L' âme, comment ça marche ?

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
Règles du forum
Forum de discussions entre chrétiens sur les questions de théologie dogmatique
Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » lun. 16 avr. 2018, 19:18

Bonjour

En m'appuyant sur l'ouvrage du Père Marie-Eugène de l'Enfant Jésus o.c.d., Je veux voir Dieu.

Jean de la Croix expliquait :

Tout d'abord, nous devons savoir que l'âme, en tant que substance spirituelle, n'a ni haut ni bas, ni partie plus profonde ou moins profonde, comme les corps soumis aux lois de la quantité. Elle n'est pas composée de parties; son intérieur ne diffère en rien de son extérieur; elle est complètement simple.

Le saint continue :`

Or le centre de l'âme c'est Dieu; quand elle y arrive selon la capacité de son être, la force de son activité et de ses inclinations, elle est parvenue à son centre le plus profond et le dernier qu'elle puisse atteindre en Dieu.

Cette force de pénétration, ce poids qui entraîne vers les profondeurs n'est autre chose que l'amour. Amor, pondus meum. L'amour est un poids selon la parole de saint Augustin. Il faut remarquer que l'amour est une inclination de l'âme, une force ou une faculté qu'elle possède pour aller à Dieu; c'est par l'amour qu'elle s'unit à Lui; voilà pourquoi plus elle possède de degrés d'amour, plus elle pénètre dans les profondeurs de Dieu et se concentre en Lui. Aussi pouvons-nous dire que, par les degrés d'amour que l'âme gravit, nous pouvons compter les degrés toujours plus intimes du centre divin qu'elle pénètre ... C'est de la sorte que nous pouvons comprendre cette parole du Fils de Dieu qui nous déclare que dans la maison de son Père il y a beaucoup de demeure. Ainsi, pour que l'âme soit dans son centre qui est Dieu, il suffit qu'elle ait un degré d'amour; si elle en possède deux, elle s'unira à Lui et s'enfoncera davantage en Lui en pénétrant dans un centre plus intérieur; si elle en possède trois, elle avancera encore d'un degré de plus dans l'intimité de Dieu.

[...]

Au début de la vie spirituelle, l'amour se nourrissait de la connaissance distincte des vérités de la foi réalisée selon les lois psychologiques normales. Lorsque l'amour a jailli directement du fond de l'âme , soit en flots savoureux ou dans une sécheresse paisible, il a mis l'entendement dans l'impuissance.

Voit combien sont vils, insuffisants et impropres tous les termes ou expressions dont on se sert pour parler ici-bas des choses divines.

L'âme dit qu'elle porte les vérités esquissées dans son coeur et dans son âme par le moyen de l'entendement et de la volonté. C'est en effet l'entendement qui possède ces vérités, qui lui sont infusées par la foi. Mais leur connaissance étant imparfaite l'âme dit que ces vérités sont esquissées; car de même qu'une esquisse n,est pas un peinture parfaite, de même la connaissance de la foi n'est pas une connaissance parfaite.

Au-dessus de cette ébauche de la foi, il y a une autre ébauche, celle de l'amour dans l'âme de celui qui aime; elle s'opère par la volonté ... L'amour, en transformant ceux qui s'aiment, établit entre eux une telle ressemblance qu'on peut dire que chacun d'eux est l'autre et que tous les deux ne sont qu'un. La raison en est que dans l'union et la transformation d'amour chacun d'eux donne la possession de lui-même à l'autre, chacun s'abandonne, se livre et s'échange pour l'autre, et tous les deux ne sont qu'un par la transformation de l'amour.



Explication :

Le langage précis de la théologie éclaire ces affirmations de saint Jean de la Croix. L'entendement, éclairé par la foi, ne saurait puiser dans les vérités surnaturelles que la connaissance dont il est capable, à savoir la connaissance analogique ou conceptuelle exprimée par les formules dogmatiques. Esquisse, mais qui peut être perfectionnée ici-bas.

Mais voici que l'amour se met à l'oeuvre. Il transforme l'âme et l'unit à Dieu dans une compénétration mutuelle et une ressemblance qui deviennent chaque jour plus parfaites. De cette compénétration jaillit, grâce au Don de Sagesse, une expérience affective et une connaissance fruitive. La charité, participation à la vie de Dieu, a divinisé l'âme, l'a fait passer en Dieu comme la goutte dans l'océan et, par ce contact, elle lui fait expérimenter Dieu en elle, et lui donne ce qu'on appelle la connaissance par connaturalité.

Cette connaissance par connaturalité affective, qui procède de l'ébauche tracée dans la volonté par l'amour, devient assez nette aux sixièmes Demeures pour être comparée au lever de l'aurore. Elle ira normalement en se développant avec les envahissements progressifs de l'amour.

Éclairée parfois en des éblouissements soudains, par ce murmure des zéphyrs plein d'amour, communication et très haute connaissance de Dieu qui émanent de contacts substantiels, elle est habituellement générale et obscure, subtile et secrète, donnée à l'âme comme une substance déjà toute comprise, dégagée de tout accident et de toute image. Elle est cependant réelle et vivante comme l'amour qui l'engendre. Et parce qu,elle procède d'un contact avec les profondeurs de Dieu et qu'elle balbutie les secrets intimes qu'elle y a expérimentés, elle corrige l'imperfection essentielle de la simple connaissance de foi, solidaire de la faiblesse de nos humbles moyens humains de connaître.

On peut appeler cela une esquisse d'amour en comparaison de cette transformation parfaite qui ne s'accomplit que dans la gloire. Pourtant, cette esquisse de transformation réalisée sur terre, est déjà un bonheur excellent.

p. 685

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mer. 18 avr. 2018, 0:24

Je considère que le sujet est très important. La compréhension de ce que nous sommes et de ce qui se passe dans notre intériorité conditionnent notre vie spirituelle, nous permet d'avancer, déjouer des pièges, etc. Le langage de l'Église est absolument fantastique. Mais il faut bien comprendre aussi les termes employés pour être à même de goûter les remarques. Moi-même, j'ai besoin de comprendre mieux de quoi il retourne si l'on parle de "puissance", ou de "facultés", de "grâce sanctifiante", etc.

Il ne faudrait pas penser qu'il s'agirait de se perdre dans une "vaine curiosité", dans des élucubrations sans lien avec la vie, la sanctification, la vie de prière. Parce que, sans un certain bagage minimal de connaissances l'on n'arrive à rien.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mer. 18 avr. 2018, 0:47

Il faut déjà savoir qu'il existe deux modes de présence de Dieu en nous.

Présence d'immensité

Un premier mode de présence divine en nous c'est une présence active, universelle. Puisque Dieu agit dans sa créature, soit pour la créer, la sortir du néant, soit pour l'entretenir, ou la développer, ou la protéger (Providence), il faut qu'Il soit présent à sa créature.

Présence objective

Ceux qui sont en état de grâce, qui ont reçu la grâce de la filiation divine, donc une participation à Dieu Lui-même, ceux-là jouissent d'une deuxième présence de Dieu, ou d'une deuxième modalité de présence de Dieu, c'est à dire la présence objective. Progressivement, Dieu leur apparaît comme leur Père, et cette prise de conscience de Dieu leur Père les invitent à des relations amicales avec Dieu. Prendre conscience de cette réalité, c'est justement la présence objective.



La connaissance de notre intérieur va nous éviter bien des souffrances, bien des difficultés, par exemple en temps de sécheresse et de distraction. Si vous ne savez pas qu'il y a deux profondeurs en votre âme , il y a des choses que nous ne comprendrez pas. Vous ne comprendez pas comment ça se fait que, dans certaines prières, vous êtes très recueillis dans le Seigneur et en même temps très distraits. Ou encore, certaines personnes ont eu de belles expériences spirituelles, des grâces insignes, par exemple une infusion spéciale du Saint Esprit; or un jour ou l'autre , croyant que ça continue toujours comme ça, ces personnes vont se trouver pas mal désarçonnées lorsqu'elles tomberont dans la sécheresse tout d'un coup; elles voudront prier mais il n'y aura pas moyen de formuler aucune prière.

Ainsi, Dieu ne nous pas seulement donné "la" vie, mais il nous a donné SA vie, de sorte qu'il n'est pas seulement créateur, auteur de notre vie, mais il est Père, donneur de sa propre vie.

Zaratoustra
Ædilis
Ædilis
Messages : 49
Inscription : dim. 25 févr. 2018, 13:42

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Zaratoustra » mer. 18 avr. 2018, 9:02

Très belle initiative que ces explications, je vous encourage de tout cœur à continuer, merci pour votre patience à l'ouvrage :)

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mer. 18 avr. 2018, 13:53

Merci à vous pour les encouragements !




La grâce sanctifiante

La grâce sanctifiante donnée par le baptême est une participation réelle à la vie divine. Elle entre dans notre âme, établit son siège dans la substance comme qualité entitative, et prend possession des facultés par les vertus infuses. Elle ne reste pas en surface comme un vernis ou à l'extérieur comme un greffon qui prolonge la tige. Elle est véritablement infuse et pénètre les profondeurs comme un corps simple, comme une huile répandue et un levain dont on ne saurait arrêter l'action et la pénétration envahissante. L'âme et les facultés sont donc à la fois enveloppées et pénétrées par cette vie divine. En fait, la vie spirituelle n'est pas autre chose que cette progression conquérante de la vie divine par envahissement progressif. La grâce est vraiment ce levain qu'une femme met dans trois mesures de farine.



La grâce en effet produite par la présence d'immensité est une participation de la nature divine qui nous fait entrer dan le cycle de la vie trinitaire comme enfants de Dieu. Cette grâce établit donc, entre l'âme et Dieu, des relations nouvelles et distinctes de celles de la présence d'immensité.

L'activité divine de la présence d'immensité soutenait et enrichissait l'âme, mais la laissait passive sous ses dons. Elle créait entre Dieu et l'âme des relations de Créateur à créature. La grâce, par contre, donne puissance à l'âme pour réagir sous ses dons, pour revenir vers Lui, le connaître directement comme il se connaît, l'aimer comme il s'aime, l'étreindre comme un père. Elle établit entre l'âme et Dieu des rapports réciproques d'amitié, des relations filiales.

Par la présence d'immensité Dieu comblait l'âme mais résidait en elle comme un étranger. A l'âme enrichit de la grâce Dieu se livre Lui-même comme un ami et un père.

Par la présence d'immensité Dieu révélait indirectement par ses oeuvres, sa présence et sa nature. A l'âme devenue son enfant par la grâce, Dieu découvre sa vie intime, sa vie trinitaire et l'y fait entrer comme une véritable fille pour la lui faire partager.

Devenue fille de Dieu par la participation à la vie divine, l'âme juste peut recevoir en elle son Dieu comme son père, remonter vers Lui et l'aimer d'un amour filial comme un enfant.

Du mystère de cette habitation substantielle de Dieu dans l'âme, de l'activité d'amour qu'il y déploie, des relations entre l'âme et Dieu qui en découlent, l'Écriture nous parle avec une précision et un charme qui nous en disent l'intimité : "Ne savez-vous pas, écrit saint Paul aux Corinthiens, que vous êtes le temple de Dieu et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? La charité est diffusée en nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous est donné." Saint Jean souligne une parole de Notre Seigneur dans le discours après la Cène : "Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, et nous viendrons en lui et nous y établirons notre demeure."

p. 29

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mer. 18 avr. 2018, 15:25

Cette grâce en effet répandue dans l'âme est de même nature que Dieu : vie, amour, bien diffusif de soi comme Lui, conquérante comme Lui. Deux différences cependant : l'amour en Dieu engendre et donne; la charité surnaturelle dans l'âme est engendrée et remonte vers sa source; le premier est paternel, la seconde est filiale.

De plus, l'amour de Dieu est éternel et immuable. La grâce au contraire, bien que déjà unissante en son degré le plus infime telle qu'elle est reçue au baptême, ressemble à un germe si on considère les accroissements dont elle porte la puissance et la destinée. Le royaume de Dieu, nous dit Notre Seigneur, est semblable à un grain de sénevé, qui est la plus petite des graines et qui deviendra le plus grand des arbrisseaux [...] envahissante et filiale, la grâce va accomplir son oeuvre de transformation et de conquête.

Greffée sur la nature humaine, avec son organisme vivant de vertus infuses et de Dons du Saint Esprit, la grâce épouse parfaitement les formes du complexe humain, en saisit toutes les puissances et toutes les activités. Envahissante, elle pénètre et domine progressivemnent les facultés humaines en les libérant de leurs tendances égoïstes et désordonnées. Filiale, elle les entraîne, après les avoir conquises, dans son mouvement vers ce Dieu intérieur, Père de lumière et de miséricorde, et les Lui offre désormais purifiées et fidèles, toutes soumises à ses lumières et à son action.

Il ne sera pas inutile de signaler qu'en cette action conquérante de la grâce, Dieu semble tout d'abord laisser beaucoup à l'initative et à l'activité de l'âme. Il affirme plus tard sa maîtrise, parfois en révélant sa présence, se réserve l'initiative et impose à l'âme une activité de soumission et d'abandon, jusqu'à ce que transformée par la charité en vraie fille de Dieu, elle n'obéisse plus qu'aux motions de l'Esprit de Dieu qui vit en elle.

Ainsi s'établit le règne de Dieu dans l'âme et s'opère l'union transformante par l'envahissement de la grâce qui progressivement conquiert, transforme et soumet au Dieu intérieur.

En se libérant des exigences extérieurs des sens et de ses tendances égoïstes,en obéissant à des lumières et des motions de plus en plus spirituelles et intérieures, l'âme s'intériorise elle-même jusqu'à appartenir complètement à Celui qui réside en la fine pointe d'elle-même. Telle est la vie spirituelle et son mouvement.



Des différences

L'union divine est différente selon les âmes. Elle comporte des degrés en nombre quasi indéfini, depuis celle qui est réalisée chez l'enfant qui meurt immédiatement après son baptême, jusqu'à l'union ineffable de la Sainte Vierge au jour de l'Assomption.

p. 326


Chez Jésus
Incomparablement au-dessus de toute expérience, il faut placer celle du Christ Jésus, en qui la nature humaine était hypostatiquement unie à la nature divine et en jouissait par la vision béatifique. Aussi comment n'aurait-il pas éprouvé un besoin constant de se réfugier dans le silence qui lui permettait de se livrer exclusivement à l'emprise du Verbe et aux flots de son onction qui coulaient en lui silencieusement ? La retraite pendant près de trente ans à Nazareth, le séjour au désert pendant quarante jours avant la vie publique comme pour accumuler des réserves de silence, ces retours fréquents à la solitude dans le calme de la nuit comme pour les renouveler, s'expliquent bien plus par ce besoin foncier, par ce poids de Dieu qui l'entraîne en ces régions où il vit et se donne, que par un besoin de lumière ou de force pour l'accomplissement de sa mission. - Jean de la Croix
[...]

Il est bon de savoir que l'âme de Jésus fut crée comme celle de tous les hommes, l'âme ou la substance spirituelle de Jésus et qui lui donne d'être une présence corporelle en même temps. On pense à sa condition d'homme.

Le Christ en entrant dans le monde a dit : Parce que vous n'avez pas voulu ni sacrifice ni oblation, vous m'avez formé un corps. Vous n'avez plus eu pour agréables ni holocaustes ni sacrifices pour le péché, alors j'ai dit : Me voici (car il est question de moi dans le rouleau de la Bible) je viens, ô Dieu, pour faire votre volonté.

Dans toute l'histoire de l'humanité, Jésus est le seul homme aussi qui ait jamais pu jouir immédiatement de la vision béatifique et tout en vivant sur la terre une vie d'homme normal. On oublie souvent ce "détail". Tous les jours de sa vie sur la terre, Jésus pouvait contempler la gloire de Dieu, les anges, etc. L'épisode de la transfiguration soit dit en passant pourrait se comprendre comme ce moment où Dieu permet aux Apôtres d'avoir accès à cette "vision de la gloire" qui est celle de Jésus, à la qualité de prière qui est la sienne.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » sam. 21 avr. 2018, 17:55

Le trésor de l'Église, c'est toute une "science de l'âme" que peu de gens soupçonnent, que de moins en moins de gens se figurent peut-être dans notre Occident post-chrétien, à l'ère de la technique sur-spécialisée, de la déqualification de la philosophie et de la théologie et de l'obscurantisme morale, si je puis me permettre ici de formuler un jugement.

Sainte Thérèse d'Avila disait déjà, bien longtemps avant le développement de la psychologie moderne :

Nous ne considérons pas qu'il y a tout un monde intérieur au-dedans de nous. Tout n'y est pas aussi simple que semblerait le comporter la simplicité de notre âme, Ce monde est complexe et mouvant. Des forces s'y agitent dans des sens divers.

La violence et la diversité de ces mouvements sous l'action de Dieu furent pour Thérèse la cause d'angoisses.

Pour moi j'ai grandement souffert parfois de ces divagations d'esprit, et il n'y a guère plus de quatre ans que j'ai compris par mon expérience personnelle que la pensée, ou pour que l'on me comprenne mieux : l'imagination, n'est pas la même chose que l'entendement. Comme l'entendement est une des puissances de l'âme, j'étais désolée de le voir parfois si distrait, tandis qu'ordinairement l'imagination prend son vol de suite; il n'y a que Dieu qui puisse l'enchaîner.

D'un côté je voyais, ce me semble, toutes les puissances de mon âme absorbées en Dieu et recueillies en Lui, d'un autre côté l'imagination se trouvait dans un trouble complet; j'en étais toute interdite ...

Or de même que nous ne pouvons pas arrêter le mouvement du ciel qui est emporté avec une rapidité prodigieuse, de même nous ne pouvons pas arrêter notre imagination. Nous mettons aussitôt toutes les autres puissances de l'âme avec elle, et alors il nous semble que nous sommes perdus [...]

Tandis que j'écris ces lignes, je réfléchis à ce qui se passe dans ma tête ... Il me semble entendre le bruit d'une foule de fleuves qui se précipitent, d'oiseaux qui chantent et de sifflements; je le perçois non dans les oreilles, mais dans la partie supérieure de la tête où, dit-on, réside la partie supérieure de l'âme. Quel que soit ce trouble, il ne m'empêche pas de me livrer à l'oraison, ni d'être attentive à ce que je dis en ce moment; l'âme au contraire est tout entière occupée de sa quiétude, de son amour, de ses désirs et de sa claire connaissance.


Notre être se compose de l'âme et du corps, c'est à dire d'une racine essentielle (le "je" qui se conserve ou la "substance spirituelle") et qui transcende la matière, qui la domine, qui donne forme au corps, qui le gouverne ensuite, l'organise. Et les puissances de l'âme vont s'exprimer par des facultés rendues possibles chez nous par une certaine organisation de la matière et le bon fonctionnement des organes. Des facultés : nutritionnelles, sensitives. motrices, intellectuelles, volitives.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » sam. 21 avr. 2018, 18:29

La distinction des facultés

Pensée et imagination

"La pensée", mes chers amis, ce n'est pas ce que vous pensez. Ce n'est pas cette pensée philosophique dont on a écrit dans de gros livres, comme Descartes qui disait :"Je pense donc je suis". Ce n'est pas ça ! La pensée, c'est ni plus ni moins que de l'imagination. Si l'on veut sortir des grands mots, c'est très simple, c'est l'imagination.

Par exemple on vous dit : pensez à Notre Seigneur dans vos prières, pensez à la Vierge Marie. Prenez les mystères du Rosaire, pensez donc à la scène où la Sainte Vierge a mis au monde son fils premier né, et qu'elle l'a couché dans une mangeoire d'animaux. Vous revoyez toute la scène. Vous essayez de vous faire une représentation de ça. Les artistes ont pensé et c'est pour ça qu'ils ont fait de beaux tableaux. Penser, c'est ça.

Vous pouvez penser à Notre Seigneur qui va mourir en croix, vous pouvez penser à des scènes d'Évangile, Jésus avec ses Apôtres les instruisant, les amenant, les initiant soit à la prière, soit à l'apostolat. Vous êtes capables de prier beaucoup en pensant comme ça. C'est ce que sainte Thérèse d'Avila avait vu ! Appliquez votre pensée, reproduire en vous les mystères de notre religion, ça vous aidera à les vivre. En y pensant votre coeur va se réchauffer et vous direz des mots d'amour au Seigneur, des mots de confiance, des mots d'action de grâce. Vous allez vous trouvez en prière autour de belles pensées.


L'entendement

Il faut bien comprendre que l'intelligence a trois manières de faire son travail. La première, c'est l'acte le plus intelligent de notre intelligence, ça s'appelle 1) la simple appréhension. La deuxième s'appelle 2) le jugement. La troisième 3), le raisonnement.

La simple appréhension, ça veut dire : saisir tout de suite, sans raisonnement. La simple appréhension, c'est l'acte d'intelligence humaine la plus apparenté à l'intelligence des anges. L'ange fait ça habituellement, il saisit tout d'un coup, il ne raisonne pas. Nous sommes capables de faire ce geste-là, nous, mais il faut bien avouer que ce n'est pas notre manière ordinaire de penser, on se rabat plutôt dans les autres manières de penser, de connaître, d'intelliger.

Le deuxième acte d'Intelligence, c'est le jugement. Il consiste à prendre deux idées, à les rapprocher et à voir s'ils conviennent l'une à l'autre. Si je vous disais que le mur là-bas, c'est un mur bleu, je pense bien que vous auriez peine à me suivre. Vous diriez : comment peut-il mettre du bleu sur ce mur-là, il me semble que tout le monde le voit jaune, Le jugement, c'est ça ! Quelqu'un qui n'a pas de jugement n'est pas capable de mettre deux choses qui vont ensemble, ou il les met difficilement. Le jugement, c'est très humain. Nous jugeons continuellement. Vous n'êtes pas capable de parler sans juger, absolument pas ! Dès que vous mettez côte à côte un mot, un petit verbe et un autre mot, c'est un jugement. Ou bien encore vous dites, en passant devant une vitrine de magasin : Oh ! le beau manteau de fourrure ! Vous jugez. On est pas capable de ne pas juger; autrement, on ne parle pas.

Le raisonnement

L'intelligence humaine est à l'aise dans le raisonnement. Qu'est-ce que le raisonnement ? Ça consiste à prendre deux jugements. Les deux jugements, on les accolent l'un à l'autre et on leur fait produire un troisième. Si vous voulez, ces deux vont faire un petit.

Je vous donne un exemple pris dans l'Évangile en utilisant une parole de Notre Seigneur. Notre Seigneur a dit : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jn 15,13). Si vous voulez traduire ça en langage philosophique, vous direz : donner sa vie pour ceux qu'on aime est la plus grande marque d'amour qui puisse se donner : c'est un jugement.

Je vais prendre un deuxième jugement. Je le prends dans l'Évangile, mais ce n'est pas une parole de Notre Seigneur cette fois-ci. Je lis l'Évangile et je dis : or lui, Jésus, il a donné sa vie pour ceux qu'il aimait. Et là, je tire un troisième jugement qui va être ma conclusion et je dis : donc Jésus nous a donné la plus grande marque d'amour qui puisse être donnée ; puis j'enchaîne, je continue : or donner à quelqu'un la plus grande marque d'amour qu'on puisse lui donner, n'est-ce pas un titre pour être payé de retour ? Donc Jésus mérite que je l'aime en retour de l'amour qu'il m'a donné. Vous pouvez continue ainsi à enchaîner des raisonnements et des raisonnements.

p. 76

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » dim. 22 avr. 2018, 18:55

Mieux renseignés par ses confidences à Diego de Yépes, nous savons que la sainte (Thérèse d'Avila) a eu la vision de l'âme juste.

"Cette âme juste lui a été montrée comme un globe de cristal ou un diamant très pur, tout resplendissant de clartés au foyer divin, Dieu lui-même qui se trouve au centre. Cependant la sainte a remarqué que le globe devient de plus en plus resplendissant à mesure qu'on se rapproche du foyer. Les différences d'intensité de la lumière y créent des régions distinctes qui pourraient aisément être délimitées par une série de cercles concentriques à l'intérieur du globe. Ces zones séparées, de plus en plus lumineuses à mesure qu'elles sont plus intérieures, constituent les Demeures distinctes, chacune d'elles en contenant d'ailleurs beaucoup d'autres." (Le château intérieur)


Le péché mortel

Il n'y a pas de ténèbres plus profondes que celles où elle est plongée; il n'y a rien de si obscur et de si noir qui puisse lui être comparé. Les âmes qui son en état de péché mortel ... sont semblables à des eaux noires et infectes.

Qu'il vous suiffise de savoir que ce Soleil qui lui donnait tant de splendeur et de beauté et qui se trouve encore au centre d'elle-même, n'y est que comme n'y étant pas : il s'est éclipsé pour elle. Elle est (l'âme) dans les ténèbres; ce n'est pas la faute du Soleil de justice, qui est au-dedans d'elle pour lui donner l'être, s'il ne l'éclaire pas, mais elle est incapable de recevoir sa lumière. Ce Soleil resplendissant qui se trouve au centre de l'âme ne perd ni son éclat ni sa beauté : il est toujours au-dedans de l'âme, et rien ne peut lui ravir sa magnificience.

Dieu n'est donc pas atteint directement par le péché. Le péché n'affecte que les relations de l'âme avec Dieu; l'âme seule en subit des dommages essentiels.

Crées par Dieu nous devons retourner vers Dieu. Dieu est notre finalité. En retournant vers Lui par la voie qu'il nous a fixée, nous réalisons sa volonté et procurons sa gloire, en même temps que nous trouverons notre bonheur. Par l'obéissance l'âme maintient son orientation et poursuit sa marche vers Dieu. La face tournée vers Lui, elle en reçoit sa lumière, sa chaleur et sa vie. Lorsqu'au contraire, sciemment et volontairement, l'âme refuse d'obéir à Dieu pour satisfaire une passion et chercher un bien particulier, elle n'est plus orientée vers Lui. Tant que l'âme, par la contrition et le ferme propos, n'a pas rétracté son attitude de péché et n'est pas revenue vers Dieu, elle reste privée de tous les avantages spirituels que lui assurent son orientation et son union avec Lui.


Voici comment la sainte explique les effets dans l'âme de cet éloignement de Dieu par la rupture du lien de charité.

Après le péché, l'âme est par rapport à ce Soleil divin comme le cristal que l'on expose au Soleil matériel après l'avoir recouvert d'un linge très noir; il est évident que ce soleil a beau éclairer , sa lumière ne produit rien sur ce cristal. Une âme qui commet le péché mortel, écrit elle, recouvre le miroir de son âme d'un épais nuage et le rend très noir.

Elle est privée de tout pouvoir, semblable à une personne qui est complètement liée et attachée, qui a l;es yeux bandés, qui malgré ses efforts ne peut ni voir, ni marcher, ni entendre, et qui enfin se trouve dans d'épaisses ténèbres.

Cette impuissance s'entend évidemment de l'ordre surnaturel, car l'âme peut continuer à agir dans l'ordre naturel, et même poser des actes naturellement bons. Mais ces bonnes oeuvres ne sont d'aucun mérite.

Rien ne lui profite alors ... toutes les bonnes oeuvres qu'elle fait en état de péché mortel ne sauraient lui mériter la gloire du ciel.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mar. 24 avr. 2018, 14:26

Qu'est-ce que la Sagesse d'amour ?

Qu'est-ce qu'on entend par ce mot "Sagesse" ? Pour comprendre le mot "Sagesse", il faut le comparer au mot "science". La science, c'est une connaissance qui s'acquiert peu à peu , qui se perfectionne sans cesse, à peu près sur tout. On rencontre assez souvent de bons et grands savants qui ne sont pas nécessairement des sages. C'est une autre chose d'être savant et d'être sage.

La sagesse, ce n'est pas une connaissance qui s'acquiert, c'est une connaissance parfaite, immuable, qui est là, dans l'esprit. Toutes ses propriétés, ses qualités, sont à l'état de perfection, Quand on parle de sagesse, on parle d'être dans un état de perfection.

La sagesse est faite de discernement parfait, de jugement équitable, de bon sens, de prudence, de calme. La sagesse, c'est la fine perfection !

Comment expliquer la Sagesse en Dieu ?

La Sagesse divine, c'est une propriété de Dieu qui consiste à ordonner toute chose vers sa fin propre, vers sa perfection. C'est une propriété de Dieu, c'est à dire que c'est compris dans sa nature, c'est dans son Être-même. Il est essentiellement et substantiellement Sage. Sa substance divine, elle est Sagesse. Et il ne serait pas Dieu, s'il n'était pas la Sagesse parfaite. De plus, la Sagesse consiste à ordonner toute chose vers sa perfection. Donc, c'est un programme vers une réalisation parfaite de ce qu'elles sont.

Exemples

Prenons quelques exemples très simples : l'oeil, pourquoi a-t-il été fait ? Pourquoi a-t-il été crée ? C'est pour permettre de voir ! Mais pour voir de façon très mobile, à gauche, à droite, en haut, en bas, avec toujours une vision exacte. Donc, il a reçu une programmation pour arriver à réaliser la perfection de ce qu'il doit être : bien voir !

C'est la même chose pour l'embryon [...] Dès les premiers instants de l'existence d'un embryon, il y a déjà toute la programmation pour qu'il devienne un être complet. les chromosomes de cette première cellule renferment ce qu'on appelle un code génétique muni de toutes les informations requises. Ce code préside au développement ordonné des cellules pour constituer peu à peu un être humain parfait.

Voyez la Sagesse de Dieu dans tous les êtres et à plus forte raison dans un embryon, appelé à devenir un être humain complet ... Et c'est comme ça dans toute la création : on voit que tout a été programmé, orchestré, pour arriver à la perfection dans tous les êtres ...

S'il en est ainsi dans les choses, les objets, qu'en est-il chez l'homme ? L'homme a été programmé, il a été ordonné, fait par Dieu pour arriver à un état de perfection, et cette ordonnance, cette orientation, c'est aussi la Sagesse divine qui le lui a donné (V, II, Lumen Gentium).

[...]

Or la grande orientation de l'homme, c'est de connaître son Créateur et Dieu; c'est de l'aimer, ce que nous voulons réalise chaque jour; c'est de le servir , ce que nous tâchons de faire chacun, selon nos obligations particulières. C'est ça l'oeuvre de la Sagesse divine. Evidemment, l'homme a été crée libre. Il peut donc librement respecter l'ordre établi par la Sagesse de Dieu, mais il peut aussi librement briser cet ordre. La Sagesse de Dieu, c'est une propriété de Dieu qui consiste à ordonner toute chose vers sa perfection.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mar. 24 avr. 2018, 19:55

Dans le livre de la Sagesse, voyez ce qu'on en dit :

"En elle est, en effet, un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, mobile, pénétrant, sans souillure, clair, impassible, ami du bien. prompt, irrésistible, bienfaisant, ami des hommes, ferme, sûr, sans souci, qui peut tout, surveille tout, pénètre à travers tous les esprits, les intelligents, les purs, les plus subtils (Sg 7, 22)

C'est bien là la Sagesse de Dieu, n'est-ce pas ?

Et face à l'oeuvre accomplie par le Seigneur, par la Sagesse divine, le texte dit encore :

"Elle est, en effet, un effluve de la puissance de Dieu, une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant; aussi rien de souillé ne s'introduit en elle, Car elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté. Bien qu'étant seule, elle peut tout, demeurant en elle-même, elle renouvelle l'univers" (Sg 7,25)

C'est vraiment la description de la Sagesse de Dieu !

Une description un peu poétique, avec nos mots humains, mais qui nous indique assez clairement tout ce qu'il y a de perfections dans la Sagesse de Dieu. On n'a vraiment pas assez de mots pour dire jusqu'à quel point Dieu est parfait dans sa Sagesse.

Le texte continue :

"... et, d'âge en âge passant en des âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et des prophètes; car Dieu n'aime que celui qui habite avec la Sagesse. Elle est, en effet, plus belle que le soleil, elle surpasse toutes constellations" (Sg 7,27)

C'est tout à fait suave ! C'est un beau thème de méditation qui glisse vite vers la Contemplation. Voilà donc une description que l'Ancien Testament nous donne de la Sagesse de Dieu.


Dans le Nouveau Testament

Que va-t-il nous dire le Nouveau Testament ? Il va nous révéler que c'est une "Sagesse d'amour". Souvent le Nouveau Testament souligne que c'est par amour que Dieu réalise ainsi son plan de salut et de sanctification.

Par exemple, saint Jean déclare : "Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu", (1 Jn 3,1). De même, saint Paul dira : "La preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous", (Rm 5.8). L'Église fait sienne ces expressions du Nouveau Testament dans la liturgie de la messe et dans la liturgie du bréviaire.

Mais pourquoi dire que cette Sagesse est Sagesse d'amour ? C'est qu'elle est le fruit de l'amour de Dieu pour nous, elle naît de l'amour de Dieu. Il fallait qu'il nous aime pour planifier notre salut, pour orchestrer le salut et la sanctification des hommes d'une façon aussi merveilleuse. Si Dieu n'avait pas été Amour, il n'aurait pas été porté à se débattre autant, je dirais, pour nous sauver. nous, pauvres créatures, après Lui avoir tourné le dos par le péché [...]

L'économie du salut est donc en tout et partout, une oeuvre d'amour. Et cette oeuvre d'amour ne se contente pas de nous sauver, mais elle va jusqu'à vouloir nous sanctifier, nous unir de plus en plus intimement au Seigneur. Et s'il y a une oeuvre qui mérite bien le nom d'amour, c'est bien l'oeuvre de la sanctification.

Dieu n'a pas fait un programme uniquement pour nous faire entrer dans son Ciel, mais il va jusqu'à nous offrir son intimité la plus grande, et c'est pourquoi on parle de sanctification.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: L' âme, comment ça marche ?

Message non lu par Cinci » mar. 24 avr. 2018, 21:21

Donc, nous sommes fait pour Dieu. Il est notre fin, notre orientation. Et pour voir Dieu le chemin c'est la sanctification. La sanctification peut être comprise maintenant comme une évolution, progression ou marche en avant, en direction de notre centre intérieur. La route vers ce centre est jalonnée de différentes étapes.


Le voyage vers Dieu

Quand vous faites un voyage il faut dépasser l'endroit où vous êtes, sinon vous serez toujours à la même place. Il y a des dépassements à faire dans la vie. Il y en a six dans la vie intérieure. En voici un aperçu.

Premier dépassement

Qu'est-ce que vous dépassez en premier étape ? Vous dépassez le péché mortel. On ne fait plus de péché mortel rendu là. Quand on commence le voyage pour vrai on dit : "Je ne fais plus de péché mortel". Peut-être y aura-t-il un accident. Ne vous en surprenez pas. Même pour les meilleures personnes, un accident peut toujours arriver, elles peuvent faire un péché qu'elles n'auraient pas voulu faire mais il est arrivé quand même. Ici, on n'en parle pas. Vous réglerez ça avec votre confesseur. Je veux dire qu'on n'admet plus dans sa vie le péché mortel. Nous ne sommes pas des gens qui disent : un péché mortel de plus, un péché mortel de moins, ça ne me fait rien. Ça, c'est fini !

Au début, le règne de nos passions est assez paisible. Ça veut dire qu'on ne sait pas si on a des défauts. Il y a des gens qui disent : Moi, j'ai bien des défauts ! - Tu as bien des défauts ? Nomme-les ! - Je ne suis pas capable de les nommer, je les oublie, c'est tout !

C'est facile de dire "J'ai des défauts", mais les nommer n'est pas si facile que ça, si on ne les connaît pas. Il y en a d'autres qui disent, comme ce bonhomme : Moi, vous savez, c'est pas trop pire; je pense que je n'ai pas de grands défauts. C'est vrai que je bois pas mal, ça m'est arrivé de blasphémer et puis de voler aussi quelque fois, mais à part ça, je sais pas, j'ai pas beaucoup de défauts !

En premier, ce sont des gens qui ne s'en font pas. C'est à peine s'ils vont à la messe. Ils ne communient pas, ils ne s'occupent pas de ça, ils ne prient pas; à peu près rien ! Alors demandez-leur s'ils ont des défauts : bien non, pas de défauts, eux autres !


Deuxième dépassement

Qu'est-ce qu'on va dépasser en second ? On va dépasser beaucoup de péchés véniels, il en restera encore mais au moins pas trop volontaires. Des petits péchés, des petits accrocs, des petites imperfections, un petit oubli de temps en temps, mais au moins on a décidé qu'on n'en faisait plus de péché; on en fait le moins possible. Et en même temps l'on dépasse tous nos petits caprices aussi, nos petites attaches.

En seconde étape, quand on commence la vraie vie spirituelle, on commence à servir le Seigneur; on dirait que nos défauts sortent à ce moment-là. Vous vous demandez bien pourquoi les défauts sortent quand vous servez le Seigneur ? Ça se comprend. C'est quand la guerre commence que les ennemis sortent, se mettent en rang. S'il n'y a pas de guerre, vous ne voyez pas d'ennemis.

Troisième dépassement

On va dépasser la complication, car la vie spirituelle n'est pas compliquée. Quand elle est compliquée c'est de notre faute. Il faut la "décompliquer".

Vous savez le mot qu'on a dit au sujet de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus ? C'est un monseigneur anglais qui a dit cela : "Soeur Thérèse de l'Enfant-Jésus, elle a décompliqué la vie spirituelle et elle a supprimé les mathématiques". Ça veut dire qu'elle ne comptait pas ses indulgences, ni ses mérites; elle ne s'occupait pas de cela. Le Seigneur s'arrangera avec cela !

Le dépassement de cette troisième étape, c'est la fin du premier âge; alors nos tendances mauvaises sont pas mal domptées ou vaincues dans le domaine extérieur, mais elles se reprennent à l'intérieur. C'est à ce moment-là qu'on pourra vous dire, peut-être :
- Que je voudrais avoir ta patience !
- Oui, mais ne viens pas voir en-dedans, parce que ce n'est pas si patient que cela à l'intérieur.
C'est la même chose pour les autres défauts.

Quatrième dépassement

Quatrièmement, qu'est-ce qu'on va dépasser ? C'est ça le gros coup difficile. On va dépasser l'idée de raisonner sa prière. On ne sera plus capable de raisonner sa prière, de lire des livres pour prier. Il faudra prier en silence; les premières fois, on n'aimera pas cela, mais on va s'accoutumer.

Ensuite (et c.est ça qui est intéressant), à partir du quatrième dépassement, le deuxième âge spirituel sous l'influence du Saint Esprit, la grâce de contemplation nous fait voir nos défauts à fond. Alors on les combattra bien, et l'ascèse nous les fera combattre. L'ascèse c'est justement la mortification, la lutte contre nos défauts.

Les vrais contemplatifs ne se connaissent pas par l'analyse de soi. Ils ne se regardent pas aller, Ils se connaissent dans la lumière de Dieu, c'est Dieu qui leur montre comment ils sont.

Humilité vraie

Le caractère de cette connaissance qui vient de Dieu, c'est l'humilité vraie. Or l'humilité vraie, c'est l'humilité qui n'inquiète pas. L,humilité qui s'inquiète, elle n'est pas correcte. On doit être en paix quand on a l'humilité vraie. L'humilité qui ne trouble pas, qui n,agite pas l'âme : je ne suis rien ! C'est tout et c'est comme ça ! Cette connaissance nourrit l'âme. Voyez l'équilibre ici : contrition douloureuse, mais en même temps amour ardent. Lorsque quelqu'un s'agite quand il a péché, et qu'il dit : je ne suis pas capable d'aimer le Bon Dieu, j'ai trop de péchés : ce n'est pas correct ça ! ce n'est pas de la bonne humilité.

La bonne humilité, c'est l'équilibre : oui, c'est vrai que je suis pécheur, mais ça ne m'empêchera pas d'aimer le Seigneur ! Adoration profonde : je ne suis rien devant toi, Seigneur. Aspiration élevée : je veux être saint et voir mon abîme devant Toi, Seigneur, ce n'est pas une raison pour ne pas rechercher la sainteté.

Sentiment d'impuissance d'une part, résolution généreuse de l'autre : plus je ne suis capable de rien, Seigneur, plus je veux prendre des bonnes résolutions parce que c'est Toi qui va m'aider.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 31 invités