Ancien et Nouvel Israël

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
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Fée Violine
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Re: La théologie du remplacement

Message non lu par Fée Violine » jeu. 21 juin 2018, 16:13

Paul1602 a écrit :
jeu. 21 juin 2018, 3:10
Donc la Doctrine, le Dogme évolue, comment est-ce possible ? Je voulais en venir sur ce point. Comment la Vérité peut-elle évoluer puisque c'est la Vérité, je ne comprends pas.
Bonjour et bienvenue, Paul1602,

la doctrine et le dogme sont, me semble-t-il, deux choses différentes. Les dogmes, bien sûr, s'ils sont vrais, ne peuvent cesser d'être vrais, on peut juste les préciser davantage, essayer de mieux les cerner. Mais comment trouver les mots justes pour décrire Dieu ?
La doctrine, c'est plus général, c'est l'enseignement concernant des sujets divers, et là bien entendu il peut y avoir des différences d'approche.

J'ai fusionné votre fil avec un fil plus ancien où vous trouverez des débats très intéressants.

Paul1602
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Re: L'Église est-elle le vrai Israël ?

Message non lu par Paul1602 » jeu. 21 juin 2018, 17:19

En effet, merci ....très pertinent

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Re: L'Église est-elle le vrai Israël ?

Message non lu par Fée Violine » mer. 23 déc. 2020, 20:49

Message du fr. Jean-Miguel Garrigues, op :
Noël2020 –Nouvel An 2021

Chers Frères, Sœurs et amis,

A la veille de Noël, je viens de nouveau vers vous pour vous assurer de ma pensée et de ma prière auprès de Dieu qui, à Bethléem, s’est fait petit et vulnérable comme un enfant. À Noël 2019, l’Église arrivait en haillons devant la crèche, après une année où les scandales sexuels et financiers de certains de ses ministres ne lui avaient laissé que ses larmes pour pleurer et demander pardon. Cette année c’est le monde entier qui se présente ployant sous le malheur: malheur d’une pandémie qui est comme un tunnel dont on ne voit pas le bout, malheur d’une crise économique mondiale qui frappe déjà les plus démunis, qu’ils soient nations ou individus.

Les espoirs humains sont placés maintenant sur des vaccins qui soulèvent pourtant autant de questions qu’ils promettent de solutions. Les croyants mettent leur espérance en Dieu, mais celle-ci, qui garantit à tout homme la grâce qui –s’il y répond –peut le conduire à la vie éternelle, ne promet pas que demain sera meilleur qu’aujourd’hui, même s’il est bien difficile à l’espoir des chrétiens de ne pas l’attendre de la providence du Père des cieux. Le croyant le souhaite et le demande à Dieu de tout son cœur, mais n’a pas pour autant plus de garantie sur l’avenir terrestre du monde et même de l’Église. Ceux qui ont besoin d’attendre des jours meilleurs pour l’Église sinon pour le monde, devraient méditer les numéros 675-677 du Catéchisme de l’Église Catholique. Les croyants partagent aussi avec leurs frères en humanité les épreuves et l’incertitude du lendemain, «tutti fratelli» comme dit le pape dans sa récente encyclique, à la suite de saint François d’Assise. Leur foi en un Dieu qui est un Père de miséricorde bienveillant et provident ne rend que plus douloureux les moments où Il n’agit pas. Ces moments de silence, tout comme les moments où Il répond à nos désirs et à nos demandes, montre que sa providence ici-bas est ultimement tout entière ordonnée à conduire les hommes à la vie éternelle. Cette providence n’a pas comme but en revanche de servir de rustine à notre monde vieilli par le péché, lequel doit passer à la suite du Christ par un «travail d’enfantement» (Rm 8, 22) pour qu’adviennent «les cieux nouveaux et la terre nouvelle où la justice habitera» (2 P 3, 13).

Ma vie personnelle a connu elle aussi en 2020 un tournant lié à sa propre caducité. En juin 2019 j’avais célébré à la fois l’anniversaire de mes soixante-quinze ans d’âge et celui de mes cinquante ans d’ordination sacerdotale. L’un et l’autre sonnaient l’âge de la retraite ecclésiastique, qui ne signifie pas bien sûr la cessation de tout ministère, mais marque néanmoins un tournant existentiel dans la mission. Celui-ci a pris la forme pour moi, avec la fin de mes engagements d’enseignement académique de la théologie, de mon envoi par notre Père provincial au couvent de Montpellier que je ne connaissais pas. J’y suis arrivé fin octobre 2019 et, à peine avais-je commencé à m’adapter au couvent, à l’Église locale et à la ville, que le Covid-19 est arrivé, avec son alternance de confinements et de dé-confinements.

Heureusement pour moi j’arrivai à Montpellier avec une mission personnelle de travail théologique, que j’avais préalablement fait approuver par notre Père provincial. Auparavant, grâce à un ami personnel bien introduit, j’avais conclu un accord avec Caroline Noirot, directrice de la maison d’édition Les Belles Lettres, pour la publication d’un livre sur la «théologie de la substitution» du peuple juif, déclaré infidèle pour son refus de la messianité de Jésus, par l’Église des gentils. Cette immense question théologique, peu débattue en France jusqu’à maintenant, fait l’objet de controverses passionnées aux États-Unis et en Allemagne. Ses connotations passionnelles sont trop fortes, en un sens et dans l’autre, pour que le thème de la «substitution» (supersessionism en américain) risque de devenir un de ces «termes terroristes» dont on ne sait plus bien ce qu’ils signifient. Benoît XVI a jugé la question suffisamment décisive pour être sorti de son silence en publiant dans la revue Communio un article rédigé par lui ex professo à cette occasion. De mon côté, grâce à l’aide d’un vieil ami, j’avais reçu de la fondation Scholarship, parallèlement à l’accord avec Les Belles Lettres, une subvention à la publication du livre à paraître, qui me permet de vaquer prioritairement pendant deux ans à cette recherche sans trop peser économiquement sur ma communauté.

A travers confinements et dé-confinements, ma première tâche a donc été de mener cette enquête à la fois théologique et historique dans les origines chrétiennes et chez les premiers Pères de l’Église. Après une première année de travail, penché sur des textes grecs, j’ai commencé à rédiger en vue du livre. La question qui porte ma recherche est la suivante. Ni Jésus, même le Jésus des évangiles canoniques, ni les apôtres dans les Actes et les épîtres du Nouveau Testament, n’ont rien dit ni rien fait indiquant qu’ils cherchaient à fonder une autre religion. Tout ce qu’ils ont dit ou fait, se situait comme l’accomplissement(voilà la notion-clé que Benoît XVI veut préserver dans le débat du supersessionisme) des promesses (aux Patriarches, à Moïse et à David) et de la Loi d’Israël. Cela n’avait pas comme but de fonder une autre religion à côté de celle d’Israël, mais de renouveler profondément celle-ci par l’avènement du Royaume de Dieu d’abord à partir de l’intérieur.

Comment cela se fait-il qu’au cours du IIe siècle nous voyions se développer le«christianisme» (le terme apparaît dans les lettres de saint Ignace d’Antioche au début du IIe siècle en contraposition à judaïsme) comme religion du peuple nouveau des gentils devenus croyants en Jésus-Christ, troisième type d’hommes(tertium genus) qui se contre-distingue aussi bien des juifs que des païens? Était-ce pré-contenu dans le dépôt de la foi apostolique ou bien des conditionnement historiques ont-ils pesé de manière accidentelle? Si c’est le cas, l’Église est-elle toujours tenue de faire siens, sinon les excès, du moins les principes de la théologie de la substitution? Celle-ci n’a jamais été enseignée comme telle par le Magistère de l’Église et le Concile Vatican II, développé par les papes ultérieurs, a pris une distance irréversible avec elle. Il n’en demeure pas moins qu’on ne trouverait pas jusqu’après la deuxième guerre mondiale dans toute la tradition chrétienne, et cela dans les trois grandes confessions catholique, orthodoxe et protestante, si on met de côté les articles de la foi du Crédo, une opinion commune aussi répandue.

Ou bien y a-t-il eu purement et simplement une «invention du christianisme», sans lien avec Jésus, à l’époque apostolique ou subapostolique, comme semble l’insinuer un livre collectif et savant intitulé Après Jésus.L’invention du christianisme, qui vient de paraître? Si l’opinion a connu une telle acceptation par tant de Pères, de Docteurs et de Saints, n’est-ce pas qu’elle contient un noyau de vérité entouré certes et, aujourd’hui nous le voyons, compromis par une énorme scorie? Comment honorer tous les aspects de la vérité révélée dans un domaine aussi complexe et surtout si mystérieux? Vous comprenez sans doute mieux après avoir lu ceci que j’ai grand besoin de vos prières.

Que la fête de Noël vous soit douce, autant que faire se peut dans les conditions présentes. Que l’année 2021 soit pour tous, selon l’expression consacrée, un «an de grâce».
Avec ma fidèle amitié, votre fr. Jean-Miguel.

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Message non lu par Gaudens » dim. 25 févr. 2024, 20:24

J'ai hésité à localiser le fil que je propose aujourd'hui entre "Actualité décriptée" et " Théologie".Dans le premier groupe existe un fil de 2008 appelé "L'amour des évangélistes américains pour Israel" mais il n' épuise pas la question centrale qui est théologique.D'où le choix de cette seconde catégorie.
J'ai voulu mettre en texte caché le résumé des conflits et persécutions réciproques entre Juifs et Chrétiens dans l'Histoire (j'espère y être parvenu) car ,bien qu'utiles à rappeler,ils ne constituent pas l'essentiel du sujet.Aux contributeurs de nous dire.

La triste actualité de ces derniers mois concentre nos regards sur l’Ukraine et la Russie d’un côté,la Terre Sainte de l’autre , Israel et Palestine.Ce deuxième lieu d’affrontements sanglants amène à réfléchir sur la vocation du vieil Israel et à la façon dont l’Eglise,nouvel Israel peut et doit le considérer à la lumière d’une très longue histoire,presque jamais et quasiment nulle part harmonieuse.
[+] Texte masqué
Elle commence par la persécution de l’entourage des Grands Prêtres (les Sadducéens) dès après la mort du Christ et Sa résurrection avec la lapidation d’Etienne , le premier martyr. Puis l’hostilité persécutrice passe du côté des Pharisiens,comme l’atteste le parcours de Saul, devenu Paul après la soudaine conversion sur le chemin de Damas Cette hostilité pharisienne, devenue rabbinique quand les pharisiens devinrent la seule école admise de facto au sein du judaisme maintenu, imprègne ici ou là les écrits du Talmud dans les deux siècles qui suivent :calomnie de la Vierge Marie avec l’attribution calomniatrice d’une paternité de Jésus au centurion romain appelé Pandera dans le texte , et 18è Bénédiction quotidienne qui est en fait une Malédiction explicite, celle des Minims et Nostrim, en l’espèce les Judéo-Chrétiens.A quoi s’ajoutent des dénonciations plus ou moins explicites des mêmes judéo chrétiens dans les villes de la diaspora quand le pouvoir romain commença à arrêter les chrétiens, coupables de ne pas sacrifierà l’empereur et à Rome,voire étant vaguement soupçonnées de crime plus grave ,comme le notait Pline le jeune : le même genre de soupçons fantasmagoriques ,type sacrifice d’enfants que celui dont la rumeur accusera les Juifs en Occident quelques siècles après).
La dernière persécution d’un pouvoir juif contre les Chrétiens eut lieu au VIè siècle au Yemen quand un roi d’Himyar converti au judaïsme voulut obliger ses sujets à adopter sa nouvelle foi, le point d’orgue de la persécution étant l’incendie allumé par le roi dans l’église de Najran où avaient été rassemblés l’élite civile et religieuse chrétienne des environs. Cet évènement entraina l’intervention armée de l’empire chrétien d’Axoum qui renversa le roi persécuteur et s’empara du pays pour quelques décennies
A partir du moment où le christianisme devint religion d’Etat dans les pays d’Occident ainsi que dans l’Empire byzantin, la persécution changea de camp : l’Eglise obtint de l’Etat des mesures contraignant la Synagogue (cette femme aveuglée par un bandeau de certaines de nos cathédrales)à une stricte limitation, tant spatiale que professionnelle et jusqu’à la manière de se vêtir.
Les expulsions des Juifs se multiplièrent dans les royaumes européens et Saint Louis lui-même fit brûler le Talmud devant le parvis de Notre Dame.
Un climat durablement anti juif s’installa qui permit le développement de la thèse du peuple déicide motivant les pogroms avant la lettre ayant accompagné le parcours de la Première Croisade en Rhénanie et ailleurs sans doute. Tout ceci aboutissant à ce qu’on appela au XXème siècle l’antisémitisme sociologique dont les milieux catholiques ne furent pas exempts jusqu’aux lendemain du Concile Vatican II.
La Déclaration conciliaire Nostra Aetate voulut mettre un terme définitif à l’hostilité entre l’Ancien et le Nouvel Israel : « L’Eglise croit que le Christ,notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par Sa croix et en lui-même, de deux , a fait un seul »(Eph 2, 14/16) .
On remarque le Concile Vatican II n’a pas voulu alors se lancer sur un terrain dangereux, celui où théologie et géopolitique se rejoindraient, en voyant dans le retour des Juifs en Palestine un quelconque signe messianique .
Du reste le Vatican attendit jusqu’en 1983 pour établir des relations diplomatiques avec l’Etat d’Israel.
Les Evangéliques anglo-saxons, américains essentiellement, n’hésitèrent pas,eux à franchir ce pas. A leurs yeux le retour du Christ , d’après d’antiques prédictions, ne pourrait s’opérer que lorsque l’ensemble du peuple juif serait rassemblé en Terre Sainte, avec certes deux interprétations divergentes selon les groupes . Les uns prophétisant la conversion au Christ Messie de l’ensemble des Juifs (d’où l’intérêt porté aux Juifs « messianiques » reconnaissant Jésus comme Messie,sinon tous comme Fils de Dieu ; les autres les voyant au contraire sur le point de reconnaitre un « Mechiah » qui ne serait autre que l’Antéchrist.On peut voir cela très clairement sur des sites de Youtube depuis quelques temps par exemple.On peut d’ailleurs observer actuellement , en particulier après le 7 octobre dernier, dans les milieux juifs religieux une espèce d ’effervescence messianique dont bien des aspects sont tout à fait inquiétants et où on peine à reconnaitre la main de la Providence.
Mais à propos de celle-ci, le problème reste non résolu pour les Eglises catholique et orthodoxes. En autorisant ou favorisant le retour massif, sinon total, des enfants du Vieil Israel en Terre Sainte, quel objectif suit la divine Providence alors que les premières générations des Pères de l’Eglise virent le dessein de Dieu dans la dispersion totale des Hébreux parmi les nations après les deux guerres judéo-romaines, en punition de la non reconnaissance du Messie par la majorité d’entre eux et par leur encadrement religieux institutionnel ?

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Re: Ancien et Nouvel Israel

Message non lu par Olivier JC » lun. 26 févr. 2024, 14:18

Gaudens a écrit :
dim. 25 févr. 2024, 20:24
Mais à propos de celle-ci, le problème reste non résolu pour les Eglises catholique et orthodoxes. En autorisant ou favorisant le retour massif, sinon total, des enfants du Vieil Israel en Terre Sainte, quel objectif suit la divine Providence alors que les premières générations des Pères de l’Eglise virent le dessein de Dieu dans la dispersion totale des Hébreux parmi les nations après les deux guerres judéo-romaines, en punition de la non reconnaissance du Messie par la majorité d’entre eux et par leur encadrement religieux institutionnel ?
Première observation, la thèse de la dispersion totale des Hébreux parmi les nations après les deux guerres judéo-romaines mérite d'être sérieusement nuancée. Les juifs étaient déjà largement répandus parmi les nations avant cette époque, jusqu'en Chine. Que l'assaut romain contre Jérusalem en 70 ait conduit à des mouvements de population est une évidence, puisqu'il faut rappeler que de cet assaut ne résultat pas uniquement la destruction du Temple, mais que la ville elle-même fut rasée. Pour autant, nombreux furent les juifs qui sont demeurés sur leurs terres, à telle enseigne qu'il n'est pas incongru de voir dans les palestiniens, non certes en leur totalité, des descendants des juifs demeurés sur leurs terres et qui se sont convertis à l'Islam.

Deuxième observation, assimiler le judaïsme à la religion hébraïque existant à l'époque de Notre Seigneur est clairement une erreur d'analyse dans la mesure où le judaïsme tel qu'il existe aujourd'hui ne s'est constitué qu'après la chute du Temple et de Jérusalem, et qu'il se situe dans la continuité du courant pharisien. Pour reprendre les termes pauliniens, la religion hébraïque est le tronc sur lequel sont greffés le christianisme et le judaïsme rabbinique. L'analyse des textes du judaïsme (not. le Talmud) fait aussi clairement ressortir cette construction en opposition au christianisme que l'Evangile selon S. Jean fait ressortir une construction en opposition au judaïsme pharisien.

Ce qui différencie ces deux courants est un seul et unique point, qui a cependant des implications particulièrement étendues, à savoir la reconnaissance de Jésus comme le Messie annoncé par Dieu. Le judaïsme rabbinique est constitué des juifs qui ont refusé de reconnaître Jésus comme le Messie, et le christianisme est constitué des juifs qui ont reconnu Jésus comme le Messie. Il faut d'ailleurs préciser que le refus de reconnaître Jésus comme le Messie annoncé n'est pas théologiquement infondé puisqu'il était attendu que le Messie rétablisse la royauté en Israël (rappelons à ce sujet que les disciples de Notre Seigneur l'interrogent à ce sujet après sa Résurrection), et c'est précisément l'achèvement de cette mission messianique qui est considéré comme permettant de reconnaître le Messie. Notre Seigneur n'ayant à l'évidence pas achevé sa mission messianique, ce qui ne sera fait que lors de la Parousie, il y a une certaine légitimité dans la position refusant de reconnaître Jésus comme le Messie.

C'est ainsi que la thèse de la substitution est inexacte et erronée. Il entre manifestement dans les desseins de la Providence divine que subsistent des juifs refusant de reconnaître Notre Seigneur comme étant le Messie annoncé, ce que S. Paul laisse d'ailleurs entendre en qualifiant l'endurcissement d'Israël comme un mystère finalisé par la conversion de la totalité des païens. Comment, d'ailleurs, la reconnaissance par tout Israël de Jésus comme le Messie pourra-t-elle intervenir à la fin des temps s'il ne reste aucun juif ? S. Paul n'écrit-il pas si la mise à l'écart a entraîné la réconciliation du monde, leur réintégration aura pour effet la résurrection des morts, c'est-à-dire l'achèvement de la mission messianique de Notre Seigneur ?

Nous sommes en réalité dans un entre-deux, et c'est cela qui explique cette situation. La mission messianique de Notre Seigneur est en réalité toujours en cours d'accomplissement par le moyen de l'Eglise, la Passion et la Résurrection de Notre Seigneur n'étant qu'une étape.

Quant au retour des juifs sur la terre d'Israël, il faut savoir que le sionisme trouve son origine dans un courant de pensée judaïque qui considère que le Messie viendra (puisque de leur point de vue il n'est point encore venu) non pas tant lorsque le peuple aura retrouvé sa terre, mais lorsque le Temple aura été reconstruit. C'est d'ailleurs toute la difficulté du conflit israélo-palestinien puisque de ce point de vue, à ce jour le plus influent en Israël, l'objectif n'est pas seulement d'expulser les palestiniens, il est in fine de détruire dôme du Rocher et mosquée Al-Aqsa aux fins de faire place nette pour bâtir le troisième Temple de Jérusalem. Ce pourquoi ce conflit n'est pas prêt d'être réglé.

Il faut savoir, pour être complet, qu'il y a discussion sur le point de savoir si la reconstruction du Temple précède la venue du Messie, ou si c'est le Messie qui procèdera à la reconstruction du Temple en même temps qu'il rétablira la royauté en Israël et soumettra les nations à celui-ci.

S'agissant enfin de votre interrogation, il est évident que l'installation des juifs en Terre Sainte à compter de 1948 entre dans les desseins de la Providence divine, comme d'ailleurs tout ce qui se passe ici bas selon qu'il est écrit : "Tout ce que veut le Seigneur, il le fait, dans les cieux et sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes". Pour autant, à mon humble avis, l'Eglise n'a pas plus à autoriser, favoriser, défavoriser ou prendre partie dans cette problématique. La mission de l'Eglise est le salut des âmes et non la géopolitique.

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Re: Ancien et Nouvel Israel

Message non lu par Gaudens » mar. 27 févr. 2024, 14:23

Bonjour Olivier;
Deuxième observation, assimiler le judaïsme à la religion hébraïque existant à l'époque de Notre Seigneur est clairement une erreur d'analyse dans la mesure où le judaïsme tel qu'il existe aujourd'hui ne s'est constitué qu'après la chute du Temple et de Jérusalem, et qu'il se situe dans la continuité du courant pharisien. Pour reprendre les termes pauliniens, la religion hébraïque est le tronc sur lequel sont greffés le christianisme et le judaïsme rabbinique. L'analyse des textes du judaïsme (not. le Talmud) fait aussi clairement ressortir cette construction en opposition au christianisme que l'Evangile selon S. Jean fait ressortir une construction en opposition au judaïsme pharisien
Entièrement d’accord avec vous sur ce point.
Il faut d'ailleurs préciser que le refus de reconnaître Jésus comme le Messie annoncé n'est pas théologiquement infondé puisqu'il était attendu que le Messie rétablisse la royauté en Israël (rappelons à ce sujet que les disciples de Notre Seigneur l'interrogent à ce sujet après sa Résurrection), et c'est précisément l'achèvement de cette mission messianique qui est considéré comme permettant de reconnaître le Messie. Notre Seigneur n'ayant à l'évidence pas achevé sa mission messianique, ce qui ne sera fait que lors de la Parousie, il y a une certaine légitimité dans la position refusant de reconnaître Jésus comme le Messie
.

Vous dites « pas théologiquement infondé » ? Voire. Il le semble que le refus pharisien ,puis rabbinique, de reconnaitre Jésus comme Messie provient d’une fixation sur la royauté terrestre du Messie .Jésus se savait et se proclamait bien comme le Messie Roi, héritier de la Maison de Juda : « Tu l’as dit ;je suis Roi » ( Jean,XVIII 37 ).La vraie différence entre les « vrais Israelites »(Nathanael, « en qui il n’est point de fraude »Jean I 47 , ceux dont la circoncision est de coeur et d’esprit Romains II29…) et les autres est bien dans cette capacité de discernement . Par conséquent, la mission du Christ Messie , si elle n’est pas encore totalement accomplie, comme vous l’écrivez, n’est en rien incomplète d’un point de vue spirituel chrétien (et juif)*. C’est bien là ,me semble-t-il, l’erreur des Evangéliques hyper-sionistes qui attendent, comme les rabbins, un Royaume terrestre de Mille Ans mais dont le roi serait Jésus Lui-même ,selon les Evangéliques. Sauf que Son Royaume n’est pas de ce monde,nous le savons bien, celui d’Israel n’en étant qu’une figure.

Ma distinction entre "inachevé" et "inaccompli" peut sans doute être discutée, je sais.
Quant au retour des juifs sur la terre d'Israël, il faut savoir que le sionisme trouve son origine dans un courant de pensée judaïque qui considère que le Messie viendra (puisque de leur point de vue il n'est point encore venu) non pas tant lorsque le peuple aura retrouvé sa terre, mais lorsque le Temple aura été reconstruit. C'est d'ailleurs toute la difficulté du conflit israélo-palestinien puisque de ce point de vue, à ce jour le plus influent en Israël, l'objectif n'est pas seulement d'expulser les palestiniens, il est in fine de détruire dôme du Rocher et mosquée Al-Aqsa aux fins de faire place nette pour bâtir le troisième Temple de Jérusalem. Ce pourquoi ce conflit n'est pas prêt d'être réglé

Je ne suis pas d’accord avec vous sur l’origine du sionisme : il ne comportait à ses débuts aucune dimension religieuse.. Herzel avait envisagé toutes les possibilités d’implantations hors Palestine : El Arish (à côté, certes) puis Ouganda, voire Madagascar me semble-t-il , e, tous cas pas forcément en Terre Sainte. Dans une œuvre de jeunesse il envisageait même un Etat où Arabes et Juifs,sous impulsion « civilisatrice » des Juifs européens auraient les mêmes droits. Le premier sionisme était purement laic, voire ensuite nationaliste (Jabotinsky) dans un style européen révolutionnaire. Les purs orthodoxes ont très longtemps été réticents au projet sioniste (les extrémistes Neture Karta de Mea Sherim le sont toujours, seul le Messie ayant à leurs yeux de créer un royaume, le sien).Par contre les positions extrémistes que vous dépeignez sont bien le fait d’ultra orthodoxes, actuels , de plus en plus nombreux, qui n’objectent plus vraiment à la légitimité de l’Etat d’Israel mais sont en train le transformer en un Etat -forteresse uniquement juif, totalement religieux et dominateur, avec le futur Messie pour roi. Ce sont eux qui inspirent les colons de Cisjordanie dont l’agressivité envers les habitants palestiniens ne connait plus de bornes et qui, crachent au passage des pèlerins chrétiens à Jérusalem. Le problème est que démographie et amitiés politiques aidant ,ils sont de plus en plus influents.

Dernier point, qui va au-delà de notre question (et que je ne souhaite pas transformer en énième échange sur le bien et le mal permis par Dieu, ce qui doit faire l’objet de plusieurs fils de discussion si on cherche ) : que tout ce qui se passe sur terre soit au moins permis par Dieu, c’est assuré du point de vue théologique bien que cela me désole au vu de toutes les horreurs qui dévastent ce monde . Et le message de l’Eglise n’est pas géopolitique, comme vous le dites.. Mais justement il faut être attentifs au fait que bien des milieux chrétiens, catholiques y compris, sont tentés de voir dans l’achèvement du sionisme (le retour de tous les juifs) une bénédiction , voire un projet divin. Ce n’est pourtant sûrement pas le cas car l’achèvement de ce projet porte clairement en germe l’expulsion douce ou violente de tous les autres habitants de la Terre Sainte et sans doute au-delà, chrétiens y compris. Les remords de nos sociétés occidentales de leur passivité pendant la Shoah ne devrait quand même pas les aveugler à nouveau, de façon différente aujourd'hui.

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Re: Ancien et Nouvel Israel

Message non lu par Olivier JC » mar. 27 févr. 2024, 19:32

Gaudens a écrit :
mar. 27 févr. 2024, 14:23
Vous dites « pas théologiquement infondé » ? Voire. Il le semble que le refus pharisien ,puis rabbinique, de reconnaitre Jésus comme Messie provient d’une fixation sur la royauté terrestre du Messie .Jésus se savait et se proclamait bien comme le Messie Roi,héritier de la Maison de Juda : « Tu l’as dit ;je suis Roi » ( Jean,XVIII 37 ).La vraie différence entre les « vrais Israelites »(Nathanael, « en qui il n’est point de fraude »Jean I 47 , ceux dont la circoncision est de coeur et d’esprit Romains II29…) et les autres est bien dans cette capacité de discernement . Par conséquent, la mission du Christ Messie , si elle n’est pas encore totalement accomplie,comme vous l’écrivez, n’est en rien incomplète d’un point de vue spirituel chrétien (et juif)*. C’est bien là ,me semble-t-il, l’erreur des Evangéliques hyper-sionistes qui attendent,comme les rabbins,un Royaume terrestre de Mille Ans mais dont le roi serait Jésus Lui-même ,selon les Evangéliques. Sauf que Son Royaume n’est pas de ce monde,nous le savons bien, celui d’Israel n’en étant qu’une figure.
Je sens qu'une intéressante discussion pointe ici :-D

Il y a un « dessein divin », qu’on ne comprend vraiment qu’à la lumière de sa finalité : l’entrée en gloire de toute la création. Cette entrée en gloire doit être précédée par le Royaume des justes, un Royaume que Jésus « ensuite remettra entre les mains du Père » (1Co 15,20) : il constitue une étape nécessaire, de sorte que la création puisse être glorifiée au terme, à travers l’humanité fidèle qui en est le sommet.

C'est ainsi que Notre Seigneur reviendra ainsi qu'Il est parti, selon ce qu'Il a lui-même dit au jour de l'Ascension. Lors de cette Parousie, éminemment spirituelle mais aussi visiblement évidente, ne resteront sur terre que ceux qui l’auront acceptée, étant écrit que les autres ne pourront supporter cette vue (Mt 13,30). Dès lors, les rapports entre les hommes seront débarrassés de toute emprise démoniaque puisqu’ils seront sous le regard de Jésus. Le Mal sera, pour ainsi dire, « enchaîné » (Ap 20,2).

Le Royaume des justes se construira, quoique non sans difficultés car le monde aura été laissé dans un triste état par l’Antéchrist et ses suppôts. Au terme du temps de ce Royaume dont l'écriture fixe symboliquement la durée à 1000 ans, le Mal qui ne renonce jamais essaiera encore une ultime tentation, globale cette fois ainsi qu'il est écrit en Ap 20,7-10, à la suite de quoi le Christ remettra (« ensuite » dit bien 1Co 15,23) ce Royaume au Père.

Il y a donc bel et bien un règne terrestre de Notre Seigneur, lequel ne se situe cependant pas dans l'histoire mais fait suite au Jugement inhérent à la manifestation glorieuse du Christ, ainsi qu'il est rappelé dans le CEC (n° 676) : « l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà [de l'histoire] à travers le jugement eschatologique ».

Telle est la doctrine enseignée par S. Irénée de Lyon, témoin autorisé s'il en est de la tradition apostolique.

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Re: Ancien et Nouvel Israel

Message non lu par Gaudens » mer. 28 févr. 2024, 18:27

Bonjour Olivier,
La discussion met momentanément un point d'arrêt sur la question du règne terrestre du Christ lors de la Parousie, question annexe à celle que je posais sur l'Ancien et le Viel Israel (le Vieil étant en effet "mis de côté" et non carrément substitué puisque les deux ont vocation à fusioner ,sans doute à la fin des temps , ce qui n'empêche pas de désirer la reconnaissance du Messie par le Vieil Israel avant cela).

Je comprends mal comment un Royaume terrestre du Christ pourrait être hors de l'histoire.La Terre et l'Histoire me semblent indissolublement liées.
A part Saint Irénée,Père de l'Eglise très recommandable,que dit le Magistère de l'Eglise à ce sujet ? Le CEC est très discret, certainement à bon droit .

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Olivier JC
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Re: Ancien et Nouvel Israël

Message non lu par Olivier JC » jeu. 29 févr. 2024, 9:46

Bonjour Gaudens,

S'agissant de l'interprétation du millenium évoqué dans l'Apocalypse et dont on retrouve la logique dans les épîtres pauliniennes, le Magistère n'a pas proposé d'enseignement articulé et a fait preuve d'une certaine réserve (non d'une condamnation).

Ainsi, le décret du Saint Office du 19 (21) juillet 1944, figurant en résumé au Denzinger n° 3839 et expressément visé par le CEC n° 676:
Saint Office (A.A.S., XXXVI, 1944, p. 212) a écrit :En ces derniers temps, on a plusieurs fois demandé à cette suprême congrégation du Saint-Office ce qu’il fallait penser du système du millénarisme mitigé, qui enseigne que le Christ Seigneur viendra de façon visible sur terre, pour y régner, avant le jugement dernier, précédé ou non de la résurrection de plusieurs justes.
La chose ayant été examinée lors de la réunion plénière du mercredi 19 juillet 1944, les éminents et révérends cardinaux préposés à la protection de la foi et des mœurs, après un vote des père consulteurs, ont décrété qu’on devait répondre que le système du millénarisme mitigé ne peut être enseigné en sécurité.
Et le lendemain, jeudi 20 du même mois et de la même année, le Saint-Père Pie XII, dans l’audience habituelle accordée à l’assesseur du Saint-
Office, a approuvé cette réponse des éminents pères, l’a confirmé et a ordonné qu’elle soit publiée.
Donné à Rome, au Saint-Office, le 21 juillet 1944.
S'agissant de S. Irénée de Lyon, il a été proclamé Docteur de l'Eglise par lettre apostolique du 21 janvier 2022, étant ici rappelé en tant que de besoin la définition de cette qualité telle que proposée par la Conférence des évêques de France : "théologiens auxquels elle reconnaît une autorité particulière de témoins de la doctrine, en raison de la sûreté de leur pensée, de la sainteté de leur vie, de l’importance de leur œuvre".

Après avoir longtemps été en phase avec cette doctrine, S. Augustin a fini par considérer que ce millenium visait en réalité le temps de l'Eglise, et c'est cette doctrine qui restée dominante dans l'Occident latin, ce qui est d'ailleurs in fine la cause des messianismes sécularisé.

Cela étant précisé, le CEC évoque clairement un règne terrestre de Notre Seigneur, encore qu'il ne soit, pris globalement, pas exempt d'une certaine ambiguïté sur le sujet. C'est ainsi qu'au n° 671, il est écrit que "déjà présent dans son Eglise, le Règne du Christ n’est cependant pas
encore achevé "avec puissance et grande gloire" (Lc 21, 27) par l’avènement du Roi sur la terre… les chrétiens prient… pour hâter le Retour du Christ, en lui disant : "Viens, Seigneur Jésus" (Ap 22, 20)"
.

Au numéro suivant, il est écrit que "le Christ a affirmé, avant son Ascension, que ce n’était pas encore l’heure de l’établissement glorieux du Royaume messianique attendu par Israël [cf. Ac 1, 6-7], qui devait apporter à tous les hommes, selon les prophètes, l’ordre définitif de la justice, de l’amour et de la paix…". Or, le Royaume messianique attendu par Israël est bien un royaume terrestre, et non un royaume céleste.

Il y a donc bien un règne terrestre de Notre Seigneur, qui ne peut cependant être qualifié d'historique qu'en parallèle avec le temps précédant la chute originelle. En effet, la venue de Notre Seigneur est clairement associée à un Jugement, de telle sorte que ne demeureront sur terre que les saints qui vivront pleinement de la grâce divine dans une création rénovée (il est d'ailleurs écrit à ce sujet que Notre Seigneur viendra avec ses saints ; comme le dit S. Paul, ceux qui sont morts dans le Seigneur ressusciteront et ceux qui seront vivants à cette date seront transformés ; quant aux méchants, ils seront pour ainsi dire exclus de la partie ainsi que l'enseigne clairement Notre Seigneur dans l'évangile de S. Matthieu, en un lieu dont la référence m'échappe en cet instant). Cela intervient après le jugement, conformément à la forte réserve émise en son temps le Saint Office. Il y a donc une continuité, mais également une discontinuité radicale, plus radicale encore que celle séparant le temps des origines du temps post-lapsaire puisqu'en ce temps des origines, la Création est d'ores et déjà défigurée par le péché angélique.

Et c'est au terme de ce règne terrestre de Notre Seigneur, d'une durée fixée de manière très probablement symbolique à mille ans, que Celui-ci remettra toute Royauté au Père. Ce sera l'entrée dans la Gloire proprement dite, le passage du régime de la foi au régime de la vision.

+
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Xavi
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Re: Ancien et Nouvel Israël

Message non lu par Xavi » jeu. 29 févr. 2024, 17:42

Gaudens a écrit :
dim. 25 févr. 2024, 20:24
La triste actualité de ces derniers mois […] amène à réfléchir sur la vocation du vieil Israël et à la façon dont l’Église, nouvel Israël peut et doit le considérer à la lumière d’une très longue histoire, presque jamais et quasiment nulle part harmonieuse.
Gaudens a écrit :
mer. 28 févr. 2024, 18:27
La discussion met momentanément un point d'arrêt sur la question du règne terrestre du Christ lors de la Parousie, question annexe à celle que je posais sur l'Ancien et le Viel Israël (le Vieil étant en effet "mis de côté" et non carrément substitué puisque les deux ont vocation à fusionner, sans doute à la fin des temps, ce qui n'empêche pas de désirer la reconnaissance du Messie par le Vieil Israël avant cela).
Cette question initiale de ce fil reste cependant d’un grand intérêt surtout à notre période de relance de l’antisémitisme.

Mais, je suis perplexe devant les expressions « ancien » ou « vieil » Israël et, tout autant, avec la désignation de l’Église comme « nouvel » Israël.

Il me semble que ces expressions sont évitées par le Magistère qui ne confond pas le peuple élu des bénédictions et des patriarches, le peuple de l’alliance promise à Abraham, qui est et reste le peuple juif, avec ce peuple nouveau qu’est l’Église.

Olivier JC a écrit :
lun. 26 févr. 2024, 14:18
la thèse de la substitution est inexacte et erronée. Il entre manifestement dans les desseins de la Providence divine que subsistent des juifs refusant de reconnaître Notre Seigneur comme étant le Messie annoncé, ce que S. Paul laisse d'ailleurs entendre en qualifiant l'endurcissement d'Israël comme un mystère finalisé par la conversion de la totalité des païens. Comment, d'ailleurs, la reconnaissance par tout Israël de Jésus comme le Messie pourra-t-elle intervenir à la fin des temps s'il ne reste aucun juif ? S. Paul n'écrit-il pas si la mise à l'écart a entraîné la réconciliation du monde, leur réintégration aura pour effet la résurrection des morts, c'est-à-dire l'achèvement de la mission messianique de Notre Seigneur ?
En effet, et il est bon d’y être attentif.

Tant les chrétiens que les musulmans reconnaissent la spécificité du peuple juif formé parmi les nations avec lesquelles il ne se confond pas. Au contraire des Juifs qui forment un peuple « parmi les nations », tant l’Église que l’Islam sont universels et s’ouvrent à toute l’humanité.

L’Église est un peuple de toute nation et de toute langue. L’Islam a la même vocation universelle.

Le peuple juif est et reste le peuple de l’alliance avec Abraham. Une alliance qui est le creuset et la mère du Christ qui accomplit la finalité de cette alliance, mais de même qu’une mère ne cesse pas d’être une mère après la naissance de son enfant, Israël et l’alliance qui en est le fondement n’ont pas disparu avec l’incarnation du Christ et son alliance nouvelle.

Israël reste un signe et le témoin d’une alliance « irrévocable », selon Saint Paul (cf. Rm 11, 28).

À cet égard, le peuple juif est fondé sur une alliance spécifique sur une terre spécifique, celle de Canaan (Gn 17, 7-8) et la circoncision des mâles en est le signe (Gn 17, 10-11). C’est une alliance avec « Abraham, Isaac et Jacob » (cf. Ex 3, 6-15-16 ; Ex 4, 7, etc.) Au cours de l’histoire des patriarches bibliques, Dieu a précisé la postérité avec laquelle l’alliance spécifique s’est prolongée. Abraham a plusieurs fils, dont Ismaël, Isaac et les fils de Ketoura, mais c’est avec Isaac seul que l’alliance va se poursuivre. Isaac a deux fils Esaü et Jacob, mais c’est avec Jacob seul que l’alliance va se poursuivre à travers ses douze fils. Plus tard, le peuple formé des douze tribus issues de Jacob, va se développer en Égypte où Moïse va recevoir les paroles, l’enseignement, la Torah et le Seigneur dit encore à Moïse : « Mets par écrit ces paroles car, sur la base de celles-ci, je conclus une alliance avec toi et avec Israël. » (Ex 34, 27).

Plus tard, plusieurs siècles après s’être installés en Canaan, seules les tribus de Juda et Benjamin prolongeront l’alliance dans le royaume de Juda pour former un peuple de judéens (mot traduit en français par « juifs »).

C’est cette même alliance, fondée sur la circoncision et la Torah de Moïse, qui se prolonge sans cesse jusqu’à ce jour.

Mais, la foi juive n’est pas vécue comme un chemin exclusif de salut qui serait le seul possible pour tous les hommes. Cela donne aux Juifs une ouverture théologique particulière tant par rapport aux chrétiens qui annoncent Jésus comme le « seul » par qui les hommes peuvent être sauvés ou par rapport aux musulmans qui considèrent le Coran comme la vérité reçue du prophète Mahomet que tous sont invités à croire.

Le Juif est, à cet égard, moins prosélyte que le chrétien ou le musulman.

Olivier JC a écrit :
lun. 26 févr. 2024, 14:18
assimiler le judaïsme à la religion hébraïque existant à l'époque de Notre Seigneur est clairement une erreur d'analyse dans la mesure où le judaïsme tel qu'il existe aujourd'hui ne s'est constitué qu'après la chute du Temple et de Jérusalem, et qu'il se situe dans la continuité du courant pharisien. Pour reprendre les termes pauliniens, la religion hébraïque est le tronc sur lequel sont greffés le christianisme et le judaïsme rabbinique. […]
Ce qui différencie ces deux courants est un seul et unique point, qui a cependant des implications particulièrement étendues, à savoir la reconnaissance de Jésus comme le Messie annoncé par Dieu. Le judaïsme rabbinique est constitué des juifs qui ont refusé de reconnaître Jésus comme le Messie, et le christianisme est constitué des juifs qui ont reconnu Jésus comme le Messie.
Dire que nous sommes tous des juifs me semble cacher la spécificité juive qui demeure.

À cet égard, il ne me semble pas pertinent de considérer que le judaïsme actuel et le christianisme ne seraient que deux branches issues de la religion hébraïque du temps de Jésus qui en serait le tronc commun. Le judaïsme a certes autant évolué, surtout après la destruction du temple, tout comme le christianisme. Mais, le judaïsme a toujours conservé la religion hébraïque venant de Moïse (qui, comme toute autre religion, est faite de prescrits, de rites et de célébrations) alors que l’Église s’en est écartée et a développé une religion différente.

Les Juifs admettent eux-mêmes que la pratique de la religion de Moïse n’est pas le seul chemin de salut pour toute l’humanité mais cette religion juive demeure un signe parmi les nations et une révélation pour tous dans un peuple particulier qui est le peuple juif.

Israël (le peuple juif) reste un témoin et un acteur irremplaçable dans l’histoire de Dieu avec les hommes. Il y a un seul Dieu pour tous et c’est le Dieu d’Israël. Ce Dieu Un et Unique noue une alliance avec un petit nombre, mais pour le salut de tous.

Pour nous chrétiens, le Christ accomplit et réalise pleinement la promesse faite à Abraham et Moïse, mais pas un iota, pas un seul mot, ni une seule lettre de la Torah n’est abolie. La foi chrétienne n’a pas remplacé Israël ou la religion judaïque. À cet égard, l’Église n’est pas un nouvel Israël, pas plus qu’un enfant ne remplace sa propre mère.

Israël demeure. L’Ancien Testament demeure. L’Église ne remplace pas Israël. Le Nouveau Testament ne remplace pas l’Ancien Testament. La nouvelle alliance ne remplace pas l’ancienne. Le baptême ne remplace pas la circoncision.

L’Église est le corps du Christ. C’est une présence de Dieu parmi tous les hommes. C’est une alliance nouvelle qui, au contraire de l’alliance particulière de Dieu avec Israël, est universelle. Elle n’est pas réservée à ceux qui adhèrent à l’alliance particulière de la circoncision et de la religion mosaïque.

Ce fut le point décisif de la discussion des apôtres avec saint Paul sur la question de la circoncision aux débuts de l’Église. L’Église n’est pas un rassemblement fondé sur des rites et des prescrits, même si la religion chrétienne a les siens, mais sur l’adhésion au salut universel par Jésus-Christ selon la foi transmise par ses apôtres.

L’expression « nouvel Israël » peut certes avoir du sens, mais elle est trompeuse en ce qu’elle suggère que l’alliance qui forme le peuple juif ne serait plus que celle d’un « ancien » ou d’un « vieil » Israël qui serait, en fait, devenu sans valeur et remplacé, ce qui n’est pas le cas. Il y a certes une alliance nouvelle, mais Israël, le peuple de la première alliance, demeure ce qu’il est et n’est pas remplacé.

Certes, on peut donner aux mots un sens correct en faisant symboliquement de l’Église un nouvel Israël en ce sens que Jésus est le médiateur d’une « nouvelle alliance » (Héb. 12, 24) et que, de ce point de vue, « En parlant d’Alliance nouvelle, Dieu a rendu ancienne la première ; or ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaître. » (Héb. 8, 13).

Mais, il s’agit bien ici d’une nouvelle alliance avec Israël et non d’un remplacement d’Israël par l’Église car il est précisé que « Voici venir des jours, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle…Mais voici quelle sera l’Alliance que j’établirai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, dit le Seigneur. Quand je leur donnerai mes lois, je les inscrirai dans leur pensée et sur leurs cœurs. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son concitoyen ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands. Je serai indulgent pour leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. » (Hb 8, 8-12).

Israël reste le peuple élu, de peuple de l’alliance irrévocable de Dieu avec Abraham, Isaac, Jacob et Moïse. Il n’est pas remplacé, ni anéanti.

Il garde une place et une mission irrévocables, même pour les chrétiens, même pour l’Église, peuple de la nouvelle alliance.

Mais, il nous reste beaucoup à découvrir de la vocation actuelle et future du peuple d’Israël, du peuple juif.

Notre Dieu est le Dieu d’Israël ! Il n’y en a pas d’autre.

En 2000 ans, l’Église a affiné et précisé son enseignement dans un langage extrêmement détaillé et dans des milliers de textes d’une grande richesse nuancée mais aussi d’une extrême complexité.

Pendant ce temps, Israël a cependant aussi poursuivi ses propres études, développant aussi diverses nuances et précisions théologiques.

Que sera la conversion des Juifs ou la reconnaissance du Messie par les Juifs, à la fin des temps ? La compréhension de la révélation par le Christ a progressé en deux mille ans et il nous est impossible d’imaginer comment cette compréhension pourra, un jour, être rejointe par celle du peuple juif.

Il y a deux mille ans que Jésus de Nazareth a cessé d’être physiquement visible dans sa forme humaine terrestre.

Plus personne aujourd’hui n’en a une connaissance physique semblable à celle qu’ont eue les apôtres. Notre connaissance est aujourd’hui spirituelle et sacramentelle, mais aussi intellectuelle dans un langage qui a beaucoup évolué en 2000 ans.

S’il nous était possible de nous retrouver soudainement, comme Jean Reno dans Les Visiteurs, en présence de Jésus de Nazareth, combien de catholiques seraient-ils capables de reconnaître sa divinité dans les mots actuels ? Et de nombreux de juifs n’en seraient-ils pas aussi capables que les disciples juifs du premier siècle ?

Notre compréhension de Jésus de Nazareth a beaucoup évolué en 2000 ans et l’incompréhension de notre langage chrétien actuel par les Juifs ne peut pas nous faire penser trop rapidement que c’est le Christ et l’Évangile qui sont nécessairement réellement rejetés.

Au-delà des langages et des difficultés intellectuelles que les mots génèrent, que savons-nous de l’amour réel dans le cœur des Juifs ? Qu’en sera-t-il à l’heure de la rencontre avec le Christ au-delà de la mort ?

Que savons-nous d’ailleurs davantage de l’amour réel dans le cœur de nombreux baptisés ?

Le jugement dernier (le vrai jugement ultime de chacun) s’annonce plein de surprises, selon l’enseignement du Christ lui-même.

La conversion du peuple juif à la fin de l’histoire humaine reste largement un mystère, mais, ce qui demeure, c’est l’élection et la vocation irrévocables d’un petit nombre qui continue, à travers les siècles, à adorer Dieu selon les paroles de l’alliance enseignées par Moïse.

Aujourd’hui, nous proclamons certes une alliance nouvelle fondée sur la mort et la résurrection du Christ qui noue un lien nouveau entre Dieu et les hommes, mais il nous reste encore à découvrir tout ce que Dieu peut encore nous apporter et nous donner par le peuple d’Israël qui n’a pas fini de nous enrichir des bénédictions que Dieu déverse par ce peuple si cher à son cœur.

Israël n’est pas « ancien » ou « remplacé ». Il reste aujourd’hui comme hier, le peuple béni et vivant par une alliance éternelle, irrévocable.

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Re: Ancien et Nouvel Israël

Message non lu par Gaudens » jeu. 29 févr. 2024, 19:11

Bonjour Xavi.
Je ne sais trop quoi penser de vos diverses réflexions.
L’impression qui domine est que, comme beaucoup de catholiques ayant vécu les décennies où ont été mises à jour les horreurs de la Shoah et celles d’après le dernier Concile marqué par une approche bienveillante envers toute l’humanité, religions comprises et tout particulièrement pour les fils de l’Israël charnel , « nos frères ainés dans la foi » comme disait Saint Jean-Paul II, vous nous entrainez trop loin . Trop loin de l’enseignement des Pères de l’Église.

Oui, l’Église peut à bon droit prétendre être le Nouvel Israël. Quand les moines prient l’ensemble des psaumes dans la semaine, ils savent bien qu’Israël désigne tant l’Israël du temps des Psaumes que l’Église elle-même, Nouvel Israël. Cela ne signifiera pas que l’Ancien Israël n’existe plus et pas davantage qu’il soit remplacé, il est simplement « mis de côté » (apabolé) , comme en réserve de la République ainsi que le disait de lui-même Pompidou en 1969 ! L’interprétation des Pères en ce sens me semble constante même si c’est mal vu de dire cela aujourd’hui. Pas plus que l’Ancien Testament n’est remplacé par le Nouveau, simplement, sa mission (celle de l’ AT et celle du peuple juif d’avant le Christ) était et encore est bien d’annoncer la plénitude de la Révélation pour toute l’humanité.
Vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même :
il s’agit bien ici d’une nouvelle alliance avec Israël et non d’un remplacement d’Israël par l’Église car il est précisé que « Voici venir des jours, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle…Mais voici quelle sera l’Alliance que j’établirai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, dit le Seigneur. Quand je leur donnerai mes lois, je les inscrirai dans leur pensée et sur leurs cœurs. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
Je suis également assez méfiant devant vos hypothèses concernant la vocation supposée du peuple juif actuel, que je ne vois fondées sur rien de solide d’un point de vue chrétien et qui me rappelle trop les errances des Évangéliques :
Il nous reste beaucoup à découvrir de la vocation actuelle et future du peuple d’Israël, du peuple juif. ..

« il nous reste encore à découvrir tout ce que Dieu peut encore nous apporter et nous donner par le peuple d’Israël qui n’a pas fini de nous enrichir des bénédictions que Dieu déverse par ce peuple si cher à son cœur.

Israël n’est pas « ancien » ou « remplacé ». Il reste aujourd’hui comme hier, le peuple béni et vivant par une alliance éternelle, irrévocable.
Je crains fort que tout cela ne vous conduise à une solidarité inconditionnelle avec tout ce qu’ont fait, font et feront les gouvernements de l’État d’Israël, pente à mon avis dangereuse tant d’un point de vue géopolitique que de celui de la spiritualité chrétienne : allez-vous favoriser la destruction d’el Aqsa et la reconstruction du Temple ? Irez-vous jusqu’à reconnaitre la légitimité d’un faux Messie le jour où – à Dieu ne plaise – la majorité des rabbins le jugerait enfin advenu, en considérant qu’il s’agirait là du seul Messie d’Israël et non celui de l’Église, donc du reste de l’humanité .?

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Re: Ancien et Nouvel Israël

Message non lu par Xavi » jeu. 29 févr. 2024, 21:20

Bonsoir Gaudens,

Merci pour vos réflexions.

Votre conclusion me semble exprimer votre crainte principale :

Gaudens a écrit :
jeu. 29 févr. 2024, 19:11
Je crains fort que tout cela ne vous conduise à une solidarité inconditionnelle avec tout ce qu’ont fait, font et feront les gouvernements de l’État d’Israël
Hélas, l’histoire biblique nous indique elle-même le très grand nombre d’actions de chefs successifs, juges ou rois d’Israël, contraires à la volonté divine.

Il n’y a donc aucun a priori inconditionnel à avoir en ce qui concerne les choix et actions des chefs ou des rabbins actuels d’Israël. Ce sont des hommes pécheurs comme les autres chefs, comme chacun de nous.

C’est la circoncision du cœur qui fait la vraie différence. Même s’il y aura encore de faux prophètes et de faux messies, le Christ est le Messie et tous le reconnaîtront, mais nous ne savons ni quand, ni comment.

Gaudens a écrit :
jeu. 29 févr. 2024, 19:11
Je ne sais trop quoi penser de vos diverses réflexions.
L’impression qui domine est que, comme beaucoup de catholiques ayant vécu les décennies où ont été mises à jour les horreurs de la Shoah et celles d’après le dernier Concile marqué par une approche bienveillante envers toute l’humanité, religions comprises et tout particulièrement pour les fils de l’Israël charnel, « nos frères ainés dans la foi » comme disait Saint Jean-Paul II, vous nous entrainez trop loin . Trop loin de l’enseignement des Pères de l’Église.
Il ne me semble pas que les Pères de l’Église aient développé des opinions contraires ou simplement éloignées, et j’ignore quels sont les enseignements en cause auxquels vous pensez.

Gaudens a écrit :
jeu. 29 févr. 2024, 19:11
Oui, l’Église peut à bon droit prétendre être le Nouvel Israël. Quand les moines prient l’ensemble des psaumes dans la semaine, ils savent bien qu’Israël désigne tant l’Israël du temps des Psaumes que l’Église elle-même, Nouvel Israël. Cela ne signifiera pas que l’Ancien Israël n’existe plus et pas davantage qu’il soit remplacé
Bien sûr !

Mais ici, cela me semble par analogie du fait de la nouvelle alliance instaurée par le Christ.

Gaudens a écrit :
jeu. 29 févr. 2024, 19:11
Pas plus que l’Ancien Testament n’est remplacé par le Nouveau, simplement, sa mission (celle de l’AT et celle du peuple juif d’avant le Christ) était et encore est bien d’annoncer la plénitude de la Révélation pour toute l’humanité. Vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même
C’est exact.

C’est ce que vous ajoutez qui fait difficulté.

Gaudens a écrit :
jeu. 29 févr. 2024, 19:11
il est simplement « mis de côté » (apabolé), comme en réserve de la République ainsi que le disait de lui-même Pompidou en 1969 ! L’interprétation des Pères en ce sens me semble constante
Ici, il me semble que vous allez trop loin.

Non, Israël (le peuple juif) n’est pas « mis de côté », mais dans l’attente de la révélation que la lettre aux Hébreux nous décrit. Son cheminement est un mystère qui n’est pas éclairci aujourd’hui.

Gaudens a écrit :
jeu. 29 févr. 2024, 19:11
Je suis également assez méfiant devant vos hypothèses concernant la vocation supposée du peuple juif actuel, que je ne vois fondées sur rien de solide d’un point de vue chrétien
Il ne me semble pas que le peuple juif actuel ait une nouvelle vocation « supposée » et je n’ai donc aucune hypothèse en ce sens. Il y a seulement une alliance conclue avec Abraham et Moïse à laquelle le peuple juif se rattache depuis près de quatre mille ans.

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Re: Ancien et Nouvel Israël

Message non lu par Gaudens » jeu. 07 mars 2024, 19:33

Bonjour Xavi,
Voici le texte mentionnant la mise à l’écart du Vieil Israel,il se trouve dans Romains XI,15 : »Si leur mise à l’écart a été la réconciliation du monde,que sera leur réintégration,sinon le passage de la mort à la vie ? » .
La lettre aux Hébreux ( également de Saint Paul d’après la tradition ou de son entourage) , va plus loin :
« Si la première Alliance avait été sans reproche,il ne serait pas question de la remplacer par une seconde.En fait c’est bien un reproche qu’Il (Dieu) leur adresse :
suit une citation de Jérémie XXXI,31/34
En parlant d’une Alliance nouvelle,Il a rendu ancienne la première ;or ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaitre »
Suit un développement de l’auteur de l’Epitre sur le rôle du culte ancien et sur le sacrifice du Christ, grand prêtre scellant la Nouvelle Alliance en son sang .

La lettre aux Hébreux est donc plus radicale que la Lettre aux Romains, peut-être pour éviter que ses destinataires ne se prévalent pas trop de leur héritage naturel de l’ancienne Alliance…
S’y ajoutent les considérations très (trop?) dures de Paul au sujet de la Loi,source de péché ,un thème que j’avais déjà relevé ailleurs comme contradictoire avec la parole du Christ « pas un iota de la Loi ne passera « .

En tous cas cette large marge d’appréciation entre deux types de textes également canoniques explique des divergences d’interprétation et d’opinion dont la trace est sans doute à trouver pendant de longs siècles .A cet égard,ne nions pas qu’un certain antijudaisme sociologique prétendant s’appuyer sur des convictions excessives (le peuple « déicide ») ne fut pas neutre dans ces oppositions, jusqu’à une date récente. L’inverse étant aussi vrai (l’influence de considérations morales liées à la Shoah dans la réflexion théologique).
Je vois que la modération a retrouvé un fil ancien en plein dans le sujet et y a greffé notre discussion.On y trouve entre autres l’encyclique de Pie XII "Mystici Corporis Christi » re sa référence à Saint Léon le Grand ,un des principaux Pères latins. J’avais recherché entre temps un peu en vain des réflexions de Pères de ‘Eglise (il faudrait avoir l’ensemble de la collection Sources chrétiennes ou la Patrologie de Migne sous la main…), mais je suis tombé sur deux thèses contemporaines opposées,qui n’ont certes pas le prestige et l’autorité des Pères de l’Eglise mais sont significatives et peuvent éclairer notre débat.
L’une émane d’une bibliste catholique , longtemps chargée des relations avec le judaïsme dans le diocèse de Montpellier,Mme Marie Vidal, auteur de trois ouvrages ,dont « Un Juif nommé Jésus »(Albin Michel 1996) ,l‘autre d’un pasteur protestant polonais de Gdansk ,Pawel Bartosik ,auteur d’une réflexion traduite en français "15 thèses pour une compréhension biblique du rôle d’Israel ». Les deux thèses me paraissent un peu excessives dans des sens opposés.
Je pense y revenir sous peu.

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Re: Qui sont ceux-là pour toi ? Juifs et Catholiques

Message non lu par Xavi » jeu. 07 mars 2024, 20:19

AdoramusTe a écrit :
jeu. 09 nov. 2017, 22:42
Un reportage KTO
Lors de la présentation, au Vatican, du nouveau document du Saint-Siège sur le judaïsme, Les dons et l´appel de Dieu sont irrévocables (Romains 11, 29) et la déclaration rabbinique orthodoxe sur le christianisme en 2015, le documentaire rend compte du chemin parcouru depuis Vatican II ...
Documentaire du 18/09/2017
https://www.youtube.com/watch?v=XtACKRFbjIE
Plus de six ans plus tard, je découvre cette vidéo de grande qualité (Qui sont ceux-là pour toi ? par Guillaume Dutey-Harispe) qui est toujours d’actualité pour présenter une excellente synthèse du regard catholique actuel sur la vocation permanente des Juifs qui restent des témoins vivants d’une alliance non révoquée conclue avec Abraham et Moïse. Même s'il y a eu beaucoup d'évolutions depuis lors, l’attachement des Juifs d’aujourd’hui à cette alliance continue à éclairer celui du Christ qui s’y est incarné et y a pleinement vécu lui-même avec ses apôtres et la plupart de ses premiers disciples qui vivaient dans le milieu juif de l’époque.

« Pendant des siècles on a ignoré le peuple pour prendre le livre. On a pris la Bible. On avait nous à la comprendre. Mais c’est une énorme hérésie de vouloir séparer le peuple de la Bible. C’est pas possible. Nous savons que pour recevoir cette vérité de la Parole de Dieu, pour recevoir cette expérience du Christ qui est l’expérience de son peuple, et bien maintenant il nous faut passer par cet « autre », avec un petit « a », qu’est le peuple juif pour accéder à l’Autre avec un grand A » (Propos du Père Jean Massonnet de 18.19 à 18.50)

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Re: Qui sont ceux-là pour toi ? Juifs et Catholiques

Message non lu par Altior » jeu. 07 mars 2024, 22:21

Bonjour, Xavi !
Xavi a écrit :
jeu. 07 mars 2024, 20:19
(...) la vocation permanente des Juifs qui restent des témoins vivants d’une alliance non révoquée conclue avec Abraham et Moïse.
:)

Tiens !
Voyons ce que dit l'Église à ce sujet :
D'abord la mort du Rédempteur a fait succéder le Nouveau Testament à l'Ancienne Loi abolie ; c'est alors que la Loi du Christ, avec ses mystères, ses lois, ses institutions et ses rites, fut sanctionnée pour tout l'univers dans le sang de Jésus-Christ. Car tant que le divin Sauveur prêchait sur un territoire restreint - il n'avait été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël (30) - la Loi et l'Evangile marchaient de concert (31); mais sur le gibet de sa mort il annula la loi avec ses prescriptions (32), il cloua à la Croix le " chirographe " de l'Ancien Testament (33), établissant une Nouvelle Alliance dans son sang répandu pour tout le genre humain (34). " Alors, dit saint Léon le Grand en parlant de la Croix du Seigneur, le passage de la Loi à l'Evangile, de la Synagogue à l'Eglise, des sacrifices nombreux à la Victime unique, se produisit avec tant d'évidence qu'au moment où le Seigneur rendit l'esprit, le voile mystique qui fermait aux regards le fond du temple et son sanctuaire secret, se déchira violemment et brusquement du haut en bas (35). "

(Pius XII, Mystici Corporis Christi)

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