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par Cinci » mer. 17 oct. 2018, 2:51
En passant ...
"En fait, la croyance à la réincarnation n'est pas seulement une des tentations les plus constantes de l'esprit humain, elle est aussi l'une des plus dangereuses C'est une des plaies spirituelles que l'Évangile est venu guérir Son retour en Occident comme fait de masse ne nous semble certes pas un signe de progrès; bien au contraire.
En effet au principe à la base de toute conception réincarnationniste, il y a un "spiritualisme" qui fait considérer comme ne devant être sauvée en l'homme que son âme; une attitude à laquelle correspond fatalement l'indifférence sinon le mépris pour le corps.
Pour le christianisme au contraire, l'homme - tout homme beau ou laid noble ou plébéien génie ou béotien - est une unité indivisible et unique d'éléments spirituels et matériels. Notre corps n'est pas un vêtement interchangeable ou une enveloppe provisoire qui pourraient être abandonnés à leur destin, que l'on pourrait remplacer par un autre vêtement, une autre enveloppe. Nous , nous n'avons pas un corps, nous sommes aussi un corps, dit le vrai "matérialisme" chrétien. L'objet de l'amour de Dieu nous créant, nous rachetant, et enfin nous faisant jouir de Sa présence éternelle, ce n'est pas une âme, mais une personne humaine complète.
Dans son langage médiéval saint Thomas l'enseignait déjà : "Cette âme mienne est la forme substantielle de ce corps qui est mien"; elle ne peut donc transmigrer nulle part, ne suivre aucun des itinéraires angoissants des cycles métempsychiques. Pour l'Évangile, l'homme tout entier et non une partie de lui seulement est immortel : le Christ, dans son Royaume n'est pas le "roi des âmes" purifiées par de pénibles réincarnations; il est le "roi des hommes", sauvés, ressuscités dans la joie pour toujours, en leur individualité inaliénable.
Ceux qui croient "plus moderne" de prendre au sérieux la métempsychose plutôt que l'eschatologie chrétienne ne se rendent pas compte qu'il s'agit là d'un dangereux bond en arrière. C'est un retour à l'idée grecque du corps comme prison de l'âme; c'est s'unir au mépris, parfois à l'horreur et à la haine asiatique envers la matière - à commencer par celle qui nous permet de vivre dans le monde avec notre corps - pour la combattre, l'ignorer, la dépasser, l'humilier, la vaincre, l'anéantir.
On ne se rend pas compte que la lutte chrétienne millénaire contre toute croyance en la réincarnation est aussi une défense du concept de personne comme réalité unique et qui ne peut se répéter, et donc plus que toute autre précieuse.
On ne se rend pas compte que le refus chrétien est aussi la réaffirmation de la dignité et de l'éminence absolue de l'homme : si dans l'horrible mouche à viande qui bourdonne à ma fenêtre se trouve enfermée l'âme de mon trisaïeul, si dans cette fragile plante sur mon balcon souffre un de mes ancêtres, comment distinguerai-je la nature humaine de la nature animale ou végétale ? Elles aussi sont estimables, respectables, crées par le même Dieu, certes : mais qualitativement, elles sont pourtant différentes de la nôtre.
Quelle justice, d'ailleurs, m'obligera à mener une "vie de chien" (au sens propre) pour des fautes commises par un autre et dont je n'ai même pas idée ?
Dans le succès que rencontre de nos jours cette antique croyance, agit certainement la peur actuelle pour tout ce qui est définitif, irrévocable. Il est significatif qu'en Italie - par exemple - aient été proposés des référendums populaires pour effacer le caractère définitif, irrévocable des seules réalités qui étaient demeurées telles : le mariage et la prison à vie. Se réfugier dans la transmigration des âmes est, pour bon nombre de contemporains épouvantés par le fait de vivre et de mourir une seule fois (avec toute la gravité que la chose implique), une manière de suppléer à un impossible référendum qui enlèverait à la vie et à la mort leur caractère définitif.
Une seule vie, une seule mort, un seul destin éternel qui se joue une seule fois pour toutes : dans cette inexorabilité chrétienne réside, sans aucun doute, l'un des plus puissants stimulants de cette morale de l'engagement au service des autres qui manque d'une manière flagrante dans tant de religions orientales. Sachant qu'il sera jugé sur l'amour et qu'il ne lui est accordé qu'un temps pour aimer, celui qui croit à l'Évangile n'est pas tenté de faire comme ces étudiants qui continuent de vivre en comptant sur les examens de rattrapage.
Il est aussi probable que la fascination exercée par la réincarnation sur l'Occidental moyen s'enracine dans la naïve mentalité évolutionniste qui pénètre la culture actuelle. Si elle est vue comme un cycle progressant vers des formes de vie supérieure, la métempsychose est en effet l'application à l'eschatologie du "progrès" infaillible, de l'évolution qui s'accomplit toujours et en tout cas dans le sens du mieux. Une telle croyance n'appartient pas (comme souvent on le croit) à une culture alternative; elle semble tout au plus accepter la banalité du scientisme du XIXe siècle."
Source : V. Messori