Contre l'option finale dans la mort

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Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » ven. 14 juin 2019, 4:49

Bonjour,

Il s'agit cette fois de la recension d'un livre très sérieux écrit par un dominicain en 2015. Il fait le point sur cette histoire de l'opportunité qui serait donnée à tous de se convertir dans la mort (dans le "passage de la mort" comme dirait Arnaud Dumouch). Encore mieux ! Il consacre même un court chapitre à la position d'Arnaud Dumouch en particulier.

Verdict ? Il est contre la thèse d'Arnaud. Il explique pourquoi. Il le fait sereinement, à tête reposée, avec moult références.

Le titre : Dom Pius Mary Noonan, L'option finale dans la mort. Réalité ou mythe ?, Paris, Pierre Téqui éditeur, 2015, 615 pages

En quatrième de couverture :
"Il n'est pas rare de nos jours d'entendre parler d'un moment d'illumination ou de choix pour Dieu qui se produirait au moment de la mort et qui permettrait à toute âme de se ressaisir, de réévaluer sa vie et de s'orienter par rapport à Dieu et au Christ. S'agit-il d'un développement légitime de la doctrine sur les fins dernières permettant d'expliquer le salut de tous les hommes ou, au contraire, d'une théorie qui met en cause l'un des enseignements les plus fondamentaux de l'eschatologie chrétienne, à savoir l'unicité de la vie et la rétribution immédiate selon l'état où l'on se trouve au moment de la mort ?

L'auteur s'est penché de près sur cette hypothèse dite de l'option finale dans la mort, l'étudiant en soi, puis la confrontant avec une saine anthropologie ainsi qu'avec les données de la foi catholique concernant le destin éternel des hommes, lequel dépend étroitement de leur vie dans ce monde. Le conclusions qui s'imposent mettent en garde contre l'illusion d'une réorientation après cette vie et constituent un encouragement à prendre au sérieux la vie présente et à se servir des moyens qui nous sont offerts hic et nunc pour nous orienter vers Dieu. C'est ici-bas, et non après la mort, que l'on se sauve ou que l'on se perd.

Dom Pius Mary Noonan, né à Louiseville (États-Unis) en 1967, est moine-prêtre de l'abbaye Saint-Joseph de Clairval à Flavigny-sur-Ozerain (Côte-d'Or). Il est docteur en théologie de l'Institut Saint Thomas d'Aquin, à Toulouse.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » ven. 14 juin 2019, 5:16

Pour donner un exemple d'argument contraire à la thèse d'Arnaud ...

A la page 373 :

"... l'homme bénéficie d'une autre forme de miséricorde qui n'est pas accordée à l'ange; il lui est loisible de se tromper, de faire de nombreux mauvais choix, puis de se relever. Il a tout le temps de la vie présente pour se convertir et, au besoin, se re-convertir. Mais lorsque sonne l'heure de la mort, le temps de son épreuve est passé, son choix authentiquement et pleinement humain a été fait : c'est en tant qu'homme que l'homme se sauve, non en tant qu'âme ni en tant qu'ange : ange, il ne l'est pas, il ne l'a jamais été, il ne le sera jamais.

Et c'est justement là, d'après Joseph Ratzinger, que se trouve le problème le plus grave posé par l'hypothèse de l'option finale : elle confond le cas de l'homme avec celui de l'ange.

Joseph Ratzinger écrit :
L'arrière-pensée est ici (avec l'hypothèse de l'option finale) manifeste : seule la liberté d'un ange est vraiment capable d'assumer la responsabilité d'un destin éternel. Mais là aussi se trouve le point faible de la thèse : elle voudrait finalement faire de l'homme un ange et, sans le dire tient pour irrecevable la spécificité de la conditio humana. Cette critique, à quoi l'on devrait ajouter le défaut d'indices empiriques et de tradition théologique convaincante, ne répond évidemment pas à la grave question que sous-entend ces réflexions. (J. Ratzinger, La mort et l'au-delà, p, 215)
Pour mémoire, la thèse d'Arnaud veut que l'homme soit capable de se décider sérieusement qu'une fois étant plongé dans la mort, et parce que l'âme enfin dégagé du corps et toutes ses vicissitudes, jouirait enfin d'une pleine clarté à la mesure de l'engagement définitif qu'elle pourrait enfin concrétiser dans un sens ou l'autre. C'est exactement à ce genre de scénario auquel Joseph Ratzinger se référait, disant que l'on voudrait ainsi faire de l'homme un ange.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Léon » ven. 14 juin 2019, 6:14

Cette thèse de l'option finale dans la mort renie Dieu, renie la Révélation, le péché, l'Incarnation, le baptême, le Rédempteur et toute la Rédemption.
Cette thèse renie donc la foi en la rendant inutile, ainsi que l'espérance et la charité. Donc tout est renié en bloc.
Il s'agit donc là du résultat d'une apostasie évidente qui ne dit pas son nom.
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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par apatride » ven. 14 juin 2019, 6:53

Si cela vous intéresse, il y a tout un fil dédié à ce livre sur le forum d'Arnaud Dumouch, où ce dernier expose quelques contre-arguments.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » ven. 14 juin 2019, 12:07

Salut Apatride !

Merci pour l'indication de la page. J'ignorais proprement l'existence de celle-ci. Vous remédiez à cette lacune. Je connais assez le point de vue d'Arnaud. Et maintenant suite à votre heureuse référence, j'aurai pu lire toutes ces remarques qu'Arnaud y fera là-bas, en réaction, sur la page dont vous parlez.

Eh bien, je peux vous dire que les remarques que j'aurai lu ne sont rien à côté de ce que Dom Pius Mary Noonan écrit.

En passant, - et comme par le plus grand des hasards réellement - , je viens de voir il y a peu (quelques jours) que notre ami Arnaud sera de passage chez nous cet été. Il est l'invité d'un nos plus grands sanctuaire mariale pensez donc. Il doit participer à une retraite de quelque jours en août prochain. Il devrait y assurer la partie enseignante.

Enfin

Je redis qu'il vaudrait la peine de prendre connaissance des objections soulevées par mon auteur.

:strong:

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » ven. 14 juin 2019, 12:39

Si je poursuis parmi les arguments contraires avancés ...



Mérite et grâce

Le mérite

L'hypothèse de l'option finale semble faire peu de cas de la doctrine catholique selon laquelle on peut vraiment mériter la vie éternelle au moyen des bonnes oeuvres en cette vie. La récompense éternelle semble être une pure grâce, sans rapport avec la façon dont on vit ici-bas. Par conséquent, elle retourne le sens de cette doctrine, en mettant la grâce à la fin, alors qu'elle est au principe des oeuvres dignes de récompense.

L'un des points fondamentaux de la Réforme [protestante] était que la justification est absolument gratuite sans autre concours de notre part que la foi, et que le libre arbitre y joue un rôle purement passif sous l'action de la grâce. Or, la foi est méritoire pour la vie éternelle, mais elle ne suffit pas. C'est pour cela que le concile de Trente a défini l'égale nécessité de la grâce et de notre libre coopération, réprouvant ceux qui donneraient la foi comme la seule condition nécessaire et suffisante de notre part.

En réalité, l'ensemble du décret tridentin sur la justification dépeint la coopération humaine avec la grâce antécédente et concomitante, sous la forme d'une démarche psychologique, où l'âme du pécheur franchit progressivement les étapes de la foi, de la crainte salutaire, de l'espérance en la miséricorde, d'un commencement d'amour, de la détestation du péché, et enfin du ferme propos de recevoir le baptême et de mener une vie nouvelle conforme aux commandements divins.

Ajoutons avec saint Thomas une précision concernant le fait qu'on ne peut mériter que dans le corps :

"Le principe du mérite est dans l'âme, et le corps est l'instrument de l'acte méritoire. C'est pourquoi la perfection de l'âme du Christ, qui est au principe du mérite, ne devait pas être acquise en lui par voie de mérite, comme la perfection du corps, qui fut le sujet de sa passion et a été par là l'instrument du mérite lui-même" (ST Th, IIIa, q, 49 a 6, ad 1)

Ainsi sommes-nous une nouvelle fois devant la négation d'une possibilité de salut, donc de mérite, après que l'âme a été dégagée du poids de son corps.

Il faut remarquer qu'une option dans la mort pour toute âme dans les mêmes conditions ressent l'esprit égalitariste moderne : si tel choix il y a, on n'arrive plus à saisir comment il pourrait y avoir différents niveaux de mérite, selon le texte paulinien qui est interprété en ce sens (1 Co 15, 41 : "Autre l'éclat du soleil, autre l'éclat de la lune, autre l'éclat des étoiles. Une étoile même diffère en éclat d'une étoile") Si tout le monde fait le choix final dans les mêmes conditions, la récompense a toutes les chances d'être la même pour tous.

Corollairement, on peut ajouter que, en ce qui concerne la vertu théologale de charité, on aura au ciel le degré qui a été acquis ici-bas; il n'est donc pas envisageable qu'elle augmente lors de la "rencontre" avec le Christ in morte. On peut même se demander quelle serait la valeur d'un "amour" pour le Christ qui serait vu dans les supposées conditions du moment de la mort. De cette manière, l'importance de cette vie et de tout ce qu'on y fait ressort avec évidence. On ne progresse ni dans la mort, ni après la mort, mais seulement avant la mort, en cette vie dans la chair.

p. 452

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » ven. 14 juin 2019, 14:19

Et encore ...


La grâce actuelle

L'abîme qui sépare la mentalité des tenants de l'option finale de celle de la tradition chrétienne au sujet de la mort se voit encore lorsqu'on considère que celle-ci, dans l'hypothèse, est plus apparentée à la mort païenne qu'à la mort chrétienne.

Si, comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent, la mort est considérée comme une pure grâce sans mérite réel, on peut aussi dire, d'un autre point de vue, que la grâce semble en être absente; c'est une question de pure volonté personnelle, on fait sa mort, comme on fait sa vie.

Citons L. Boros :

A la mort, dans la perte totale de l'extériorité, surgit l'intériorité totale. Ainsi, dans la mort seulement, l'homme devient parfaitement lui-même, une personne définitive, un centre d'être totalement autonome. A la mort il devient définitivement adulte, libre, éclairé, affranchi, capable de prononcer une décision définitive. Dans cette décision se produit la rencontre la plus nette de sa vie avec le Christ.

Le Seigneur Jésus a mérité pour tous les hommes la grâce du salut éternel par l'oeuvre de la Rédemption. C'est dans ce sens qu'il faut entendre l'enseignement de Vatican II : "Puisque le Christ est mort pour tous, et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associés au mystère pascal."Dans son application toutefois, cette grâce, qui est méritée par le Seigneur et destinée à tous, est conditionnée par la coopération de l'homme avec les grâces actuelles que Dieu donne en vue de l'achèvement de son dessein de salut. Le concile de Trente, d'ailleurs, l'affirme, en citant saint Augustin :

"Car ceux qu'il a justifiés une fois, Dieu ne les abandonnera pas, à moins qu'il ne soit d'abord abandonné par eux." (Saint Augustin cité dans le Décret sur la justification)


La persévérance finale

La grande, la suprême grâce accordée à l'homme par la bonté divine est celle de la persévérance finale. Nous venons de voir que l'hypothèse de l'option finale laisse entendre que le salut serait une pure grâce, sans foi* et sans mérite** de la part de l'homme, puis, de manière contradictoire, attribue le salut à un choix qui est fait par la personne au moment même de sa mort, insistance qui semble ne pas accorder assez de place à la grâce.

[note : sans foi* ... parce que ce choix dans la mort s'effectuerait dans la claire vision et une fois l'âme dégagée du poids du corps; sans mérite ** ... parce que le mérite ne peut s'obtenir qu'en étant dans son corps et non dans l'état suggéré par les tenants de l'option finale comme Arnaud CQFD]

[...]

Il semble donc que cette hypothèse ouvre la porte à une forme de pélagianisme par l'insistance sur la liberté personnelle, comme le faisait remarquer G. Greshake : "Si on acceptait cette hypothèse, on ne verrait pas bien comment l'homme trouverait son identité et le sens de sa vie au moyen du seul don gratuit de Dieu. On ferait fond sur la seule liberté."

D'après le concile de Trente, en effet, personne ne peut avoir la certitude d'être sauvé; or, selon l'hypothèse de l'option finale, on aurait la quasi-certitude de disposer soi-même de sa destinée éternelle, comme le faisait remarquer clairement le docteur Chevrier dans un passage cité dans la première partie, mais qu'il vaut la peine de relire :

"Je crois que la lumière de l'amour entraîne fatalement l'amour de la lumière. Non, je ne puis admettre qu'une âme humaine libre et sans passion, ayant vu dans sa vérité l'étendue infinie de l'amour de Dieu, puisse se dresser contre lui et encourir sa justice."

[...]

Que faut-il penser de cette façon de voir ? Il nous semble franchement périlleux d'affirmer que la grâce de la persévérance finale ne peut manquer à personne. Elle peut très bien manquer à certains, à savoir, ceux pour lesquels le Christ a mérité le salut, mais qui n'ont pas été fidèles à faire le bien ou à garder ses commandements, bref, qui ont abusé de sa grâce. De plus, si on entend cette proposition dans le sens que Dieu a prévu de donner infailliblement cette grâce à tout homme, puisque le Christ la lui a méritée, on ne peut l'admettre. Cette grâce est méritée radicalement pour tout homme, mais elle n'est pas appliquée à tout homme. Le concile de Trente enseigne :

"A ceux qui agissent bien "jusqu'à la fin" (Mt 10, 22; 24, 13) et qui espèrent en Dieu, la vie éternelle est offerte à la fois comme la grâce miséricordieuse promise par le Christ Jésus aux fils de Dieu et comme la récompense que Dieu, selon la promesse qu'il a faite lui-même, accordera à leurs oeuvres bonnes et à leurs mérites."

p. 456

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Carolus » ven. 14 juin 2019, 16:06

Léon a écrit :
ven. 14 juin 2019, 6:14
Léon :

Cette thèse renie donc la foi en la rendant inutile, ainsi que l'espérance et la charité. Donc tout est renié en bloc.
Il s'agit donc là du résultat d'une apostasie évidente qui ne dit pas son nom.
Vous avez raison, cher Léon. :(
CEC 1041 Le message du Jugement dernier appelle à la conversion pendant que Dieu donne encore aux hommes " le temps favorable, le temps du salut " (2 Co 6, 2). Il inspire la sainte crainte de Dieu.
Il faut se convertir avant la mort et persévérer dans la foi.
CEC 2849 Cette demande prend tout son sens dramatique par rapport à la tentation finale de notre combat sur terre ; elle demande la persévérance finale. " Je viens comme un voleur : heureux celui qui veille ! " (Ap 16, 15).
Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vient « comme un voleur : heureux celui qui veille ! » (CEC 2849).

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Fée Violine » ven. 14 juin 2019, 20:51

Arnaud ne parle pas d'option "dans la mort" mais juste avant la mort. Il a bien toujours dit qu'après la mort, c'est trop tard !

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Carolus » ven. 14 juin 2019, 22:14

Cinci a écrit :
ven. 14 juin 2019, 4:49
Cinci :

Verdict ? Il est contre la thèse d'Arnaud. Il explique pourquoi. Il le fait sereinement, à tête reposée, avec moult références.
Merci de ce fil, cher Cinci. :(
Le retour du Christ dans sa gloire accompagné des nuées du Ciel, « comme l’éclair de l’orient à l’Occident » , ne concerne pas uniquement la fin du monde. Il est vécu par chaque homme au moment qui constitue la fin de son monde à lui, c’est-à-dire à l’heure de la mort.

Arnaud Dumouch, L’heure de la mort, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2006.
Selon Arnaud Dumouch, le « retour du Christ dans sa gloire accompagné des nuées du Ciel […] est vécu par chaque homme […] à l’heure de la mort » .
Ap 16, 15Voici que je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et garde sur lui ses vêtements pour ne pas aller nu en laissant voir sa honte.
Au moment de la mort il faut donc être prêt, selon notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, n’est-ce pas :?:

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Didyme » sam. 15 juin 2019, 12:33

C'est ici-bas, et non après la mort, que l'on se sauve ou que l'on se perd.
Déjà d'entrée, je tic là-dessus.
L'homme se sauve-t-il ?!

L'hypothèse de l'option finale semble faire peu de cas de la doctrine catholique selon laquelle on peut vraiment mériter la vie éternelle au moyen des bonnes oeuvres en cette vie. La récompense éternelle semble être une pure grâce, sans rapport avec la façon dont on vit ici-bas. Par conséquent, elle retourne le sens de cette doctrine, en mettant la grâce à la fin, alors qu'elle est au principe des oeuvres dignes de récompense.


Je ne comprends pas comment l'homme pourrait mériter la vie éternelle au moyen des bonnes œuvres. Le problème de cette tournure de phrase est qu'elle semblerait accorder cette capacité à l'homme en lui-même. Mais si certaines oeuvres "méritent" la vie éternelle, c'est en ce sens qu'elle reflètent le degré de foi et d'ouverture de l'homme à la grâce divine. Des œuvres sublimes seraient le reflet qu'un homme est tant avancé dans sa foi et dans son accueil à Dieu qu'il est certainement sauvé. C'est Dieu qui œuvre en nous, c'est Dieu qui nous mérite. L'homme qui fait de bonnes œuvres est surtout l'homme qui fait place à Dieu en lui et le Christ vit en lui, œuvre en lui. Les qualités de cet homme sont avant tout un don de Dieu, il ne les possèdent pas de lui-même (le penser est le germe de l'orgueil). Les œuvres de cet hommes sont un don, une grâce de Dieu. Et si c'est un don cela ne se mérite pas. On ne mérite pas la grâce mais la grace nous fait mériter, nous donne des mérites.
Parce que si l'on ne pense pas que ces oeuvres dont on parle sont une grâce de Dieu, un don que Dieu nous fait à travers l'ouverture de la foi, alors c'est que l'on pense que ces oeuvres sont vraiment le produit de la personne en elle-même, indépendantes de Dieu.
Mais si on en arrive à une telle idée alors je pose la question de savoir à quoi a servi la passion, la croix si des hommes peuvent se sauver par leurs propres bonnes œuvres ?!


Donc au final, tout est grâce. Pourquoi alors Dieu ne pourrait-il pas faire grâce à un homme qui s'ouvrirait à lui à l'heure de la mort, si celui qui a œuvré dans sa vie a surtout laissé agir la grâce en lui par la foi et celui qui s'ouvrirait à Dieu à l'heure de la mort s'ouvrirait de même à la grâce par la foi mais à une autre heure ?
Ça me fait penser aux ouvriers de la douzième heure (Matthieu 20:1-16)
On pourrait se dire que dans le cas d'un choix à l'heure de la mort, il n'y aurait alors peut-être pas d'œuvre. Mais je pense alors à 1 corinthiens 3:15 "Si l'œuvre de quelqu'un est consumée, il perdra sa récompense ; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu."
L'œuvre qui est consumée est l'œuvre humaine, charnelle, l'œuvre qui n'est pas bâtie sur le Christ, dans la foi. Pourtant, même sans cette œuvre il semble que cela n'empêche pas la personne d'être sauvée.
L'autre est un semblable.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Foxy » sam. 15 juin 2019, 15:17

Je ne comprends pas comment l'homme pourrait mériter la vie éternelle au moyen des bonnes œuvres
Bonjour Didyme

Sommes-nous sauvés en adhérant au Christ ou en faisant ce qu'il dit ?
Pas de vraie foi sans les actes (Jc 2, 14-18)
lettre de saint Jacques
Mes frères, si quelqu'un prétend avoir la foi, alors qu'il n'agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ?
Supposons que l'un de nos frères ou l'une de nos sœurs n'aient pas de quoi s'habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l'un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ?
Ainsi donc, celui qui n'agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n'agit pas ; moi, c'est par mes actes que je te montrerai ma foi. »
C'est cette question qui a provoqué le déchirement de l'Europe au XVI° siècle, qui a passionné les foules, que Luther et les réformateurs ont engagé un bras de fer avec Rome.

Croire et agir a des conséquences pour chacun de nous.

- Croire sans agir pousse à se réfugier dans le culte, la prière "magique", le repli identitaire dans de petits groupes fortement marqués. C'est une tentation proche du traditionalisme.

- Agir sans croire pousse à se perdre dans le militantisme (politique, humanitaire, ecclésial...) sans autre horizon que l'efficacité. C'est une tentation activiste très populaire.
La plupart des non-pratiquants s'appuient sur ce genre de raisonnement pour justifier leur absence à l'Église : faire du bien autour de soi vaut mieux que la participation à une assemblée.

Ce vieux débat entre la foi et les oeuvres ne devrait-il pas finalement rester vivant en chacun de nous ? Sans lui donner de solution stable et définitive, le questionnement issu de saint Jacques aurait le mérite de nous maintenir dans une dynamique de conversion permanente.
La foi que j’aime le mieux,dit Dieu,c’est l’Espérance.
Charles Péguy

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » dim. 16 juin 2019, 1:25

Fée Violine :

Arnaud ne parle pas d'option "dans la mort" mais juste avant la mort. Il a bien toujours dit qu'après la mort, c'est trop tard !
Ce que mon auteur dominicain nomme "option finale dans la mort" correspond pourtant à ce qui fait la substance et le fond de l'hypothèse d'Arnaud. Personne ne parle d'un temps d'après. On s'entend.

Arnaud s'exprime en terme de "passage de la mort". Il dit : "dans" le passage de la mort. Et Arnaud évoque un choix devant être fait par les sujets "dans" le passage de la mort. Le passage dont parle Arnaud correspond au seuil de la mort. Et c'est là qu'il fait intervenir la fameuse rencontre avec le Christ, comme c'est dans cette condition que le sujet devrait être enfin dégagé du poids du corps, des limites de la chair, etc. C'est dans cet état inaccessible aux vivants que nous sommes que l'âme devrait pouvoir enfin jouir d'une lucidité parfaite, d'une aptitude à se décider définitivement pour Dieu oui ou non.


La critique de mon auteur est pertinente car elle se soucie très exactement de ce même thème sur lequel Arnaud cherche à s'appuyer pour son hypothèse. On parle bien de la même chose. Il ne faudrait tout de même pas fendre les cheveux en quatre, ni ergoter sur des virgules. On comprend qu'il devrait s'agir d'un dernier acte décisif pouvant être accompli par l'âme et dans une condition pouvant encore lui permettre de changer les choses. C'est l'extrême pointe de la vie juste avant l'irréversibilité totale ou la fameuse mort théologique dont on ne revient pas.

Faites-moi confiance. L'auteur prend des pages et des pages pour souligner toutes les subtilités que l'on voudra touchant ce fameux stade qui reste assez difficile à circonscrire pour Arnaud lui-même comme pour n'importe qui.

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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Foxy » dim. 16 juin 2019, 11:09

Ce que mon auteur dominicain nomme "option finale dans la mort" correspond pourtant à ce qui fait la substance et le fond de l'hypothèse d'Arnaud. Personne ne parle d'un temps d'après. On s'entend.
Bonjour Cinci

Non, ce n'est pas "un temps d'après", mais Arnaud parle bien "au moment de la mort" et non pas "avant", car dans ce cas là, la personne n'est pas encore morte.

Quant au Pape François :
« La fidélité au Seigneur ne déçoit pas ». Même au moment de notre mort et de la Justice de Dieu, si nous avons été fidèles, non n’aurons pas peur. C’est ce qu’a affirmé le Pape François lors de la messe matinale à la Maison Sainte-Marthe ce mardi 22 novembre. Le Saint-Père a mis en garde contre la duperie de l'«aliénation» de la vie, « comme si elle n’allait jamais mourir » et a invité à réfléchir aux « traces que laissent nos vies ».

« Un appel du Seigneur à réfléchir sérieusement à notre fin », « la fin de chacun de nous, parce que chacun de nous aura sa fin ».
…..
« Ça ne plaît pas de penser à ces choses, mais c’est la vérité » observe le Pape. « et quand un de nous s’en sera allé, les années passeront et presque aucun de nous ne s’en souviendra ». « J’ai un agenda, avoue François, dans lequel j’écris quand une personne meurt, et chaque jour, je constate cette récurrence, et comme le temps est passé ». C’est cela qui nous oblige à réfléchir à ce que nous laissons après notre passage, à cette « trace » de notre vie ici. Et après la mort, comme le racontent les pages d’aujourd’hui dans l’Apocalypse de Jean, « il y aura un jugement pour chacun de nous ».

Alors, il sera bon de réfléchir à : « comment sera ce jour-là quand je serai en face de Jésus? Quand Il me demandera les talents qu’il m’a donné, ce que j’en ai fait; quand Il me demandera comment était mon cœur lorsque la semence est tombée, comme un chemin ou comme des épines: ces Paraboles du Royaume de Dieu. Comment ai-je reçu la Parole? Avec un cœur ouvert? Je l’ai faite germer pour le bien de tous ou caché? ».

Chacun de nous fera donc face à Jésus le jour du Jugement. Le Pape met en garde, reprenant les morts de l’Évangile de Saint-Luc, « ne soyez pas dupes ». La tromperie dont il parle est l'«aliénation» des « choses qui sont superficielles », qui « n’ont pas de transcendance», la «tromperie de vivre comme si je n’allais jamais mourir ». « Quand viendra le Seigneur », demande le Pape, « comment il me trouvera? Dans l’attente ou au beau milieu de tant d’aliénations de la vie? »

« Je me souviens que, enfant, quand j’allais au catéchisme, on nous enseignait quatre choses : la mort, le jugement, l’enfer, la gloire. Après le jugement, il y a cette possibilité. «Mais, mon Père, c’est pour nous faire peur ...- Non, c’est la vérité! Si tu ne prends pas soin de ton cœur, si le Seigneur est avec toi mais que toi tu vis toujours éloigné du Seigneur, peut-être qu’il y a un danger, le danger de continuer à s’éloigner ainsi du Seigneur pour l'éternité». Et «ça c’est très horrible! »

Voilà la réflexion à laquelle le Pape appelle : penser à ce que sera notre fin et à ce qu’il adviendra devant le Seigneur. C’est une conclusion qui fait fuir la peur de ce moment-là. Le Pape, encore une fois, rappelle la lecture d'aujourd'hui de l'Apocalypse de Jean, et le conseil de l'Apôtre : «Sois fidèle jusqu'à la mort - dit le Seigneur - et je te donnerai la couronne de vie » : « La fidélité au Seigneur ne déçoit pas. Si chacun de nous est fidèle au Seigneur, quand la mort vient, nous dirons comme François, "ma sœur la mort, viens". Elle ne nous effraie pas. Et au jour du jugement, nous regarderons le Seigneur: "Seigneur, j'ai tant de péchés, mais j’ai essayé d'être fidèle". Le Seigneur est bon. Je vous donne donc ce conseil: "Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie". Avec cette fidélité, nous n’aurons pas peur de la fin, de notre fin, nous ne craindrons pas le jour du jugement ».

http://www.news.va/fr/news/pape-francoi ... mort-si-no
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Re: Contre l'option finale dans la mort

Message non lu par Cinci » dim. 16 juin 2019, 15:00

Foxy :

Non, ce n'est pas "un temps d'après", mais Arnaud parle bien "au moment de la mort"
C'est ce que je dis.



Voir :
Le moment de la mort

Après avoir mis en lumière dans l'anthropologie de saint Thomas l'essence véritable de la nature humaine, sa liberté, sa capacité de choisir la fin ultime ou de la rejeter pour toujours, ainsi que le caractère tragique de la mort, il nous faut maintenant analyser les propos de Palémon Glorieux [...] à propos du moment de la mort. On se souvient que pour ce dernier ce moment du passage de la vie à la mort a la capacité de permettre à l'homme une multitude d'actes d'une très grande intensité. Il affirmait que dans l'unique instant de la mort se rencontrent :

- la séparation de l'âme d'avec le corps;
- l'infusion des espèces qui convienent;
- la délibération de l'âme sur son bien suprême et sa fin dernière;
- son élection libre

Et il ajoute : "Le tout peut être admis par le philosophe sans grande difficulté." [...] Il s'agit donc d'analyser soigneusement cet instant ou moment de la mort afin de déterminer s'il est vraiment possible d'y conjuguer tous les éléments précités. Qu'est-ce donc que cet instant ou ce moment de la mort ?

A notre connaissance, Palémon Glorieux [un prêtre catholique, au début des années 1930] est le seul auteur qui se soit donné la peine de tenter d'asseoir sur une base thomiste, l'idée d'un moment de la mort qui serait plein d'intensité. [...] Le moment de la mort tel que conçu par P. Glorieux : ce moment appartient à la fois au status viae et au status termini, et il permet une ultime option qui vaut pour la vie éternelle. [...] Pour E. Gallez et A, Dumouch : l'instant de la mort n'est plus vraiment le status viae, mais par encore le status termini : c'est un passage extensible à l'infini où l'on peut évoluer de bien des manières.
Mon auteur fait remarquer :
Si l'on se place dans le domaine psychologique du mourant, il faut dire également que l'instant de la mort est impossible à saisir.

De même que, lorsque l'homme glisse dans le sommeil , il lui est impossible de saisir un dernier instant de conscience. Il en faudrait un autre suivant pour en prendre psychologiquement possession, de même, lorsqu'il glisse dans la mort, il ne lui est pas possible de saisir un dernier instant où l'âme est encore dans le corps. Nous ne pourrons pas nous dire : "Attention ! l'instant suivant, je ne suis plus en vie."

On voit ainsi l'inconvénient qu'il peut y avoir de parler de la mort comme d'un "passage" [cf. Arnaud Dumouch]. Si, en effet, la mort est la pointe de séparation entre la vie de la personne humaine in carne et la survie de l'âme seule, l'usage de l'expression "passage" aurait l'inconvénient de faire penser à un entre-deux indéfinissable où il serait loisible de modifier l'orientation de la vie. Or, ou l'on est vivant, ou l'on est mort : il n'y a rien entre les deux.

p. 207
La critique c'est qu'Arnaud Dumouch se réfère à un passage, un couloir si vous voulez, une zone, un état entre-deux qui précéderait immédiatement la mort théologique proprement dite.

Notre ami Dumouch est obligé de se référer à un état, écoutez bien, n'étant ni la vie comme nous la connaissons (la vie consciente en notre corps, l'âme reliée au corps, etc.) ni la vraie mort clairement comprise. Son système nous sort, et de la vie, et de la mort. C'est ni l'un ni l'autre. C'est autre chose. Mais il n'y aurait que la vie ou bien la mort et comme le rappellerait le Père Noonan.

Pour s'en sortir, il faudrait statuer que l'étape ou le stade dont il serait question serait un ultime moment appartenant toujours à la vie de quelque façon. Il serait difficile, ensuite, de justifier la notion de claire vision, cette pleine saisie spirituelle des choses; la notion d'affranchissement des obstructions ou limitations provenant du corps ou des sens, comme Armaud veut en parler, avec la notion de vie humaine c'est à dire tant que l'âme est encore et vraiment reliée au corps.

Il faudrait songer à un état altéré de la conscience, mais tant que l'homme serait vivant.

On peut voir déjà à quel point l'hypothèse est fragile. Car il n'existe pas de tradition, dans l'Église catholique romaine, à l'effet d'une promesse divine faite aux hommes et selon laquelle tous et toutes devraient bénéficier d'un stade de conscience altérée à la fin de leur vie (dans l'extrémité la plus distale de leur vie) et comme à seule fin de leur permettre de racheter toute leur vie, d'autant plus que c'est à ce moment soi-disant le plus éclairant de tous qu'ils y pourraient prendre une vraie bonne décision justement touchant leur fin dernière, ce que la vie humaine normale dans leur propre corps n'aurait pas pu constituer avant une situation propre à leur faire réaliser cet exercice en toute bonne justice ("Toute ma vie j'ai été drogué"; "J'ai eu de mauvais parents"; "L'activité hormonale a eu sur moi des effets incroyables et me forçant à avoir une sexualité débridée, incapacitant d'autant mes chances de mener une vie vertueuse.". etc.)

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