Livre-entretien avec un célèbre exorciste

[etienne lorant]

Zenit - Le Père Matteo La Grua s’est éteint presque centenaire en janvier 2012. Pour quelle raison, si proche de la fin, il a senti cette exigence d’être interviewé non avec un simple article mais avec un livre de plus de 200 pages?

Roberta Ruscica - cette aventure a commencé le matin où j’ai frappé à la porte de sa secrétaire. Ou mieux à celle du laboratoire des miracles, car les guérisons – et pas seulement spirituelles – qui s’y vérifient encore aujourd’hui sont incalculables. Ce jour-là je me suis présentée comme une journaliste qui voulait relever l’énième « défi », car le frère della Noce « jetait dehors » les chroniqueurs curieux et fastidieux … A moi il ouvrit la porte de son cénacle, puis celle de son cœur. Père Matteo n’a pas choisi une journaliste, mais une fille qui se laisse guider par cette Porte étroite que fut son ministère.

Les frères conventuels et tant de prêtres ont déclaré que le livre entretien publié par les éditions Piemme est son testament. Lui, il m’a dit: « à 97 ans, j’ai compris que le moment du silence est terminé. Il me reste un filet de voix pour parler de ma pauvre vie de frère ». Père Matteo a laissé un « outil » capable d’arriver au cœur de ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit.

Un exorciste est principalement un homme de Dieu, qui a la fonction de rétablir Sa grâce et de défier le pouvoir des ténèbres:c'était le cas du Père Matteo?

Le Père Matteo ne voulait pas apparaître comme un exorciste connu pour ses délivrances. Il fuyait la presse ou les salons. Pourtant à la porte du couvent, frappaient des personnages célèbres du monde du spectacle, voire aussi la plus importante noblesse européenne ou des juges, des hommes des forces de l’ordre. Tous accouraient dans le plus grand secret.

Il m’expliqua: « Avant j’accueillais le pauvre, Puis le riche qui venait à moi pour demander une bénédiction, mais ne voulait pas être délivré. Beaucoup préféraient rester au service de Satan ».

Indubitablement le cénacle della Noce, un des quartiers les plus miséreux de Palerme, pouvait se transformer en un lieu de grand pèlerinage. Mais père Matteo a toujours mis à la première place trois précieuses perles: la pauvreté, l’humilité et l’accueil. Il me confia un morceau de papier, où il avait écrit: « Je suis un simple serviteur de l’Eglise ». Il était toujours sévère à l’égard de ses confrères: « S’ils s’efforçaient de faire de vrais exorcismes, ceux qui existent pourraient suffire. Un exorcisme peut coûter la vie. En dehors de Dieu, il n’y a rien d’autre ». Le morbide et la spectacularisation, ça ne marche pas avec une mission aussi délicate. Père Matteo soutenait que : « La délivrance est un don de Dieu, Dieu seul peut libérer : quand et comment il veut. Si Satan est puissant, Dieu est tout puissant. Le Seigneur peut libérer aussi sans l’intervention d’intermédiaires humains ».

Dans la première partie du livre, vous racontez que cette rencontre avec père Matteo a en quelque sorte changé votre vie et qu’elle a été pour vous une sorte de mission et d’appel. Comment cela ?

Il n’y avait pas de secrets avec Père Matteo. Il lisait votre âme. Il m’exhorta: « Vous êtes une bonne journaliste. Vous écrivez bien. Mais vous ne devez pas vous laisser guider par votre cœur, mais par votre esprit ». Voilà, il s’est servi de mon cœur. Comme je dis toujours: « Il a utilisé le Manuel d’Amour ». Quand père Matteo fut convaincu que je ne cherchais ni un avantage économique ni un succès personnel, quand j’eus décidé d’abandonner le champ, il se mit à l’ouvrage. Et je me laissai transporter par le lent fleuve de son Amour. Ma vie est une autre vie. Si votre cœur est plein de rancœur, il est impossible d’affronter les questions spirituelles. J’ai reçu un grand cadeau : pardonner ceux qui m’ont rendue malheureuse. Je ne cache pas que j’ai du surmonter tant d’écueils pour arriver à publier Contro Satana : désaccords, pièges, incompréhensions, calomnies, racontars … l’Ennemi m’a mis contre tous et contre tout. Comme m’a dit Père Matteo lors de notre dernier coup de fil: « Il n’y a que toi et moi … Les autres ne comptent pas ».

Avant cette expérience – à la fois professionnelle et fortement spirituelle – quelle était votre attitude vis-à-vis des exorcistes et envers l’Église en général ?

Quant le directeur m’a dit : « Tu dois interviewer un exorciste ». Je lui ai répondu: « Mais vous plaisantez. Plutôt interviewer un boss de Cosa Nostra ». A l’époque, je pensais qu’un exorciste était un sorcier. Aujourd’hui beaucoup de prêtres qui combattent les forces du Mal, sont mes meilleurs amis. L’Eglise a toujours été « mon chez moi ». Ou mieux une douce Mère qui accueille ses enfants. Jai eu la chance de grandir dans une famille catholique, dans un groupe scout qui était suivi par un prêtre sévère, mais paternel. J’ai rencontré un frère merveilleux comme le père Giulio Savoldi. A ce propos je voudrais faire un appel: il faut valoriser la grande mission des exorcistes. Le livre Contro Satana est un bon viatique. On m’a dit que beaucoup de prêtres le suggèrent dans le secret de la confession. Mon grand « rêve » est d’offrir une copie de ce livre au pape François.

Vivant et exerçant son ministère à Palerme, le père Matteo s’est heurté à la réalité de la mafia. Jadis, vous aussi, vous vous intéressiez à cette question, comme journaliste d’investigation et chroniqueuse judiciaire. Pensez-vous que cette « coïncidence » fait partie d’un plan divin ?

Oui sûrement. Ma rencontre avec ce « saint » frère s’inscrit dans un plan divin. La publication de son livre - entretien aussi. Je ne l’ai jamais dit publiquement – après avoir réalisé un grand nombre de reportages exclusifs pour les revues Sette et Io Donna – mais j’ai reçu une menace de la mafia. Beaucoup de mes confrères ont bâti leur carrière sur des menaces. Moi au contraire je n’ai eu que des obstacles, car ils ne m’ont pas permis de travailler. Ma seule arme est le Saint Rosaire, la sainte Messe, que je n’ai jamais négligée, même durant les périodes les plus sombres. Je remercie les monsignori qui m’ont été si proches par la prière. Et j’ai un très beau souvenir: avant de s'envoler au ciel, Mgr Alessandro Maggiolini m’appela et me dit: « Je prierai pour toi ».

http://www.zenit.org/fr/articles/le-p-m ... -tenir-bon

[Ami]

Merci beaucoup pour cet article! C'est instructif! Cependant quelque chose me perturbe, depuis quelques jours, je fais des recherches sur l'exorcisme (bon, avec tout ce qu'on peut trouver sur le net il y a un tas de bêtises, mais je n'ai pas mieux sous la main), alors peut-être vais-je dire une bêtise, mais à chaque fois que je trouve un article de la sorte, ou une interview, elle semble récente, et pourtant il s'agit toujours ou presque d'une personne aujourd'hui décédée... Les prêtres exorcistes sont-ils très nombreux ou bien "en voie de disparition" comme le laissent penser ces articles?
J'ai cru comprendre qu'il fallait être nommé pour devenir exorciste, et que seul ces personnes avaient le droit de pratiquer cela? Comment est-ce qu'on apprend à faire ça? Et que signifie "être autorisé à pratiquer l'exorcisme", cela est interdit autrement? Et pourquoi?

Désolé beaucoup de questions! Mais ça fait partie des choses auxquelles je ne sais pas me répondre tout seul (si, si, des fois je le fais... )

[Héraclius]

Et que signifie "être autorisé à pratiquer l'exorcisme", cela est interdit autrement? Et pourquoi?

Je sais juste (sauf erreur) que le devoir/pouvoir/grâce de bannir les démons a été d'abord accordé aux apôtres du Christ. Par le biais de la succession apostolique, les évêques sont les dépositaires de cette charge. Cependant, étant donné qu'ils ont suffisamment à faire à côté, ils la délèguent traditionnellement à un prêtre de leur diocèse (c'est l'exorciste). Il n'y a donc qu'eux qui sont autorisés (et à priori, ont la grâce) d'accomplir cette tâche.

[Ami]

Là j'ai du mal à saisir: le fait d'être évêque ou prêtre nous accorderais cette grâce si on suis cette logique? Comment se fait-ce?
Quoi qu'il en soit merci beaucoup pour cette réponse!

[Héraclius]

Seul Dieu peut bannir les démons. Mais Jésus à accordé aux apôtres le pouvoir de le faire en Son nom. Les évèques étant les successeurs des apôtres, ils peuvent eux aussi le faire, mais délèguent ce pouvoir à un seul prêtre de leurs diocèse, l'exorciste.

On a donc :

Dieu (Jésus), seul capable de bannir les démons => Les Apôtres, à travers qui Dieu intercède en bannissant les démons => Les Évêques, apôtres des temps présents => Les prêtres exorcistes, à qui les évêques délèguent la charge de combattre satan.

Donc, les seuls à pouvoir exorciser de nos jours sont les prêtres exorcistes (en intercédant auprès de Dieu). Et je suppose que les évêques eux-même peuvent théoriquement le faire.

[Ami]

Merci beaucoup, je trouve la lutte contre le mal passionnante! Pourvu que ceux qui en soient capables soient encore nombreux sur Terre!

[Peccator]

Il n'y a pas de "pénurie" d'exorcistes : c'est un charisme, c'est donc Dieu qui veille à ce que nous ayons les exorcistes dont nous avons besoin.

Les évêques sont bien entendu exorcistes eux-même, sinon ils ne pourraient pas déléguer cet apostolat à leurs prêtres.

Nous parlons là du grand exorcisme, et c'est une pratique dangereuse, car Satan va chercher à s'en prendre à la personne même de l'exorciste. Il faut une foi particulièrement solide et mener une vie sainte pour pouvoir exercer ce ministère éprouvant, car Satan cherche à exploiter la moindre faille.
Et comme le quotidien du prêtre exorciste est aussi de l'écoute et de l'accompagnement spirituel de personnes en détresse, il faut aussi de grandes qualités humaines et pastorales.



Mais la lutte contre Satan ne se limite pas aux prêtres exorcistes : chaque sacrement est en soi un exorcisme, une manière de sanctifier la personne et donc de chasser Satan. La liturgie du baptême comprend explicitement une prière d'exorcisme.

Et chacun de nous, quand nous prions et nous en remettons à Dieu, combattons aussi contre Satan : c'est le combat spirituel qui est le lot de tout chrétien.

Il ne faut pas être "gourmand" et chercher à mener des combats qui nous dépassent : Dieu veille à ce que nous ne soyons pas tenté au-delà de nos forces. Le grand exorcisme, c'est le combat de certaines personnes a qui Dieu donne les charismes nécessaires. Mais ce n'est qu'un ministère parmi tous les autres : il ne faut pas se laisser fasciner par son "héroisme", c'est une tentation de Satan que de nous faire croire cela. Nous avons notre combat quotidien, et il est tout aussi "héroïque", même s'il prête moins à la réalisation de films d'horreur.

[Toto]

Il ne faut pas être "gourmand" et chercher à mener des combats qui nous dépassent : Dieu veille à ce que nous ne soyons pas tenté au-delà de nos forces. Le grand exorcisme, c'est le combat de certaines personnes a qui Dieu donne les charismes nécessaires. Mais ce n'est qu'un ministère parmi tous les autres : il ne faut pas se laisser fasciner par son "héroisme", c'est une tentation de Satan que de nous faire croire cela. Nous avons notre combat quotidien, et il est tout aussi "héroïque", même s'il prête moins à la réalisation de films d'horreur.

Tout à fait! Je vous invite d'ailleurs à relire Ac, 19, 13-16, sur des gens voulant essayer la tâche d'exorcistes.

[Héraclius]

Parfaitement d'accord avec vous, Peccator, au niveau de la distinction du "Grand Exorcisme". J'ajouterais même que le Notre-père lui même contient une "forme d'exorcisme" : "Et délivre nous du Mal".

[Ami]

13 Quelques exorcistes juifs ambulants essayèrent d'invoquer sur ceux qui avaient des esprits malins le nom du Seigneur Jésus, en disant: Je vous conjure par Jésus que Paul prêche! 14 Ceux qui faisaient cela étaient sept fils de Scéva, Juif, l'un des principaux sacrificateurs. 15 L'esprit malin leur répondit: Je connais Jésus, et je sais qui est Paul; mais vous, qui êtes-vous? 16 Et l'homme dans lequel était l'esprit malin s'élança sur eux, se rendit maître de tous deux, et les maltraita de telle sorte qu'ils s'enfuirent de cette maison nus et blessés.

J'ai trouvé ceci sur le net, est-ce bien de cela dont vous parliez?

[Peccator]

Oui, c'est exactement ça

[Ami]

Eh bien au moins c'est clair! Dommage que j'aie expérimenté ça avant de tomber sur vos avertissements bienveillants, à la différence que je n'étais ni nu ni blessé, mais il m'en à coûté de m'en tirer indemne, c'est grâce à mes amis. Si jamais ça devait survenir à nouveau, ce serait aussi grâce à vous dorénavant.

[Peccator]

Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre message.

Vous vous êtes essayé à l'exorcisme ?

[Ami]

Essayé est un grand mot, résister à une attaque serait plus proche de la vérité Franchement on a frisé la catastrophe! A la base mes amis et moi même étions simplement censés fêter un anniversaire dans la maison de vacance des grands parents qu'ils nous avaient gracieusement prêté. Personne n'a été possédé, mais les lieux n'étaient pas vides, et ce qui était là était de loin la chose la plus effrayante que j'aie pu voir. Résister rien que pour pouvoir sortir de là et marcher jusqu'à l'extérieur a demandé une énergie considérable à tout le monde, et une fois sortis, il y a eu d'autres attaques chez chacun les jours qui ont suivi. Ça ne se produisait jamais en même temps, c'était du chacun son tour. La peur m'a paralysé les jambes plusieurs jours, 5 jours après cette nuit là j'avais encore du mal à bouger mes bras et mes jambes. On se moque beaucoup des films d'horreur mais pour ma part j'ai trouvé que ça y ressemblait assez fidèlement, sauf que personne n'est devenu tout vert ou ne s'est mis à se rouler par terre, ni attaquer les autres.
Ou sinon on peut toujours se dire qu'on a été 4 à avoir une hallucination collective, que nous avions tous une imagination débordante et synchronisée, et que nous étions effrayés à l'idée de passer la soirée à jouer à des jeux de société en mangeant des bonbons, si on choisis de considérer cette mésaventure comme une baliverne (ce que comprend tout à fait). Personnellement j'en garde un souvenir presque aussi terrifiant que l’événement lui même. J'en ai les mains qui tremblent en écrivant, je vous assure quand ce genre de choses se produisent, on fait pas le malin et on passe en mode survie!

C'est pour ça que s'il y en a encore beaucoup des prêtres exorcistes, je suis content, personne ne devrait avoir à éprouver une peur si grande, c'est au dela de ce qu'un humain est censé vivre, c'est pas naturel!

[Peccator]

J'avais mal compris votre phrase. J'ai cru que vous aviez voulu jouer vous-même à l'exorciste.

Ce que vous décrivez me fait penser à ce qu'on appelle une infestation.

Je ne peux que vous conseiller de vous adresser à l'exorciste de votre diocèse. Déjà, pour vous-même, pour être sûr d'être vraiment libéré. Et peut-être aussi le prêtre jugera-t-il opportun de s'occuper de cette maison.


En France, on contacte l'exorciste du diocèse par téléphone : vous pourrez trouver son numéro de téléphone dans l'annuaire diocésain (en ligne sur la plupart des sites web des diocèses), ou en appelant l'évéché. Généralement, c'est un répondeur, sur lequel il faut laisser un message et son numéro de téléphone. On est alors rappelé soit par le prêtre exorciste, soit par un membre de son équipe, et à partir de là vous serez guidé.