Du rapport entre prescience et omniscience

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Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Didyme » dim. 25 août 2019, 12:33

L'omniscience divine découle-t-elle de sa prescience ou la prescience découle-t-elle de l'omniscience ?


Dans le premier cas, Dieu sait toute chose parce qu'il connaît dans sa prescience tout événement, passé, présent et à venir. Dieu étant hors du temps.
Dans le deuxième cas, Dieu ayant posé tout fondement, Dieu en connaît du même coup l'évolution, l'aboutissement même si cela ne s'est pas encore produit.
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Didyme » dim. 25 août 2019, 12:40

Selon ce qui m'apparaît, le premier cas est l'approche favorisée par les défenseurs d'un libre-arbitre tellement libre et indéterminé que Dieu ne pourrait connaître les choix qu'une personne va faire. Juste peut-il l'envisager.

Le problème est que cette approche paraît rendre le futur incertain, tout juste un virtuel prédictible. Si le futur peut être connu avec certitude c'est que les événements suivent un certain chemin ou plutôt un chemin certain, qu'ils se succèdent selon une suite logique. Sans déterminisme, le futur ne peut s'affranchir du présent et ne peut être connu avant le passage du présent, avant quoi il n'est que potentialité.  Il semble donc que Dieu ne puisse ici "connaître" le futur et se trouve du même coup soumis au temps et non plus hors du temps. Et sa prescience se réduit à de la prévision. Ce qui a pour conséquence de se heurter à l'omniscience divine et par voie de conséquence à son immutabilité.
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Didyme » dim. 25 août 2019, 13:19

Le second cas que j'aurais tendance à partager est critiqué car il semble supposer la négation du libre-arbitre.

Mais là où on considère une liberté comme indéterminée, on y place le hasard. Car s'il n'y a pas une sorte de détermination alors pourquoi tel choix plutôt qu'un autre, pourquoi tel événement plutôt qu'un autre ? Il n'y a plus de raison pour qu'une chose se produise ou qu'un mouvement de volonté (en choix ou action) se fasse. Là où il y a du hasard il n'y a plus de cause, plus de motifs, plus de sens. Plus de continuité non plus, tout lien de temporalité et de cheminement est comme disloqué. Toute origine est bannie.
Mais il semble plutôt que tout ce qui est de la création, lié au temps suive une forme de déterminisme.


Si le péché est conséquence de liberté et si la liberté est indéterminée, régie par la loi du hasard alors on retire toute cause au péché.
Là où il y a du hasard il n'y a pas de cause. Et s'il n'y a pas de cause, d'origine alors il n'y a pas de motifs, pas non plus de véritable responsabilité, et par voie de conséquence pas de culpabilité non plus, pas de condamnation. (Un peu comme un coup de folie. La personne est jugée irresponsable.)
Le hasard annihile toute explication, tout sens, toute responsabilité, toute cause. Le hasard rend impossible la résolution du problème du péché, la victoire puisque le péché devient ici sans cause, sans racine, résultat d'une liberté régie par la loi du hasard, indéterminée.
Comment résoudre quelque chose qui n'a pas d'explication (hasard)?

Il apparaît nécessaire que la liberté réponde à une forme de détermination dans le sens de causalité. Ce qui en fait une liberté propre à la créature, à savoir une liberté finie, qui répond à certaines causes, certains facteurs et qui est englobée par la liberté infinie de Dieu, qui elle est indéterminée. Une liberté finie, si elle est finie signifie qu'elle est logiquement "encadrée", on pourrait dire déterminée, influencée...

Parler d'indétermination pour l'homme, de liberté totale, absolue c'est au fond confondre les places, les conditions. C'est lui accorder la place de Dieu.
Peut-être qu'en Dieu, par l'union en la résurrection il sera possible de partager cette liberté infinie mais certainement pas dans notre condition.

Notre liberté réside uniquement dans le fait d'être des personnes, dotées d'une volonté, et qu'une volonté se meut. En ce sens, bien que Dieu connaisse parfaitement sa création et sache comment elle va évoluer, comment la volonté va se mouvoir, cela n'empêche pas le mouvement libre de cette volonté. Dieu sait simplement comment sa créature va réagir, sinon il ne la connaîtrait pas parfaitement et cela poserait une limite à son omniscience et donc à son immutabilité.
Mais cette connaissance n'implique pas pour autant qu'il aurait déterminé (dans le sens de définir, programmer) chaque mouvement mais simplement que chaque mouvement en entraînant un autre, il en connaît l'enchaînement ainsi que chaque facteur et effet d'influence.
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Voyageur » dim. 01 sept. 2019, 23:12

L'Agneau de Dieu dit : pas ce que je veux, mais ce que tu veux !
Se conformant à la volonté divine, il accomplit sa destinée.
Il a suivi le chemin qui lui est dévolu depuis le commencement.

Ainsi, Dieu est présence consciente hors du temps et de l'espace.
Dont le Royaume est une image qu'il nous revient de concrétiser.
La vraie liberté ne se trouve que dans cette tâche universelle.

On peut s'y soustraire et s'enfuir loin de la présence divine.
Alors, comme Jonas, notre existence paraitra insensée et futile.
Lorsqu'on dévie de sa trajectoire initiale, on entre dans le péché.
Tu m'as montré les chemins de la vie,
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par gerardh » lun. 02 sept. 2019, 6:19

_______

Bonjour,

Le temps a été créé par Dieu.

En Romains 8, 29-30, nous lisons : 29 Car ceux qu’il a préconnus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit premier-né entre plusieurs frères. 30 Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

_____

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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Didyme » mar. 22 oct. 2019, 10:57

Bonjour, désolé de ne répondre que maintenant.

Voyageur a écrit :
dim. 01 sept. 2019, 23:12
L'Agneau de Dieu dit : pas ce que je veux, mais ce que tu veux !
Se conformant à la volonté divine, il accomplit sa destinée.
Il a suivi le chemin qui lui est dévolu depuis le commencement.

Ainsi, Dieu est présence consciente hors du temps et de l'espace.
Dont le Royaume est une image qu'il nous revient de concrétiser.
La vraie liberté ne se trouve que dans cette tâche universelle.

On peut s'y soustraire et s'enfuir loin de la présence divine.
Alors, comme Jonas, notre existence paraitra insensée et futile.
Lorsqu'on dévie de sa trajectoire initiale, on entre dans le péché.
Je ne sais pas, est-ce que l'on peut véritablement dire que péché est forcément dévier de sa trajectoire initiale ? Je ne pense pas. Je pense que la trajectoire de l'homme créature imparfaite, en devenir, est faite de hauts et de bas.

Car si le fait de chuter n'était pas prévu par Dieu, que ça faisait vraiment dévier l'histoire de sa trajectoire initiale alors comment donc Dieu pourrait-il être doué de prescience ? Comme ils disent dans Star wars :-D "le futur est toujours en mouvement" dans ce cas. Comment donc Dieu pourrait-il voir toute l'histoire humaine, tous les temps avec ce flou de l'avenir, du devenir de chacun ?
Il ne s'agirait ici plus que de prévision et non de prescience.

Par ailleurs, à noter que la rédemption était prévu avant même la fondation du monde, avant même la chute par conséquent.
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Voyageur » mar. 17 mars 2020, 18:18

Il me semble qu'une lecture approfondie des évangiles ramènerait tout à ceci, que rien n'advient sans Son approbation.
Jean 19,11 : Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut.
Job 1, 12 : Soit ! Tu as pouvoir sur tout ce qu’il possède, mais tu ne porteras pas la main sur lui.

Lorsque je parle de trajectoire, il ne faut certainement pas la voir comme un cheminement rectiligne. Effectivement, l'existence d'un homme est faite de hauts et de bas, de bifurcations, de peines et de joies. Ce qu'il convient de prendre en compte est davantage l'existence des Hommes. Car, lorsque l'on mentionne le Très-Haut, nous nous conformons à une entité unificatrice. En Lui tout EST.

Je crois que chaque destinée est mise en mouvement par Dieu. Le déploiement de ce mouvement est vaste ; il laisse une grande latitude. Mais aller à contre-courant, c'est choisir une position de rupture avec ce qui doit être. En Dieu, il n'y a ni passé ni présent ni futur. Toute réalité est confondue en un tout cohérent. Mais qu'apparaisse la corruption en sa surface et le fruit se corrompt jusqu'à atteindre son centre.

Mais rassurez-vous, le germe est imputrescible !
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par cmoi » mer. 18 mars 2020, 8:54

Voyageur a écrit :
mar. 17 mars 2020, 18:18
En Dieu, il n'y a ni passé ni présent ni futur.
J'aurais plutôt dit qu'en Lui tout est présent. Ce qui abolit bien des considérations. Il dépasse la dimension du temps, mais pas dans une abstraction. Je suis sûr que vous avez voulu dire quelque chose de semblable, aussi pourriez-vous préciser votre pensée ?

Merci

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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Voyageur » jeu. 19 mars 2020, 0:19

Il me semble que le passé, le présent et le futur sont des abstractions de la pensée humaine. Le premier est souvenirs, le second sensations et le dernier anticipations. Considéré de cette manière, le temps n'a de consistance qu'attaché au sujet sensible. Entaché de subjectivité, abîmé par les défaillances humaines, c'est un reflet difforme de l'existence. Si Dieu est l'existence, Il ne peut être trouvé dans le temps.

Une graine est potentiellement un arbre qui portera du fruit. Qu'est-elle ? Une graine ou un arbre ? Qu'est-ce qui lui donne sa valeur ? Ce qu'elle fut, ce qu'elle est ou ce qu'elle sera ? Il me semble que la graine est tout cela et rien de cela. C'est une infime possibilité. De cette fragilité, de cette singularité originelle, émerge toute vie.


Je pense que vous substituez au mot "présent" le mot "présence", signifiant ainsi que Dieu est en nous à chaque instant. Peut-être pourrions-nous nous attarder sur cette idée. Car, si sa présence peut être découverte à tout instant, cela ne signifie pas qu'elle soit effective, en nous, continuellement. Autrement, nous serions tous à son image et à sa ressemblance, tel son Fils bien aimé. Et, le Christ lui-même nous enseigne que peu trouvent le chemin pour entrer dans sa gloire.

Où se trouve Dieu ? Il dit : dans l'alpha et l'omega, le début et la fin ; dans le yotta, la plus petite particule ; dans la pierre rejetée par les bâtisseurs, l'inadapté. Où se trouve Dieu ? Y a-t-il un endroit pour le contenir, un temps pour le cerner, un nom pour le contraindre ? Si grand et si petit à la fois, Il nous échappe et nous empli. Pour être élevé en sa présence, il convient de s'abaisser en nous-même et se présenter comme l'enfant, la graine, offert à tous les possibles.
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par cmoi » jeu. 19 mars 2020, 8:33

Voyageur a écrit :
jeu. 19 mars 2020, 0:19

Je pense que vous substituez au mot "présent" le mot "présence",
C'est assez juste, puisque je pensais surtout à la plénitude de l'amour, et à la conscience.
Merci pour votre réponse.

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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par cmoi » ven. 20 mars 2020, 9:49

A vrai dire et pour rebondir, ce qui m'intéresse ici c'est comment Dieu se met à notre portée, nous qui avons besoin du temps ne serait-ce que pour développer notre pensée.
Comment il s'introduit dans ce temps, ce qui suppose qu'il en adopte les contraintes...

A la différence des anges qui voient tout de suite toutes les conséquences et implications d'un choix, qui en cela ressemblent plus à Dieu.

Et pourtant, c'est selon la bible nous qui avons été créés "à son image et ressemblance".
Il faut croire qu'il y a en Dieu, dans sa perfection même, un mécanisme d'évolution ( ce qui le rend d'autant plus insaisissable) et bien que cela se passe en dehors du temps.

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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Fernand Poisson » sam. 21 mars 2020, 13:09

Bonjour,

Il me semble que Didyme fait une erreur philosophique en ce qui concerne la nature de la liberté. On peut conceptuellement distinguer trois choses :

- la détermination mécanique (un effet est entièrement déterminé par une cause homogène) ;
- le hasard (pure indétermination) ;
- le choix libre (détermination par action de la volonté).

Didyme considère que seuls les deux premiers sont concevables, et que le troisième ne l'est pas. Mais si on y regarde de près, les trois sont également inintelligibles.
La détermination mécanique n'est que le fait que "des mêmes causes suivent les mêmes effets". Si on essaye de préciser la chose plus avant, de voir quel est le lien nécessaire entre la cause et l'effet, on y arrivera pas.
Le hasard est tout aussi inconcevable.
Quant à la liberté, elle est peut être impossible à saisir pour notre intelligence, mais elle est pourtant un fait d'expérience.

Postuler le déterminisme universel, en plus d'être philosophiquement arbitraire (et faux, à mon avis) ne peut que conduire à des conséquences théologiques désastreuses : pas de responsabilité personnelle, donc pas de péché, pas d'enfer. Pire : le mal n'existe pas puisque Dieu est responsable de tout. Bref, on est ramené au rationalisme panthéiste de Spinoza.

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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Didyme » sam. 21 mars 2020, 16:19

Fernand Poisson a écrit :
sam. 21 mars 2020, 13:09
Bonjour,

Il me semble que Didyme fait une erreur philosophique en ce qui concerne la nature de la liberté. On peut conceptuellement distinguer trois choses :

- la détermination mécanique (un effet est entièrement déterminé par une cause homogène) ;
- le hasard (pure indétermination) ;
- le choix libre (détermination par action de la volonté).

Didyme considère que seuls les deux premiers sont concevables, et que le troisième ne l'est pas.


Non, ce n'est pas vraiment ça.
Déjà, je ne crois pas au hasard. Le hasard est plutôt pour moi une vue de l'esprit. Concrètement, je ne vois pas comment le hasard pourrait être conciliable avec le Dieu qui est, alpha et oméga.
Ensuite, je crois au choix libre, au mouvement de la volonté. Mais choix libre qui n'est pas pur. Quand une personne fait un choix qui s'écarte de Dieu, se construit-elle ou se déconstruit-elle ? Exprime-t-elle ce qu'elle est à l'origine (créature de Dieu) ou s'écarte-t-elle de ce qu'elle est originellement ? Si donc elle s'écarte de ce qu'elle est, comment peut-on dire qu'elle se détermine quand ce n'est plus vraiment elle, ce qu'elle est originellement qui s'exprime (je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas)?
Alors certes, il y a bien un mouvement de volonté (en cela consiste le choix libre) car la volonté n'est pas figée, mais je doute que l'on puisse parler de liberté dans le sens de choix pur, d'un choix qui exprime pleinement ce qu'est la personne créée par Dieu (ce qui d'ailleurs poserait de gros problèmes théologiques pour le coup, car là il semble qu'on se retrouverait avec Dieu responsable du péché).
Là-dessus, j'ai l'impression que c'est comme si l'on confondait ce qui est du péché et ce qui est de Dieu. Quand on s'écarte de la voie, c'est le péché, quand on agit en conformité avec Dieu, c'est de Dieu.
Mais qui est originel ? Dieu ou le péché ?
Ce n'est pas le péché qui nous a créé. Donc lorsque l'on exprime un choix qui dévie de notre origine, il me paraît bien difficile de parler ici de choix pleinement libre, de choix provenant pleinement de la créature de Dieu.

Vous parlez de choix consistant à se déterminer mais on se détermine, selon ce qui m'apparaît, d'une façon déterminée. Le fait est que nous ne sommes pas incréés, nous n'avous pas une volonté incréée. Nous avons une volonté finie, créée, et qui donc se détermine selon ce qu'elle est à l'origine, à savoir une personne créée par Dieu. Cet état de créé implique par conséquent une détermination originelle car en nous créant, Dieu nous a déterminé. Il y a suffisamment de références qui l'expriment.
Mais il y a que cette condition de créature implique en parallèle les limites, la faiblesse, l'instabilité intrinsèque au créé. [Seul celui qui est, l' incréé, l' alpha et l'oméga, le Très Haut, possède une plénitude qui n'a pas de limites, une perfection synonyme d'immuabilité et de toute-puissance]
Ce qui produit des "sorties de route" (qui ici ne sont pas du fait de Dieu, car Dieu ne peut pas faire que ce qui est créé ne soit pas créé, ne soit pas soumis à la condition du créé. Le créé n'est tout simplement pas l'incréé).
Mais ces "sorties de route" sont-elles alors l'expression directe de la créature, sa libre détermination, ou plutôt son égarement ?

Nous sommes donc déjà déterminé par notre origine car les choix que l'on va faire découle de cette origine, ainsi que de notre condition.
C'est en cela que je tendrais à croire au déterminisme, dans le fait que l'on a tout simplement une origine. Ce qui ne veut pas dire que Dieu va nous diriger comme des marionnettes sans volonté, et déterminer chaque action, chaque choix que l'on va faire. Mais plutôt qu'il a posé l'origine de toute chose et que tout va avancer depuis cette origine.


Je m'intéresse dernièrement à la psychanalyse et on voit comment certaines blessures anciennes non soignées que l'on porte (péchés que l'on nous a transmis ?) produisent des comportements disfonctionnels, des répétitions. Et les psychanalystes ne réduisent pas la personne en face d'elle à ces disfonctionnements mais visent à la confronter à sa souffrance, sa blessure (confession ?) pour qu'elle puisse ensuite en être libérée. Si donc elle s'en libère, c'est que ces maux ne sont pas cette personne. Il est fait une distinction entre la personne et la souffrance qu'elle porte, qu'elle produit.
Comment donc si des psychanalystes sont capables de faire cette distinction, de voir les maux comme une prison, nous qui sommes catholiques réduirions-nous la personne à son péché et parlerions-nous ici de liberté ?!
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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Fernand Poisson » sam. 21 mars 2020, 21:25

Merci pour cette mise au point Didyme. Je vous ai lu. Les questions que vous posez sont redoutables.
Il faut répondre à plusieurs niveaux.

1) Du point de vue de la foi catholique, il est clair que l'homme est libre, même si cette liberté peut être amoindrie, voire supprimée, dans certaines circonstances.

2) D'un point de vue philosophique (je ne fais qu'exprimer ici mon opinion personnelle), je ne crois pas à cette idée que tout soit contenu "à l'origine", et que la vie d'une personne soit comme le déroulement d'une pelote de laine. Si je vous ai bien compris, c'est en fait à Leibniz et non à Spinoza que vous vous rattachez (à ceci près que Leibniz croyait que ses conclusions étaient compatibles avec la responsabilité personnelle). C'est ne pas comprendre la nature créatrice du temps, le surgissement imprévisible de la nouveauté, que de l'affirmer.

Là où je vous rejoindrais, c'est que, d'une façon ou d'une autre, tout le bien en l'homme dépend de Dieu. Mais il dépend aussi de l'homme d'y collaborer. Comment les deux s'articulent-ils ? C'est un mystère qu'aucune construction rationaliste ne peut expliquer.

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Re: Du rapport entre prescience et omniscience

Message non lu par Fernand Poisson » dim. 22 mars 2020, 16:20

Je reviens à la question initiale.
Ma réponse serait que les deux (prescience et omniscience) ne dépendent pas l'un de l'autre, mais qu'il s'agit de deux modes de connaissance différents et qui coexistent.
Je ne suis pas non plus d'accord avec la conception que vous vous faites de l'une et de l'autre.
Didyme a écrit :
dim. 25 août 2019, 12:40
Le problème est que cette approche [i.e. celle qui fait primer la prescience sur l'omnipotence] paraît rendre le futur incertain, tout juste un virtuel prédictible. Si le futur peut être connu avec certitude c'est que les événements suivent un certain chemin ou plutôt un chemin certain, qu'ils se succèdent selon une suite logique. Sans déterminisme, le futur ne peut s'affranchir du présent et ne peut être connu avant le passage du présent, avant quoi il n'est que potentialité.  Il semble donc que Dieu ne puisse ici "connaître" le futur et se trouve du même coup soumis au temps et non plus hors du temps. Et sa prescience se réduit à de la prévision. Ce qui a pour conséquence de se heurter à l'omniscience divine et par voie de conséquence à son immutabilité.
À mon avis l'argument ne fonctionne pas. Si Dieu connaît le "futur", c'est qu'il n'y a pas de "futur" pour lui. Il embrasse la totalité des temps, comme s'il occupait le sommet d'une colline et pouvait observer tout ce qui se passe en contrebas (selon l'analogie de Boèce). Ainsi sa connaissance du "futur" ne dépend pas du fait que ce futur soit toujours comme déjà contenu d'avance dans le passé puisque déterminé par lui ; mais elle dépend précisément du fait qu'il soit hors du temps, donc en position de surplomb (= prescience). Si on prend au sérieux l'idée de la création continue comme étant réellement une création de nouveauté, alors notre présent est toujours nouveau et hétérogène au passé. Ce qui n'empêche nullement que ce "surgissement" dépende de Dieu (= omniscience).

En fait, toute la question consiste à se demander ceci : est-ce que le devenir, la création continue de l'Univers, n'est que le déroulement d'une information qui était déjà contenue à l'origine, dans le Big Bang, comme concentré dans un point ? Ou bien est-ce que le devenir de l'Univers consiste en l'adjonction continue d'une information et d'une complexité nouvelle, en une croissance fondamentalement imprévisible, en l'ajout de quelque chose qui n'y était pas contenu ? Doit-on concevoir la création continue comme un déroulement (à la manière d'un orgue de barbarie que Dieu actionnerait) ou bien comme une spontanéité librement inventive (sur le modèle de l'invention artistique, l'univers étant une symphonie ou un poème divin en voie de composition) ?

Personnellement, je penche pour la deuxième hypothèse. Donc :
- la prescience, c'est le fait pour Dieu de connaître son oeuvre en vertu de la position de surplomb qu'il occupe (l'enjeu pour moi étant d'éviter tout déterminisme contraire à une conception véritablement temporelle de la création) ;
- l'omniscience, c'est le fait pour Dieu de connaître son oeuvre en vertu du fait qu'il en est l'auteur (mais par une connaissance actuelle de l'opération créatrice elle-même et non pas à la faveur d'une contemplation d'un "fondement de toutes choses").

Qu'en pensez-vous ?

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