Souffrance physique et redemption ??

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Christian
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Message non lu par Christian » dim. 10 juil. 2005, 20:08

Cher Charles,

J’aime beaucoup ce rapprochement entre la souffrance et le travail, comme don et oubli de soi à l’instar de l’amour. Mais pour être oblations et marques d’amour, il faut que l’un et l’autre soient voulus. L’esclave n’offre rien, on lui prend. Il ne veut pas son travail, pas plus que la plupart d’entre nous ne veulent connaître la souffrance. Loin de nous arracher à nous-mêmes, comme vous le pensez, elle nous enserre et nous ferme à tout ce qui n’est pas elle. Il faut être Pascal pour soigner une migraine en résolvant des problèmes de géométrie. La souffrance écrase, débilite nos facultés et nous humilie (littéralement, nous tire vers l’humus).

Mais tout change, bien sûr, tout prend du sens, travail et souffrance, si nous devenons conscients que ‘quelqu'un’ les attend à qui nous pouvons les offrir. C’est plus facile pour le travail, il en sort un produit. La souffrance, elle, ne génère rien, elle dessine seulement ce qu’un ami anglais appelle ‘a thin place’, un lieu translucide, dont les parois sont devenues pénétrables et permettent cette irruption divine que vous mentionnez.

Oui, mais je reste sur ma question. :unsure: Si une souffrance nous tombe dessus et si nous avons la grâce, soit de pouvoir l’aimer (l’amor fati, de Nietzsche), soit de pouvoir l’offrir, tant mieux. Faut-il aller plus loin ? Faut-il se créer de la souffrance, des privations, des auto-flagellations ? Hegel note le paradoxe que l’ascète qui torture son corps y pense beaucoup plus que le quidam qui lui donne le nécessaire et n’y pense plus. Notre vulnérabilité est déjà grande, nous sommes sûrs de n’être pas épargnés, pourquoi faire du zèle ?

Je vois des gens autour de moi consentir des 'petits sacrifices’, pour la paix dans le monde, pour la guérison d’un être aimé, pour le succès d’un autre. Il n’existe évidemment aucune relation décelable de cause et d’effet. Je conçois bien qu’en me privant d’un mois de revenu au profit d’une assoc’ sérieuse, cet argent soulagera quelque misère. Mais comment, en renonçant à des vacances, par exemple, pourrais-je influencer Dieu ?

Charles
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Message non lu par Charles » dim. 10 juil. 2005, 21:54

Christian a écrit :Oui, mais je reste sur ma question. :unsure: Si une souffrance nous tombe dessus et si nous avons la grâce, soit de pouvoir l’aimer (l’amor fati, de Nietzsche), soit de pouvoir l’offrir, tant mieux. Faut-il aller plus loin ? Faut-il se créer de la souffrance, des privations, des auto-flagellations ? Hegel note le paradoxe que l’ascète qui torture son corps y pense beaucoup plus que le quidam qui lui donne le nécessaire et n’y pense plus. Notre vulnérabilité est déjà grande, nous sommes sûrs de n’être pas épargnés, pourquoi faire du zèle ?
Il n'est pas sûr que l'ascèse ait le corps pour objet. Il me semble que c'est plus l'âme et la volonté qu'elle a en vue. Il y a autant d'ascèses possibles que de dépendances où peuvent se prendre une âme et une volonté, c'est-à-dire s'éteindre une liberté. Jeûner, se mortifier, se flageller, c'est premièrement pour rétablir l'âme dans sa liberté. Mais bien sûr, il y a des mortifications qui ne sont pas pertinentes ; on est plus facilement disposé à renoncer à ce qui nous est relativement indifférent qu'à ce qui nous tient à coeur ou plutôt qui tient notre coeur dans ses chaînes et ne le laisse pas libre de suivre le Christ. Quand l'ascèse est authentique, elle est toujours libératrice.

Hegel se trompe peut-être sur ce point, l'ascète pense plus à sa liberté qu'à son corps qui n'est dans ce cas qu'un obstacle. S'il est vraiment obstacle, alors effectivement c'est un combat mais qui n'a pas pour objet de supprimer le corps, seulement de ne pas en être l'esclave. En fait, "le quidam qui lui donne le nécessaire et n’y pense plus" est libre et en paix vis-à-vis de son corps, et il a une chance que l'ascète dont il est question n'a pas. Qu'il se réjouisse de sa chance et ne s'enorgueillisse pas...

Enfin, j'ai remarqué que les chaînes sont bruyantes et que dès qu'on s'en débarrasse, soudainement on retrouve le silence, malgré le moment douloureux au début. L'exemple que je connais est celui du tabac : c'est un tumulte intérieur dès qu'on allume une cigarette et qui laisse place au silence... Le tabac, l'alcool, la radio, les boites, les soirées... c'est du pareil au même. L'ascèse donne la liberté et aussi le silence et encore le réel lui-même.
Christian a écrit :Je vois des gens autour de moi consentir des 'petits sacrifices’, pour la paix dans le monde, pour la guérison d’un être aimé, pour le succès d’un autre. Il n’existe évidemment aucune relation décelable de cause et d’effet. Je conçois bien qu’en me privant d’un mois de revenu au profit d’une assoc’ sérieuse, cet argent soulagera quelque misère. Mais comment, en renonçant à des vacances, par exemple, pourrais-je influencer Dieu ?
Il n'est pas question d'influencer Dieu mais de sauver le monde... ;-)
Dernière modification par Charles le dim. 17 juil. 2005, 4:02, modifié 1 fois.

Christian
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Message non lu par Christian » lun. 11 juil. 2005, 12:01

Cher Charles,

Merci de ce dialogue très éclairant pour moi.

Je crois qu’il faut distinguer

- la souffrance qui nous 'tombe dessus' et que nous apprenons à aimer comme partie de notre condition humaine voulue par Dieu, et donc à vouloir par nous aussi (et pas seulement ‘accepter’)

- la souffrance ou privation auto infligée.

Cette dernière ne doit pas trouver sa fin en elle-même, me semble-t-il, mais être un point de passage vers autre chose, vers une libération (ex., s’affranchir du tabac) ou vers une rencontre (ex., le jeûne qui en favorise les conditions).

Je dois partir quelques jours et j’écris ces mots en vitesse, nous aurons sans doute l’occasion de réfléchir à cette question plus tard.

:)
Christian

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