la Conférence des Évêques le permet, avec la confirmation du Siège Apostolique, on peut lui donner la sainte hostie. Cependant, il faut veiller attentivement dans ce cas à ce que l’hostie soit consommée aussitôt par le communiant devant le ministre, pour que personne ne s’éloigne avec les espèces eucharistiques dans la main. S’il y a un risque de profanation, la sainte Communion ne doit pas être donnée dans la main des fidèles.[179]

reference:
http://www.vatican.va/roman_curia/congr ... m_fr.html

Vous recevez ce texte? Eventuellement quelles sont éventuellement vos raisons de le rejeté. Je vous invites à lire plusieurs passages.

Merci de votre retour car depuis des années personnes de votre sensibilité n'a pu me répondre. Cette sensibilité est pourtant apparement très majoritaire dans le clergé diocésain en France.
bien fraternellement

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : sam. 01 avr. 2017, 22:17
par prodigal
Suliko,
je me permets de me citer un peu plus longuement afin d'éviter l'ambiguïté. Je ne dis pas qu'il ne faut pas croire, bien entendu. Ce que je dis , c'est ceci, qui essaie de décrire une aberration : Elle consiste à poser qu'est vrai ce que l'autorité légitime (par exemple, la tradition) a décrété être tel. Au lieu de poser que c'est parce que x est vrai que l'autorité affirme x, l'autoritarisme pose que c'est parce que l'autorité affirme que x que x devient vrai.
Saint Vincent de Lérins n'est pas capable de fabriquer de la vérité, quel que soit son mérite. Sa parole ne rend pas vrai ce qui ne l'est pas avant qu'il se soit exprimé. Mais on peut, on doit, comme vous le faites, porter attention à ce qu'il dit, parce qu'on suppose qu'il ne le dit pas arbitrairement, mais qu'il a de solides raisons pour cela.
Par conséquent ce sont ses raisons qui importent et qu'il faut croire.
Et ceci n'est pas "mon avis". Il n'y a que la formulation qui est de moi, pas excellente je le reconnais.
Quant aux raisons de saint Vincent de Lérins, il faut connaître le contexte pour les saisir clairement, car on voit bien que sa sentence ne peut être prise à la lettre, rien n'ayant été cru toujours, par tous et partout. Ce qui aurait été cru toujours, par tous et partout, par définition, n'aurait pas même été contesté, et donc ne poserait aucun problème.
Voyageur et Marc Oh,
j'ai pour ma part l'impression, qui n'est évidemment pas une preuve, que ce qui choque les traditionalistes dans le fait de recevoir la communion dans la main, ce n'est pas tellement le fait lui-même que ce soit dans la main que soit donnée l'hostie, mais la façon dont cette pratique s'est imposée comme quasiment obligatoire alors qu'elle n'avait été admise au départ que comme une simple possibilité (qu'on pourrait dire expérimentale), et ils ont fait le lien avec l'abaissement de la croyance en la transsubstantiation. Bref, c'est d'abord un fort motif de soupçon.
Il faudrait apprendre à guérir du soupçon. Pour cela il faudrait que chacun donne du sien, et que l'on se parle, même si ce n'est pas facile.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : dim. 02 avr. 2017, 13:39
par archi
Bonjour prodigal,
prodigal a écrit :
sam. 01 avr. 2017, 22:17
Je me permets de me citer un peu plus longuement afin d'éviter l'ambiguïté. Je ne dis pas qu'il ne faut pas croire, bien entendu. Ce que je dis , c'est ceci, qui essaie de décrire une aberration : Elle consiste à poser qu'est vrai ce que l'autorité légitime (par exemple, la tradition) a décrété être tel. Au lieu de poser que c'est parce que x est vrai que l'autorité affirme x, l'autoritarisme pose que c'est parce que l'autorité affirme que x que x devient vrai.
Saint Vincent de Lérins n'est pas capable de fabriquer de la vérité, quel que soit son mérite. Sa parole ne rend pas vrai ce qui ne l'est pas avant qu'il se soit exprimé. Mais on peut, on doit, comme vous le faites, porter attention à ce qu'il dit, parce qu'on suppose qu'il ne le dit pas arbitrairement, mais qu'il a de solides raisons pour cela.
Par conséquent ce sont ses raisons qui importent et qu'il faut croire.
Et ceci n'est pas "mon avis". Il n'y a que la formulation qui est de moi, pas excellente je le reconnais.
Quant aux raisons de saint Vincent de Lérins, il faut connaître le contexte pour les saisir clairement, car on voit bien que sa sentence ne peut être prise à la lettre, rien n'ayant été cru toujours, par tous et partout. Ce qui aurait été cru toujours, par tous et partout, par définition, n'aurait pas même été contesté, et donc ne poserait aucun problème.
Il est intéressant que vous parliez de St Vincent de Lérins. Il ne faut pas se limiter à sa formule, mais lire tout ce qu'il en dit dans son Commonitorium, qu'on peut lire par exemple ici:
http://www.patristique.org/sites/patris ... incent.pdf

Le contexte historique est ce qu'il était (l'hérésie de Nestorius), mais le Commonitorium est resté dans la tradition comme l'expression patristique de la règle de foi de l'Eglise.

Vous remarquerez que, contrairement à ce que vous semblez avoir compris, le principe de St Vincent habituellement résumé par la phrase citée par Suliko, ne se base pas sur une foi aveugle dans l'autorité, mais d'un critère de tradition et d'universalité de la foi, ce qui n'est pas du tout la même chose (au contraire, l'hérésie visée ici est celle d'un patriarche de l'Eglise [edit sur les dates que j'avais indiquées, ma recherche Google ayant confondu le Concile d'Ephèse et le brigandage du même lieu] ).
Que fera donc le chrétien catholique, si quelque parcelle de l'Église vient à se détacher de la communion de la foi universelle ? - Quel autre parti prendre, sinon de préférer, au membre gangrené et corrompu, la santé du corps tout entier ? 2. Et encore, si quelque contagion nouvelle s'efforce d'empoisonner, non plus seulement une petite partie de l'Église, mais l'Église tout entière à la fois ? — Dans ce cas aussi, son grand souci sera de s'attacher à l'antiquité, qui, évidemment, ne peut plus être séduite par une nouveauté mensongère, quelle qu'elle soit. 3. - Et si, dans l'antiquité même, une erreur se rencontre, qui soit celle de deux ou trois hommes, ou d'une ville, ou même d'une province ? - Alors, il aura grand soin de préférer, à la témérité ou à l'ignorance d'un petit nombre, les décrets (s'il en existe) d'un concile universel tenu anciennement de façon universelle. 4. - Et si quelque opinion vient enfin à surgir où ne se trouve rien de ce genre ? — Alors, il s'appliquera à consulter, à interroger, en les confrontant, les opinions des ancêtres, de ceux d'entre eux notamment qui, tout en vivant en des temps et des lieux différents, mais demeurés fermes dans la communion et dans la foi de l'unique Église catholique, y sont devenus des maîtres autorisés ; et tout ce qu'il saura avoir été soutenu, écrit et enseigné non pas par un ou deux, mais par tous ensemble, d'un seul et même accord, ouvertement, fréquemment, constamment, un catholique se rendra compte qu'il doit lui-même y adhérer sans hésitation.
La foi catholique, c'est avant tout le témoignage des Apôtres - le terme revient suffisamment souvent dans le Nouveau Testament. La Révélation, la foi catholique sont attestées (et je pense que les Apôtres, par leur martyre, par la force de la religion qui s'en est suivie, ont démontré la vérité de ce témoignage, c'est à mes yeux ce qui différencie la religion chrétienne de toutes les autres religions ou philosophies), et l'autorité à qui a été confiée la succession apostolique est là pour témoigner à son tour, et pas pour innover. L'autorité elle-même l'a suffisamment et régulièrement rappelé dans tous ses écrits, profession de foi du Concile de Trente, constitution Pastor Aeternus du Concile Vatican I, etc... (pour ne citer que 2 exemples à la fois assez récents et marquants... le témoignage des anciens conciles est encore plus flagrant à ce sujet).

Saint Vincent ne nie pas, bien au contraire, la possibilité de nouvelles formulations dogmatiques, mais toujours (l'expression est consacrée dans l'Eglise et encore plus importante que "ce qui a été cru partout toujours et par tous"):
à condition que ce soit exactement selon leur nature particulière, c'est-à-dire dans le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée
(in eodem scilicet dogmate, eodem sensu, eademque sententia)
Là où je vous rejoins, c'est que l'autorité humaine à elle seule ne saurait s'ériger en oracle incontesté de la Vérité. C'est ce qui me gêne aussi bien chez une bonne partie des "traditionalistes" pour qui la vérité est ce qu'a dit l'autorité au XIXe Siècle, que chez beaucoup de modernistes "néo-conservateurs" qui ne jurent que par l'autorité soit-disant "vivante" (expression fourre-tout qui permet de faire avaler beaucoup d'innovations plus ou moins discutables) des 50 dernières années: l'autorité de référence (Vatican I et les papes pré-conciliaires dans un cas, Vatican II et les papes post-conciliaires dans l'autre), plutôt que de faire ce que propose Saint Vincent et de s'attacher à l'Antiquité, non pas tenter de recopier servilement les formes antiques sans en retrouver la signification, mais au contraire pour bien cerner ce qui constitue "le même dogme, dans le même sens, et dans la même pensée". C'est bien l'antiquité ET la tradition qui sont les critères pour identifier ce qui a proprement autorité parmi les textes très divers représentant ce qu'on a pris coutume de désigner sous le nom de "Magistère".

Au fond, l'ultramontanisme triomphant du XIXe qui croit que rien de ce que nous propose le Pape en matière de foi, discipline, discours, etc... (bien au-delà de ce qu'en a dit Vatican I) ne peut être mauvais (malgré les innombrables exemples historiques, et, pour ses représentants actuels, malgré la pagaille actuelle qui contredit, dans leur opinion même, cette croyance), et le modernisme qui préfère mettre une foi aveugle dans ce que lui suggère (plutôt qu'énonce clairement) le magistère "vivant" des évêques conciliaires, quitte à oublier commodément le magistère antérieur parce que les contradictions sont devenues trop flagrantes, ne sont que 2 faces d'une même erreur (et ce n'est pas un hasard si tous 2 sont nés de la Révolution française).

In Xto,
archi.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : dim. 02 avr. 2017, 15:01
par Altior
archi a écrit :
dim. 02 avr. 2017, 13:39
C'est ce qui me gêne aussi bien chez une bonne partie des "traditionalistes" pour qui la vérité est ce qu'a dit l'autorité au XIXe Siècle,
C'est ici le point faible de votre tirade, point faible qui mérite d'être souligné, la thème de ce fil étant justement quelles sont les fondements hors-pratique du traditionalisme.

Pour une bonne partie des traditionalistes (j'espère que pour tous) c'est justement l'inverse. L'autorité du XIXe siècle a dit la vérité. Car, en bonne logique thomiste, la proposition «A est B» n'est pas la même chose que la proposition «B est A». Par exemple, la proposition "Jésus-Christ est Dieu» n'est pas équivalente de la proposition «Dieu est Jésus-Christ».

Et il ne s'agit pas seulement du XIXe siècle. Il s'agit du XVIIIe aussi. Du XVIIe aussi etc. Donc, si l'autorité au XIXe siècle a dit la vérité, l'autorité du XVIIIè a dit la vérité et l'autorité des siècles antérieurs de même, alors les traditionalistes ont le suivant problème: si l'autorité du XXe (de sa seconde moitié, plus exactement) dit autre chose que l'autorité antérieure, alors il y a ici un truc qui ne colle pas.

Maintenant, la différence entre Suliko et moi est la réponse à la question: l'autorité de la dernière heure dit vraiment autre chose que l'autorité de tous les siècles ? Qu'il s'agit d'un tout autre style, là, c'est évident. Entre une encyclique de Pie XII et une homélie de Saint Jean Chrysostome il y a une unité de style. Entre «Casti conubii» et «Divine arcanum sapientiae» il y a une telle unité de style, qu'on a du mal à entrevoir qui à écrit quoi: c'est le même style que dans la lettre aux Ephésiens, c'est le style de toujours de l'Église. Quelque chose se brise à partir du Concile Vatican-2. Les documents magistériels deviennent kilométriques par rapport aux documents antérieurs et le plus ils sont longs, le moins ils sont clairs. Mais à cet incontestable changement de style, correspond-il un changement de substance ? La réponse est différente, selon l'orientation des différents mouvements traditionalistes. Si la réponse est «oui, le changement de substance de la foi a bien eu lieu» alors, si on veut être cohérent à soi-même, il est de bonne conscience de virer dans le sédévacantisme. Si la réponse est «oui, il y a un changement de substance de la foi, mais pas dans des documents infaillibles», alors, par amour à la même cohérence, il faut souscrire à la FSSPX. Si la réponse est «non, le magistère des siècles antérieurs reste vrai pour l'Église d'aujourd'hui, qui ne le contredit pas», alors on peut très bien demeurer traditionaliste dans une des rares paroisses diocésaines qui le permet, ou bien adhérer à FSSP, ICR, IBP, St Vincent Ferrier etc.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : dim. 02 avr. 2017, 19:52
par prodigal
Cher Archi,
je vous remercie de votre contribution, que je trouve très claire. Je me doutais bien, j'avoue, que saint Vincent de Lérins ne faisait pas l'apologie du conformisme aveugle.
Si je vous ai bien compris, l'autorité de la tradition chrétienne est fondée sur le témoignage des apôtres, ce qui n'est pas du tout la même chose qu'être fondée sur elle-même.
L'autorité des apôtres réclame cependant interprétation, mais toute interprétation correcte se doit de respecter le témoignage initial, et donc il faut vérifier son adéquation à la tradition de l'Eglise sans quoi des lectures aventureuses des Ecritures pourraient pervertir la foi.
Il faut cependant ajouter que ceci n'autorise pas, et c'est aussi ce que dit Altior, à considérer que c'est l'autorité qui invente la vérité, mais tout simplement qu'elle dit la vérité. En pratique, nos devons nous efforcer de comprendre le sens de ce qui nous est enseigné, de façon, à notre tour, à pouvoir en rendre témoignage.
Tout ceci me paraît correct, car n'exigeant en rien l'aveuglement, et je ne vois rien à objecter, pourvu qu'on se souvienne des trois situations possibles en lesquelles pourrait se nicher l'erreur, et que je me permets de rappeler :
1) l'Eglise s'est trompée
2) l'Eglise a dit la vérité mais celui qui en tire argument ne l'a pas comprise
3) l'Eglise a dit la vérité et son message a été interprété d'une façon recevable, mais il ne s'applique pas tel quel au cas discuté.

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : dim. 02 avr. 2017, 20:38
par archi
prodigal a écrit :
dim. 02 avr. 2017, 19:52
Cher Archi,
je vous remercie de votre contribution, que je trouve très claire. Je me doutais bien, j'avoue, que saint Vincent de Lérins ne faisait pas l'apologie du conformisme aveugle.
Si je vous ai bien compris, l'autorité de la tradition chrétienne est fondée sur le témoignage des apôtres, ce qui n'est pas du tout la même chose qu'être fondée sur elle-même.
L'autorité des apôtres réclame cependant interprétation, mais toute interprétation correcte se doit de respecter le témoignage initial, et donc il faut vérifier son adéquation à la tradition de l'Eglise sans quoi des lectures aventureuses des Ecritures pourraient pervertir la foi.
Il faut cependant ajouter que ceci n'autorise pas, et c'est aussi ce que dit Altior, à considérer que c'est l'autorité qui invente la vérité, mais tout simplement qu'elle dit la vérité. En pratique, nos devons nous efforcer de comprendre le sens de ce qui nous est enseigné, de façon, à notre tour, à pouvoir en rendre témoignage.
Tout ceci me paraît correct, car n'exigeant en rien l'aveuglement, et je ne vois rien à objecter, pourvu qu'on se souvienne des trois situations possibles en lesquelles pourrait se nicher l'erreur, et que je me permets de rappeler :
1) l'Eglise s'est trompée
2) l'Eglise a dit la vérité mais celui qui en tire argument ne l'a pas comprise
3) l'Eglise a dit la vérité et son message a été interprété d'une façon recevable, mais il ne s'applique pas tel quel au cas discuté.
... Merci pour votre réponse. Je la cite telle quelle car je n'ai rien à y ajouter (c'est plus court que le roman-fleuve que j'ai écrit en réponse à Altior, et que je viens de supprimer après réflexion... trop long, confus et susceptible de polémique inutile).

Re: Le traditionalisme : fondement en dehors de la pratique

Publié : dim. 02 avr. 2017, 20:42
par Pierre Carhaix
Altior a écrit :
dim. 02 avr. 2017, 15:01
archi a écrit :
dim. 02 avr. 2017, 13:39
C'est ce qui me gêne aussi bien chez une bonne partie des "traditionalistes" pour qui la vérité est ce qu'a dit l'autorité au XIXe Siècle,
C'est ici le point faible de votre tirade, point faible qui mérite d'être souligné, la thème de ce fil étant justement quelles sont les fondements hors-pratique du traditionalisme.

Pour une bonne partie des traditionalistes (j'espère que pour tous) c'est justement l'inverse. L'autorité du XIXe siècle a dit la vérité. Car, en bonne logique thomiste, la proposition «A est B» n'est pas la même chose que la proposition «B est A». Par exemple, la proposition "Jésus-Christ est Dieu» n'est pas équivalente de la proposition «Dieu est Jésus-Christ».

Et il ne s'agit pas seulement du XIXe siècle. Il s'agit du XVIIIe aussi. Du XVIIe aussi etc. Donc, si l'autorité au XIXe siècle a dit la vérité, l'autorité du XVIIIè a dit la vérité et l'autorité des siècles antérieurs de même, alors les traditionalistes ont le suivant problème: si l'autorité du XXe (de sa seconde moitié, plus exactement) dit autre chose que l'autorité antérieure, alors il y a ici un truc qui ne colle pas.

Maintenant, la différence entre Suliko et moi est la réponse à la question: l'autorité de la dernière heure dit vraiment autre chose que l'autorité de tous les siècles ? Qu'il s'agit d'un tout autre style, là, c'est évident. Entre une encyclique de Pie XII et une homélie de Saint Jean Chrysostome il y a une unité de style. Entre «Casti conubii» et «Divine arcanum sapientiae» il y a une telle unité de style, qu'on a du mal à entrevoir qui à écrit quoi: c'est le même style que dans la lettre aux Ephésiens, c'est le style de toujours de l'Église. Quelque chose se brise à partir du Concile Vatican-2. Les documents magistériels deviennent kilométriques par rapport aux documents antérieurs et le plus ils sont longs, le moins ils sont clairs. Mais à cet incontestable changement de style, correspond-il un changement de substance ? La réponse est différente, selon l'orientation des différents mouvements traditionalistes. Si la réponse est «oui, le changement de substance de la foi a bien eu lieu» alors, si on veut être cohérent à soi-même, il est de bonne conscience de virer dans le sédévacantisme. Si la réponse est «oui, il y a un changement de substance de la foi, mais pas dans des documents infaillibles», alors, par amour à la même cohérence, il faut souscrire à la FSSPX. Si la réponse est «non, le magistère des siècles antérieurs reste vrai pour l'Église d'aujourd'hui, qui ne le contredit pas», alors on peut très bien demeurer traditionaliste dans une des rares paroisses diocésaines qui le permet, ou bien adhérer à FSSP, ICR, IBP, St Vincent Ferrier etc.
Il reste un quatrième cas de figure, du laïc qui ne dispose pas d'un temps infini pour examiner ces questions, ou qui ne dispose pas du niveau intellectuel requis pour examiner à la loupe les actes de Vatican II (par exemple, les catholiques de couche populaire), et qui souhaite en outre demeurer fidèle à l'Eglise, tout en sentant confusément que quelque chose ne tourne pas rond depuis le dernier Concile.

Je constate d'ailleurs que les couches populaires se sont justement raréfiées dans l'Église depuis 50 ans, aussi bien du côté traditionaliste que du côté moderniste. Et c'est à mon avis un gros problème. On a l'impression que l'appartenance à l'Eglise catholique est devenue une adhésion militante d'un certain niveau intellectuel.