Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

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Suliko
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Suliko » dim. 02 oct. 2016, 17:51

Finalement, axou, le débat ne nous a pas mené très loin. Le problème, d'après moi, est qu'au fond, entre progressistes/modernistes et traditionalistes (ou conservateurs), il n'y a pas qu'une différence de langage. Les divergences sont bien plus profondes et touchent au dogme, et, par conséquent, à la morale. La même Eglise ne peut pas d'une part dire à certaines personnes qu'elles ne sont pas en état de péché grave, bien que vivant en couple avec un conjoint qui n'est pas leur époux devant Dieu (avis progressiste) et d'autre part leur dire tout le contraire, à savoir qu'il y a là péché grave et donc impossibilité de communier (avis traditionnel, ou traditionaliste/conservateur, si vous préférez). Je ne vois pas comment on peut laisser les catholiques choisir l'avis qui leur semble le plus pertinent sur une question où le consensus a toujours régné. On ne parle pas d'une problématique secondaire, mais de la nature même des sacrements de mariage, de pénitence et de l'eucharistie, ainsi que du salut des âmes. Or, nous sommes actuellement dans une Eglise où un prêtre progressiste peut dire sans risque de sanctions à une personne divorcée et remariée civilement qu'il lui est possible de communier, qu'il n'y a pas de péché grave, tandis qu'un prêtre traditionaliste va dire l'exact contraire! C'est totalement incohérent. Dans le catholicisme, il y a des fondamentaux qui ne changent pas. On ne peut pas se faire une morale à la carte. Quant à la volonté du pape de ramener les gens à l'Eglise par la miséricorde, cela ne marche évidemment pas. Buenos Aires est-elle devenue une ville plus catholique lorsque François y était évêque? Non. Les statistiques relatives à la pratique religieuse catholique ne montrent pas de regain de la piété, mais la lente poursuite de la déchristianisation.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Pathos » dim. 02 oct. 2016, 18:37

Suliko a écrit :Quant à la volonté du pape de ramener les gens à l'Eglise par la miséricorde, cela ne marche évidemment pas. Buenos Aires est-elle devenue une ville plus catholique lorsque François y était évêque? Non. Les statistiques relatives à la pratique religieuse catholique ne montrent pas de regain de la piété, mais la lente poursuite de la déchristianisation.
Croyez-vous que les paroisses traditionalistes recrutent beaucoup plus ?

Je n'en sais rien ; il y a certainement des agnostiques notamment les plus jeunes qui recherchent un discours clair et fort de la part de l'Eglise.
Par ailleurs vous semblez dénigrer la Divine Miséricorde qui n'est pas un programme du Pape François mais bien une urgence demandée par notre Seigneur auprès de Ste Faustine. Or le message est d'une force sans pareil dans l'histoire de l'Eglise : ce don du pardon quelque soit votre passé, l'Eglise a t-elle eut l'occasion de le porter aussi fortement dans le passé ? Je ne crois pas

Donc n'attendons pas qu'un vieil homme dans son palais nous plaise complètement, agissons nous même car l'Eglise c'est aussi chacun de nous. Ne nous lassons jamais de répandre l'Evangile.
Une nation n'est pas ce qu'elle pense d'elle même dans le temps mais ce que Dieu pense sur elle dans l'éternité. Soloviev

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Cinci » dim. 02 oct. 2016, 18:47

Suliko,
La même Eglise ne peut pas d'une part dire à certaines personnes qu'elles ne sont pas en état de péché grave, bien que vivant en couple avec un conjoint qui n'est pas leur époux devant Dieu (avis progressiste) et d'autre part leur dire tout le contraire, à savoir qu'il y a là péché grave et donc impossibilité de communier (avis traditionnel, ou traditionaliste/conservateur, si vous préférez). Je ne vois pas comment on peut laisser les catholiques choisir l'avis qui leur semble le plus pertinent sur une question où le consensus a toujours régné.

On ne parle pas d'une problématique secondaire, mais de la nature même des sacrements de mariage, de pénitence et de l'eucharistie, ainsi que du salut des âmes. Or, nous sommes actuellement dans une Eglise où un prêtre progressiste peut dire sans risque de sanctions à une personne divorcée et remariée civilement qu'il lui est possible de communier, qu'il n'y a pas de péché grave, tandis qu'un prêtre traditionaliste va dire l'exact contraire! C'est totalement incohérent.

La différence semble se situer dans le fait qu'une pratique traditionnelle de l'Église voulait que celle-ci s'exprime avec autorité et exigeant des catholiques qu'ils se soumettent, eux, aux directives épiscopales. Il fallait que les gens s'adaptent à la loi, qu'ils entrent dans le moule.

Aujourd'hui, on parlera d'une Église qui se veut plus diplomate, qui veut accompagner, tolérer, "prendre sur elle", qui ne veut pas écraser la mèche qui fume, qui se veut plus à l'écoute, qui veut s'adapter à l'univers démocratique, etc. Ce sont des approches différentes. Il ne veut pas nécessairement dire que les premiers sont de bien meilleurs catholiques, les seconds des apostats ou des tricheurs.

Mais je reconnais, en même temps, que l'approche directive, celle du commandant prussien qui ordonne à des subalternes avait ses avantages au moins sur le plan d'une certaine clarté, une sorte de cohérence où tout le monde devait savoir à quoi s'attendre. C'est certain qu'en terme d'encadrement : l'Église du temps de Pie XI était infiniment mieux organisé que celle du pape François. C'est bien évident que sous Pie XI, par exemple, l'on n'aurait pas laissé des théologiens catholiques en poste, dans les universités, nous en colporter leurs interprétations critiques pouvant même aller jusqu'à nier les miracles de l'Évangile, nier l'existence du diable ou soulever des possibilités à l'effet que Jésus ne serait pas vraiment ressusciter.

Avantage, inconvénient ...

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axou
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par axou » dim. 09 oct. 2016, 20:43

Cepora a écrit : Oui Axou, bien sûr, c'est tout à fait naturel d'avoir une refléxion sur ce qu'enseigne l'Eglise, je ne dis pas qu'il faille tout croire naïvement sans examen, bien que je considère qu'il y a dans la « foi du charbonnier » quelque chose de merveilleux. La foi est un don de Dieu, alors il ne faudrait pas se moquer de la foi du charbonnier, d'une part, car ce n'est pas charitable, et aussi parce que saint Augustin disait à ce sujet « crois et tu comprendras ; car la foi précède l'intelligence » Sermon CXVIII. Alors peut-être que ce charbonnier est plus intelligent qu'on le croit. Mais oui, évidemment, on peut réfléchir, on peut se poser des questions, mais il ne faudrait pas se considérer soi-même comme la mesure de toute chose, il ne faudrait pas, dis-je, se faire le juge de la doctrine, se dissocier de l'Eglise et persister dans ses opinions. Ce serait imiter les principes protestants, et en faisant preuve de cohérence, on pourrait alors pousser la scission jusqu'à ses dernières extrémités.
Cher Cépora, j'ai également grand respect pour la foi du charbonnier que je pense avoir à la base, c'est à dire une certitude innée du Christ sauveur et fils de Dieu dans ma vie, à chaque instant.

Concernant le lien à la doctrine et une distance éventuelle avec certains points, voici ce que proposent le cardinal Newman, le père xavier Thévenot et les évêques irlandais. (présentés par le Père Philippe Louveau, https://www.portstnicolas.org/eglise/ec ... e-chretien)


8) Et quand les éclairages ne convergent pas ? (entre magistère et conscience)


Le plus sage est sans doute de s’en tenir à ce qu’écrivait, au siècle dernier, le Cardinal J.H. Newman dans sa célèbre lettre au duc de Norfolk : « Au cas où l’on se sentirait incapable en conscience d’obéir à une directive du Pape, il est certain que l’obéissance à sa propre conscience prend la première place. Mais la décision de s’opposer à l’autorité du Pape ne peut être prise que pour les plus graves raisons. »

De la part du chrétien porté à désobéir au magistère, l’attitude la plus responsable est celle ainsi décrite par le théologien moraliste Xavier THéVENOT : Un tel chrétien cherchera à s’entourer d’un certain nombre de précautions avant de déclarer éthiquement légitime son objection de conscience. Notamment, il vérifiera s’il vit dans un réel climat de prière, car la prière est le cri de l’Esprit en l’homme et seul l’Esprit « correspond parfaitement aux vues de Dieu » (Rm 8/27). De même, après avoir bien considéré le poids théologique des documents dont il veut se distancer, le sujet recherchera le dialogue avec l’autorité ecclésiale et avec la communauté pour mieux percevoir ce qui en lui serait de l’ordre de la résistance à la communion évangélique. Il rentrera aussi dans une recherche intellectuelle la plus sérieuse possible pour détecter les éventuelles positions idéologiques qui seraient les siennes. Enfin, il veillera à se situer dans l’humilité, ce qui le conduira soit à reconnaître qu’il s’est trompé, soit à ne pas « triompher » de façon orgueilleuse si l’avenir vient à lui donner raison [13].

On le voit l’obéissance au magistère est postulée de la part du baptisé. Mais il ne peut s’agir d’une obéissance aveugle qui le dispenserait de l’obéissance plus fondamentale due à sa conscience. Laissons le mot de conclusion aux évêques Irlandais : Les chrétiens d’esprit mûr ou adulte accueilleront donc l’enseignement autorisé de l’église comme une balise qui leur indique de façon sûre les valeurs morales, et comme une aide pour un développement humain authentique. éclairés et assistés par cet enseignement, ils prennent alors leurs responsabilités devant Dieu en ce qui concernent leurs décisions morales. (§16)


Ces propositions, qui relèvent d'une grande exigence, ma parraîssent réconcilier liberté et fidélité à la doctrine : il ne s'agit plus de se tenir en enfant soumis, ou en adolescent révolté mais en adulte devant la doctrine et de prendre ses responsabilités.

Concernant les 2 tendances conservatrices et libérales dans l'Eglise, le pape en a beaucoup parlé au synode puisqu'elles étaient bien représentées parmi les cardinaux : ils ont réussi à dialoguer tant bien que mal.

Voici ce que dit le pape aux cardinaux à mi parcours du synode sur les tentations de chaque tendance.
je trouve que son enthousisame est réconfortant, il nous invite à ne pas nous émouvoir de ces divisions car cela fait partie de la vie même de l'Eglise. Cela nous amène également chacun à nous remettre en question.

Première tentation : « La tentation du raidissement hostile, c’est-à-dire de vouloir s’enfermer dans la lettre(...), à l’intérieur de la loi, dans la certitude de ce que nous connaissons et non de ce que devons encore apprendre et atteindre. Du temps de Jésus, c’est la tentation des zélotes, des scrupuleux, des empressés et aujourd'hui de ceux qu’on appelle aujourd’hui des "traditionnalistes" ou aussi des "intellectualistes". »

Deuxième tentation : « La tentation d’un angélisme destructeur, qui au nom d’une miséricorde traîtressse met un pansement sur les blessures sans d’abord les soigner, qui traite les symptômes et non les causes et les racines. C’est la tentation des timorés, et aussi de ceux qu’on nomme les progressistes et les libéraux. »

Troisème tentation : « La tentation de transformer la pierre en pain pour rompre un long jeûne, pesant et douloureux (Lc 4, 1-4) et aussi de transformer le pain en pierre et la jeter contre les –pécheurs, les faibles, les malades (Jn 8,7) c’est-à-dire de les transformer en fardeau insupportable (Lc 10, 27). »

Quatrième tentation : « La tentation de descendre de la Croix, pour contenter les gens, de ne pas rester à accomplir la volonté du Père, de se plier à l’esprit mondain au lieu de le purifier et de le plier à l’Esprit de Dieu. »

Cinquième tentation : « La tentation de négliger le depositum fidei (ndlr : le dépôt de la foi) en se considérant non comme les gardiens mais les propriétaires et les maîtres ou, de l’autre part, la tentation de négliger la réalité en utilisant une langue minutieuse et un langage pour dire tant de choses et ne rien dire. Nous appelons "bizantinisme" je crois, ces choses. »

Mais le Pape François a répété que ces tentations et ces contradictions étaient naturelles : « Les tentations ne doivent ni nous effrayer ni nous déconcerter et encore moins nous décourager, parce qu’aucun disciple n’est plus grand que son maitre. Donc si Jésus a été tenté, ses disciples ne doivent pas s’attendre à un traitement meilleur. Personnellement j’aurai été très préoccupé et attristé s’il n’y avait pas eu ces tentations et ces discussions animées, ces mouvements de l’esprit, comme les appelait Saint-Ignace-de-Loyola, si tous étaient d’accord ou taciturnes dans une fausse et quiétiste paix. Au lieu de cela, j’ai vu et j’ai écouté, avec joie et reconnaissance, des discours et des interventions pleines de foi, de zèle pastoral et doctrinal, de sagesse, de franchise, de courage, et de "parresia". (...) Et ceci toujours, je l’ai dit ici dans l’Aula, sans mettre en discussion les vérités fondamentales du sacrement du mariage : l’indissolubilité, l’unité, la fidélité et la procréativité, l’ouverture à la vie. »

Ainsi le Pape a considéré que cette expérience synodale représentait une véritable expérience d'Église. « Ceci est l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique et composée des pécheurs, qui ont besoin de sa miséricorde. Ceci est l’Église, la vraie épouse du Christ, qui cherche à être fidèle à son époux et à sa doctrine. C’est l’Église qui n’a pas peur de manger et de boire avec les prostituées et les publicains, l’Église qui a les portes grandes ouvertes pour recevoir ceux qui sont dans le besoin, les repentis et pas seulement les justes ou ceux qui croient être parfaits ! »


Bien à vous,

Axou

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François2.0
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par François2.0 » mer. 26 oct. 2016, 15:22

Bonjour Axou,

Je viens de lire votre post avec beaucoup d'intérêt.

Ce qui me chagrine un peu, c'est votre manichéisme entre ce que vous nommez "tradi" et "prog".

Je m'explique, au lieu de pointer ce qui nous divise en permanence, ne serait-il pas plus judicieux et constructif de se rappeler Qui nous rassemble par dessus tout?

Je me considère d'après ceux qui ont décidé de scinder les Catholiques en deux catégories comme "tradi" (attaché à la tradition, à nos racine, et par dessus tout à Dieu via Sa Parole contenue dans notre Evangile qui est pour moi la seule référence en matière de Foi, bien au delà des considérations de mes contemporains). De même et c'est là mon humble avis, si certains d'entre nous mettaient autant d'ardeur à appliquer la Miséricorde et le dialogue à mesure égale avec laquelle ils le font avec l'islam et les musulmans, qu'à l'endroit de leurs frères Chrétiens peut-être serions nous moins divisés.

Cependant, je ne méprise pas ceux qui se définissent comme "progressiste", je vois en eux avant tout des frères en Christ, je ne prétends pas avoir plus raison ou tord qu'eux, la Vérité nous sera révélé bien assez tôt, j'agis plutôt en conséquence de ce que mon coeur me dit, de ce que ces moments de silence, de méditation sur la Parole m'inspirent. J'assiste aussi bien à des Messes ordinaires qu'a des messes de rite Tridentin (pour lesquelles je dois parcourir 20 kms lorsque je veux m'y rendre, ce que je trouve totalement aberrant), ces dernières répondent plus à mes aspirations, et je dois dire que j'en ai plus qu'assez de voir les fidèles prenant part à ces offices pointés du doigt ou suspectés de je ne sais quoi! Ce n'est pas pour autant que les premières ont moins de "valeurs" à mes yeux, ou que je me permet de juger, ou d'affubler ceux qui y assistent de je ne sais quelle suspicion. Il n'y a pas si longtemps quelqu'un nous disait qu'au lieu de bâtir des murs mieux valait bâtir des ponts....

Pour revenir sur le sujet de l'homosexualité, comme nous le conseille le Pape François, notre comportement doit être celui de l'accueil et de l'écoute, et non le jugement, sans pour autant "normaliser" ou encourager ce comportement sexuel et encore moins consentir à toutes les revendications du "droit à l'enfant". J'ai dans ma famille une personne homosexuelle, des amis également, jamais je n'oserai prétendre ce que Dieu fera à leur égard. De même pour revenir sur le "paradoxe" que vous pointiez entre "prog" et "trad", je ne pense vraiment pas au vu de mes différents échanges avec divers fidèles, qu'il y ait d'un côté un rejet/jugement plus que d'un autre, tous les "prog" et "trad" n'exposent pas leurs positions/convictions sur les réseaux sociaux ou forums, c'est pourquoi jeter le bébé avec l'eau du bain est bien imprudent et prétentieux. Dans le même sens pourrait-on affirmer que tous les manifestants de la LMPT sont tous des "trad"? Ou d'horribles "homophobes"? Que tous les gens de gauche sont tous "Christanophobes"? Que tous les musulmans sont terroristes? etc....

Il serait bon comme je le disais au début de sortir de ces clichés, de ce manichéisme, qui détruit, divise, et fait le jeu du Prince de ce monde.

Fraternellement, François.

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Héraclius
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Héraclius » mer. 26 oct. 2016, 16:15

Vous savez François, le problème, c'est que tout le monde est d'accord avec vous - moi le premier - mais que le fait de refuser les étiquettes nous empêche, en pratique, de porter un discours.

Nous fonctionnons tous, que nous le voulions ou non, sur ce schéma conservateur/progressiste parce qu'il fonctionne, malgré ses problèmes. Je n'aime pas plus que vous le fait de recevoir une étiquette qui détermine a priori mes opinions. Mais le fait est que je défend des points comme (a) la soumission absolue, sur le plan objectif, au magistère en matière de foi et de moeurs (b) la retraditionnalisation de la liturgie (c) une certaine forme de rejet de la "modernité", du "progrès", des "lumières" (j'insiste sur le "une certaine forme"), etc...

Si je vous dis cela, vous allez spontanément penser "c'est un catholique conservateur". Et vous aurez en un sens, raison. Cela vous permettra de me situer dans un contexte culturel, de m'associer à d'autres personnes, de définir des catégories, des cadres et des limites tout simplement pour me mettre, moi et mes idées, en relation avec vous connaissances et de pouvoir raisonner là-dessus.

Immédiatement, même si je ne l'ai pas dit, vous allez pouvoir émettre un certain nombre de propositions comme "il préfère sans doute la théologie d'un Ratzinger à celle d'un Kasper" ; "il défend la nécessité pour le catholicisme d'être visible dans le paysage culturel" ; "il n'aime pas beaucoup la Conférence des Baptisés de France" ; "il pense qu'il y a eu une crise post-conciliaire" ; etc... Vous n'avez aucune raison première de penser que je tiens ces propositions (je n'en ai pas parlé), mais puisque vous avez pu, au moyen des trois propositions (a), (b) et (c), me coller l'étiquette de "conservateur", me ranger dans une catégorie que vous connaissez, vous pouvez sans trop de souci établir un portrait robot de mes "opinions écclésiales".

Les catégories sont donc, en un sens, bonnes. Elle sont même souvent vraies de façon absolue parce qu'un bon nombre de personnes se revendiquent d'une catégorie. Par exemple, quelqu'un pourrait se définir, se revendiquer comme "conservateur", comprennant "conservateur" comme opposé à la fois sur sa gauche aux progressistes et à a droite aux traditionnalistes. Dans ce cas, il va tenir, de son propre chef, toutes les opinions conservatrices, et aucune opinion non-conservatrice. En ce sens, si vous le rangez dans la catégorie conservateur, vous aurez juste "tout bon", avec un risque minimal d'erreur, parce que précisément il s'identifie comme tel : pour lui, être un conservateur, c'est quelque chose, c'est substanciel.

Maintenant, les gens un peu plus indépendants d'esprits ne se revendiquent pas ouvertement d'une catégorie. Vous-même vous révoltez contre l'étiquettage ; moi aussi, et je crois qu'axou aussi.

En effet, pour prendre mon exemple personnel, ne tiens pas telle ou telle position juste parce qu'elle est conservatrice dans l'inconscient populaire, mais pour d'autres raisons. Il se trouve que la majorité d'entre elles sont globalement "conservatrice" ; donc le fait de me catégoriser vous sera tout de même profitable - après tout, si je tiens (a), (b) et (c) il est peu probable que je tienne une proposition progressiste comme "je pense que les prêtres ne devraient pas porter d'habit particulier" (même si au sens strict, de logique pur, cette propositions ne contredit ni (a), puisqu'il ne s'agit pas de doctrine, ni (b), puisque ce n'est pas un problème liturgie, ni (c), puisqu'on pourrait tout à fait penser qu'il existe une crise post-conciliaire sans penser que celle-ci est liée à la perte de l'habit écclésiatique. Mais bon, à l'évidence, les gens qui tiennent (a), (b) et (c) vont à 99 pourcent rejeter cette proposition connotée progressiste.

Bref, les catégories marchent aussi sur des gens qui rejetent les étiquettes. Mais elles ne sont pas infaillible du tout.

Par exemple, vous pourriez, avec (a), (b) et (c) en tête, en plus de la catégorie mental de "conservateur", m'attribuer les propositions suivantes "il pense que le salut à l'extérieur de l'Eglise, quoique possible et existant, est relativement rare" "il pense que les problèmes du novus ordo ont leur origine uniquement dans ses abus" "il a une position de 'droite forte' sur le problème de l'immigration". Or aucune n'est vraie. Pourtant, ces propositions sont tout à fait crédiblement liée à (a) - (b) - (c).


Bref, les étiquettes sont au fond, fort utile comme catégorie mentale. De toute façon on en use naturellement, qu'on le veuille ou non. Donc axou est tout à fait justifiée en les utilisant, on ne peut pas lui reprocher de les adopter pour structurer son discours - quelles autres mots utiliser ?

Maintenant vous avez tout à fait raison de prendre des distances avec ces appellations, parce qu'il ne faut pas les absolutiser - ni pour soi-même, ni pour les autres.


Mon grain de sel. Un gros grain de sel, que j'ai écrit au lieu de bosser. Stupide que je suis.


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par archi » mer. 26 oct. 2016, 20:10

Bonjour,
Héraclius a écrit :Maintenant, les gens un peu plus indépendants d'esprits ne se revendiquent pas ouvertement d'une catégorie. Vous-même vous révoltez contre l'étiquettage ; moi aussi, et je crois qu'axou aussi.

En effet, pour prendre mon exemple personnel, ne tiens pas telle ou telle position juste parce qu'elle est conservatrice dans l'inconscient populaire, mais pour d'autres raisons. Il se trouve que la majorité d'entre elles sont globalement "conservatrice" ; donc le fait de me catégoriser vous sera tout de même profitable (...)
Même pas. Je constate en effet que ceux qui raisonnent en fonction des étiquettes deviennent incapables de saisir la complexité du monde et surtout de constater des évidences qui sortent du schéma binaire qu'ils ont établi.

Exemple hélas banal, quelqu'un qui se revendique "de gauche" et qui voit tous les gens "de droite" (et ne parlons pas de l'"extrême-droite") comme des suppôts du capitalisme, attachés à l'argent s'opposant aux gens de gauche généreux avec les pauvres, à la justice sociale, se trouvera dépourvu quand un gouvernement "de gauche" fait une politique libérale et antisociale, sera incapable de comprendre qu'il y a droite et droite, avec des positions "de droite" bien plus favorables à la justice sociale que le socialisme courant... C'est particulièrement frappant quand on entend une diatribe virulente contre l'"argent" de la part d'un homme "de gauche" disposant d'une situation financière plus que privilégiée...

Le débat public se nourrit malheureusement de ce genre de raccourcis mensongers. Et au sein de l'Eglise, ça n'est pas mieux, et ça empêche souvent les bonnes idées d'émerger, oubliées qu'elles sont dans un débat entre des "camps" qui tendent à camper sur leurs positions de façon caricaturale.

In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
Et chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité.
Déposons maintenant tous les soucis de ce monde.

Pour recevoir le Roi de toutes choses, Invisiblement escorté des choeurs angéliques.
Alléluia, alléluia, alléluia.

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par ChristChrist » mer. 26 oct. 2016, 21:18

Personnellement je vais aux 2 types de messes : ordinaires et ceux de la Fraternité Pie X. J'y vais selon mon inspiration. Ma première confession, je l'ai faite chez tridentin. J'avais besoin d'un cadre plus formel. Et en fin de compte, ils sont très souples et loin d'être aussi "durs" que je le pensais.

A part qu'une messe soit en latin et l'autre en français, je n'y vois pas de grandes différences. Et j'avoue que parfois je préfère aller chez les Tridentins où j'y trouve plus de miséricordes que chez les classiques.
Je t'ai saisi d'une région lointaine et je t'ai dit : "Tu es mon serviteur que j'ai choisi avant tout autre". Ne crains rien car je suis avec toi, n'aies pas peur car je suis ton dieu. Je t'ai donné la force, et puis je t'ai aidé, et je t'ai soutenu de ma main victorieuse. Ceux qui crient après toi s'en iront déçus, confus ; tes adversaires seront réduits à rien et périront. Tu chercheras les opposants et tu ne les trouveras plus. Car moi, Yahvé, je suis ton Dieu.

Esaïe 41-9

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François2.0
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par François2.0 » jeu. 27 oct. 2016, 11:52

Bonjour Héraclius
Héraclius a écrit :Vous savez François, le problème, c'est que tout le monde est d'accord avec vous - moi le premier - mais que le fait de refuser les étiquettes nous empêche, en pratique, de porter un discours.
Je n'en doute pas un seul instant. Pourtant si tous ceux qui se refusent à cet étiquetage, à ce manichéisme, à ce monde binaire, tendaient à sortir de leurs aprioris, de leurs préjugés, plutôt qu'à en faire un slogan, les Chrétiens et au delà, le monde, serait t-il moins conflictuel (il en va de même pour le message de l'Evangile , beaucoup s'émerveillent devant la beauté du texte, et peu tendent, même si ils le prétendent, à le mettre en application concrètement dans leur vie). La période du Carême est un très bon moment pour faire le test, j'ai tenté de le faire l'an passé, et je vous assure que j'en ai appris beaucoup sur moi même et surtout sur les autres.

Je ne pense pas que le fait de refuser les étiquettes nous empêche de porter un discours, si tel était le cas le monde serait bien triste, cela reviendrait à dire que toute notre morale, toutes nos convictions se définiraient par la négation de l'Autre, par le rejet d'autrui, en fonction d'une sorte de rapport de force permanent avec l'extérieur. Je pense que nos convictions, notre morale, et donc le discours/les positions qui en découlent, proviennent d'avantage de notre vécu, nos expériences, notre éducation (pas celle de l'éducation nationale :D ) qui définissent également notre être. Ce qui nous pousse à un moment T à faire un choix plutôt qu'un autre, non par rejet mais par adhésion.

La logique que vous évoquez (point a) b) c) ), qui relève du simplisme et/ou de paresse intellectuelle, mais que vous réfutez de façon pertinente d'autre part, se trouve être caduque dans bien des cas, cette logique de statistique (ne parlons pas de la faillite des sondages: elections de Netanyahou,primare des USA, Brexit....) ne tient pas compte de l'unicité de chaque être, elle peut être valable pour le monde végétal/animal, pour l'économie, si l'on fait abstraction d'événements perturbateurs (climatiques, héréditaires, conjonction imprévue....). Ex: D'aucuns considèrent ceux qu'ils nomment "tradi", comme provenant d'un milieu social aisé voir élitique, qu'ils occupent des postes à hautes responsabilité, que la famille dans laquelle ils ont été éduqué était profondément Catholique et pratiquante, ou encore comme vous l'évoquez justement, sont censés répondre à tout ce petit "package" qui leur a été cousu sur mesure quant à leur vision de la société et les leurs avis sur le clergé,la liturgie etc...; hé bien par exemple me concernant et concernant d'autres cas observés, cet étiquetage se trouvent totalement erroné.
Ils serait donc juste que chacun reconsidère ce que notre Seigneur nous enseigne en Matthieu 7,12.

Dernière remarque, ce manichéisme, ces aprioris, sont bien plus acceptés sur certains sujets, que sur d'autres (islam, immigration....) , pourtant les conséquences n'en sont pas moins incertaines et dangereuses à terme: Schisme, dérision menant au mépris (apanage de la génération Canal+), stigmatisation, mise au ban, violences verbales/physiques....

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par axou » jeu. 27 oct. 2016, 13:37

Héraclius a écrit :Vous savez François, le problème, c'est que tout le monde est d'accord avec vous - moi le premier - mais que le fait de refuser les étiquettes nous empêche, en pratique, de porter un discours.

Nous fonctionnons tous, que nous le voulions ou non, sur ce schéma conservateur/progressiste parce qu'il fonctionne, malgré ses problèmes. Je n'aime pas plus que vous le fait de recevoir une étiquette qui détermine a priori mes opinions. Mais le fait est que je défend des points comme (a) la soumission absolue, sur le plan objectif, au magistère en matière de foi et de moeurs (b) la retraditionnalisation de la liturgie (c) une certaine forme de rejet de la "modernité", du "progrès", des "lumières" (j'insiste sur le "une certaine forme"), etc...
(...)

Maintenant, les gens un peu plus indépendants d'esprits ne se revendiquent pas ouvertement d'une catégorie. Vous-même vous révoltez contre l'étiquettage ; moi aussi, et je crois qu'axou aussi.

En effet, pour prendre mon exemple personnel, ne tiens pas telle ou telle position juste parce qu'elle est conservatrice dans l'inconscient populaire, mais pour d'autres raisons. Il se trouve que la majorité d'entre elles sont globalement "conservatrice" ; donc le fait de me catégoriser vous sera tout de même profitable - après tout, si je tiens (a), (b) et (c) il est peu probable que je tienne une proposition progressiste comme "je pense que les prêtres ne devraient pas porter d'habit particulier" (même si au sens strict, de logique pur, cette
Tout à fait Héraclius a bien résumé la situation. Il ne s'agit pas de cultiver les étiquettes mais d'être lucides sur la "tendance" verticale ou horizontale qui nous habite malgré nous afin justement d'en être moins l'esclave, de nous ouvrir à l'autre et de mieux nous rencontrer. Cela a été l'effort constant du Saint Père lors du synode (ou les deux tendances étaient très marquées) de faire dialoguer les sensibilités différentes, nous pouvons faire de même ! Mais pour cela il nous faut être lucides. Utiliser l'existence de ces deux tendances comme un outil permet de grandir en liberté, de ne pas en être victimes malgré nous.
Cela s'appelle méta-communiquer, prendre du recul sur notre manière de communiquer entre nous et essayer de nous comprendre.

Bien à vous,

Axou

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Suliko
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Suliko » jeu. 27 oct. 2016, 18:54

Bonjour,

Ce qui est tout de même un peu problématique, c'est que ce qui est aujourd'hui considéré comme typique du catholicisme progressiste ou libéral aurait tout simplement été jugé hérétique (non catholique) jusqu'aux années 60...Parler d'un catholicisme progressiste ou libéral, c'est donc donner une légitimité à ce qui n'en a jamais eu. Et inversement, parler de pratiques ou de croyances typiques du catholicisme traditionaliste, c'est acculer à la périphérie de l'Eglise nombre d'aspects qui étaient autrefois centraux et essentiels dans le catholicisme.
Bien sûr, on peut faire le même constat avec les notions de gauche-droite en France (et ailleurs) : nombre de points de vue à présent tout à fait admis et par la gauche et par la droite étaient il y a encore peu de temps clairement connotés à gauche, la plupart des courants de droite s'étant "gauchisés" au fil du temps, et surtout depuis mai 68.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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prodigal
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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par prodigal » jeu. 27 oct. 2016, 19:06

Axou et Héraclius,
J'approuve ce que vous dites l'un et l'autre, mais je crois qu'il faut franchement refuser les étiquettes, non seulement pour soi, mais aussi pour les autres.
Quelle est la différence entre un catholique et un traditionaliste?
Eh bien c'est exactement la même que celle qui existe entre un catholique et un progressiste! c'est le suffixe "iste"!
Tout catholique en effet se veut par définition respectueux de sa tradition, mais par définition aussi homme de progrès, artisan de justice et de paix.
Or les idéologies que recouvrent ces étiquettes dont nous parlons nous conduisent à cette situation franchement déplorable où pour faire un grand plaisir à un traditionaliste il faut faire pleurer un progressiste et vice versa, et où les propos du pape (entre autres) ne sont plus examinés comme un enseignement mais seulement comme l'expression d'une tendance (c'est d'ailleurs ainsi que les présentent les media). Vive le pape si et seulement s'il fait mal à mes ennemis! :(
Il faut impérativement sortir de ce cercle infernal, quelles que soient les fausses raisons que nous avons de nous y maintenir.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Fée Violine » sam. 29 oct. 2016, 10:47

:clap:

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par Héraclius » sam. 29 oct. 2016, 17:01

Moi je veux bien en théorie hein. Laisser de côté des catégories caricaturales, c'est super.

Sauf que changer les structures c'est impossible. Impossible de se soustraire à l'implacabilité des manières de pensées. Si je vois un prêtre en soutane, je peux essayer de me convaincre que c'est peut-être un genre de progressiste, que juger par avance c'est pas bien, etc... Mais la probabilité qu'il soit conservateur d'esprit approche quand même les 99 pourcent. Et quand bien même j'arriverais à m'extraire des catégories de pensée - ce qui est possible au niveau du conscient peut-être, mais pas de l'inconscient - 99 pourcent des gens autour de moi penseront toujours sur le shéma des catgories de pensées classiques : refuser de parler le même language, c'est se couper d'eux, c'est se priver de toute possibilité de fédérer, de critiquer, de penser en commun.

Et en plus, c'est risquer de se rendre aveugle en plus de se rendre aphone. Lorsque le Pape, dernièrement, a nommé les derniers cardinaux, il a à l'évidence choisi uniquement des cardinaux progressistes, au sens large, et il a délibérément évité des choix conservateurs évidents (et avec l'infini et sincère respect que j'ai pour le Saint-Père, j'ai trouvé que ce geste était bien triste, les papes précédents ayant toujours choisi la diversité des opinions malgré leurs propres pensées).

Si vous n'usez pas des catégories progressistes et conservateurs, vous ne pouvez pas comprendre, ainsi, la politique écclésiatique, qui est mise en oeuvre par des gens qui usent de ces catégories.


En un sens, on pourrait faire l'analogie avec le règne animal. Définir les animaux en des termes essentialistes pour les ranger en catégories peut laisser à penser qu'il y aurait des différences substantielles et transcendantes entre les espèces - ce qui est faux - mais malgré leur inexactitude et leur limites, ces catégories sont quand même bien utiles. Et comme tout le monde les utilise...


Quant à la remarque de prodigal en particulier, je ferais simplement remarquer que si nous nous disons tous en effet catholique et tenons cette étiquette pour identité première et fondamentale, reste la question de la définition exacte de ce qu'est un catholique (parce que l'on est pas tous d,accord là-dessus). Si je dis qu'être catholique implique la soumission a-priori totale au magistère en matière de foi et de moeurs (sauf cas de conscience erronée invincible), je ne suis pas sûr que tout le monde soit d'accord avec moi.


Malheuresement, ces catégories s'imposent à nous - pour avoir essayé de m'en extraire je m'en rend bien compte. Tout ce qu'il nous reste, c'est de prendre le plus de distance possible avec elles, d'essayer de se comportement intelligement avec ces dernières. De n'être aveuglé ni par notre refus de ces médias nécessaires, ni par leurs biais intrinsèques.



Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Progressistes et traditionalistes : 2 langages différents

Message non lu par prodigal » sam. 29 oct. 2016, 18:44

Héraclius a écrit : Impossible de se soustraire à l'implacabilité des manières de pensées.
Difficile, mais pas impossible, et à la limite pas si difficile que ça, si on a vraiment décidé de ne pas être esclave des opinions. Par exemple, voyez la suite.
Héraclius a écrit : Si je vois un prêtre en soutane, je peux essayer de me convaincre que c'est peut-être un genre de progressiste, que juger par avance c'est pas bien, etc... Mais la probabilité qu'il soit conservateur d'esprit approche quand même les 99 pourcent.
S'il est en soutane, c'est probablement parce qu'il l'a voulu ainsi, et s'il l'a voulu ainsi, c'est qu'il n'a pas peur d'être jugé traditionaliste, c'est tout ce qu'on peut dire. Mais cela n'en fait pas pour autant quelqu'un d'obtus, ni même de conservateur d'esprit. Il y a en fait confusion de la cause et de la conséquence. Ce n'est pas parce qu'on est un prêtre en soutane que l'on est traditionaliste, mais c'est, dans l'autre sens, parce que l'on est un prêtre attaché à la tradition que l'on choisit de porter une soutane. Or, il devrait être permis d'être attaché à la tradition (ou, symétriquement, d'être engagé dans des oeuvres d'aide aux plus pauvres) sans que cela implique de préférer avoir tort avec son camp plutôt que reconnaître la vérité quand elle dérange un peu.
Héraclius a écrit : 99 pourcent des gens autour de moi penseront toujours sur le shéma des catgories de pensées classiques : refuser de parler le même langage, c'est se couper d'eux, c'est se priver de toute possibilité de fédérer, de critiquer, de penser en commun.
Si vraiment 99% des gens jugent sans savoir, cela oblige d'autant plus à donner l'exemple contraire!
Héraclius a écrit :En un sens, on pourrait faire l'analogie avec le règne animal.
On pourrait, mais elle serait gravement fautive! Un chat est un chat, cela ne dépend pas de sa volonté (à moins que vous ne plaidiez pour une théorie du genre animal? :D). En revanche, un progressiste (qui s'est défini comme tel) peut décider de ne plus l'être.
Héraclius a écrit : reste la question de la définition exacte de ce qu'est un catholique (parce que l'on est pas tous d,accord là-dessus). Si je dis qu'être catholique implique la soumission a-priori totale au magistère en matière de foi et de moeurs (sauf cas de conscience erronée invincible), je ne suis pas sûr que tout le monde soit d'accord avec moi.
Mais peu importe ce que vous en pensez! Entendons-nous bien, vous avez certainement (et vous comprenez que je le dis en toute sincérité) bien des choses intéressantes à dire sur le sujet. Mais ce n'est pas à vous qu'il appartient de dire "cette personne-ci est catholique, celle-là ne l'est pas". A priori tout baptisé qui se proclame catholique doit être cru provisoirement sur parole, même si son look ne plaît pas (ici j'ai une pensée pour le père Guy Gilbert, qui a choqué tellement de gens dans les années 70 par ses tenues et son langage : qui peut dire qu'il est plus catholique que lui?)
Je pense d'ailleurs qu'en réalité vous êtes d'accord avec moi, tout en trouvant ma position un peu angélique. Ce qui vous gêne, n'est-ce pas, c'est que vous estimez que le danger pour l'Eglise provient avant tout du camp progressiste. Est-ce bien cela? Mais je crois fermement pour ma part que le danger vient de tous ceux qui veulent enfermer l'esprit dans un camp. Vous avez l'impression, peut-être, que ceux dont je viens de parler sont des progressistes, les autres, eux, défendant la tradition et non pas une idéologie. Oui, mais s'il faut transformer la tradition en idéologie pour la défendre, l'argument ne tient plus! Et si on en vient, par exemple, à se demander s'il faut privilégier la charité ou la doctrine, c'est que les choses vont bien mal, et qu'on ne sauvera ainsi ni la doctrine ni la charité.
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