Identité et Catholicisme

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Héraclius
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Identité et Catholicisme

Message non lu par Héraclius » jeu. 13 août 2015, 23:26

Bonjour à tous,


Je voudrais parler aujourd’hui d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, en soulevant quelques questions sans chercher à produire un discours structuré. Il s'agit simplement de mettre en lumières quelques points dérangeants liés au problème très actuel de l'identité catholique. Je crois, en effet, qu’il y a là un risque terrible pour le catholicisme de demain, celui que nous appelons de nos vœux, celui qui produira des saints et enflammera les cœurs d’Amour pour toutes choses.


On parle beaucoup de nos jours d’un renouveau conservateur dans l’Eglise. Il semble même que la chose prenne la forme d’un conflit presque générationnel : d’un côté, les « vieux » progressistes ne jurant que par « l’esprit du Concile », soixante-huitards de fait ou d’esprit, de l’autre les « jeunes » conservateurs aspirant à un retour à une liturgie plus belle, à une intransigeance doctrinale plus forte, à une politisation (à droite) de la morale chrétienne. Le « phénomène Manif pour Tous » a servi, sinon de catalyseur, au moins de mise en lumière de cette nouvelle génération qui se recrute souvent dans les milieux aisés.


Je ne fais que présenter une humble opinion sur le sujet, naturellement influencé par mon approche de la foi. Je suis moi-même un jeune catholique, très attaché à l’orthodoxie doctrinale, à la forme traditionnelle de la liturgie (car la liturgie de Paul VI peut, je le crois, être traditionnelle), et absolument opposé à toute tentative de constituer un catholicisme « à la carte », et ce pour des raisons autant purement spirituelles qu’intellectuelles. Je suis donc un « conservateur » au sein du catholicisme français, même si cette étiquette plus subie que revendiquée ne me plaît qu’à moitié.


Bref, lorsque je vois ces jeunes prêtres qui reprennent la soutane, l’encensoir et osent parfois (suprême horreur !) célébrer la Sainte Messe « ad orientem », qui reparlent des dogmes (ces abominations qui entravent l’homme !), de l’évangélisation (prosélytisme !), je suis très content.


Cependant, il y a quelque chose qui me dérange dans cette nouvelle génération qui a fait de la défense des chrétiens d’orient et du combat contre le « mariage » pour tous ses chevaux de bataille. Il a un mois ou deux, je suis tombé sur une « affiche » très sommaire, une simple feuille de papier coincé dans la grille extérieure d’un square à Paris. On y avait écrit à l’aide d’un gros feutre noir une énorme erreur : « Fier d’être Chrétien ! ».


Alors certes, notre société n’est pas très commode avec les chrétiens. On nous méprise plus ou moins ouvertement. Certains nous accusent d’être des irrationnels antisciences parce que théistes, d’autres de fascistes parce qu’anti-avortement, d’autre de pauvres naïfs parce que défenseurs des pauvres et des immigrés. Nul besoin de dresser la liste des vexations quotidiennes que subit l’Eglise de France (l’Eglise en France, plutôt). Il y a des tas de sites (je pense entre autre au fameux « observatoire de la christianophobie », entre autre) qui se font une joie d’énumérer les listes sans fin de vandalisme contre nos sanctuaires, de laïcismes contre notre liberté de penser, de critiques déraisonnables et vindicatives de la Vérité. Le plus dur étant sans doute un phénomène beaucoup plus latent, celui du mépris mêlé d’incompréhension de beaucoup de français qui croient connaître le christianisme parce qu’ils ont vaguement été éduqués dedans mais n’entrevoient qu’à peine la profondeur du message évangélique et n’envisage pas ses fondements rationnels.


Mais c’est une dynamique terrible que de s’enfermer dans la contemplation de ces offenses (du reste fort supportables au regard de la situation de bien des chrétiens et autres hommes de bonne volonté du monde), de compter les affronts et de se rappeler à quel point on est supérieur à ce monde corrompu du fait de notre christianisme. Il est facile de se penser en dernier défenseur de la Vérité, d’éprouver l’orgueil d’être chrétien et le dédain des autres. J’en parle avec d’autant plus de facilité que cette tentation est fortement ancrée en moi. Il est si facile, dans les milieux étudiants où la débauche et l’erreur règnent en maîtres, de se draper dans son orgueil intellectuel chrétien. « Moi, je me pose les vraies questions » « Moi, je contemple l’Amour » « Moi, je ne me complais pas dans une existence vaine emplie de futilités ». Cela dit, je vis ma foi en solitaire, ayant peu de frères chrétiens à qui parler. Mais il n’est pas difficile de discerner à quel point il est facile d’éprouver un réconfort « clanique » à mépriser les autres ensembles, lorsque dans l’espace si accueillant de l’entre-soi on s’érige en derniers défenseurs de la Lumière.


Alors lorsque j’ai vu cette fameuse affiche de fortune, elle m’a blessée. Blessé en tant que catholique romain orthodoxe. On ne peut pas être « fier d’être chrétien », certainement pas dans le sens dans lequel la personne qui l’avait écrit l’avait probablement pensé. Et quand bien même elle ne l’aurait pas pensé dans le sens le sens « identitaire » du terme, il me semble que cet exemple est représentatif du phénomène que je suis entrain d’évoquer ; une telle formule n’a rien d’anodin. On ne peut être, on ne devrait être « qu’humble d’être chrétien », car la foi est une grâce reçue, et non mérité, malgré la coopération de l’homme à l’œuvre divine. On ne peut qu’être « humble d’être chrétien », parce qu’on ne sait la part des déterminismes socio-culturels dans notre foi, et si celle-ci est un acte d’Amour ou une simple adhérence à un concept. On ne peut qu’être « humble d’être chrétien » parce que l’incroyant est plus à plaindre qu’autre chose.


J’ai peur, frères et sœurs en Jésus-Christ, de voir dans le renouveau d’un christianisme orthodoxe une simple manifestation identitaire. En cette époque troublée, beaucoup se cherchent une place, une morale, une identité. Contemplation de l’Amour divin, ou contemplation d’un passé plus sûr ? Retour au Logos créateur ou retour à la religion-pratique traditionnelle de la France en quête d’une « identité » perdue ? Ou même d’une identité renouvelée ?


J’ai toujours été assez fasciné par le phénomène « traditionnaliste ». Je crois que nous tenons dans ces communautés socialement, politiquement, culturellement ultra-homogènes un reflet du "pire" que peu réserver la voie identitaire à l’Eglise de France. Certes, je ne prétends saisir l’ensemble de ces communautés d’un même regard globalisant et réducteur. J’ai rencontré – sur ce forum même – des traditionnalistes humbles et bien plus profonds dans leur spiritualité que moi. J’ai beaucoup d’éloges à faire aux communautés Ecclesia Dei et à l’esprit qui les anime. Cependant, et malgré les points communs que je partage avec les tradis, je suis extrêmement sceptique face à leur vision à mon goût très « communautariste » que beaucoup d'entre eux semblent avoir de la religion et de leur attachement un peu trop étroit à une certaine pensée maurassienne. Surtout, je refuse la pensée de « l’orthodoxie suffisante », qui donne une importance surdimensionnée à la Vérité par rapport à l’Amour, exact inverse de la non moins déplaisante pensée libérale du « deeds, not creeds » (les oeuvres, pas les credos), chère à certains tenants du christianisme social.


Est-ce la France conservatrice qui renaît, entraînant vaguement une Eglise meurtrie dans ses bagages, ou une puissant et profond renouvellement interne et indépendant de notre Sainte Mère ?


Je crois, vous l’aurez compris, qu’il est capital que l’Eglise se garde de cette voie identitaire. D’une part parce que cela efface la radicalité du Saint Message au profit d’un simple espace de confort altruiste. D’autre part parce qu’elle identifie l’Eglise à d’autres forces humaines, conservatrices et nationalistes entre autre. Or L’Eglise, c’est le tout-autre, c’est le Corps du Christ. Son indépendance « idéologique » est fondamentale, d’autant qu’elle n’est pas idéologie. Elle est Vérité.


Que pensez-vous donc de cette adresse quelque peu décousue ? Y a-t-il un lien entre le renouveau conservateur de l’Eglise et la droitisation (pas nécessairement au sens concret, politique) de la société ? Est-ce une bonne chose ? Que pensez-vous de l'idée d'une « identité catholique » ? Partagez-vous mes craintes d’une corruption de la Sainte Religion prise comme idéologie et morale sans spiritualité profonde ? Est-ce que tout cela est fruit de mon imagination torturée prompte à juger, ou pensez-vous qu’il y a là un problème ?


Dieu vous garde tous en son étreinte d'Amour,


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par Isabella » ven. 14 août 2015, 8:34

Bonjour Héraclius,
J’ai toujours été assez fasciné par le phénomène « traditionnaliste ». Je crois que nous tenons dans ces communautés socialement, politiquement, culturellement ultra-homogènes un reflet du "pire" que peu réserver la voie identitaire à l’Eglise de France. Certes, je ne prétends saisir l’ensemble de ces communautés d’un même regard globalisant et réducteur. J’ai rencontré – sur ce forum même – des traditionnalistes humbles et bien plus profonds dans leur spiritualité que moi. J’ai beaucoup d’éloges à faire aux communautés Ecclesia Dei et à l’esprit qui les anime. Cependant, et malgré les points communs que je partage avec les tradis, je suis extrêmement sceptique face à leur vision à mon goût très « communautariste » que beaucoup d'entre eux semblent avoir de la religion et de leur attachement un peu trop étroit à une certaine pensée maurassienne. Surtout, je refuse la pensée de « l’orthodoxie suffisante », qui donne une importance surdimensionnée à la Vérité par rapport à l’Amour, exact inverse de la non moins déplaisante pensée libérale du « deeds, not creeds » (les oeuvres, pas les credos), chère à certains tenants du christianisme social.
Je trouve vos remarques globalement intéressantes et pertinentes. Vous soulevez des questions, nombreuses dans un esprit assez objectif.

Personnellement je suis assez sceptique devant certaines dérives post-1968 et 1969 dont j'ai été témoin encore récemment dans la messe actuelle. Je ne suis pas étonnée que certains prêtres soient au bord de l'épuisement car une conjonction d'éléments a vidé la messe d'une bonne part de sa substance. Rien de pire que l'épuisement spirituel et le manque d'enthousiasme chroniques, cela vaut pour nous comme pour ceux qui ont charge d'âmes.

Quant à l'homogénéité apparente des communautés Ecclesia Dei.... je ne suis pas si sûre, même si l'on observe des constantes socio-culturelles et des noyaux assez forts. Je constate sur deux exemples urbains très différents (ville étudiante, encore "capitale régionale" et petite ville d'eaux) que l'image que renvoie l'assistance à la messe extraordinaire est finalement pas si homogène. Et bizarrement la petite communauté "thermale" contient des éléments un peu inattendus, des fidèles débarqués là parce que leur cœur les y a portés. Peut-être effectivement une composante maurrassienne, un courant d'air nationaliste, quelques clichés vestimentaires, des valeurs sûres... mais pas uniquement. Résumons malgré tout que la soutane, l'encens, des fidèles habillés pour la Sainte Messe et non pour la plage, tout contribue à plus de recueillement et un respect certain du lieu de la célébration.

Pour ma part je dois avouer que je recherche un peu de creeds et que je me nourris mieux des sermons des chanoines qui portent à réfléchir, un peu lasse d'homélies dont je ne me souvenais même plus en sortant et/ou on avait toujours dit la même chose. Surtout, j'aime la belle liturgie, son exactitude qui force à son respect. Loin d'être pure esthétique, elle est reflet de l'immuable et reflet du Ciel sur la terre, exprimant le sens de la Sainte Messe.

Même si je me trouve ainsi rassurée (une ombre de repli sur soi, j'en conviens, mais pas que), protégée de mes préoccupations quotidiennes, je m'efforce avant tout d'être cohérente avec les enseignements reçus, pas toujours facile. Même si l'on pourrait redouter craindre que la liturgie, le latin... fassent un peu écran, les textes sont là dans le Missel, on peut les lire et relire, les goûter et s'en imprégner, se remémorer deux ou trois phrases entendues dans le sermon et les mettre en pratique. "Retenez deux ou trois Paroles de l'Evangile, deux ou trois choses de mon sermon, et vous en vivrez" avait dit Mgr Brincard dans la Cathédrale du Puy il y a tout juste un an, alors que, soucieux de nous laisser quelque chose, il se préparait à son imminent départ pour la Patrie de toujours, comme il disait.

Très sincèrement
In Christo

PS J'espère n'avoir pas fait de manip malencontreuse en vous citant, si tel est le cas, pardonnez moi.

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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par prodigal » ven. 14 août 2015, 12:15

Héraclius,
je voudrais vous remercier pour votre excellent texte, qui va droit à l'essentiel.
L'essentiel en effet ne saurit être une querelle de chapelle. L'essentiel n'est pas de savoir s'il vaut mieux être progressiste ou traditionaliste. Je ne dis pas que ça n'a aucun intérêt, mais c'est une question secondaire, qui vient après, et non une question de principe.
En revanche, ce dont vous parlez est bien une question de principe. Que veut dire être catholique? Est-ce sérieusement que ce mot signifie universel, ou est-ce par antiphrase?
Etre catholique, est-ce appartenir au groupuscule de ceux qui n'aiment ni les homosexuels, ni les juifs, ni les francs-maçons, ni les musulmans, ni les divorcés, et qui se congratulent entre eux de ne pas être de ces réprouvés? Car c'est cela le catholicisme identitaire, dans la mesure où tout groupe identitaire a besoin de se donner des ennemis dont il se distingue.
Ou bien un catholique est-il un converti à la bonne nouvelle?
A l'heure où s'ouvrait le concile Vatican II, la question dominante était celle de savoir comment annoncer la bonne nouvelle, certains pensant qu'on s'y prenait mal. Mais aujourd'hui, je me demande si la question n'est pas plus simple et plus fondamentale encore : quelle est cette bonne nouvelle que les chrétiens se proposent d'annoncer en paroles et en actes? Ce ne peut pas être de "savoir" que ceux qui ne nous ressemblent pas iront rôtir en enfer. Ni, à l'inverse, que nous irons tous au paradis. La véritable identité chrétienne est de s'accorder sur la bonne nouvelle, et je crois que c'est par là qu'il faudrait commencer (ou peut-être toujours recommencer).
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par Isabella » dim. 16 août 2015, 22:38

prodigal a écrit :
Etre catholique, est-ce appartenir au groupuscule de ceux qui n'aiment ni les homosexuels, ni les juifs, ni les francs-maçons, ni les musulmans, ni les divorcés, et qui se congratulent entre eux de ne pas être de ces réprouvés? Car c'est cela le catholicisme identitaire, dans la mesure où tout groupe identitaire a besoin de se donner des ennemis dont il se distingue.
Bonjour Prodigal,

Je ne me considère pas du tout telle que vous le décrivez.

On peut avoir un identité sans se donner des ennemis dont on se distingue, ni se congratuler etc...

Personne ne dit qu'être tradi c'est mieux, on peut tout simplement aimer la messe tradi, se sentir plus en phase avec telle ou telle communauté tradi sans pour autant détester alentour tout ce qui n'est pas tradi, et a fortiori les personnes que vous citez, dans leurs catégories respectives (n'est ce pas les enfermer ?) On peut avouer se trouver mieux dans une messe tradi également puisqu'on sait que ceux qui sont là aiment aussi cette messe tradi.

J'essaie d'être objective.

Très sincèrement

Bénédictions
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par Bénédictions » lun. 17 août 2015, 1:36

Le sujet est intéressant. Je crois que les risques seront contrebalancés par l'arrivée de prêtres et de fidèles africains.
Le catholicisme est -surtout en europe- forcément enraciné : il y a des rois saints, des apparitions de saints sur le territoire, des vieilles églises.
Je pense que le monde moderne plein de virtuel est une bonne occasion pour le catholicisme, religion du concret ( sacrements, églises) de se faire une place de minorité très puissante.

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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par prodigal » lun. 17 août 2015, 11:39

Bonjour Isabella,
Isabella a écrit :Je ne me considère pas du tout telle que vous le décrivez.
Ah mais moi non plus je ne vous considère pas du tout comme ce que j'ai décrit. Je n'ai pas dit ni voulu dire que tous les traditionalistes étaient des identitaires, pour reprendre l'appellation que j'ai choisie, pour être clair justement. Bien au contraire, je trouve gravissime l'identification de "traditionaliste" à "sectaire". Mais cette identification n'est pas toujours le fait des progressistes. Il arrive aussi que des traditionalistes affichent eux-mêmes leur sectarisme, sans qu'on leur demande.
Et ma pensée est que tant qu'on se demandera face à telle ou telle chose à dire ou mesure à prendre non pas si elle est bonne, mais si elle fait plaisir à un camp ou à l'autre, on ne s'en sortira pas, d'où l'importance de ne pas oublier que "catholique" signifie "universel".
Isabella a écrit :On peut avoir un identité sans se donner des ennemis dont on se distingue, ni se congratuler etc...
A condition toutefois de ne pas faire de cette identité l'essentiel. Si on l'identifie au Vrai et au Bien, si l'on considère qu'en dehors d'elle rien ne mérite d'être pris en considération, alors je crois qu'on ne peut échapper aux dérives haineuses. Ce que je dis implique que le catholicisme n'est pas identitaire, même si bien sûr on peut se revendiquer catholique, et d'autant plus que ce n'est pas revendiquer une identité. Héraclius a été choqué par le slogan "Fier d'être chrétien", car pour lui être chrétien c'est être humble. C'est lui qui a raison. Une catho-pride n'est pas à souhaiter!
Isabella a écrit :Personne ne dit qu'être tradi c'est mieux
Si, je vous assure, certains le disent! :)
Isabella a écrit : on peut tout simplement aimer la messe tradi, se sentir plus en phase avec telle ou telle communauté tradi sans pour autant détester alentour tout ce qui n'est pas tradi, et a fortiori les personnes que vous citez, dans leurs catégories respectives (n'est ce pas les enfermer ?) On peut avouer se trouver mieux dans une messe tradi également puisqu'on sait que ceux qui sont là aiment aussi cette messe tradi.
Je suis totalement d'accord avec vous. Et même je vous remercie de défendre la messe traditionnelle, injustement attaquée, mais aussi parfois si mal défendue par les intégristes. Je rêve cependant d'un monde où l'amour de la liturgie traditionnelle sera détaché de toute idéologie. Je ne dis d'ailleurs pas que la faute en incombe aux lefebvristes. Les responsabilités sont au moins partagées. Je ne veux certainement pas défendre un camp contre un autre.
Je vous remercie de m'avoir répondu avec sincérité et bienveillance.
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par axou » jeu. 20 août 2015, 10:05

Héraclius,

je vous remercie aussi pour votre beau texte, je trouve que vous devriez l'envoyer au journal La Croix ("interrogations d'un jeune catholique" :) ).
Sérieusement Héraclius, ce serait bien que vous écriviez et un jour, publiez. Au moins joindre ce texte au courrier des lecteurs.

Ce que vous décrivez, c'est le phénomène de la citadelle assiégée : nous sommes les gentils qui vivent dans le vrai et nous protégeons des méchants qui vivent dans l'erreur.
Poussée au bout, cette pensée mène à la secte et en fait , n'est pas conforme à la vraie tradition d'Eglise qui cultive le débat par les conciles et les synodes.
Cette tendance est dans la logique de la peur et non pas de la foi, ce qui a fait dire à Fabrice Hadjadj, "les premiers à évangéliser, ce sont les chrétiens".

Il me semble que le Pape François donne un coup de pied dans la fourmilière de cette tendance conservatrice (dans le mauvais sens du terme) : il le dit, il ne faut pas rester entre soi, il faut sortir, aller sur les parvis, soigner les blessures, aller vers les autres.

Un bon garde-fou de cette tendance, c'est de respirer : prendre de temps pour inspirer (des temps entre nous, pratique, pélerinages, retraites....) et pour expirer (engagement hors Eglise, rencontres avec autres religions, dialogue avec avec les athées...). Du temps pour savoir qui on est et du temps pour se laisser évangéliser par les autres et bâtir ensemble un monde de paix.

"Je vous laisse ma paix,, je vous donne ma paix..". Je crois que l'engagement pour la paix, pour la justice, pour l'écologie (qui sont liées) à commencer par faire la paix avec soi même en se laissant peu à peu aimé et guéri par Dieu, est une bonne voie pour être à la fois enraciné en Christ et donné au monde.

Le christianisme n'est pas une religion identitaire, contrairement à l'islam : notre religion est une religion de l'amour et il s'agit de bâtir un monde fraternel. C'est cela l'identité chrétienne : l'amour accueilli dans notre coeur, vécu entre nous et redonné aux autres, vécu avec les autres.

Vous dîtes Héraclius, que vous vivez beaucoup votre foi en solitaire : pourquoi ne pas rejoindre une aumônerie d'étudiants, un goupe de jeunesse jésuite ou autre ?

Réflechissez à ce que je vous dit : la Croix, La Vie, Famille Chrétienne, le Monde des Religions, vous avez une qualité de réflexion et une capacité d'ouverture dans votre "conservatisme" qui fait que vous pourriez écrire dans toute sorte de journaux.

Bien à vous tous,

Axou

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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par Kerniou » jeu. 20 août 2015, 10:29

Tout à fait d'accord avec Axelle.
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par PaxetBonum » mer. 26 août 2015, 8:58

Cher Héraclius,

Je m'étonne du point de départ de votre intéressante réflexion : ce tract mal orthographié.
Serai-ce une erreur d'être fiers d'être chrétien ?
La fierté d'être chrétien est-elle contraire à l'humilité ?
N'est-ce pas l'accomplissement des demandes de Notre Seigneur ? 'Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire, et dans celle du Père et des saints anges.'

La fierté d'être chrétien ne trouve-t-elle pas sa source dans l'humilité du serviteur abandonné à son Maître, qui reconnaît que hors de ce service il n'est rien, qui place donc toute sa fierté dans la confiance que le Seigneur lui apporte ?

Je ne souscris pas non plus à votre analyse de droitisation de l'église.
Je ne crois plus en ces leurres de droite-gauche.
Ce que vous semblez exprimer c'est un retour à des valeurs, des règles.
N'est-ce pas un mouvement naturel (action-réaction) face à l'effondrement des valeurs humaines les plus fondamentales ?
Face à la perversion grandissante de nos médias, politiques, artistes… qui veulent en faire une norme légale ?
Bref une légitime recherche du Beau, du Vrai et du Bien face à cette société pervertie et perverse.
Exactement ce qui pousse certaines personnes à embrasser l'islam dont le rigorisme aveugle semble être un rempart contre ce flot destructeur.
L'Eglise paye ce que vous appelez cette période 'soixante-huitarde' qui a refoulé les gens hors de l'Eglise en prétendant avoir hic et nunc établi le paradis terrestre, la charité universelle qui ne nécessite plus de règle, plus de repère : tout est bon si on le fait avec amour…
Je ne connais aucun saint d'aucune époque dont la rigueur ne fait pas froid dans le dos, et pourtant qu'elles sources d'amour et de vérité ils ont été et sont encore !

Mais vous soulevez un point essentiel : que ces règles, ces rigueurs ne deviennent que des règles creusent sans leur fondement.
Comme Chesterton l'a si bien exprimé : "Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules.", on peut craindre que la chrétienté ne se remplisse elle-même d'anciennes vertus chrétiennes devenues creuses…
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par PaxetBonum » mer. 26 août 2015, 10:03

prodigal a écrit : Etre catholique, est-ce appartenir au groupuscule de ceux qui n'aiment ni les homosexuels, ni les juifs, ni les francs-maçons, ni les musulmans, ni les divorcés, et qui se congratulent entre eux de ne pas être de ces réprouvés? Car c'est cela le catholicisme identitaire, dans la mesure où tout groupe identitaire a besoin de se donner des ennemis dont il se distingue..
Cher prodigal,

Je ne partage pas du tout votre analyse de l'identité ou groupe identitaire.
Un groupe identitaire ne se définit pas par rapport à des ennemis mais se définit par rapport à des valeurs communes.
Effectivement certains ne partagent pas ces valeurs et c'est ce qui fait qu'ils n'appartiennent pas à ce groupe identitaire sans être pour autant des ennemis.
Pour reprendre votre premier exemple : le catholique n'est pas celui qui n'aime pas les homosexuels ou qui est l'ennemi des homosexuels. Mais le catholique a effectivement comme ennemi la LGBT, groupe identitaire qui se définit, entre autre, comme cherchant à lutter contre le catholicisme.
prodigal a écrit :Je rêve cependant d'un monde où l'amour de la liturgie traditionnelle sera détaché de toute idéologie. Je ne dis d'ailleurs pas que la faute en incombe aux lefebvristes. Les responsabilités sont au moins partagées. Je ne veux certainement pas défendre un camp contre un autre.
Je partage votre analyse : on ne saurait rejeter la faute sur les lefebvristes, ils ont pour ainsi dire été catégorisé (dans une idéologie qu'ils ne recherchaient pas) parce qu'ils ont refusé de s'aligner dans l'aggiornamento dont ils avaient pris la mesure destructrice.
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par prodigal » mer. 26 août 2015, 11:07

Cher PaxetBonum,
ce que vous dites de LGBT prouve que vous avez compris ce que j'entends par groupe identitaire.
Donc, à partir de là, de deux choses l'une : ou bien la religion catholique n'est pas un groupe identitaire, c'est ma position, et aussi celle de l'Eglise depuis toujours.
Ou bien elle est un groupe identitaire, et elle n'est alors plus fondée sur la vérité, ce qui est en totale contradiction avec son message.
Si donc "catholique" veut bien dire "universel", si l'Eglise, ce qui me paraît quand même totalement évident, est tout sauf un groupe identitaire, il faut en tirer les conséquences, et abandonner tout esprit de sectarisme.
Car vous dites que les groupes identitaires se définissent par rapport à des valeurs communes. Or, d'une part ce n'est pas le cas du catholicisme (ni le Christ ni l'Eglise ne sont des "valeurs communes"), même si c'est effectivement le cas des groupes identitaires, d'autre part je pense à la façon dont ces groupes fonctionnent et se soudent. Et cela implique la désignation d'un ennemi commun.

Si donc, à dieu ne plaise, les catholiques se reconnaissaient à leurs aversions et à leurs haines, ou même à leurs "valeurs communes" ou leurs habitudes sociales, ce serait une trahison gravissime. Je pense, mais il pourra me démentir si je me trompe, que c'est ce genre de dérive que Héraklius a en vue.
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par PaxetBonum » mer. 26 août 2015, 11:16

axou a écrit :
Le christianisme n'est pas une religion identitaire, contrairement à l'islam : notre religion est une religion de l'amour et il s'agit de bâtir un monde fraternel. C'est cela l'identité chrétienne : l'amour accueilli dans notre coeur, vécu entre nous et redonné aux autres, vécu avec les autres.
Chère Axou,

Permettez à ma malice de vous signifier votre contradiction :
A force de vouloir considérer une identité, un groupe identitaire comme systématiquement quelque chose de négatif, vous vous défendez que le christianisme puisse être une religion identitaire, pour immédiatement après donner votre définition de l'identité chrétienne…
Bref il y a bien une identité chrétienne faites de l'héritage judéo-chrétien, de l'acceptation du message de Dieu de son Verbe Sauveur, de toute la tradition du peuple de Dieu…
L'identité n'est pas tant les actes que nous posons mais le moteur qui nous fait poser ces actes quelque soit notre origine avant notre conversion.

Oui il y a une identité chrétienne et dans l'identité chrétienne, une identité catholique.
Et si sa sainteté le pape François a mis un coups de pieds dans la fourmilière c'est dans c'elle qui refusait de porter haut et fiers cette identité à tous.
Pax et Bonum !
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etienne lorant
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par etienne lorant » mer. 26 août 2015, 11:19

Héraclius a écrit :
Bref, lorsque je vois ces jeunes prêtres qui reprennent la soutane, l’encensoir et osent parfois (suprême horreur !) célébrer la Sainte Messe « ad orientem »... je suis très content.
Et moi, très triste, car c'est comme si Jésus avait donné sa vie pour le Père seul et non pour le salut des hommes...
Héraclius a écrit : Que pensez-vous de l'idée d'une « identité catholique »
L'identité catholique aboutirait à constituer une sorte de "ghetto catholique" - alors même que le mot désigne l'universalité.
Héraclius a écrit :Partagez-vous mes craintes d’une corruption de la Sainte Religion prise comme idéologie et morale sans spiritualité profonde ? /quote]

La Sainte Religion ne saurait se corrompre aussi longtemps que le chrétien pratiquera la miséricorde envers le prochain, fut-il son pire ennemi.
Héraclius a écrit :Dieu vous garde tous en son étreinte d'Amour. -

Du fait de la Joie qui m'habite après chaque Eucharistie, je n'en ai pas le moindre doute !

Dieu vous bénisse et vous garde et multiplie pour vous ses bénédictions ! Etienne
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par PaxetBonum » mer. 26 août 2015, 11:35

prodigal a écrit : Si donc "catholique" veut bien dire "universel", si l'Eglise, ce qui me paraît quand même totalement évident, est tout sauf un groupe identitaire, il faut en tirer les conséquences, et abandonner tout esprit de sectarisme.
Car vous dites que les groupes identitaires se définissent par rapport à des valeurs communes. Or, d'une part ce n'est pas le cas du catholicisme (ni le Christ ni l'Eglise ne sont des "valeurs communes"), même si c'est effectivement le cas des groupes identitaires, d'autre part je pense à la façon dont ces groupes fonctionnent et se soudent. Et cela implique la désignation d'un ennemi commun.
Cher Prodigal,

L'universalité n'interdit pas un socle commun, des valeurs communes.
Comment prétendre que le Christ ne puisse être une valeur commune à l'humanité entière ?
Doit-on en faire le seul Christ Roi restaurateur d'Israël exclusivement envoyé pour le peuple juif ?
Non il est le Salut proposé à tous à partir du moment que l'on adhère à ses valeurs.
Pourquoi les valeurs du catholicisme sont-elles capables (seules capables) d'être identitaires et universelles ?
Car elles sont Vrai venant de Dieu Lui-même et chacun ne trouve son accomplissement qu'en Dieu.
Celui qui n'est pas avec Lui est contre Lui, mais Lui n'est contre personne.
En cela aussi l'identité catholique est capable (seule capable) de se souder autour du Christ et non pas contre un ennemi.
Mais cela n'implique pas que des ennemis ne se ligue pas contre elle.
Le seul ennemi commun au christianisme, c'est le mal, c'est à dire l'absence de Dieu.
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Re: Identité et Catholicisme

Message non lu par PaxetBonum » mer. 26 août 2015, 11:39

etienne lorant a écrit :
Héraclius a écrit :
Bref, lorsque je vois ces jeunes prêtres qui reprennent la soutane, l’encensoir et osent parfois (suprême horreur !) célébrer la Sainte Messe « ad orientem »... je suis très content.
Et moi, très triste, car c'est comme si Jésus avait donné sa vie pour le Père seul et non pour le salut des hommes...
Qu'est-ce qui pourrait vous en faire douter ?
La soutane ? La fumée de l'encens qui s'élève vers Dieu ?
Le face à face avec Dieu ?
Le prêtre qui est un 'alter Christus' n'est pas là pour nous regarder mais pour nous mener à Dieu le Père.
L'orientation est à l'image du peuple de Dieu derrière Moïse allant vers la terre promise.
N'est-ce pas plus significatif que de tourner le dos au tabernacle ?

Ne soyez plus triste Etienne Lorant, jubilez dans la Paix et la Joie du Seigneur !
Pax et Bonum !
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