Bonjour Prodigal.
prodigal a écrit : ↑jeu. 11 mai 2017, 17:56
je suis d'accord avec vous si vous parlez dans l'abstrait. Au regard de la définition des tâches qui sont les leurs, les prêtres pourraient être aussi des époux et des pères, ce ne serait pas un mode de fonctionnement absurde. Mais ce n'est pas la tradition, et ce n'est pas ainsi que l'Eglise catholique a pensé le sacerdoce.
Attention à ne pas confondre l'Eglise latine et l'Eglise catholique. Celle-là n'est qu'une partie de celle-ci.
L'Eglise catholique a au contraire très clairement pensé le sacerdoce comme compatible avec le fait d'être époux et père, à commencer par Saint Paul:
(1 Timothée 3:2)
Voici une parole digne de foi : si quelqu’un aspire à la responsabilité d’une communauté, c’est une belle tâche qu’il désire.
Le responsable doit être irréprochable, époux d’une seule femme, un homme sobre, raisonnable, équilibré, accueillant, capable d’enseigner, ni buveur ni brutal mais bienveillant, ni querelleur ni cupide.
Il faut qu’il dirige bien les gens de sa propre maison, qu’il obtienne de ses enfants l’obéissance et se fasse respecter.
Car si quelqu’un ne sait pas diriger sa propre maison, comment pourrait-il prendre en charge une Église de Dieu ?
(Tite 1:6-9)
L’Ancien doit être quelqu’un qui soit sans reproche, époux d’une seule femme, ayant des enfants qui soient croyants et ne soient pas accusés d’inconduite ou indisciplinés.
Il faut en effet que le responsable de communauté soit sans reproche, puisqu’il est l’intendant de Dieu ; il ne doit être ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni brutal, ni avide de profits malhonnêtes ;
Le fait d'être époux et père est pleinement compatible avec le sacerdoce, et c'est à la façon dont il conduit sa maison qu'on reconnaît son aptitude au sacerdoce. Au contraire, on pourrait dire qu'un célibataire n'a pas eu l'occasion de la prouver... (même si Saint Paul, célibataire lui-même, met en avant la liberté qu'il procure à ceux pour qui il n'est pas l'occasion de "brûler").
Ce modèle est celui qui subsiste dans les Eglises orientales. En Occident, alors que nombre de papes étaient mariés, s'est peu à peu répandu le modèle qui, d'après ce que j'ai lu récemment (je ne sais plus où), remonte à Saint Ambroise de Milan, de prêtres célibataires vivant en maisonnée. C'est une tradition respectable, mais ce n'est pas la Tradition de l'Eglise. Qui plus est, avec le manque de prêtres actuel, le fait de vivre en maisonnée (avec le soutien mutuel que ça procure) tend à disparaître, les prêtres sont de plus en plus isolés...
C'est ce qui me paraît le plus grave, d'avoir dans les diocèses ruraux des prêtres isolés, propulsés à la tête d'une communauté, sans réel soutien ni de confrère, ni d'une épouse. Les byzantins connaissent bien le rôle de l'épouse du prêtre...
Ce serait donc un changement très important si l'on considérait le prêtre comme un "travailleur" (je vous cite), une sorte de fonctionnaire de Dieu, ayant son temps de travail et ses congés (ceci dit bien entendu sans le moindre mépris pour les fonctionnaires, dont je suis, ni les congés, dont j'estime avoir parfois besoin
).
Considérer le prêtre comme un travailleur est effectivement très réducteur. Pour autant, le prêtre est un homme, avec un temps d'activité qui n'est pas extensible à merci, et exposé à des tentations. Le prêtre doit-il travailler 24h/24 et 7j/7? Il est vrai que je vois beaucoup de prêtres actuels aux emplois du temps surbookés, remplis de réunions diverses et variées... pour quel résultat? Bien souvent, il me semble qu'un tel activisme masque un certain vide. Je ne suis pas sûr que ça soit sain.
Après, il y a une différence entre le "travailleur" et le prêtre, c'est que le prêtre doit effectivement être disponible, entre autres pour aller procurer les derniers sacrements à un mourant - ou même veiller un mort. En même temps, il n'y a pas de tels appels tous les soirs, en principe. Il en va de même pour un médecin, par exemple. Or, personne n'a jamais soutenu qu'un médecin devait être célibataire.
L'autre différence est le continuation ou non des relations sexuelles avec l'épouse du prêtre. Historiquement, si le fait que les prêtres puissent se marier est tout ce qu'il y a de plus incontestable, la question de savoir s'il pouvait poursuivre les relations sexuelles avec la femme a fait l'objet de beaucoup de débats. Disons que sous une forme ou sous une autre, de modérée comme dans la discipline orientale (abstinence un certain temps avant de célébrer la liturgie, valable aussi pour les fidèles d'ailleurs) à extrême comme dans les exemples, souvent combattus, qui voulaient que l'épouse d'un nouveau prêtre doive se retirer dans un monastère, il paraît difficile de nier une certaine restriction, et ce depuis les débuts de l'Eglise. Il est facile de relier cette obligation à l'obligation identique qui s'imposait aux lévites de l'Ancien Testament pendant leur période de service au Temple. Et le lien entre les lévites d'une part, et d'autre part les prêtres et diacres de la Nouvelle Alliance, est attesté depuis l'époque apostolique (la 1re Epître de Clément pour être précis) et doit donc être considéré comme de foi.
Cela touche au côté sacrificiel de la célébration de la messe, et oui, il est dommage qu'on ait perdu cela de vue ces dernières décennies. Mais ça n'est nullement incompatible avec le mariage, et on ne gagne rien à tout mélanger. Abolir le célibat ne suppose nullement d'abolir la distinction entre le sacré et le profane. Qui a déjà été largement ébréchée, c'est un autre problème, mais le mal est fait, et s'arc-bouter sur la question du célibat n'y changera rien.
C'est pourquoi je pense que sur cette question (ce n'est pas toujours le cas comme on sait
) les traditionalistes ont raison : donner la possibilité d'ordonner prêtres des hommes mariés, même si théologiquement ce n'est pas absurde, c'est ouvrir une boîte de Pandore, j'en ai peur.
Personnellement, mon intuition est que cela serait la meilleure chose qui puisse arriver. Comme cela a été dit plus haut, il y a une part d'ombre dans le célibat obligatoire, et mon impression est que cette part d'ombre est devenue beaucoup trop importante: prêtres isolés, soumis à toutes les tentations, avec une tradition d'ascétisme largement oubliée... Il faudrait renouveler tout ça. C'est une intuition, elle peut être fausse, mais bon...
In Xto,
archi.