La doctrine du Péché originel

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Eremos
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La doctrine du Péché originel

Message non lu par Eremos » jeu. 13 oct. 2005, 23:20

Question au sujet de Benoît XVI.

Mon professeur d'Histoire m'a sorti lundi en cours d'Histoire Ancienne, que Sa Sainteté serait prête à reconnaître qu'il n'y a pas de péché originel. :sonne: Forcément j'ai trouvé cela pour le moins étonnant. Je ne suis pas sûr que ce soit quelqu'un de particulièrement renseigné au sujet de l'Eglise, mais pas non plus hostile (pas le genre prof marxiste qui cherche à nuire au catho de service). Et donc je voudrais savoir si vous avez eu écho d'une telle nouvelle ou si ce n'est encore qu'un bruit de plus à courir dans les couloirs sécularisés de la société acide qui cherche à ronger les parois de l'Eglise.

Il me disait cela moins à titre officiel qu'en aparté dans son cours, c'était informel comme info et n'avait pas valeur d'enseignement, juste de renseignement. Il m'avait bien donné le nom de la personne dont il tenait cela, malheureusement j'ai oublié le nom. Une femme qui a sorti il n'y a pas si longtemps un livre (dictionnaire ?) sur les premiers chrétiens, c'est tout ce dont je me souviens. C'est très flou dans ma mémoire, je ne voudrais pas dire de bêtise sur cette source. Si j'y pense je lui reposerai la question la semaine prochaine.

Merci par avance !

En union de prière,
Eremos
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Création et péché originel

Message non lu par FMD » ven. 14 oct. 2005, 18:46

Bonsoir Eremos,

Si votre professeur n'est pas de « mauvaise foi », il doit tout simplement confondre la reconnaissance du caractère symbolique de certaines parties de la Genèse avec la négation pure et simple du péché originel. Ainsi le Catéchisme de l'Église catholique reconnaît explicitement sous le terme de « doctrine de la création » les faits suivants:
Catéchisme de l'Église catholique a écrit :283 La question des origines du monde et de l’homme fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques qui ont magnifiquement enrichi nos connaissances sur l’âge et les dimensions du cosmos, le devenir des formes vivantes, l’apparition de l’homme. Ces découvertes nous invitent à admirer d’autant plus la grandeur du Créateur, de lui rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence et la sagesse qu’il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon, ceux-ci peuvent dire : " C’est Lui qui m’a donné la science vraie de ce qui est, qui m’a fait connaître la structure du monde et les propriétés des éléments (...) car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse " (Sg 7, 17-21).

284 Le grand intérêt réservé à ces recherches est fortement stimulé par une question d’un autre ordre, et qui dépasse le domaine propre des sciences naturelles. Il ne s’agit pas seulement de savoir quand et comment a surgi matériellement le cosmos, ni quand l’homme est apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens d’une telle origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle, une nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent et bon, appelé Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la bonté de Dieu, pourquoi le mal ? D’où vient-il ? Qui en est responsable ? Et y en a-t-il une libération ?
Vous voyez donc qu'il faut aller bien vite en besogne pour accuser Benoît XVI de rejeter ce dogme, surtout lorsqu'on se penche sur son oeuvre personnelle. Je pense en particulier au chapitre consacré à la foi dans Regarder le Christ où il s'en prend durement à une certaine forme d'évolutionnisme - il me semble qu'il illustre son propos à l'aide d'une phrase tirée du Hasard et de la nécessité de Jacques Monod - qu'il qualifie purement et simplement de mythologique.

PaX
Franck

PS: Pour ce qui est de l'article du Figaro, je ne suis malheureusement pas optimiste puisque je ne me rappelle plus de sa date exacte de parution.

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Christophe
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Péché originel

Message non lu par Christophe » ven. 14 oct. 2005, 18:55

Cher Eremos
Eremos a écrit :Mon professeur d'Histoire m'a sorti lundi en cours d'Histoire Ancienne, que Sa Sainteté serait prête à reconnaître qu'il n'y a pas de péché originel. [...] Et donc je voudrais savoir si vous avez eu écho d'une telle nouvelle ou si ce n'est encore qu'un bruit de plus à courir dans les couloirs sécularisés de la société acide qui cherche à ronger les parois de l'Eglise.
Cette nouvelle pue l'intox à plein nez, si je puis me permettre. Il suffit pour le comprendre de revenir à la signification du péché originel. Sans lui, toute l'économie du Salut s'écroulerait et le sacrifice du Christ serait un non-sens.
Que l'on me permette de citer le tout nouveau Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique...

75. En quoi consiste le premier péché de l'homme ? (396-403 ; 415-417)
L'homme, tenté par le démon, a laissé s'éteindre en son coeur la confiance dans ses rapports avec son Créateur. En lui désobéissant, il a voulu devenir "comme Dieu", sans Dieu et non selon Dieu (Gn 3,5). Ainsi, Adam et Eve ont perdu immédiatement, pour eux et pour toute leur descendance, la grâce de la sainteté et de la justice originelles.

76. Qu'est-ce que le péché originel ? (404 ; 419)
Le péché originel, avec lequel naissent tous les hommes, est l'état de privation de sainteté et de justice originelles dans lequel naissent tous les hommes. C'est un péché que nous avons "contracté" et non un péché que l'on "commet" ; c'est une condition de naissance et non un acte personnel. En raison de l'unité originelle de tout le genre humain, ce péché se transmet aux descendants d'Adam avec la nature humaine, "non par imitation, mais par propagation". Cette transmission reste un mystère que nous ne pouvons saisir pleinement.

77. Quelles sont les autres conséquences provoquées par le péché originel ? (405-409 ; 418)
Par la suite du péché originel, la nature humaine, sans être entièrement corrompue, est blessée dans ses forces naturelles, soumise à l'ignorance, à la souffrance, au pouvoir de la mort ; elle est inclinée au péché. Cette inclination s'appelle concupiscence.

78. Après le premier péché, qu'à fait Dieu ? (410-412 ; 420)
Après le premier péché, le monde a été envahi par les péchés, mais Dieu n'a pas abandonné l'homme au pouvoir de la mort. Au contraire, il a annoncé d'une façon mystérieuse - dans le "Protoévangile" (cf. Gn 3,15) - que le mal serait vaincu et que l'homme serait relevé de la chute. C'est la première annonce du Messie rédempteur. C'est pourquoi on ira jusqu'à qualifier la chute d'heureuse faute (felix culpa), car "elle a mérité un si grand Rédempteur" (Liturgie de la Veillée pascale).


:arrow: Pour aller plus loin, la version intégrale du Catéchisme : http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P1D.HTM

Que le Dieu d'amour vous bénisse !
Christophe
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Re: Péché originel

Message non lu par Eremos » ven. 14 oct. 2005, 22:48

Merci beaucoup, je suis heureux et soulagé de voir qu'il s'agit d'une erreur de sa part. Il aura mal compris ou on l'aura mal renseigné... J'avais du mal à y croire, surtout que je ne trouvais aucune trace de cette nouvelle sur internet ni ailleurs. Mais là il s'agit définitivement d'une erreur grossière. Je lui en ferai part. ;-)

A propos de la lecture de la Création, je lisais ce midi un article du Monde (le magasine, non le journal) intitulé "Dieu contre Darwin", parlant de la lutte actuelle Drawiniens/Néocréationnistes aux USA. Très intéressant, mais d'un grand parti pris (évolutionniste) sur la question (j'avais presque l'impression que la position de l'Eglise sur le sujet était caricaturée, que leur vision du texte de Mgr Schönborn était grossière et réductrice). Je me demandais si le sujet avait déjà été traité sur le forum ? Si c'est le cas je ne l'ai pas vu, pourriez vous me l'indiquer ? :)

Fraternellement,
Eremos
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Message non lu par VexillumRegis » sam. 15 oct. 2005, 12:33

Bonjour,

En réalité, il existe une véritable "crise" de la théologie du péché originel dans l'Eglise catholique. Cette crise est due à la redécouverte de la théologie orientale et à une relativisation de la doctrine très pessimiste héritée de St Augustin et de son exégèse du célèbre passage de St Paul en Romains V, 12 - exégèse qui a toujours été jusqu'alors le fondement de la théologie catholique du péché originel (exprimée en particulier lors du concile de Carthage de 411 et réaffirmée lors du concile de Trente).

Je n'ai évidemment pas la compétence pour m'étendre davantage sur cet épineux problème, mais cet article tiré du site du Port St Nicolas me semble bien synthétiser les difficultés liées à cette question. En voici la conclusion :
III.6. Un travail de reformulation encore à faire

Pour être normatives, les définitions conciliaires de Carthage et de Trente n’en ont pas moins vieilli. Elles nécessitent, comme l’affirmait Paul VI dès 1966, une "définition et une présentation du péché originel qui soient plus modernes, c’est-à-dire qui satisfassent davantage aux exigences de la foi et de la raison, telles qu’elles sont ressenties et exprimées par les hommes de notre temps" [21].

Vingt ans plus tard, lui faisaient écho les propos du cardinal J. RATZINGER qui reconnaissait : "L’incapacité de comprendre et de présenter le ’péché originel’ est vraiment un des problèmes les plus graves de la théologie et de la pastorale actuelle" [22].

Nos enquêtes, même succinctes, en direction de la Bible et de la pratique baptismale de l’Eglise au long des siècles nous amènent d’ailleurs à relativiser sinon une doctrine du moins une formulation si faiblement enracinée dans l’Ecriture et la prière de l’Eglise.

C’est ainsi que les progrès de l’exégèse et de l’histoire nous obligent déjà à reconsidérer de manière critique l’interprétation donnée aux quelques versets de l’épître aux Romains sur lesquels repose l’essentiel de l’édifice théologique nommé "péché originel", ainsi que la justification donnée par le concile de Carthage et reprise par celui de Trente à l’appui des condamnations qu’ils prononcent.

L’un et l’autre conciles veulent voir en effet leur doctrine présente en Rm 5/12 et n’hésitent pas à déclarer : "on ne peut pas comprendre autrement ce que dit l’Apôtre : ’Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, et ainsi la mort a passé dans tous les hommes, tous ayant péché en lui’ (Rm 5/12), sinon de la manière dont l’Eglise catholique répandue par toute la terre l’a toujours compris [23]." La redécouverte de la tradition grecque ne rend plus tenable cette affirmation, laquelle d’ailleurs, dans la mesure où elle suit la formule "anathema sit", semble bien être davantage une justification qu’une explication incluse dans l’anathème et donc ne pas faire autant autorité.

D’un autre côté, et sauf le respect que l’on doit à son immense talent, il faut bien reconnaître qu’à trop vouloir se servir de l’antique pratique du baptême des petits enfants pour justifier sa construction théologique, St Augustin n’a probablement pas franchement rendu service à notre église.

N’est-il pas temps aujourd’hui de retrouver toute la richesse de cette pratique et la signification première d’un baptême qui célèbre la primauté, non du péché, mais de la grâce du Christ ?

Et au lieu de se crisper, voire de prétendre partir du " péché originel", n’est-il pas plus conforme à l’évangile et plus urgent pour nos contemporains de parler de "la grâce originelle" ?

Puissent ces quelques lignes nous stimuler en ce sens !
Les orthodoxes ont une conception toute différente de la notion de péché originel, et il en résulte des divergences parfois profondes sur des sujets connexes tels que le libre-arbitre, l'Immaculée Conception, etc...
PÉCHÉ ORIGINEL

En ce qui concerne le péché originel, il y a une différence importante entre l’approche de l’Église orthodoxe et celle de l’Église catholique : brièvement, la Tradition orthodoxe enseigne que le péché d’Adam était personnel et qu’il n’est pas hérité pas ses descendants ; ce que les descendants d’Adam héritent par contre sont les conséquences du péché originel, en particulier la mort et une tendance vers le péché. Vladimir Lossky et Mgr Hilarion en parlent dans leurs livres, ainsi que Mgr Kallistos Ware dans son livre L’Orthodoxie, L’Église des sept conciles (Cerf/Le Sel de la Terre, 2002).
Source : http://www.pagesorthodoxes.net/foi-orth ... c108142248

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Xavi
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S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Xavi » jeu. 05 nov. 2009, 19:46

S.S. le Pape Benoît XVI, à l’audience du 3 décembre 2008 :
Un grand nombre de personnes pense que, à la lumière de l'histoire de l'évolution, il n'y a plus de place pour la doctrine d'un premier péché, qui ensuite se diffuserait dans toute l'histoire de l'humanité…Le péché originel existe-il donc ou non ?

il existe un modèle principal d'explication …on suppose que l'être comme tel porte dès le début en lui le mal et le bien. L'être n'est pas simplement bon, mais ouvert au bien et au mal. Le mal est aussi originel, comme le bien… le péché originel ne serait en réalité que le caractère mixte de l'être, un mélange de bien et de mal qui, selon cette théorie, appartiendrait à l'étoffe même de l'être. C'est une vision qui au fond est désespérée : s'il en est ainsi, le mal est invincible… Cette pensée moderne peut, à la fin, ne créer que la tristesse et le cynisme…

que dit la foi?… Le mal ne vient pas de la source de l'être lui-même, il n'est pas également originel. Le mal vient d'une liberté créée, d'une liberté dont on a abusé … Le mal vient d'une source subordonnée. Dieu avec sa lumière est plus fort. Et c'est pourquoi le mal peut être surmonté. C'est pourquoi la créature, l'homme peut être guéri. Les visions dualistes, même le monisme de l'évolutionnisme, ne peuvent pas dire que l'homme peut être guéri ; mais si le mal ne vient que d'une source subordonnée, il reste vrai que l'homme peut être guéri…

Dieu a introduit la guérison. Il est entré en personne dans l'histoire. A la source constante du mal il a opposé une source de bien pur. Le Christ crucifié et ressuscité, nouvel Adam

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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Serge BS » jeu. 05 nov. 2009, 20:08

Je pense que ce texte se suffit à lui-même. Je ne vois vraiment pas ce qu'un Chrétien aurait à y rajouter, à y retrancher, à y changer, à commenter. Clair, simple, parfait...

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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Invité » ven. 06 nov. 2009, 12:24

Diadoque de Photicé dit au N°3 de ses 100 chapitres sur la connaissance et le discernement spirituel
La Philocalie P. 274
"Le mal n'est pas naturel, et personne n'est mauvais par nature. Car Dieu n'a rien fait de mauvais. Mais quand, dans le désir du coeur, on donne forme à ce qui n'est pas en réalité, alors commence à être ce que voudrait celui qui fait cela. Il faut donc toujours, par le soin qu'on prend du souvenir de Dieu, ne pas s'inquiéter de l'expérience du mal. Car la nature du bien est plus forte que l'expérience du mal, puisque l'un est et que l'autre n'est pas, sauf quand on le fait.

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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Xavi » ven. 06 nov. 2009, 17:18

Merci à Touriste pour son observation très juste.

Beaucoup oublient que tout était bon dans la création avant que l’homme n’y introduise le mal après plusieurs « jours » que la science nous détaille en milliards d’années lumière.

Tout était bon, y compris les phénomènes naturels, le renouvellement de toutes choses, les évolutions et les mutations. Tout était bon.

C’est dans l’histoire, longtemps, longtemps, après le début de la création, que le mal est entré dans le monde par un acte libre, un acte conscient, l’acte d’un homme. Pas celui d’un primate préhistorique.

Cet acte libre n’a pas pu exister dès l’origine, comme le bien. Il s’est produit à un moment bien réel et concret de l’histoire.

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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Etrigan » ven. 06 nov. 2009, 17:45

Contrairement à vous et à Benoît XVI, je trouve que l'Ecriture nous fait désespérer. Parce que son explication n'est vraiment pas à la hauteur du texte. Ce mal subordonné, il est subordonné à quoi ? A Satan qui est là dans le Jardin parfait créé par Dieu !!

De là, deux idées :
*soit Satan y est entré de lui-même (on nous dit bien que Dieu a créé le Serpent - donc le Mal, merci) et donc Dieu n'a aucun contrôle sur sa créature.
*soit Dieu a installé le Serpent dans le Jardin - auquel cas, merci aussi ; rien de mieux pour foutre en l'air un chef d'oeuvre que de mettre ce qu'il y a de plus dangereux au monde dedans.
*soit c'est l'Homme qui fait venir le Serpent en refusant la Lumière de Dieu (Prologue de Jean) et donc, on en arrive à dire que l'Humain est une belle saloperie puisque c'est lui qui a foutu royalement en l'air toute la Création. Si après ça on ne désespère pas...

Rajoutez à cela l'idée que le Christ a été pensé de toute éternité et donc, on en arrive à l'idée que la Chute était pensée dès la Création - impossible donc de nier que Dieu l'avait prévu, voire voulu.

A partir de là, Benoît XVI peut dire ce qu'il veut, mais le texte de Genèse est effrayant dans ses implications métaphysiques et si on le lit sérieusement, on ne peut qu'avoir peur : de l'Humain.
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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Raistlin » ven. 06 nov. 2009, 17:59

Etrigan a écrit :Contrairement à vous et à Benoît XVI, je trouve que l'Ecriture nous fait désespérer. Parce que son explication n'est vraiment pas à la hauteur du texte. Ce mal subordonné, il est subordonné à quoi ? A Satan qui est là dans le Jardin parfait créé par Dieu !!
Qui a dit qu'il était parfait ? Seul Dieu est parfait.

Etrigan a écrit :*soit Satan y est entré de lui-même (on nous dit bien que Dieu a créé le Serpent - donc le Mal, merci) et donc Dieu n'a aucun contrôle sur sa créature.
Auriez-vous préféré que Dieu nous manipule comme des marionnettes ?

Etrigan a écrit :*soit Dieu a installé le Serpent dans le Jardin - auquel cas, merci aussi ; rien de mieux pour foutre en l'air un chef d'oeuvre que de mettre ce qu'il y a de plus dangereux au monde dedans.
Ce n'est pas ce que dit le texte.

Etrigan a écrit :*soit c'est l'Homme qui fait venir le Serpent en refusant la Lumière de Dieu (Prologue de Jean) et donc, on en arrive à dire que l'Humain est une belle saloperie puisque c'est lui qui a foutu royalement en l'air toute la Création. Si après ça on ne désespère pas...
Ce n'est pas non plus ce que dit le texte.

Etrigan a écrit :Rajoutez à cela l'idée que le Christ a été pensé de toute éternité et donc, on en arrive à l'idée que la Chute était pensée dès la Création - impossible donc de nier que Dieu l'avait prévu, voire voulu.
Prévu oui, voulu non, permis c'est certain.

Etrigan a écrit :A partir de là, Benoît XVI peut dire ce qu'il veut, mais le texte de Genèse est effrayant dans ses implications métaphysiques et si on le lit sérieusement, on ne peut qu'avoir peur : de l'Humain.
A partir de là, ce qui est réellement effrayant, ce sont vos analyses à l'emporte-pièce. J'ai lu sérieusement le texte de la Genèse, je n'ai jamais eu peur de l'Humain.

Cordialement,
« Dieu fournit le vent. A l'homme de hisser la voile. » (Saint Augustin)

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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Etrigan » ven. 06 nov. 2009, 20:09

Etrigan a écrit:
*soit Satan y est entré de lui-même (on nous dit bien que Dieu a créé le Serpent - donc le Mal, merci) et donc Dieu n'a aucun contrôle sur sa créature.

Auriez-vous préféré que Dieu nous manipule comme des marionnettes ?*

Je parle de Satan et pas de l'Etre humain.
Il n'y a aucun contre argument sérieux dans vos propos ; aucun traitement métaphysique du récit de Genèse - démontrez, je suis prêt à vous suivre - mieux : je serais ravi de revoir mon jugement. Mais démontrez.

Et pour donner le bon exemple, je m'y colle (et je précise que je ne suis finalement pas convaincu de ma propre conclusion qui permet pourtant de régler le problème) :

Voici le texte de base sur lequel nous aurons à travailler :
Genèse 2
2.4
 Voici les origines des cieux et de la terre, quand ils furent créés.
2.5
 Lorsque l'Éternel Dieu fit une terre et des cieux, aucun arbuste des champs n'était encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne germait encore: car l'Éternel Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n'y avait point d'homme pour cultiver le sol.
2.6
 Mais une vapeur s'éleva de la terre, et arrosa toute la surface du sol.
2.7
 L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant.
2.8
 Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.
2.9
 L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
2.10
 Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.
2.11
 Le nom du premier est Pischon; c'est celui qui entoure tout le pays de Havila, où se trouve l'or.
2.12
 L'or de ce pays est pur; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d'onyx.
2.13
 Le nom du second fleuve est Guihon; c'est celui qui entoure tout le pays de Cusch.
2.14
 Le nom du troisième est Hiddékel; c'est celui qui coule à l'orient de l'Assyrie. Le quatrième fleuve, c'est l'Euphrate.
2.15
 L'Éternel Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder.
2.16
 L'Éternel Dieu donna cet ordre à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin;
2.17
 mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.
2.18
 L'Éternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui.
2.19
 L'Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme.
2.20
 Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui.
2.21
 Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place.
2.22
 L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.
2.23
 Et l'homme dit: Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
2.24
 C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
2.25
 L'homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n'en avaient point honte.
Genèse 3
3.1
 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?
3.2
 La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.
3.3
 Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.
3.4
 Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point;
3.5
 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
3.6
 La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea.
3.7
 Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.
3.8
 Alors ils entendirent la voix de l'Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l'Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.
3.9
 Mais l'Éternel Dieu appela l'homme, et lui dit: Où es-tu?
3.10
 Il répondit: J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.
3.11
 Et l'Éternel Dieu dit: Qui t'a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger?
3.12
 L'homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé.
3.13
 Et l'Éternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé.
3.14
 L'Éternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
3.15
 Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.
3.16
 Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.
3.17
 Il dit à l'homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,
3.18
 il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs.
3.19
 C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
3.20
 Adam donna à sa femme le nom d'Eve: car elle a été la mère de tous les vivants.
3.21
 L'Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.
3.22
 L'Éternel Dieu dit: Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement.
3.23
 Et l'Éternel Dieu le chassa du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre, d'où il avait été pris.
3.24
 C'est ainsi qu'il chassa Adam; et il mit à l'orient du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.

Préambule à notre réflexion :

Constitution dogmatique Dei Verbum :

Pour la rédaction des Livres saints, Dieu a choisi des hommes; il les a employés en leur laissant l'usage de leurs facultés et de toutes leurs ressources (41), pour que, lui-même agissant en eux et par eux (42), ils transmettent par écrit, en auteurs véritables, tout ce qu'il voulait, et cela seulement (43).

Puisque Dieu parle dans la Sainte Ecriture par des intermédiaires humains, à la façon des hommes (45), l'interprète de la Sainte Ecriture, pour saisir clairement quels échanges Dieu lui-même a voulu avoir avec nous, doit rechercher ce que les hagiographes ont eu réellement l'intention de nous faire comprendre, ce qu'il a plu à Dieu de nous faire connaître par leur parole.

Pour découvrir l'intention des hagiographes, il faut entre autres choses être attentif aussi " aux genres littéraires ". En effet la vérité est proposée et exprimée de manière différente dans les textes qui sont historiques à des titres divers, dans les textes prophétiques, les textes poétiques, ou les autres sortes de langage. Il faut donc que l'interprète recherche le sens qu'en des circonstances déterminées, l'hagiographe, étant donné les conditions de son époque et de sa culture, a voulu exprimer et a de fait exprimé à l'aide des genres littéraires employés à cette époque (46). Pour comprendre correctement ce que l'auteur sacré a voulu affirmer par écrit, il faut soigneusement prendre garde à ces façons de sentir, de dire ou de raconter, qui étaient habituelles dans le milieu et à l'époque de l'hagiographe, et à celles qui étaient habituellement en usage ça et là à cette époque, dans les relations entre les hommes (47).

Dans la Sainte Ecriture, se manifeste donc, la vérité et la sainteté de Dieu demeurant toujours intactes, l'admirable " condescendance " de la Sagesse éternelle, " pour que nous apprenions l'inexprimable bonté de Dieu. et quelle immense adaptation de langage il a employée, prenant un soin très attentif de notre nature " (50). Les paroles de Dieu, en effet, exprimées en des langues humaines, se sont faites semblables au langage humain, tout comme autrefois le Verbe du Père éternel, ayant pris la chair de la faiblesse humaine, s'est fait semblable aux hommes.

Première considération :

En accord avec ce que Dei Verbum suggère, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de considérer ce texte comme historique. Les sciences de l'univers nous proposent une théorie qui est hautement plus crédible que ce récit. De fait, nous en déduisons qu'il s'agit d'un conte (et d'ailleurs, un conte copié d'après un autre conte babylonien) ; mais un conte n'est pas, contrairement à ce que certains croient, une histoire pour endormir les enfants. Le conte permet au contraire de transcrire de grandes vérités sous une forme symbolique car certaines vérités sont de l'ordre de l'ineffable ou bien encore ne doivent pas être communiquées à n'importe qui. Ainsi peut-on estimer que ce second récit de la Genèse contient une vérité métaphysique et il n'y a aucun lieu de le repousser dédaigneusement, sous prétexte qu'il serait peu crédible.

Deuxième considération :

Il existe deux récits de la Création du monde, l'un par le courant dit yavhiste et l'autre elohiste (la présente traduction efface cette différence ce qui est un grand tort – le choix des termes offre en effet une lisibilité des intentions ou plutôt de l'école à laquelle se rattache le rédacteur. Ceci contredit du même coup l'idée que le récit fut écrit par Moïse – on imagine mal que Dieu lui eut dicté deux récits différents – par ailleurs, la Thora fut perdue pendant le sac de Jérusalem et Esdras est connu pour l'avoir remise au propre sous l'influence de Dieu).

Ceci signifie quelque chose d'important, à savoir que s'il y a deux récits, c'est que les compilateurs de l'époque estimèrent que les deux récits transmettaient – bien que contradictoires – des vérités essentielles. Nous n'avons repris que le deuxième récit car il est le seul à envisager la Chute. Ceci implique-t-il que pour le premier courant, il n'y avait pas de Chute ? Une hypothèse intéressante, non ?

Troisième considération :

Il existe de multiples traductions des textes saints et de nombreux auteurs s'intéressant à l'alphabet hébreux ou à la doctrine ésotérique démontrent que la traduction officielle ne restitue pas le sens vrai du récit et que donc la Genèse raconte une toute autre histoire. Nous ne pourrons nous engouffrer dans une telle voie, faute de maîtrise de l'Hébreu. Pour notre part, nous prendrons ce récit tel qu'il est et telle que toutes les Bibles le restituent : celui d'une Chute.



Première lecture : l'origine du mal

Soyons bref et clair : ce texte entend justifier la souffrance humaine et expliquer pour l'Homme se sent privé d'une part de sa dimension et pourquoi le mal existe donc la souffrance et la peine. Ce sont des questions ontologico-métaphysiques qui sont de toute éternité.

Que nous dit le récit de la Genèse ? Que la faute vient de l'Homme par la faute du Serpent. Dieu a offert le Jardin, endroit de paix et de calme où les bêtes sont aimantes et où l'Homme n'a qu'à se baisser pour ramasser les fruits qu'on imagine juteux et tombés des arbres. Dieu a créé le Paradis, il y a mis l'Homme (homme + femme). Mais voilà ! Débarque le Serpent. Que fait-il là ? Comment cela se fait-il qu'il soit contre Dieu ? Pourquoi est-il le seul animal qui parle ? A quoi ressemble-t-il réellement (surement pas à un serpent, sinon, la malédiction de Dieu à son encontre ne serait pas ce qu'elle est) ? Nous n'en savons rien. Par contre, on voit que le Serpent tente habilement la femme en lui faisant désirer ce qu'elle ne doit pas désirer. Or, on sait que l'enfant voudra toujours ce qu'il ne doit pas vouloir et qu'il suffit de dire à un enfant : « ne touche jamais à ce bouton », pour qu'il y touche dès que possible.

Donc, le Serpent, le Mal, le Tentateur (c'est manifestement sa seule fonction) est présent en Eden et induit la femme et l'homme en erreur. Donc, on en déduit que le Mal est partie de la création. Mais comment cela se fait-il ? Pourquoi Dieu aurait-il créé le Mal dans son Paradis ? Ou bien alors, cela signifierait que Dieu n'est pas tout puissant et qu'il existe un rival, le Diable, qui s'est immiscé dans on chef d'oeuvre de création.

Or, que nous dit le Livre de Job ?

1.6
Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux.
1.7
L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener.
1.8
L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal.
1.9
Et Satan répondit à l'Éternel: Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu?
1.10
Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à lui? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays.
1.11
Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr qu'il te maudit en face.
1.12
L'Éternel dit à Satan: Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre; seulement, ne porte pas la main sur lui. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel.

On le voit, Satan semble plutôt bien apprécié de Dieu. En fait, Satan n'est pas, en Hébreu, un nom propre, mais une fonction. Le Satan est un « job » qu'occupe un Ange. Satan signifie Adversaire. C'est lui qui, s'opposant à nous, nous invite à un dépassement. Sans adversaire, sans obstacle, la vie serait, justement, paradisiaque. Or, que nous enseigne la plus élémentaire des psychologies ? Que la perfection est source de mort : face à la beauté parfaite, comment ne pas se sentir laid ? Face au calme plat de notre vie, comment ne pas ressentir de l'ennui et du désappointement ? Bref, sans Adversaire, nous serions des êtres-pour-la-mort comme le dit Heidegger et rien que cela.
Ainsi, le récit de la Genèse nous apprend que l'Homme a eu un grand tort : prêter l'oreille au discours du Mal. Au lieu de se contenter de la vision béatifique de Dieu, l'Homme a souhaité obtenir la connaissance, c'est à dire prendre sa liberté et savoir ce qui est Bien et Mal. Se faire l'égal de Dieu nous dit-on. Manquerait plus qu'il devienne immortel en mangeant de l'Arbre de la Vie et son compte serait Bon. L'Homme, sans expérience, ni vie, ni pratique, ni rien, deviendrait immortel. Alors, Dieu le chasse.

On retrouve là un mythe classique de l'Humanité. L'Homme a voulu s'élever trop haut, il a pêché par orgueil et a été puni par Dieu.

Mais nous restons tout de même bien mal à l'aise car nous ne comprenons pas ce que le Serpent est et pourquoi il a droit de cité dans le Jardin. Nous bloquons sur un point : le Mal semblerait faire partie de la Création et donc, Dieu ne serait pas Amour mais au contraire, comme les gnostiques, nous serions tentés de voir en lui un dieu, un mauvais dieu qui aurait donné la vie dans la matière impure et Satan un libérateur qui nous aurait permis de nous retourner vers notre véritable nature en nous apportant la gnose, la connaissance et donc cette connaissance nous conduirait au vrai Dieu, pur et parfait.

Avouons que cette lecture est tentante car elle serait bien plus logique. Pourtant, nous en connaissons le danger : le polythéisme, crime absolu à l'égard de Dieu. Puisque nous ne pouvons accepter que Dieu soit multiple, il nous faut tirer un trait sur cette lecture et bien souligner que Satan n'est pas un anti-Dieu mais un élément de la Création.

Alors, comment se sortir de cette contradiction ? Quelle lecture peut-on faire qui satisferait à la morale de Dieu et à l'idée de la Chute en même temps ?



Seconde lecture : le cri du nouveau-né

Cette seconde lecture consisterait à lire Genèse comme un récit métaphorique et symbolique de notre condition. Et comment ne pas y voir la cérémonie de la naissance ?

Comme Adam, l'enfant a vécu dans le sein de sa mère (analogie Jardin – entrailles est flagrant) ; il avait alors la nourriture qui lui arrivait par le cordon ombilical mais sa naissance a été une expulsion. C'est d'ailleurs le cas, à la lettre ! La mère expulse le petit. Le père coupe le cordon ombilical. L'enfant pousse un cri terrible : il est dans le monde, froid, il ne distingue rien ; il n'a que la senteur de sa mère pour le calmer et les mains de son père pour le bercer.

Analogie flagrante qui masque néanmoins un problème, ce satané Serpent. Car, bien entendu, il n'y a pas de Mal dans la naissance d'un enfant. Ce n'est pas criminel de naître et ce n'est pas criminel de donner la vie – à moins que le Serpent ne soit le cordon ombilical ? Dès lors, reste le fait que Genèse est sans aucun doute un texte en partie psychologique (ce qui tendrait à démontrer que les auteurs furent des génies, devançant Freud de plusieurs siècles) mais il n'en pose pas moins une question essentielle : la place du Mal dans la Création et le rôle de l'Homme.


Troisième lecture : le Christ a la réponse

Et si nous avions tout simplement inféré dans Genèse quelque chose qui n'y était pas ? Ainsi est-il écrit que :

3.1
 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits.

Certes puisque tout vient de Dieu – aspects positifs comme négatifs. Mais où voit-on que c'est Dieu qui l'a fait venir dans le Jardin ?

En effet, lisons maintenant :

1.1
Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
1.2
Elle était au commencement avec Dieu.
1.3
Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.
1.4
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
1.5
La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue.


Donc, les ténèbres peuvent refuser la lumière.

Ensuite :

16.21
Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il souffrît beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu'il fût mis à mort, et qu'il ressuscitât le troisième jour.
16.22
Pierre, l'ayant pris à part, se mit à le reprendre, et dit: A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas.
16.23
Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre: Arrière de moi, Satan! tu m'es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes.
16.24
Alors Jésus dit à ses disciples: Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive.

Jésus signifie-t-il par là que Pierre = Satan ? Non, bien sûr. Pierre est humain ! Mais Pierre peut devenir Satan uniquement par la pensée et les paroles ! Ce qui revient à dire que Satan, cela peut être toi ou moi à partir du moment où nos pensées prennent une direction mauvaise.

Ensuite :

8.44
Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge.

Ainsi donc, on peut imaginer que le Serpent rentre dans le Jardin parce que c'est l'Homme qui le fait rentrer !

C'est une idée terrible mais logique. Satan est lié aux phantasmes, aux pensées impures... à quoi au fond ? À quel dénominateur commun ? Réponse : le désir.
Dès qu'il y a existence, dès qu'il y a langage, il y a désir. L'Homme est prisonnier d'une langue qui l'habite et sans laquelle il ne peut se construire. Mais dès lors qu'il parle ou même pense (on ne pense qu'en parlant), il induit un vide, une erreur car le langage ne peut pas dire l'objet réel, il tourne autour, il suscite des complications, des doutes, des affirmations, des lapsus, des incohérences. Il révèle notre inconscient, qui est « les ténèbres n'ayant point reçu la lumière. » Eh oui ! Sitôt que nous sommes formés, l'intérieur de notre être est ténébreux et la lumière nous devons la faire venir à l'intérieur de nous.

J'imagine donc que c'est parce que nous avons « pour père le diable » que le Serpent a pu entrer dans le Jardin, c'est à dire dans les ténèbres qui ne reçoivent pas la lumière, notre Jardin intérieur. C'est parce qu'il est notre père (nous lui avons obéis à lui, fais confiance à lui et pas à Dieu) que nous sommes désormais en manque de Dieu et que nous avons la sensation d'avoir chuté.

Oui, Augustin avait raison de voir dans le récit de la Genèse une Chute car tout un chacun, lorsque nous ouvrons les yeux sur notre condition, nous avons la sensation d'avoir perdu quelque chose et de devoir faire un retour pour revenir à notre essence. « L'existence précède l'essence », disait Sartre ; à nous, donc, de faire en sorte que ce soit l'essence qui précède l'existence.

3.24
 C'est ainsi qu'il chassa Adam; et il mit à l'orient du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.
Qui agitent une épée, comme sur la piste d'atterrissage des avions on agite des lanternes. Qui gardent le chemin de l'arbre de vie comme on garde un chemin pour s'assurer qu'il reste ouvert.

Note d'espoir : on peut lire de deux façons ce verset : nous sommes interdits de retour ou bien les Chérubins gardent le passage ouvert. Et manger de l'Arbre de vie permettrait de « vivre éternellement. », selon Dieu.

D'où le Christ, d'où la rémission des pêchés, d'où la promesse du retour en Dieu et la promesse de l'Eternité passée dans la béatitude.
« Le Verbe s’est incarné pour la Rédemption du Péché. Faudra-t-il que le Saint-Esprit s’incarne pour la rédemption de la sottise ? » Léon Bloy

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Barbarus
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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par Invité » ven. 06 nov. 2009, 21:40

Le récit de la grnèse répond à la question que les hébreux se posent avec la catastrophe de l'exil. Dieu nous aurait-il abandondonné? Est-ce que le mal, la souffrance, la guerre vont toujours nous dominer? Est-ce que Dieu est assez fort pour dominer le mal et nous faire vivre?...........
Les auteurs de la Genèse répondent que le mal ne vient pas de Dieu puisqu'il est créateur Dieu vit que cela étaait bon.
Dieu fait la démonstration qu'il est maître du mal avec le Déluge mais il ne veut pas employer sa force pour détruire mais pour construire et sauvé. Le mal est dans le coeur de l'homme dès sa jeunesse, mais je ne détrruirai pas la terre à cause du mal qui s'y fait je verrai l'arc en ciel et je ne détruirai pas, je sauverai.
Le mal qui entraine la violence et le meurtre n'aura pas le dernier mot. Dieu brise le cercle vicieux de violence-vengeance et reviolence. Il met un signe sur Caïn pour qu'il ne soit pas vengé.
Et quand la fête de la première vendange de Noé tourne à ce qu'il soit ivre. Dieu fait respecter l'humain même dans cet état et les généalogies qui vont suivre vont être le garant de l'intervention de Dieu créateur dans l'histoire comme autant d'enfantements.
De ce point de vue la genèse est un récit plein d'espérance où les auteurs nous disent que créer à l'image de Dieu, l'homme sera toujours plus fort que le mal
un signe: quand Adam et Eve s'aperçurent qu'ils étaient nus ils se firent un vêtement de feuille de figuier
et Dieu se fait grand couturier pour leur faire des vêtements de peau qui a la même prononciation avec des lettres différentes que vêtement de lumière

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ti'hamo
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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par ti'hamo » ven. 06 nov. 2009, 22:34

.
il n'y a pas lieu de considérer ce texte comme historique. Les sciences de l'univers nous proposent une théorie qui est hautement plus crédible que ce récit.
Ca dépend de ce que vous entendez par là. L'Église considère comme historique l'existence d'un premier couple humain qui, en se détournant de Dieu et en voulant se suffire à soi-même, entraîne l'irruption du Mal dans la création.
Ceci ne s'oppose en rien aux conclusions actuelles des diverses sciences.


.
un conte copié d'après un autre conte babylonien :
Il me semble que dans les contes babyloniens en question, le mal et la lutte sont aux principe même de la création du monde ; alors que dans la Genèse, le mal est étranger à la création première, et arrive par le refus des créatures de suivre le créateur, puis ensuite ceci engendre la violence et la lutte.



.
"Nous n'avons repris que le deuxième récit car il est le seul à envisager la Chute. Ceci implique-t-il que pour le premier courant, il n'y avait pas de Chute ? Une hypothèse intéressante, non ?"
Le premier récit relate la création de l'Univers et s'arrête une fois l'Univers créé.
Le second récit reprend en détail la création de l'Homme, ses liens avec Dieu et la chute.

À ce qu'il me semble, donc, l'hypothèse ne tient pas ; elle aurait lieu d'être si ce premier récit poursuivait par le récit de relations entre Dieu et les Hommes sans heurt et sans Mal, avec des générations ne connaissant pas le Mal, Caïn et Abel s'entendant parfaitement...
Le premier récit serait un récit autre et sans la chute, si et seulement s'il racontait une humanité sans péché, des relations sans Mal et sans péché entre Dieu et les Hommes. Mais le premier récit se borne à relater la création de l'univers, c'est tout.
On ne peut donc pas poser cette hypothèse.


. Lorsqu'on s'intéresse à des doctrines ésotériques, par définition on ne "démontre" rien : puisqu'on part tout simplement d'une autre profession de foi ;
on part du principe que ce texte veut dire en fait tout autre chose que ce qu'il a l'air de dire (c'est le principe de l'ésotérisme : le sens est forcément caché, les mots veulent forcément dire le contraire de ce qu'ils ont l'air de dire), et ENSUITE seulement on essaye, du coup, de trouver une tout autre interprétation ; la seule contrainte étant de trouver une interprétation qui n'a rien à voir avec ce que raconte le texte (sinon, le sens n'était pas caché du tout et il ne s'agit plus d'ésotérisme)
“Il serait présomptueux de penser que ce que l'on sait soi-même n'est pas accessible à la majorité des autres hommes.”
[Konrad Lorenz]

Celui qui connaît vraiment les animaux est par là même capable de comprendre pleinement le caractère unique de l'homme.
[Konrad Lorenz]
Extrait de L'Agression

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Re: S.S. Benoît XVI et la réalité du péché originel

Message non lu par ti'hamo » ven. 06 nov. 2009, 22:35

"Que nous dit le récit de la Genèse ? Que la faute vient de l'Homme par la faute du Serpent."
Je ne dirais pas ça. Justement, le récit montre que la première attitude engendrée par la faute, après la honte, c'est la dénégation : chacun rejette la faute sur l'autre ("c'est pas moi c'est la femme", "c'est pas moi c'est le serpent") (Remarquez d'ailleurs que, mine de rien, Adam tente déjà mine de rien de rejeter la faute sur Dieu lui-même : "c'est la femme QUE TU M'AS DONNÉE").

Mais la faute de l'Homme, elle vient avant tout... de l'Homme. Ce que nous dit le récit de la Genèse, c'est que l'Homme choisit de suivre le Serpent dans sa faute, alors qu'il avait la possibilité de choisir en toute liberté de refuser la faute et de suivre Dieu.
La faute première en l'Homme, c'est de vouloir se suffire à soi-même et d'accepter de douter de Dieu.
“Il serait présomptueux de penser que ce que l'on sait soi-même n'est pas accessible à la majorité des autres hommes.”
[Konrad Lorenz]

Celui qui connaît vraiment les animaux est par là même capable de comprendre pleinement le caractère unique de l'homme.
[Konrad Lorenz]
Extrait de L'Agression

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