Mgr Fort (Orléans) et le concile

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ChristianK
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Mgr Fort (Orléans) et le concile

Message non lu par ChristianK » mar. 24 mars 2009, 18:27

Mgr Fort a été, d'après ce forum, un de ceux qui ont soutenu Benoit XVI. Tant mieux mais j'aimerais commenter un texte intéressant de sa part, qui indique une atmosphère théologique postconciliaire:
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« Le Pape Benoît XVI a demandé au Cardinal Batista Ré, Préfet de la Congrégation des Evêques, de lever l'excommunication des 4 évêques ordonnés sans mandat pontifical par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988, par un décret publié le 24 janvier 2009.

Cette décision vient en réponse à une démarche de Mgr Fellay affirmant leur volonté de rester catholiques et leur reconnaissance de la primauté et des prérogatives du Successeur de Pierre. Elle a été prise au cours de la Semaine de Prière pour l'Unité des Chrétiens et manifeste clairement la volonté du Pape de tout faire pour qu'un schisme ne vienne pas infliger à l'Église catholique une nouvelle blessure dont elle mettrait longtemps à guérir.

L'acte de généreuse charité du Pape veut inaugurer une nouvelle étape du processus de rencontres et de dialogue avec les membres de la Fraternité Saint-Pie X auxquels il s'est appliqué depuis la fracture de 1988, en vue de la réconciliation que nous devons tous souhaiter et à laquelle il nous appelle à travailler.

Cette réconciliation ne pourra se faire que dans le respect mutuel, la fidélité commune à l'authentique Tradition de l'Église dans laquelle s'inscrit l'enseignement du Concile Vatican II.

Dans cette perspective, je renouvelle ma conviction que la vérité ne demande pas à être défendue mais à être servie car ce qui fait la force de la vérité, c'est qu'elle est la vérité. Pour moi, la Vérité, c'est le Christ que je veux servir pour qu'Il nous garde dans Sa lumière.

Je sais que notre réponse à l'appel du Pape sera fructueuse au service de l'unité et de la paix si elle est animée par un véritable amour du Christ et de Son Église.

Quant aux propos négationnistes de Mgr Williamson, ils doivent être dénoncés comme odieux et scandaleux et, en conséquence, sanctionnés. »

Mgr André Fort
Evêque d'Orléans

Le 29 janvier 2009

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"je renouvelle ma conviction que la vérité ne demande pas à être défendue mais à être servie car ce qui fait la force de la vérité, c'est qu'elle est la vérité. Pour moi, la Vérité, c'est le Christ "

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Voici ce que le texte concilaire affirme sur ces sujets:

Const. dogmatique Lumen Gentium 11

ils sont tenus à professer publiquement la foi qu'ils ont reçue de Dieu par l'Eglise (4), à laquelle le sacrement de confirmation les unit plus étroitement grâce à l'Esprit-Saint qui les enrichit d'une force particulière. Ainsi se trouvent-ils plus strictement obligés de répandre la foi et de la DEFENDRE par la parole et les oeuvres, comme de véritables témoins du Christ

Lumen Gentium 25

le Pontife romain se prononce alors non pas à titre privé, mais expose ou DEFEND la foi catholique comme docteur suprême de l'Eglise universelle

Const. dogmatique sur La Révélation 8

And so the apostolic preaching, which is expressed in a special way in the inspired books, was to be preserved by an unending succession of preachers until the end of time. Therefore the Apostles, handing on what they themselves had received, warn the faithful to hold fast to the traditions which they have learned either by word of mouth or by letter (see 2 Thess. 2:15), and to FIGHT IN DEFENSE of the faith handed on once and for all (see Jude 1:3) 4

C'est pourquoi les Apôtres, en transmettant ce qu'ils ont eux-mêmes reçu, avertissent les fidèles de garder les traditions qu'ils ont apprises soit par leurs paroles soit par leurs lettres (28), et de COMBATTRE pour la foi (29) qui leur a été transmise une fois pour toutes (30

Gaudium et Spes 37 2.

Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l'histoire des hommes; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l'a dit(8), jusqu'au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l'homme doit sans cesse COMBATTRE pour s'attacher au bien;

Gaudium et Spes 43

De nos jours aussi, l'Eglise n'ignore pas quelle distance sépare le message qu'elle révèle et la faiblesse humaine de ceux auxquels cet Evangile est confié. Quel que soit le jugement de l'histoire sur ces défaillances, nous devons en être conscients et les COMBATTRE avec vigueur afin qu'elles ne nuisent pas à la diffusion de l'Evangile

Gaudium et Spes 58 4.

La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie et la culture de l'homme déchu; elle COMBAT ET ECARTE LES ERREURS et les maux qui proviennent de la séduction permanente du péché

Apostolat Laics 6

A une époque où se posent des questions nouvelles et où se répandent de très graves erreurs qui tendent à ruiner radicalement la religion, l'ordre moral et la société humaine elle-même, le Concile exhorte instamment les laïcs, chacun suivant ses talents et sa formation doctrinale, à prendre une part plus active selon l'esprit de l'Église, dans l'approfondissement et la DEFENSE des principes chrétiens comme dans leur application adaptée aux problèmes de notre temps.

Formation des ptres 16 16.

Les disciplines théologiques doivent être enseignées à la lumière de la foi et sous 1a conduite du Magistère de l'Eglise (31), de telle sorte que les séminaristes puisent avec grand soin la doctrine catholique dans la Révélation divine, la pénètrent profondément, en fassent l'aliment de leur propre vie spirituelle (32) et sachent l'annoncer, l'exposer et la DEFENDRE dans le ministère sacerdotal.

Doc. sur les évêques 16 13.

Les Evêques doivent proposer la doctrine chrétienne d'une façon adaptée aux nécessités du moment, c'est-à-dire en répondant aux difficultés et questions qui angoissent le plus les hommes; il leur faut veiller sur cette doctrine, apprenant aux fidèles eux-mêmes à la DEFENDRE et à la répandre.

Communications. sociales 17 17.

Ce serait évidemment déshnorant pour les catholiques d'accepter avec apathie que la parole de Dieu soit anchaînée et tenue en échec à cause des difficultés techniques ou des mises de fonds, énormes certes, qu'entrateînement ces moyens, C'est purquoi le Concile leur rappelle qu'ils ont le devoir de soutenis et d'aider les journaux catholiques, les périodiques, les réalisations dans le domaine du cinéma, les stations et les émissions de radio et de télévision, puisque le but principal de toutes ces oeuvres est de propager et de DEFENDRE LA VERITE et d'assurer une animation chrétienne de la société.

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Comme première approximation intéressante, à titre de curiosité (sans plus, car les extraits sont très courts et je n'ai pas vérifié plus avant), la concordance anglaise de Vatican II, au mot "truth" (vérité) ne donne aucune occurrence de "service", "serve". Cf: http://www.intratext.com/IXT/ENG0037/4A.HTM http://www.intratext.com/IXT/ENG0037/1/O.HTM

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Re: Mgr Fort (Orléans) et le concile

Message non lu par ChristianK » mar. 24 mars 2009, 22:18

SUITE

Ce texte intéressant pointe vers certaines difficultées postconciliaires d'abord, logiques ensuite. Je les traiterai dans l'ordre.

1) D'abord l'A. est explicitement contredit par le texte du concile sur les Communications sociales: "Défendre la vérité", dont le contexte indique qu'il s'agit au moins de la vérité catholique , puisqu'il est question des médias catholique. Au delà, les autres textes, de portée bien plus grande, utilisent amplement l'idée de défense de la foi, de la doctrine. Il faut même combattre contre les déficiences humaines des membres de l'église. La vie spirituelle est un combat. Mais combattre les péchés des catholiques sans système de défense antimondain c'est courir au désastre autodestructeur. Mais surtout, on ne trouve absolument nulle part l'idée qu'il ne faut PAS défendre la vérité en la servant. Si on sert la vérité on la défend aussi. Tel est le sens obvie du concile. Négliger la défense de la vérité quand on la sert est au mieux ne pas tenir compte du concile, au pire être anticonciliaire. D'un autre angle: si on sert la vérité, alors il faut desservir l'erreur, si A est affirmer, non-A doit être nié pour maintenir l'affimation, la seule autre option étant de ne rien affirmer du tout. Alors on sentira, et ce sera la religion émotive, qui penchera du coté cucu, car qui voudrait d'une émotion désagréable sur le coup? Mon but ici n'est pas d'accabler l'A., dont les remarques ne sont pas malicieuses. Comme bien d'autres, ses conseillers, il est enveloppé d'une certaine atmosphère mentale qui rend très difficile la perception de certaines choses. Et puis son document n'est pas très important, étant sans grande valeur hors de son diocèse. Au mieux, il y a une omission-ambiguité: si la vérité est le Xt, alors on entend vérité dans un sens restreint, non vraiment logique, un peu comme si on disait "la vérité c'est De Gaulle". Ce n'est pas interdit mais il ne faut pas oublier (omettre ) l'autre sens: la vérité réside d'abord et avant tout dans le message de de Gaulle, les propositions de ce locuteur. C'est seulement par analogie que la vérité est une personne. En tout cas si une personne est vérité, le mot vérité ne provient pas de cet usage, au contraire l'usage est déjà fixé par d'autres critères et on l'applique ensuite à une personne. On peut penser aussi à la vérité au sens mystique, de la rencontre indicible d'une personne; mais encore là ca ne permet surtout pas de censurer l'autre sens, très important et originaire. Sans compter qu'il n'est pas clair que l'A. parle ici uniquement du sens mystique, on dirait au contraire que le sens mystique contamine l'autre sens, plus rigoureux et naturel.

2) Allons logiquement un peu plus loin. Voici un exemple de ce qu'on appelle une contradiction pragmatique: "il pleut mais je n'y crois pas". C'est moins contradictoire que "il pleut et il ne pleut pas" parce que le contenu est incohérent seulement avec l'acte pratique d'élocution. Mais c'est quand même incohérent. "Je crois (impliqué) qu'il pleut mais je 'y crois pas". Prenons maintenant les formules:"il pleut mais je ne défendrai pas cette vérité". Ceci semble impliquer que je m'interdit de dire "il est faux qu'il ne pleuve pas". Nous sommes ici un cran plus bas car "ne pas défendre" n'implique pas que "je n'y crois pas", mais seulement une abstention. Le seul problème c'est qu'une telle abstention est très proche d'une incohérence pragmatique. En effet, il y a un lien logique immédiat entre les propositions "affirmer A" et "nier non-A". Si on renonce à nier non-A (i.e. défendre A) on renonce à affirmer complètement et il y a là un type d'incohérence à mon avis, même si elle est plus faible que affirmer à la fois A et non-A. Je laisse aux logiciens plus pointus que moi l'élucidation de son degré précis. Enfin, qu'arrive-t-il si on monte un cran plus haut cette fois-ci: Appliquons la formule de l'A. à la formule de l'A. "La vérité que "la vérité ne demande pas à être défendue mais à être servie" ne demande pas à être défendue mais à être servie". Si l'A. ne peut défendre cette vérité, alors il ne peut parler contre l'idée que la vérité demande à être défendue. Or c'est ce qu'il fait, puisqu'il dit qu'elle ne demande pas à être défendue. Je crois qu'ici il y a incohérence.

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Commentaires

Je crois qu'il est sage de toujours se méfier quand le concile est invoqué, et vérifier tout avec référence aux textes, documents par documents en latin et en francais sur le site du vatican (google vatican II), et en Anglais (totalité du concile en un bloc) avec concordance lexicale-alphabétique à intratext (Vatican II). Il est peut-être plus dangereux de se dire pour le concile en étant contre que de se dire carrément contre. Cela affaiblit la réputation du concile. Cependant, si on avait raison en affaiblissant ainsi la réputation du concile (i.e. si le concile avait réellement défendu de défendre la vérité, ou certaines vérités), alors ce serait encore pire, car le concile lui-même serait alors en question, non son interprétation. Je crois qu'on peut se rendre compte du risque énorme , de la profondeur et de l'ampleur du désastre interne tous azimuts qu'une seule des formulations de ce type, en apparence innocentes, peuvent créer, ne serait-ce que potentiellement. Les conséquences logiques en vont dans toutes les directions.

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Re: Mgr Fort (Orléans) et le concile (suite)

Message non lu par ChristianK » mar. 24 mars 2009, 22:20

Le passage quasi-anticonciliaire des rédacteurs du texte signé vient probablement du doc. conciliaire sur la liberté religieuse:

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Doc. Liberté religieuse 1

"la vérité ne s'impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l'esprit avec autant de douceur que de puissance"

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Le seul problème ici, c'est que la force de la vérité dont il est question est précisément en lien avec la défense de cette vérité, non l'absence de cette défense, SAUF si on veut parler de défense par la police et les tribunaux lorsque le bien commun civil n'est pas impliqué.
Ce que le concile dit, c'est uniquement que la police n'intervient pas dans la défense de la vérité religieuse; mais d'autre part il ordonne à répétition la défense de cette vérité par les autres moyens.
Faut pas tout mèler.

Le plus Fort du plus Fort (c'est le cas de le dire), C'EST QUE LE TEXTE APPELLE A DES SANCTIONS (légales, CIVILES? - ce n'est pas exclu, et en France il y a une loi sur le négationnisme) CONTRE LES PROPOS, donc ici la vérité DOIT ETRE DEFENDUE ET NON PAR SA SEULE FORCE ET TOUT A COUP IL NE SUFFIT PLUS DE LA SERVIR!!!

Naturellement, le cas n'est pas tout à fait le mème car il y à matière à bien commun civil. Mais aux USA il n'y aurait pas de problème, l'opinion négationniste est libre et la vérité se défend par sa seule force comme le veut l'A.
Alors on dirait que dans la zone grise l'A. en rajoute, et dans le sens diamétralement opposé à ses propres principes...
2 poids 2 mesures?

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