L'Abbé Pierre

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pajaro
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Re: La croix de l'abbé Pierre

Message non lu par pajaro » dim. 10 janv. 2010, 15:22

L'abbé Pierre est le plus grand exemple en France de soutien aux plus démunis, à ceux dont la France et la démocratie a laissé sur le pavé et continue de laisser si elle trouve ces gens inutiles à leur croissance économique, et c'est avec des hommes et des femmes comme l'abbé Pierre ou Mère Theresa de Calcutta qu'on voit pleinement l'engagement évangélique, totalement désintéressée et loin de toutes ces ambiances fastes avec ses manoirs décorés. J'ai également une pensée pour Monseigneur Romero, assassiné par les escadrons de la mort salvadoriens pendant la guerre civile, et qui reste de nos jours un emblème sur tout le continent américain, enfin vous m'avez compris, au sud du Rio Grande. Qu'importe les connaiscances en théologie, et l'usage parfait de la liturgie en latin si nous ne sommes pas solidaires avec les plus démunis, si nous ne cultivons pas les valeurs évangéliques, si nous ne vivons pas humble comme le Christ lui-même ?
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Re: La croix de l'abbé Pierre

Message non lu par Emanuel » dim. 10 janv. 2010, 18:01

J'ai eu le privilège de connaître les débuts d'Emmaüs à Neuilly-Plaisance. Ce fut lors de ce terrible hiver. J'étais alors un gamin en culotte courte. De faire nombre d'opérations débarras, de collectes de charbon et de pommes de terre. Aussi de chiner les décharges au côté de l'Abbé et de ses premier Compagnons et sur les décharges il y avait parfois des heurts avec les clochards... De partager la messe dans la petite chapelle de contreplaqué et cartons. Et aussi cet excellent ragoût de mouton aux haricots rouges en compagnie de ses gars. De l'accompagner dans les bidonvilles de la banlieue est pour des distributions de ce minimum nécessaire dont beaucoup étaient dépourvus. J'ai aussi connu quelques uns de ces "gens riches" qui lui apportèrent beaucoup... mais jamais assez pour remplir le tonneau de la pauvreté.

Il n'était pas homme à demander "en quoi ou en qui tu crois". Mais son regard faisait se poser la question "et toi tu fais quoi?". Il a été condamné, comme soeur Emmanuelle, et à l'inverse de soeur Thérésa, pour avoir été tolérant sur la contraception et un peu aussi sur l'avortement. Pour celà il ne sera jamais "saint" selon l"église. Mais il l'est à coup sûr pour Dieu. Et il inspira bien de mes choix.

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Re: La croix de l'abbé Pierre

Message non lu par Emanuel » dim. 10 janv. 2010, 18:12

pajaro a écrit :.../... J'ai également une pensée pour Monseigneur Romero, assassiné par les escadrons de la mort salvadoriens pendant la guerre civile, et qui reste de nos jours un emblème sur tout le continent américain, enfin vous m'avez compris, au sud du Rio Grande.../...

P.e. serait-il utile de rappeler qu'avant d'être assassiné par les escadrons de la mort, Mgr Roméro, qui, comme d'autres prêtres de ce continent, était un tenant de la "théologie de la libération", fut condamné sans appel par JPII pape et par J. Ratzinger cardinal préfêt du saint office pour déviation d'inspiration communiste... Ceci explique p.e celà.

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Re: La croix de l'abbé Pierre

Message non lu par zélie » dim. 10 janv. 2010, 22:18

Oui, bravo Matthieu de votre témoignage en faveur de l'Abbé Pierre. Comme beaucoup, je ne le dissocie pas de Soeur Emmanuelle, avec elle, ils faisaient "la paire"... leurs décès respectifs a jeté un froid dans beaucoup de coeurs, tellement des âmes pareilles, on aimerait les garder en vie pour toujours, comme si le simple fait de vivre dans notre pays le protégeait de tous dangers, un peu à la façon d'un Abraham devant Sodome... Comme si le mal, l'indifférence, le froid, reculaient devant le regard d'un seul homme...
Mais ces saints-là s'en vont et nous voilà forcés de grandir un peu pour les rejoindre en pensée.
Certes, comme dit plus haut, ils ont eu leur lot d'erreurs de jugement, mais cela ne les rend-il pas encore plus humains, encore plus proches de nous? Peu importe un jugement qui n'est pas notre part, ce qui importe, ce sont les chemins qu'ils ont ouvert en grand pour nous faciliter le travail. Merci à eux. Merci.

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L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mar. 07 févr. 2012, 15:22

Fil bien sûr dédié à Petit Matthieu, dont je me souviens qu'il avait parlé du 'choc' de se retrouver à Lyon pour ses études... Cela remonte à mes propres débuts sur ce forum.

Dans cet ouvrage, j'ai trouvé des textes, les uns cités par l'Abbé Pierre, d'autres qui sont de sa main, mais qui ont tous trait à la mort, sujet difficile s'il en est, mais à propos duquel il avait un point de vue original et finalement assez rassurant.

C'est édité dans la collection 'Espaces libres' chez Albin Michel :
Image
Comme j'en ai pris l'habitude depuis 2007, je feuillette avec un crayon à la main et je partage mes trouvailles jour après jour.
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mar. 07 févr. 2012, 15:36

Préface

"Dans l'Antiquité, en particulier chez Sénèque, il existait un genre littéraire à part que l'on nommait la "consolation" : les lettrés bien intentionnés avaient l'habitude de rédiger pour leurs amis frappés par le deuil une "consolation". Évidemment, les mêmes idées revenaient souvent. Aucun de nous n'est éternel. Réjouissons-nous d'avoir connus les êtres que nous avons aimés. Espérons ce jour de lumière où nous les retrouverons. Etc.

C'est au noble genre antique que la poésie française doit donc l'une de ses plus belles compositions. Monsieur du Perrier, avocat au parlement d'Aix-en-Provence, vient de perdre sa fille. Et Malherbe, l'un des meilleurs amis de Du Périer, lui adresse ces stances passées à la postérité:


Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle ?
Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
L’augmenteront toujours ?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine ;
Et n’ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.

(...)


La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend point nos rois.

De murmurer contre elle, et perdre patience,
Il est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous met en repos.


(A suivre)
«Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ mais bien pour les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’ëtre associés au mystère pascal ». ( Gaudium et Spes, le Concile Vatican II )

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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mar. 07 févr. 2012, 15:54

Préface (2)

"L'Abbé Pierre nous laisse bien plus qu'un ensemble rhétorique pour affronter ce que nous considérons comme l'épreuve ultime. Au premier chef, il nous donne l'énergie pour regarder la mort en face, la nôtre et celle des autres. Regarder la mort en face, en accepter l'idée, c'est déjà l'apprivoiser. Les textes de l'Abbé Pierre nous apportent une sérénité face à ce qui nous effrayait, nous angoissait, nous déroutait. Ces textes nous enseignent à affronter le monde avec le sourire communicatif de ceux qui ont la force en eux.

Nos esprits ne cessent d'opposer naturellement la vie à la mort. Les deux notions créent ainsi un couple antinomique autant que tragique. En réaction, l'Abbé Pierre nous enseigne que l'on ne réussira sa mort que si l'on réussit sa vie en se préparant à la quitter. Plus que de nombreux auteurs qui ont pensé la mort, l'Abbé Pierre nous console et nous apprend à nous libérer de notre détresse.

Cet ouvrage a été composé à partir d'une relecture de l'oeuvre de l'Abbé Pierre, mais aussi des textes, des phrases courtes ou des méditations qui l'ont inspiré.

Comment Henri Grouès a-t-il perçu et analysé la mort au cours des expériences directes qu'il en a eues ? Quelles sources intellectuelles l'ont amené à élaborer cette pensée positive sur la mort ? Il a d'abord été influencé par de grands modèles: François d'Assise, Thomas d'Aquin, Vigny, Psichari, Teilhard de Chardin, Baudelaire, Péguy... autant d'auteurs fructueux dans leur qualité de réflexion dont la lecture a été propice à l'écolosion d'une pensée originale et dynamique. Enfin ont été choisi des faits, des anecdotes, des détails, paroles courtes, simples et denses. Le voeu de l'Abbé Pierre était qu'ils aident ses semblables à affronter l'idée de la mort avec une sérénité profonde, définitive et communicative. (A.N.)
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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mar. 07 févr. 2012, 18:15

LA MORT INACCEPTABLE

Si son discours sur la mort est hautement positif quand il s'agit de de la disparitions de personnes âgées, l'Abbé Pierre a dénoncé haut et fort des morts qualifiées d'inacceptable.

"Lorsque l'on a vu souffrir, pâlir de petits enfants, il n'est pas possible, à moins d'être un monstre, de ne pas être hanté, de ne pas se trouver lié, étranglé, par leur injuste mal de tout-petit, du tout innocent. Qui peut dormir en paix pendant que souffrent les petis enfants ?"

(Dans "Mes images de misère, de bonheur et d'amour", Fixot 1994)

Ci-après, lettre publiée dans le Figaro du 7 janvier 1954 sous le titre: "Marc, le petit bébé de la cité des Coquelicots" :

Monsieur le Ministre,
Le petit bébé de la cité des Coquelicots, à Neuilly-Plaisance, mort dans la nuit du 3 au 4 janvier, pendant le discours où vous refusiez es "cités d'urgence", c'est à 14 heures, jeudi 7 janvier, qu'on va l'enterrer. Pensez à lui.
Ce serait bien si vous veniez parmi nous à cette heure-là. On n'est pas des gens méchants. On ne vous recevrait pas mal, croyez-moi. On sait bien que "vous ne vouliez pas çà" en renvoyant à dans trois ans ceux qui couchent sous les ponts au sortir de l'usine
(...)

Le ministre, Maurice Lemaître vint assister aux obsèques et promit à l'Abbé Pierre de débloquer des crédits pour des cités d'urgence. Celles-ci furent inaugurées le 30 avril 1955.
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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par Petit Matthieu » mar. 07 févr. 2012, 18:19

Merci beaucoup Etienne, l'abbé Pierre est une des figures les plus marquantes de ma jeunesse.
J'irais même jusqu'à dire qu'il m'a amené au Christ car j'ai vu, enfant, sur son visage et dans sa voix, le beauté et la force du Christ. C'est gentil de me dédier ce fil :)
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Phrase finale de saint Vincent de Paul dans le film "Monsieur Vincent".

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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par Isabelle47 » mar. 07 févr. 2012, 21:19

etienne lorant a écrit :Préface

"Dans l'Antiquité, en particulier chez Sénèque, il existait un genre littéraire à part que l'on nommait la "consolation" : les lettrés bien intentionnés avaient l'habitude de rédiger pour leurs amis frappés par le deuil une "consolation". Évidemment, les mêmes idées revenaient souvent. Aucun de nous n'est éternel. Réjouissons-nous d'avoir connus les êtres que nous avons aimés. Espérons ce jour de lumière où nous les retrouverons. Etc.

C'est au noble genre antique que la poésie française doit donc l'une de ses plus belles compositions. Monsieur du Perrier, avocat au parlement d'Aix-en-Provence, vient de perdre sa fille. Et Malherbe, l'un des meilleurs amis de Du Périer, lui adresse ces stances passées à la postérité:


Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle ?
Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
L’augmenteront toujours ?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine ;
Et n’ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ;
Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin.

(...)


La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre
Est sujet à ses lois,
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend point nos rois.

De murmurer contre elle, et perdre patience,
Il est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous met en repos.


(A suivre)
Etienne Lorant,

Merci, c'est une excellente idée de partager vos trouvailles et lectures.
Ce texte me rappelle le lycée!
Mais je doute encore qu'il ait été une véritable consolation pour ce malheureux Du Perrier ainsi apostrophé après la perte d' une fille qu'il aimait tendrement!
:(
"Aussi, croyez-moi, vous pratiquerez beaucoup mieux la vertu en considérant les perfections divines, qu'en tenant le regard fixé sur votre propre limon"
(Thérèse d'Avila)

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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mer. 08 févr. 2012, 15:21

La suite du texte reprend le texte de l'appel de l'hiver 54. Plutôt que de le recopier, j'ai choisi la vidéo.

http://www.dailymotion.com/video/x12tt1 ... -l-ab_news


et avec quelques bonus (Guy Gilbert qui décoiffe). Léo Ferré ... et autres cités.

.
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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mer. 08 févr. 2012, 19:35

Le combat de l'Abbé Pierre contre la misère sociale profonde qui entraîne des décès ne s'est pas arrêté en 1954, comme en témoigne cet extrait d'une conférence de presse en novembre 1993. Il faut noter chez lui la même intensité de sentiment, quarante ans plus tard, quand il déclare: "Oh ! J'ai compris ce que c'est qu'un homme qui se recroqueville pour mourir au milieu de notre société de civilisés. Autant un homme, lorsqu'il est debout, c'est quelque chose d'envahissant, qui remplit tout l'horizon; autant un homme, lorsqu'il est étendu sur le sol, se cachant en quelque sorte pour souffrir et pour mourir, c'est quelque chose d'indicible, d'insignifiant, de dérisoire. Mais ce quelque chose de dérisoire en apparence, un jour, au jour de Dieu, cela se dressera de nouveau pour nous accabler et nous condamner". Op. Cit. Fixo 1994
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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » ven. 10 févr. 2012, 18:22

Georges, le premier compagnon d'Emmaüs

"Un jour, on m'appelle au secours, un homme a voulu se suicider. J'ai trouvé un homme horriblement malheureux. C'était un assassin, vingt ans avant, il avait tué son père. Oh! Pas pour l'argent, mais dans un moment de colère désespéré. Il a été condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il est parti à Cayenne. Après vingt ans, il est gracié parce qu'il a sauvé quelqu'un dans un incendie. Il rentre, va chez lui, dans la maison dont il est propriétaire, et il découvre que sa femme, qui lui avait toujours écrit avec amitié, vit depuis dix ans, à son insu, avec un camarade de bagne rentré avant lui. Un fils est né de cette union, il porte son nom puisqu'il n'y avait pas eu de divorce. Il avait aussi hâte de voir sa fille, le bébé attendu qui n'était pas encore né quand il est parti au bagne. Elle est maintenant une grande jeune fille de vingt ans. Mais à son arrivée, affaibli par le paludisme, un peu tuberculeux, un peu alcoolique, il est comme une épave; et il comprend qu'il a déçu, peut-être dégoûté son enfant qui s'était fait une image idéalisée. Alors, il s'enfuit, il ne veut plus vivre, il veut se tuer.

Quand je lui parle, il n'écoute rien. Il n'a qu'une pensée: recommencer son suicide. C'est alors que va naître ce qu'est le mouvement Emmaüs. J'ai fait le contraire de la bienfaisance, sans calcul, mais parce que c'était la vérité. Je lui ai dit: "Tu es horriblement malheureux, et moi je ne peux rien te donner, je n'ai rien que des dettes. Mais toi, puisque tu veux mourir, tu n'as rien qui t'embarrasse, ne veux-tu pas me donner ton aide pour sauver ces autres qui attendent ?" Alors, la figure de Georges, qui deviendra le premier compagnon d'Emmaüs, se transforme.

Quinze ans plus tard, avant de mourir, Georges me dit: "Père, vous m'auriez donné n'importe quoi, du travail, du pain, une maison, de l'argent, j'aurais recommencé à me tuer, parce que ce qui me manquait, ce n'était pas de quoi vivre, mais des raisons de vivre".

("L'homme ne vit pas que de pain...")
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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par Géraldine » mar. 14 févr. 2012, 13:13

Oui, l' Abbé Pierre attendait la mort, il en parlait souvent.....comme il le dit lui- même, il attendait depuis des années cette mort dont il n' avait pas peur....
Malgré tout ce qu' Emmaüs fait, pourquoi tant et tant de misère encore, des gens morts de froid cette année malgré les infrastructures et les Restos.....une propagation effrayante de la paupérisation et sans compter le Tiers- Monde....
Pourtant, toutes ces campagnes de sensibilisation ne changent-elles pas le coeur de l'homme?Alors qu' au moindre progrès technologique, il y a comme une véritable adulation...Si l' Abbé Pierre, qui voit tout ceci du haut du Ciel, lui, qui a lutté jusqu' au bout....qu' il fasse, avec le Seigneur, faire prendre conscience que nous sommes tous frères et que le moribond abandonné est aussi enfant de Dieu...
Dire qu' aujourd' hui c'est la Saint Valentin avec toutes les dépenses ad hoc, restos, fleurs....je n' ai rien contre puisque on ne fête rien ici nais ces pauvres malheureux, si on leur donnait une part de cet amour fêfé par tant et tnt de gens? Je ne veux choquer personne mais pourquoi se mobilise-t-on surtout en hiver?
Vous direz: parce qu' il fait froid.Toute l' année, ces gebs ont froid au coeur, je sais qu' ici tout le monde comprend.Mais ailleurs?
Dirigátur, Domine, orátio mea sicut incénsum in conspéctu tuo.

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Re: L'Abbé Pierre et la mort - et autres auteurs

Message non lu par etienne lorant » mer. 15 févr. 2012, 18:14

Quelle force chez l'Abbé Pierre que cette certitude tranquille au moment du départ des proches... Je vais reprendre ce fil mais, auparavant, puisque ma mère vient de m'appeler pour me demander de lui rafraîchir ses souvenirs, je vais dire un mot de la fin de mon papa.

Je suis certain que mon père, décédé le 9 avril 2008, est chez le bon Dieu. D'abord, car il fut un grand croyant, très dévoué à l’Église. Mais aussi car il a en fait dû s'évader de l'existence terrestre dans laquelle prétendait le garder le responsable du service où il était "soigné".

Quelques années auparavant, mon père avait dit: "Au moment de ma mort, je ne veux pas d'acharnement. Je demande qu'on me laisse partir." Il avait même précisé - ce qui avait heurté ma mère, qu'on ne fasse pas pour lui comme autrefois, à une époque où les familles organisaient ce qu'elles appelaient "faire les nuits" (veiller à tour de rôle dans la chambre durant les nuits). Il désirait être seul.

J'ai dit que mon père à dû s'évader de la vie, parce qu'on le nourrissait de force, avec une sonde et des intraveineuses - qu'il arrachait toujours, jusqu'au moment où on lui a lié les mains aux barreaux de son lit, puis injecté des 'hypnotiques'. C'est moi, oui moi, qui l'ai libéré de ces liens et menacé de le faire évacuer ailleurs si le médecin responsable ne respectait pas ses volontés. Il les a (une fois réveillé) exprimées très clairement: "Je ferai tout ce que je pourrai mais je veux manger seul"...

Après plus de vingt-cinq jours de ce traitement dont il ne voulait pas, il s'est encore exprimé une fois à ma mère, après avoir reçu l'Extrême Onction, et il a dit : "Maintenant je suis heureux" (Je n'étais pas là et comme je le regrette !) Et deux jours plus tard, une fièvre l'a emporté...
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