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par Cinci » ven. 14 juin 2019, 14:19
Et encore ...
La grâce actuelle
L'abîme qui sépare la mentalité des tenants de l'option finale de celle de la tradition chrétienne au sujet de la mort se voit encore lorsqu'on considère que celle-ci, dans l'hypothèse, est plus apparentée à la mort païenne qu'à la mort chrétienne.
Si, comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent, la mort est considérée comme une pure grâce sans mérite réel, on peut aussi dire, d'un autre point de vue, que la grâce semble en être absente; c'est une question de pure volonté personnelle, on fait sa mort, comme on fait sa vie.
Citons L. Boros :
A la mort, dans la perte totale de l'extériorité, surgit l'intériorité totale. Ainsi, dans la mort seulement, l'homme devient parfaitement lui-même, une personne définitive, un centre d'être totalement autonome. A la mort il devient définitivement adulte, libre, éclairé, affranchi, capable de prononcer une décision définitive. Dans cette décision se produit la rencontre la plus nette de sa vie avec le Christ.
Le Seigneur Jésus a mérité pour tous les hommes la grâce du salut éternel par l'oeuvre de la Rédemption. C'est dans ce sens qu'il faut entendre l'enseignement de Vatican II : "Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associés au mystère pascal."Dans son application toutefois, cette grâce, qui est méritée par le Seigneur et destinée à tous, est conditionnée par la coopération de l'homme avec les grâces actuelles que Dieu donne en vue de l'achèvement de son dessein de salut. Le concile de Trente, d'ailleurs, l'affirme, en citant saint Augustin :
"Car ceux qu'il a justifiés une fois, Dieu ne les abandonnera pas, à moins qu'il ne soit d'abord abandonné par eux." (Saint Augustin cité dans le Décret sur la justification)
La persévérance finale
La grande, la suprême grâce accordée à l'homme par la bonté divine est celle de la persévérance finale. Nous venons de voir que l'hypothèse de l'option finale laisse entendre que le salut serait une pure grâce, sans foi* et sans mérite** de la part de l'homme, puis, de manière contradictoire, attribue le salut à un choix qui est fait par la personne au moment même de sa mort, insistance qui semble ne pas accorder assez de place à la grâce.
[note : sans foi* ... parce que ce choix dans la mort s'effectuerait dans la claire vision et une fois l'âme dégagée du poids du corps; sans mérite ** ... parce que le mérite ne peut s'obtenir qu'en étant dans son corps et non dans l'état suggéré par les tenants de l'option finale comme Arnaud CQFD]
[...]
Il semble donc que cette hypothèse ouvre la porte à une forme de pélagianisme par l'insistance sur la liberté personnelle, comme le faisait remarquer G. Greshake : "Si on acceptait cette hypothèse, on ne verrait pas bien comment l'homme trouverait son identité et le sens de sa vie au moyen du seul don gratuit de Dieu. On ferait fond sur la seule liberté."
D'après le concile de Trente, en effet, personne ne peut avoir la certitude d'être sauvé; or, selon l'hypothèse de l'option finale, on aurait la quasi-certitude de disposer soi-même de sa destinée éternelle, comme le faisait remarquer clairement le docteur Chevrier dans un passage cité dans la première partie, mais qu'il vaut la peine de relire :
"Je crois que la lumière de l'amour entraîne fatalement l'amour de la lumière. Non, je ne puis admettre qu'une âme humaine libre et sans passion, ayant vu dans sa vérité l'étendue infinie de l'amour de Dieu, puisse se dresser contre lui et encourir sa justice."
[...]
Que faut-il penser de cette façon de voir ? Il nous semble franchement périlleux d'affirmer que la grâce de la persévérance finale ne peut manquer à personne. Elle peut très bien manquer à certains, à savoir, ceux pour lesquels le Christ a mérité le salut, mais qui n'ont pas été fidèles à faire le bien ou à garder ses commandements, bref, qui ont abusé de sa grâce. De plus, si on entend cette proposition dans le sens que Dieu a prévu de donner infailliblement cette grâce à tout homme, puisque le Christ la lui a méritée, on ne peut l'admettre. Cette grâce est méritée radicalement pour tout homme, mais elle n'est pas appliquée à tout homme. Le concile de Trente enseigne :
"A ceux qui agissent bien "jusqu'à la fin" (Mt 10, 22; 24, 13) et qui espèrent en Dieu, la vie éternelle est offerte à la fois comme la grâce miséricordieuse promise par le Christ Jésus aux fils de Dieu et comme la récompense que Dieu, selon la promesse qu'il a faite lui-même, accordera à leurs oeuvres bonnes et à leurs mérites."
p. 456