Re: Présence réelle et capacité à croire
Publié : ven. 16 mars 2018, 19:30
Sur la dimension trinitaire de l'Eucharistie et sur sa continuation de l'incarnation
L’analyse des traditions liturgiques primitives a révélé que la structure littéraire de l’anaphore correspond, compte tenu des variations concernant l’épiclèse, à l’économie trinitaire du salut. On rend grâces à Dieu le Père (eucharistia) en faisant mémoire du don de Jésus-Christ (anamnesis) que l’Esprit Saint actualise dans l’offrande de l’Église (epiclesis). « La tradition des Églises d’Antioche, de Jérusalem et de Syrie a une structure trinitaire claire » ; « la tradition de l’Église d’Alexandrie (de même que le Canon romain) exprime d’une autre manière la même vérité à savoir que le Saint-Esprit est l’Agent de la sanctification ». Au sein de la diversité des traditions qui accentuent soit les paroles du prêtre au nom du Christ, soit l’action de l’Esprit Saint, « toute la célébration sacramentelle vit de deux affirmations : c’est le Christ qui agit et il le fait par le moyen de l’Esprit (épiclèse) ».
[...]
Le mystère de la nouvelle Alliance tel qu’il est compris à l’origine va donc jusqu’au réalisme sacrificiel de la Croix et de l’Eucharistie ; le Christ-Époux immolé et donné en communion fait naître l’Église-Épouse de son côté transpercé et s’unit à elle dans une seule chair eucharistique. Ce mystère nuptial est consommé par l’épiclèse sur les oblats et sur la communauté qui unit indissolublement, dans l’Esprit Saint, l’humanité rachetée à son Époux divin par le corps et le sang du Christ. Telle est la foi de l’Église toujours professée que le Catéchisme de l’Église Catholique a réitérée en citant le Concile de Trente : « À la dernière Cène, “la nuit où il fut livré” (1 Corinthiens 11, 23), il voulait laisser à l’Église son épouse bien-aimée un sacrifice visible (comme le réclame la nature humaine), où serait représenté le sacrifice sanglant qui allait s’accomplir une unique fois sur la Croix, dont la mémoire se perpétuerait jusqu’à la fin des siècles. »
[...]
Le mystère de l’incarnation s’achève par conséquent dans l’Eucharistie quand la communion au sacrifice pascal de Jésus porte l’unité intime des Personnes divines à l’intérieur des croyants. Cette unité trinitaire devient non seulement ouverte et accessible aux croyants mais réellement communiquée et reçue en communion : « pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jean 17, 26). L’Eucharistie s’inscrit de la sorte dans la logique sacramentelle de l’incarnation. Elle est instituée non pas simplement en souvenir de celle-ci, faute de mieux, mais pour prolonger et « accomplir » l’incarnation par l’économie sacramentelle de l’Esprit Saint dans l’Église.
[...]
La permanence des plaies dans le corps du Christ ressuscité exprime symboliquement la permanence de l’acte sacrificiel historique et eschatologique du Christ qui demeure toujours accessible à travers l’acte liturgique de l’Église. Une telle permanence est possible à cause de la résurrection. Car la résurrection est le sommet de l’incarnation ; elle n’en est pas la cancellation mais la confirmation et la glorification. Cette glorification est l’œuvre de l’Esprit Saint qui met ainsi le sceau ultime de la Trinité sur la chair et le sang du Christ. Ce corps glorifié dans l’Esprit est en effet le témoignage suprême de l’Amour trinitaire.
Car la résurrection du Christ est la réponse du Père à l’amour du Fils jusqu’à la mort ; elle témoigne que Dieu s’est non seulement réconcilié le monde dans son Fils crucifié mais qu’Il s’est livré lui-même comme Amour absolu. En laissant descendre l’Esprit sur l’Église apostolique en prière avec Marie, le Père témoigne de sa fécondité jusque dans la chair glorifiée du Fils et il donne avec Lui le fruit ultime de leur éternelle communion. L’Église, mystère d’Alliance et mystère de communion se nourrit de ce Donum Dei à la source de l’Eucharistie.
Marc Ouellet, prêtre du diocèse d’Amos, Québec, Canada. (il fut créé cardinal en 2003)
Communio, n° 25, mai-juin 2000
L’analyse des traditions liturgiques primitives a révélé que la structure littéraire de l’anaphore correspond, compte tenu des variations concernant l’épiclèse, à l’économie trinitaire du salut. On rend grâces à Dieu le Père (eucharistia) en faisant mémoire du don de Jésus-Christ (anamnesis) que l’Esprit Saint actualise dans l’offrande de l’Église (epiclesis). « La tradition des Églises d’Antioche, de Jérusalem et de Syrie a une structure trinitaire claire » ; « la tradition de l’Église d’Alexandrie (de même que le Canon romain) exprime d’une autre manière la même vérité à savoir que le Saint-Esprit est l’Agent de la sanctification ». Au sein de la diversité des traditions qui accentuent soit les paroles du prêtre au nom du Christ, soit l’action de l’Esprit Saint, « toute la célébration sacramentelle vit de deux affirmations : c’est le Christ qui agit et il le fait par le moyen de l’Esprit (épiclèse) ».
[...]
Le mystère de la nouvelle Alliance tel qu’il est compris à l’origine va donc jusqu’au réalisme sacrificiel de la Croix et de l’Eucharistie ; le Christ-Époux immolé et donné en communion fait naître l’Église-Épouse de son côté transpercé et s’unit à elle dans une seule chair eucharistique. Ce mystère nuptial est consommé par l’épiclèse sur les oblats et sur la communauté qui unit indissolublement, dans l’Esprit Saint, l’humanité rachetée à son Époux divin par le corps et le sang du Christ. Telle est la foi de l’Église toujours professée que le Catéchisme de l’Église Catholique a réitérée en citant le Concile de Trente : « À la dernière Cène, “la nuit où il fut livré” (1 Corinthiens 11, 23), il voulait laisser à l’Église son épouse bien-aimée un sacrifice visible (comme le réclame la nature humaine), où serait représenté le sacrifice sanglant qui allait s’accomplir une unique fois sur la Croix, dont la mémoire se perpétuerait jusqu’à la fin des siècles. »
[...]
Le mystère de l’incarnation s’achève par conséquent dans l’Eucharistie quand la communion au sacrifice pascal de Jésus porte l’unité intime des Personnes divines à l’intérieur des croyants. Cette unité trinitaire devient non seulement ouverte et accessible aux croyants mais réellement communiquée et reçue en communion : « pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux » (Jean 17, 26). L’Eucharistie s’inscrit de la sorte dans la logique sacramentelle de l’incarnation. Elle est instituée non pas simplement en souvenir de celle-ci, faute de mieux, mais pour prolonger et « accomplir » l’incarnation par l’économie sacramentelle de l’Esprit Saint dans l’Église.
[...]
La permanence des plaies dans le corps du Christ ressuscité exprime symboliquement la permanence de l’acte sacrificiel historique et eschatologique du Christ qui demeure toujours accessible à travers l’acte liturgique de l’Église. Une telle permanence est possible à cause de la résurrection. Car la résurrection est le sommet de l’incarnation ; elle n’en est pas la cancellation mais la confirmation et la glorification. Cette glorification est l’œuvre de l’Esprit Saint qui met ainsi le sceau ultime de la Trinité sur la chair et le sang du Christ. Ce corps glorifié dans l’Esprit est en effet le témoignage suprême de l’Amour trinitaire.
Car la résurrection du Christ est la réponse du Père à l’amour du Fils jusqu’à la mort ; elle témoigne que Dieu s’est non seulement réconcilié le monde dans son Fils crucifié mais qu’Il s’est livré lui-même comme Amour absolu. En laissant descendre l’Esprit sur l’Église apostolique en prière avec Marie, le Père témoigne de sa fécondité jusque dans la chair glorifiée du Fils et il donne avec Lui le fruit ultime de leur éternelle communion. L’Église, mystère d’Alliance et mystère de communion se nourrit de ce Donum Dei à la source de l’Eucharistie.
Marc Ouellet, prêtre du diocèse d’Amos, Québec, Canada. (il fut créé cardinal en 2003)
Communio, n° 25, mai-juin 2000