Jésus a révolutionné le sens de la mort

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
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Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 21:28

Un texte de Sa Sainteté, le pape émérite Benoit XVI.

Ici :

La Commémoration des fidèles défunts est une occasion propice pour nous souvenir dans la prière de ceux qui nous sont chers, et méditer sur la réalité de la mort, que celle que l'on appelle la "civilisation du bien-être" tente souvent de chasser de la conscience des personnes, entièrement absorbées par les préoccupations de la vie quotidienne. En réalité, la mort fait partie de la vie, pas seulement à la fin mais si l'on fait bien attention. à chaque instant de la vie. Mais malgré toutes les distractions, la perte d'un être cher fait redécouvrir le problème, en nous faisant sentir la mort comme une présence radicalement hostile et contraire à notre vocation naturelle à la vie et au bonheur.

Jésus a révolutionné le sens de la mort. Il l'a fait à travers son enseignement, mais surtout en affrontant lui-même la mort. "En mourant, il a détruit la mort", répète la liturgie du temps pascal. "Le Christ a tué la mort qui tuait l'homme, grâce à l'Esprit qui ne pouvait mourir", écrit Méliton de Sardes. Le Fils de Dieu a ainsi voulu partager jusqu'au bout notre condition humaine, pour l'ouvrir à nouveau à l'espérance. En dernière analyse, il est né pour pouvoir mourir, et ainsi nous libérer de l'esclavage de la mort. La lettre aux Hébreux dit : "Il fallait que, au bénéfice de tout homme, il goûtait la mort".

Depuis lors, la mort n'est plus la même : elle a été privée, pour ainsi dire, de son "poison". L'amour de Dieu, agissant en Jésus, a en effet donné un sens nouveau à toute l'existence de l'homme, et a ainsi transformé sa mort. Si en Jésus Christ la vie humaine signifie passer de ce monde vers le Père, l'heure de la mort est le moment où cela se réalise de manière concrète et définitive. Celui qui s'engage à vivre comme Lui, est délivré de la peur de la mort qui ne se présente plus avec la grâce sarcastique d'une ennemie mais, comme écrit saint François dans le Cantique des créatures, avec le visage ami d'une soeur pour laquelle on peut même bénir le Seigneur : "Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre soeur la Mort corporelle".

La foi nous rappelle qu'il ne faut pas avoir peur de la mort corporelle car, que nous vivions ou que nous mourrions, nous appartenons au Seigneur. Et avec saint Paul, nous savons que, libérés de notre corps, nous appartenons au Christ dont le corps ressuscité, que nous recevons dans l'Eucharistie, est notre demeure éternelle indestructible. La vraie mort, qu'il faut en revanche craindre, est celle de l'âme, que l'Apocalypse appelle la seconde mort. En effet, celui qui meurt en état de péché mortel, sans repentir, enfermé dans le refus orgueilleux de l'amour de Dieu, s'exclut lui-même du royaume de la vie.

Par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie et de saint Joseph, invoquons du Seigneur la grâce de nous préparer sereinement à quitter ce monde, lorsqu'il voudra nous appeler, dans l'espérance de pouvoir demeurer éternellement avec Lui, en compagnie des saints et de nos proches défunts.


Donnes-nous ...

Seigneur Jésus,
donne-nous cette sagesse
qui juge de haut,
qui voit de loin.
Donne-nous ton Esprit
qui laisse tomber l'insignifiant
en faveur de l'essentiel.
En face des tâches et des obstacles,
apprends-nous à ne pas se troubler,
à ne pas nous agiter, mais à chercher
dans la foi ta volonté éternelle.
Donne-nous l'activité calme
qui sait envelopper d'un seul regard
tout l'ensemble de nos tâches.
Aide-nous à accepter paisiblement
les contradictions,
à y chercher ton regard et à le suivre!
Évite-nous l'émiettement
dans le désordre, la confusion du péché.
Mais donne-nous de tout aimer
en liaison avec toi.

Ô Jésus, Ô Père, Ô Esprit Saint,
source de l'être, unissez-nous à Vous
et à tout ce qui va dans le sens de l'éternité
et de la joie!

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » lun. 30 oct. 2017, 0:04

"Réjouissez-vous : vous ne souffrez pas, avant tout, parce que vous avez péché, mais parce que le Christ a souffert, et que vous lui ressemblez. Vous ne mourrez pas parce qu'Adam a péché, mais parce que le Christ est mort, et a obtenu que votre vie et votre mort deviennent semblables aux siennes : filiales et rédemptrices."


Louis Evely, Souffrance, p. 72

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » lun. 30 oct. 2017, 0:25

Du même Louis Evely :

Vous voulez vous unir aux souffrances du Christ? Unissez-vous à son amour : ne recherchez pas les effets (la souffrance) mais la cause (l'amour) qui vise le bien des autres et non votre mal.

"L'amour tend à la ressemblance", disent les partisans de la Croix. Mais le Christ n'a pas voulu, ni recherché, ni demandé la Croix. Il a voulu aimer et obéir, et la Croix lui fut donné "par surcroît!" En recherchant la Croix dans le but de Lui ressembler, vous cessez précisément d'agir comme Lui.

Ne demandez pas les croix, écrit saint François de Sales, opposez-leur tous les remèdes possibles; mais cela fait, acceptez-les avec résignation.

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » mer. 08 nov. 2017, 6:52

Je reprend un petit passage du texte de Benoit XVI :
Jésus a révolutionné le sens de la mort. Il l'a fait à travers son enseignement, mais surtout en affrontant lui-même la mort. "En mourant, il a détruit la mort", répète la liturgie du temps pascal. "Le Christ a tué la mort qui tuait l'homme, grâce à l'Esprit qui ne pouvait mourir", écrit Méliton de Sardes. Le Fils de Dieu a ainsi voulu partager jusqu'au bout notre condition humaine, pour l'ouvrir à nouveau à l'espérance. En dernière analyse, il est né pour pouvoir mourir, et ainsi nous libérer de l'esclavage de la mort. La lettre aux Hébreux dit : "Il fallait que, au bénéfice de tout homme, il goûtait la mort".
Comment comprendre ces expressions "en mourant il a détruit la mort" ou "Il fallait que, au bénéfice de tout homme, il goûtait la mort", etc? A priori, ce n'est pas bien évident. Proclamer la mort de Jésus ou parler de la croix comme d'une victoire : n'est-ce pas une drôle d'idée? Faudra-t-il s'écrier au fou?

Une réflexion :

La réalité du mystère de la croix : c'est une victoire mais une victoire de facture divine. Comme cette victoire est inassimilable pour nous dans sa transcendance puisqu'elle ne ressemble à rien, la participation de Jésus-Christ à cette victoire va supposer deux page qui vont nous montrer deux aspects apparemment contradictoires pour nous. 1) C'est une victoire par mode de défaite 2) C'est tout de même une victoire. Par une mode de défaite premièrement c'est la mort, la résurrection ensuite. Mais il faut les deux. Si Jésus était mort sans ressusciter : il est évident que l'on ne pourrait pas dire qu'il s'agit d'une participation à la victoire de Dieu. Et pourtant la victoire est déjà là même au moment de la mort de Jésus. Car en se laissant détruire par le mal à la manière de Dieu qui ne se défend pas : il triomphe. Il triomphe déjà, seulement ce triomphe se présente sous un mode douloureux, - et ô combien dans l'humanité de Jésus -, qu'il n'a pas en Dieu.

Et c'est ce mode douloureux, ce visage de crucifié, qui a éternellement attiré la miséricorde de Dieu sur Jésus-Christ. Qui fait que Dieu donné d'exister à Jésus d'abord, d'être Fils ensuite et d'être victorieux par la résurrection. Mais d'être victorieux selon l'autre face de la victoire divine qui consiste à être heureux quand même. Être heureux pour notre humanité cela veut dire ressusciter. Mais ressusciter comme ayant été crucifié d'abord. C'est la résurrection d'un crucifié. C'est parce qu'il porte les stigmates éternelles de cette crucifixion par le mai que le crucifié imite éternellement la victoire de Dieu sur le mal.

On pourrait toujours imaginer Jésus remontant vers le Père lors de la transfiguration. Mais comment comprendrait-on la suite? Il dit aux disciples d'Emmaüs qu'il fallait que le Christ souffre et meurt avant d'entrer dans sa gloire- Pourquoi? - parce que s'Il avait échappé aux liens de la mort dont il a accepté de subir le poids dès le début de son incarnation, s'il avait pu y échapper au moment de la transfiguration par exemple, il aurait été libéré si vous voulez. Il aurait triomphé mais pas à la manière divine. Il n'aurait pas vaincu la mort. Il n'aurait pas vaincu à la manière dont Dieu vainc le mal, puis la mort éternelle surtout! Parce que c'est la mort éternelle que Jésus a vaincu, non pas la mort physique.

La résurrection n'a fait que manifester. au niveau de son corps (qui signe aussi la victoire sur la mort physique), la victoire sur la mort éternelle en premier et qu'Il a remporté en mourant. Si Jésus était remonté vers le Père au moment de la transfiguration il n'aurait pas vaincu la mort éternelle. Il aurait échappé plutôt à cette oppression de la mort éternelle dont il éprouvait la morsure depuis son incarnation. Il n'aurait pas triomphé à la manière dont Dieu triomphe, en se laissant blesser, transpercer, persécuter, anéantir par cette morsure.

Mais voici une notion capitale - et peut-être la clé de toute l'affaire - c'est que le Christ ressuscité ne meurt plus. Il ne meurt plus par essence.

Pour comprendre, il faudra mettre en parallèle cette mort de Jésus avec sa parole "Celui qui triomphe par l'épée sera vaincu par l'épée". Ce qui veut dire que le bien ne peut pas triompher par l'épée. Si, le bien peut triompher par l'épée à considérer la chose d'un point de vue humain bien sûr. Mais du point de vue humain cela reste un accident justement. Et ce qui triomphe par l'épée en réalité c'est le mal. Le mal n'a pas d'autre voie possible pour triompher que l'épée. C'est à dire par l'accident. Le mal ne peut triompher par essence. Il ne peut que triompher par l'épée. il sera vaincu de la même façon ... sauf par Dieu! C'est justement ça. Car si le mal qui a triomphé accidentellement par l'épée est vaincu de même façon par l'épée, sa défaite est accidentelle. Et c'est une loi normal et juste. Ici serait une justice de Dieu que "celui qui a vaincu par accident sera vaincu à son tour par accident". Mais celui qui aura vaincu par essence ne sera plus vaincu. Ainsi, ce n'est pas l'essence du bien qui aurait triomphé de l'essence du mal, si le Père avait envoyé douze légions d'anges pour protéger Jésus ou si Jésus avait pu être enlevé à la transfiguration. L'essence du bien n'aurait triomphé seulement que d'un accident du mal; et par accident encore!

Non

Ce que le Père a donné à Jésus c'est de participer à la victoire de l'essence du bien sur l'essence du mal. Et cela ne pouvait se faire que par l'agonie et la mort, suivi de la résurrection. Il faudra comprendre la chose : dès le départ, il fallait la force divine pour que Jésus supporte l'agonie, pour que Jésus ne se défende pas. La victoire de Jésus consiste à ne pas se défendre. Et c'est déjà la victoire de Dieu. C'est une victoire par essence. Ce n'est pas une victoire par accident. Et la résurrection témoigne de cela. Qu'en ne se défendant pas le bien a triomphé du mal.

C'est assez simple d'une manière. Les persécutés disent de belles vérités pour commencer. Or les persécuteurs de tous les temps rétorquent : "Les belles paroles cesseront et le triomphe de votre accident quand on en arrivera aux coups. On va bien voir. Vos vérités ne triompheront pas de notre accident." Or si on se défend, accidents contre accidents, l'on ne manifeste pas que l'essence du bien est invincible. Il n'est qu'un moyen de la manifester, et c'est de ne pas se défendre. Cela, Platon l'avait lui-même compris.

Seulement, ne pas se défendre et l'emporter : il faut le faire. Et pour le faire : il faut être Dieu. Il a donné à Jésus de le faire. Il faut être Dieu ou la gloire de Dieu. Car seule la "gloire de Dieu" peut refuser jusqu'au bout de se défendre. Voilà la clé de la victoire de Dieu. C'est ce qu'une mystique appelait la douceur insupportable de Jésus et de Marie, sur la croix et au pied de la croix. Cette douceur ne se laisse pas avoir par la tentation de ne plus être douce, et de répondre aux accidents par des accidents. Il faut que le bien triomphe du mal parce qu'il est le bien, non parce qu'il fait ceci ou cela. Si on fait appel à l'essence des choses, le mal est déjà fichu. Le mal fait appel à des accidents, des biens et qui pour le mal sont des accidents, tandis que le bien n'a pas à faire appel à des accidents, il suffit qu'il soit le bien. Mais, être le bien : cela veut dire également d'être bouleversé par le mal. Être tué par le mal, bouleversé jusqu'à la mort. C'est cela même qui est la victoire du bien et que la résurrection manifeste à la fin. La victoire du Christ : c'est sa Passion. Et la résurrection est l'épiphanie de sa victoire.

Pour que la nature humaine du Christ (et la nôtre) profitât de cette victoire, il fallait la résurrection. Mais cette dernière constitue la récolte. Ce n'est pas la victoire elle-même. Non, Jésus a vaincu en mourant. Il a récolté les fruits de sa victoire en ressuscitant. Jésus ne dit au mal :"Tu ne m'empêcheras pas de ressusciter." Il a dit au mal :"Tu ne m'empêcheras pas de mourir ... parce que tu ne m'empêcheras pas d'aimer."

"Ne t'Imagines pas que ce sont les clous qui m'ont retenu sur la Croix. Non, c'est l'amour.", aurait déjà déclaré Jésus à sainte Catherine de Sienne, dit-on.

Voilà la victoire!

En mourant, il a détruit la mort.

Jésus est le premier homme qui a accepté librement ("Il n'a pas considéré comme une proie à saisir [...] ni de conserver jalousement ...") de renoncer à sa vie sous la motion de la grâce et pour y mourir de gloire. Il a détruit l'aiguillon de la mort éternelle ainsi. La mort éternelle, mais qu'est-ce à dire? La mort châtiment* qui empêchait perpétuellement les hommes d'avoir accès à la vision face à face avec Dieu. Il nous a ouvert les portes du Royaume.

Avant : la mort est un exil qu'Il faut subir. Un éloignement de la face de Dieu, une cassure, une brisure, une violence qui empêche radicalement l'homme d'atteindre à son plus grand épanouissement. La mort ne permet pas de réaliser le plan de bonheur que Dieu avait en vu pour l'homme et quand il aura crée notre race.
Après : la mort devient le moyen de gloire pour atteindre à Dieu. C'est ainsi que l'on peut comprendre le mot de saint Paul aussi bien que celui de saint François d'Assise remerciant notre soeur la mort corporelle. Avant Jésus, un François d'Assise n'aurait jamais pu formuler un tel mot, ni Paul le sien d'ailleurs. Il y a bien une raison pourquoi Jésus lui-même pouvait pleurer la mort de son ami Lazare. Lazare, mais c'était avant.

* Une création de celui qui est homicide dès le commencement

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Trinité » mer. 08 nov. 2017, 13:35

C'est long ,mais intéressant!
Merci Cinci! :)

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » jeu. 09 nov. 2017, 19:06

Merci pour le petit mot, Trinité. :)


Il ne sera déjà arrivé, dans le passé, d'être un peu ennuyé par ce passage à la messe où l'on proclame la mort de Jésus. Comment ça? Pourquoi proclamer la mort de Jésus? Proclamer la mort de Jésus sur un mode quasi-triomphal reste comme une attitude bizarre à première vue. "Nous proclamons ta défaite, Seigneur Jésus."

Hum ...

Et après l'on nous parlera de la Croix comme une magnifique chose. - Pardon?

Il faut bien que cette mort sur la croix soit une victoire. "Nous proclamons ta victoire, Seigneur Jésus." Ha! ... sounds much better, much better ,,,

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » jeu. 09 nov. 2017, 19:13

Du côté de la philosophie :

"... en face de l'injuste plaçons le juste, homme simple et généreux, qui veut, d'après Eschyle, non pas paraître, mais être bon. Ôtons-lui donc cette apparence. Si, en effet, il paraît juste il aura, à ce titre, honneurs et récompenses; alors on ne saura si c'est pour la justice ou pour les honneurs et les récompenses qu'il est tel. Aussi, faut-il le dépouiller de tout, sauf de justice, et en faire l'opposé du précédent. Sans commettre d'acte injuste, qu'il ait la plus grande réputation d'injustice, afin d'être mis à l'épreuve de sa vertu en ne se laissant pas amollir par un mauvais renom et par ses conséquences; qu'il reste inébranlable jusqu'à la mort, paraissant injuste toute sa vie, mais étant juste, afin qu'arrivés tous les deux aux extrêmes, l'un de la justice, l'autre de l'injustice, nous puissions juger lequel est le plus heureux.

Maintenant, s'il sont tels que je viens de les poser, il n'est pas difficile, je pense, de décrire le genre de vie qui les attend l'un et l'autre. Disons-le donc; et si ce langage est trop rude, souviens-toi, Socrate, que ce n'est pas moi qui parle, mais ceux qui placent l'injustice au-dessus de la justice. Ils diront que le juste, tel que je l'ai représenté, sera fouetté, mis à la torture, chargé de chaînes [...] qu'enfin, ayant souffert tous les maux, il sera crucifié et connaîtra qu'il ne faut point vouloir être juste mais le paraître. "

- Platon, "Livre II" dans La République, Paris, Garnier Flammarion, 1966, p. 111 (date présumée : 315 avant J.C.)


Portrait de l'injuste :

"D'abord, il gouverne dans sa cité, grâce à son aspect d'homme juste; ensuite il prend femme là où il veut, fait marier les autres comme il veut, forme des liaisons de plaisir ou d'affaires avec qui bon lui semble, et tire profit de tout cela, car il n'a point de scrupule d'être injuste. S'il entre en conflit, en privé ou en public, avec quelqu'un, il a le dessus et l'emporte sur son adversaire; par ce moyen il s'enrichit, fait du bien à ses amis, du mal à ses ennemis, offre aux dieux sacrifices et présents avec largesse et magnificité, et se concilie bien mieux que le juste, les dieux et les hommes à qui il veut plaire; aussi convient-il naturellement qu'il soit plus cher aux dieux que le juste. De la sorte, disent-ils, Socrate, les dieux et les hommes font à l'injuste une vie meilleure qu'au juste."

(Platon, idem)

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » jeu. 16 nov. 2017, 7:36

De notre ami le feu Père Varillon. C'est très brillant. On se fait rarement parler des vérités de la foi de manière aussi intelligente.


Pourquoi la mort?

Il vaut mieux regarder les choses bien en face et dire, dans un premier temps : la mort est humainement une détresse, un scandale ou, comme le pensait Albert Camus, une absurdité. La mort n'est pas un drame parmi d'autres drames : elle est LE drame, le drame intégral, le drame sans retour, osons dire, le drame absolu. La mort détruit l'existence de l'homme à sa racine même. Il n'est pas bon, il n'est pas sain de court-circuiter ce premier temps : on ne peut le faire qu'en dévalorisant indûment le corps et donc, finalement, en reléguant au plan du mythe, ou du moins d'une croyance secondaire, le dogme de la résurrection de la chair.

Si la mort est une détresse, un scandale, une absurdité, comment penser que Dieu, et surtout un Dieu dont nous croyons qu'il n'est qu'Amour, consente à ce que la créature (qu'il crée, disons-nous, par amour) connaisse un tel désastre? Est-ce parce que l'homme est pécheur qu'il doit mourir? Le fait de mourir, c'est à dire de finir, ne vient pas du péché.

Ce qui vient du péché, ce qui est "le salaire du péché" (Rm 6,32), c'est la mort en tant qu'elle est un arrachement paniquant. Mais la mort en tant que telle, en tant que fin, est tout bonnement le fait de notre finitude. Vérité de la Palice! Ce qui est fini doit finir. Alors, comment innocenter Dieu?

Dieu veut que l'homme soit quelqu'un, quelqu'un pour lui, quelqu'un devant lui. Il me veut sujet ou personne. Ce n'est possible que si je suis différent de Lui, c'est à dire si je ne suis pas Dieu. C'est élémentaire, mais on a toujours tendance à l'oublier : vous êtes quelqu'un pour moi que si vous êtes autre que moi. Or, puisque Dieu est infini, il est nécessaire que la créature soit finie. Sinon, elle serait non pas quelqu'un mais une émanation de la divinité, comme le fleuve est une émanation de la source et n'est pas vraiment autre que la source. Or il n'y a pas de fini sans fin : le fait de devoir finir - vérité de la Palice encore - est le signe de notre finitude. Je ne suis pas Dieu, infini, donc je suis fini, mortel.

Vous me direz peut-être : Dieu est cependant le Tout-Puissant! Ne pouvait-il donc faire l'homme autrement que fini? Puisqu'il est parfait, ne pouvait-il pas faire l'homme aussi parfait que lui? Je comprends que cette idée traîne dans vos esprits : c'est normal, étant donné qu'il ne s'agit pas d'un détail de notre vie mais de cette chose scandaleuse qu'est la mort.

Entre beaucoup de réponses qui nous entraîneraient sur un plan métaphysique, je rappelle cette simple réflexion : la puissance de Dieu est la puissance de l'amour. Or l'amour veut que l'autre soit vraiment autre, et non pas un reflet de soi. Un homme ne dira jamais à une femme qu'il aime : je veux que tu sois un reflet de moi; il lui dira : je veux que tu sois toi, autre que moi, pleinement toi et pleinement autre que moi. L'amour veut que l'autre ne soit pas crée tout-fait. Un être crée qui serait parfait ne serait pas un être qui se crée lui-même. Il serait une créature peut-être merveilleuse, mais cette créature ne serait pas créatrice de soi.

Parce qu'il est amour, Dieu crée un non-Dieu, un être fini, donc qui, par nature, doit finir.

Dirons-nous que, prévoyant les douleurs qu'implique la finitude, Dieu aurait dû s'interdire de créer? C'est ce que pensent beaucoup, qui ne pardonnent pas à Dieu d'avoir créer un monde où la finitude engendre tant de désastres et de souffrances. Il est bien vrai que la création, pour Dieu, est une aventure. je ne redoute pas le mot : en créant, Dieu s'est aventuré, en ce sens qu'il ne recule pas devant le drame qui va résulter de la création d'êtres libres et finis. Aventure, drame, risque : ces mots disent quelque chose de vrai. Drame pour nous, mais pour Dieu aussi : c'est pourquoi je pense que, contrairement à ce que plus d'un prétend, il y a une souffrance en Dieu.

(à suivre)

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » jeu. 16 nov. 2017, 8:20

(suite)

La souffrance de Dieu


Dieu est amour, l'amour est nécessairement vulnérable. Ce dont notre monde enrage (le mot est de Jacques Maritain), c'est d'imaginer un Dieu qui surplombe la souffrance humaine dans une sorte de sérénité parfaitement olympienne; un peu comme une femme qui dirait : je sais que mes enfants souffrent beaucoup mais moi, je suis tellement heureuse que la souffrance de mes enfants ne m'atteint pas. Si nous entendions une femme tenir un tel langage nous dirions que son bonheur est proprement monstrueux. Et nous l'acceptons tout bonnement quand il s'agit de Dieu que nous imaginons comme une espèce de Jupiter, derrière les nuages, que la souffrance des hommes n'atteindrait pas dans une sérénité indéfectible.

"Si les gens savaient que Dieu souffre avec nous et beaucoup plus que nous de tout le mal qui ravage la terre, bien des choses changeraient sans doute et bien des âmes seraient libérées" (Jacques Maritain)

Si Dieu n'avait pas risqué la souffrance de l'homme, il se serait épargné aussi la souffrance à lui-même, mais il nous aurait crée tout-faits!

Éternellement, Dieu prévoit la détresse de l'homme devant la mort. Mais, selon la foi chrétienne, en même temps, il abolit le scandale de cette détresse. Dans l'acte même où Dieu crée l'homme mortel, il crée le dépassement de la mort dans la résurrection. Il brise le cercle de la mortalité dans l'acte même qui le crée.

Vous allez dire : n'est-ce pas un jeu? Pourquoi, dans un même acte, briser ce qu'on établit? N'aurait-il pas été plus divin de ne pas l'établir et de créer l'homme immortel? Nous voici au centre du mystère de l'amour : au lieu de nous éviter la mort par un acte qui eut été un prodige, je dirais volontier une magie (où l'homme n'aurait pas été respecté, où Dieu n'aurait rien risqué ni pour Lui, ni pour nous), il décide éternellement d'entrer lui-même dans notre finitude et d'y participer. Autrement dit, il décide de mourir lui-même.

C'est dans un même acte que Dieu crée et s'incarne. En même temps (le mot "temps" est inadéquat, je devrais dire dans la même éternité) que l'infini crée le fini, il devient lui-même fini pour introduire le fini dans la vie même de l'infini. Il se fait homme pour que l'homme soit fait Dieu, selon l'adage traditionnel. Dieu ne veut ni ne peut créer des dieux mais il les crée capable de se créer eux-mêmes, et il se fait homme pour que leur histoire débouche sur leur divinisation.

Il faut nous arracher à cette imagination quelque peu infantile selon laquelle il y aurait eu d'abord création (au commencement) et ensuite incarnation. La création n'est pas au commencement, elle est maintenant et, s'Il est très vrai que le Christ est apparut au centre de l'histoire (Noël est historiquement daté), il préexiste éternellement en Dieu. Relisez les débuts de l'épitre aux Éphésiens et de l'épitre aux Colossiens, saint Paul insiste : "Dieu est indivisiblement Créateur et Incarné." Il dit explicitement que le Christ est "le Premier-Né de toute créature". Je crois fermement que la création n'est pas pensable du point de vue de Dieu indépendamment de l'Incarnation. Dieu, dit Teilhard de Chardin, devient l'homme qu'il crée. Cette phrase est inoubliable!

Au jardin de Gethsémani, le Christ a tremblé, a été angoissé, a eu peur : tous ces mots sont l'Évangile. Précisément, et j'oserais dire, heureusement pour nous! Si Dieu s'incarne, ce n'est pas pour surplomber notre angoisse, c'est pour la vivre, afin que, devenant elle-même le fait de Dieu (je dis une chose énorme: que notre angoisse d'homme devant la mort devienne le fait de Dieu lui-même!), elle soit transformée. Non pas supprimée (nous retomberions dans la magie), mais transformée; la mort, assumée avec tout ce qu'elle comporte de détresse, d'angoisse et de solitude, devient le seuil d'une résurrection.

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » ven. 17 nov. 2017, 6:19

Dans l'envoi du 8 novembre dernier :
Cinci a écrit :
Pour que la nature humaine du Christ (et la nôtre) profitât de cette victoire, il fallait la résurrection. Mais cette dernière constitue la récolte. Ce n'est pas la victoire elle-même. Non, Jésus a vaincu en mourant. Il a récolté les fruits de sa victoire en ressuscitant. Jésus ne dit au mal :"Tu ne m'empêcheras pas de ressusciter." Il a dit au mal :"Tu ne m'empêcheras pas de mourir ... parce que tu ne m'empêcheras pas d'aimer."
Je voulais insister sur le fait que cette histoire de "Jésus qui meurt sur la croix" représenterait la victoire, non pas la résurrection. Est-ce assez déroutant? De fait, je n'avais jamais compris cela.

C'est pourquoi je restais toujours "agacé" devant l'emphase avec lequel l'art religieux s'arrêtait à représenter le Christ en croix, ensuite avec toutes ces pietas de la Renaissance ... comme du pathétique vulgaire et larmoyant, comme si le but devrait être d'attirer toujours l'attention du chaland sur les souffrances endurées par Jésus, sa mère, pour les amis par extension ... peut-être pour culpabiliser éternellement son chrétien?

"Vises un peu de quoi tu es capable, mon salaud."; "C'est ta faute!" ... toujours à ressasser la faiblesse de Jésus, l'échec, la mort ... Une drôle d'habitude morbide.

Je sais aussi que beaucoup de "nouvelles églises" vont toujours préférer les représentations de la résurrection ou des croix vides, comme des croix à partir desquels Jésus serait parvenu à s'arracher enfin, à se déclouer dessus.

On voudra dire alors que la victoire serait la résurrection. Dans un premier temps, il faudrait que les ennemis triomphent en abattant le bouc-émissaire et pendant que le Père devrait faire payer lui-même à Jésus le capital et les intérêts, tout ce que le crime devrait rembourser aux innocents bafoués (pour venger Abel, le Père devrait massacrer Jésus ... afin de s'éviter de devoir lui-même massacrer les autres). Dans un deuxième temps, le Père enfin satisfait par l'administration du châtiment, nous, avec le Christ, nous pouvons remporter la victoire qui se comprendra ici comme étant la résurrection. "Au matin de Pâques, la victoire!"

- Nein!

La victoire à proprement parler c'est la mort en croix (Faudra repenser par exemple au texte de Platon. Le juste par excellence qui va jusqu'au bout de la justice, c'est à dire qui expérimente l'amour le plus grand. Le juste qui ne cède pas d'un poil à l'injustice). La résurrection c'est plutôt le moment où le juste peut commencer de cueillir les fruits de sa victoire.

Je viens juste de découvrir que c'est bien là ce que dit aussi notre p'tit frère Samuel :

http://conferencedesamarie.com/videogal ... 014-05-22/
L'amour est-il toujours victorieux?
cf. la 26ième minute et plus (je crois qu'il le dit explicitement vers la 28ième quand il évoque saint Jean) Et au passage je recommande ce qu'il dit vers les 40 et 43e minute, ce qu'il dit de l'Apôtre Pierre interrogé par Jésus "Pierre, m'aimes-tu?" C'est vraiment beau. C'est important.

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » ven. 17 nov. 2017, 7:11

La résurrection commence dès la mort mais ne sera totale qu'à la fin des temps

Celui que saint Paul appelle "le Premier-Né de toute créature", l'Apocalypse l'appellera "le Premier-Né des morts" (1,5), le Premier Vivant de tous ceux qui sont morts et qui mourront. La mort demeure bien une fin (il est impossible qu'il en soit autrement), mais la fin seulement d'une forme de vie et le passage à une autre forme de vie, celle de Dieu lui-même.

Quand nous passons le seuil de la mort, nous rencontrons le Christ ressuscité. Comment pouvons-nous le représenter? En rigueur de terme, nous ne le pouvons pas. Notre certitude de foi ne supprime pas l'obscurité profonde où nous restons sur ce qu'est en lui-même le Christ ressuscité. Ce qu'est la Vie au-delà de la mort, la Vie qui n'est que Vie ou, ce qui revient au même, l'Amour qui n'est qu'Amour, nous ne pouvons pas l'imaginer.

[...]

Cette résurrection commence dès la mort (il n'y a pas de salle d'attente où l'âme, séparée du corps, attendrait la fin du monde pour récupérer son corps!) mais elle ne sera totale qu'à la fin des temps, car je ne suis vraiment moi qu'en compagnie de tous les frères. Pour parler comme notre catéchisme élémentaire, ce n'est qu'à la fin du monde que tous les hommes seront au ciel.

Le Christ ressuscité sera tout pour moi mais tous mes frères sont les membres du Christ. Le Christ n'est pas séparable des membres de son Corps : comment voulez-vous que je rencontre le Christ qui est la Tête sans rencontrer les membres de son Corps? On entend parfois demander : "Retrouverais-je au ciel mon fils décédé à vingt ans?" Il faut être absolument net : bien entendu, Madame, puisque vous êtes constituée par cette relation à vos enfants. C'est cela que j'ai appelé le corps, c'est cela votre histoire et elle ressuscite dans le Christ; que sommes-nous sans les êtres que nous aimons?

Le corps spirituel est un corps de liberté

Le corps spirituel est l'expression de l'homme parvenu à la liberté. Devenir un homme libre, c'est mourir à tout ce qui n'est pas amour ou charité. L'homme est libre quand il est capable d'affronter la mort, la mort de l'égoïsme sous toutes ses formes : tranquillité, confort, possession de privilèges, consentement tranquille aux inégalités insolentes du monde. L'homme est libre quand il meurt activement à tout cela, quand il travaille à ne pas être esclave de soi. Je dis : activement, c'est à dire en posant des actes libres, en prenant des décisions, petites ou grandes, qui font advenir, jour après jour, une liberté plus grande.

Tous les actes de la vie du Christ ont été des actes d'amour. Il ne s'est pas donné en partie, dans tels actes à l'exclusion de tels autres. En rigueur de terme, il a donné sa vie, tout au long de sa vie, et sans jamais la reprendre pour soi. Il est donc mort à toutes les limites qui constituent un homme et à tous les péchés qui replient l'homme dans ces limites. Mort quotidienne pleinement volontaire qui est vraiment son acte, l'ensemble des actes posés par lui. La mort du Christ - comprenons bien : mort constituée par chacun des actes tout au long de sa vie, et mort finale sur la croix - est l'acte parfait d'une liberté humaine, donc l'expression parfaite en un homme de la liberté même de Dieu.

Cet homme de chair et de sang que nous appelons Jésus passe intégralement dans sa liberté, dans l'acte de liberté par lequel il se donne. Si nous prenons bien à la lettre le mot intégralement, c'est une vérité de la Palice de dire qu'il est libre sans résidu. Et c'est à dire qu'il est vivant sans résidu, ou qu'en mourant il ressuscite. "Il n'a pas connu la corruption" (Ac 2,31).

Si la mort de Jésus avait été une mort naturellement subie, le tombeau ne serait pas vide : il y aurait un résidu, voué à la destruction pure et simple. Mais si la vie de Jésus est sa vie donnée, elle est donc la Vie tout court, car la vie n'est vraiment la Vie que lorsqu'elle est donnée, puisque être et aimer, c'est la même chose. Dieu est Amour, la Vie est donc l'amour. En Jésus, la mort est l'expression parfaite de la vie. Le corps mort de Jésus, c'est la Vie même, l'accomplissement, et, du même coup, la révélation de la liberté. Il est un homme libre et il n'y a pas de liberté dans les tombeaux, il ne peut y avoir que des résidus. Rien ne devient poussière de ce qu'a été Jésus : le tombeau est vide.

En nous, il y a autre chose que de l'amour, autre chose que de la liberté, nous sommes esclaves de tant de choses! Nous exprimons cela en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Il y a donc en nous autre chose que de la Vie. Le contraire de la vie, la mort, nous la portons déjà en nous tout au long de notre existence terrestre. La mort est intérieure à chacune de nos décisions égoïstes. Cette mort, c'est le refus de la mort volontaire, c'est la mort subie. C'est la part d'énergie, née dans nos corps, qui n'est pas passé en actes de vraie liberté, qui n'a pas été transformée en énergie d'amour ou de mort volontaire.

Il faut prononcer le mot qui exprime bien que mort volontaire et amour sont la même chose : c'est le mot "sacrifice". L'énergie qui monte de mon être de chair et de sang, si elle ne devient pas, au niveau de mon être spirituel (de ma liberté), sacrifice, est vouée à la décrépitude : c'est un résidu, qui ne peut que tomber en poussière.

Le tombeau du Christ est vide, car tout en lui fut holocauste, acte d'amour, don volontaire de soi. Nos tombeaux ne sont pas vides, car tout en nous n'est pas holocauste, acte d'amour, don volontaire de nous-mêmes : notre tombe est le signe, pour tous ceux qui viennent y déposer des fleurs, que nous sommes de pauvres pécheurs.

tiré de :
F. Varillon, Joie de croire joie de vivre, p. 189

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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Didyme » sam. 18 nov. 2017, 23:34

Merci pour ces extraits et ces réflexions, c'est autre chose que certaines vidéos. :-D

Plus sérieusement, je partage complètement ce que tu dis sur la victoire par la mort. Je partage également ce qui est dit sur le fait de créer un autre qui soit autre et ce que ça implique.
Et je partage également ce tout dernier post concernant la liberté, ce qui m'étonne d'ailleurs vu nos désaccords sur le sujet. :?:

Tout comme certains autres passages d'ailleurs (mais tant mieux), à savoir :

"Pour parler comme notre catéchisme élémentaire, ce n'est qu'à la fin du monde que tous les hommes seront au ciel"

Ou encore "on entend parfois demander " Retrouverais-je au ciel mon fils décédé à vingt ans ? " Il faut être absolument net : bien entendu, Madame, puisque vous êtes constituée par cette relation à vos enfants. C'est cela que j'ai appelé le corps, c'est cela votre histoire et elle ressuscite dans le Christ ; que sommes-nous sans les êtres que nous aimons ? "
Une belle expression d'unité humaine. :)
Dernière modification par Didyme le sam. 18 nov. 2017, 23:57, modifié 1 fois.
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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Didyme » sam. 18 nov. 2017, 23:48

Par contre, je bute sur deux points :

"Dieu ne veut ni ne peut créer des dieux mais il les créé capable de se créer eux-mêmes"

Mais que veut dire "se créer soi-même" ? C'est quelque chose que je ne comprends pas. Certes, l'homme exprime ce qu'il est mais cela ne vient pas de nulle part. Or, le terme de "se créer soi-même" me renvoie l'impression de se créer à partir de rien. Créer à partir de rien c'est Dieu qui le peut donc en fait, si on se créé nous-mêmes, à partir de rien, c'est qu'au final Dieu peut créer des dieux ...
Et encore, Dieu ne créé pas tout à fait de rien dans le sens où tout vient de sa volonté, qui elle pour le coup est incréée. Mais il me semble que notre volonté à nous est créée en ce qui la concerne.

D'ailleurs, s'il était question de se créer et non d'exprimer la logique de ce qu'on est, suivant notre condition, pourquoi Dieu viserait à nous détourner des voies que l'on choisit, de notre perdition ? Il respecterait cette auto-création en se faisant silence total, sans intervention, mise en garde, sans même l'incarnation.
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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Didyme » sam. 18 nov. 2017, 23:57

L'autre point concerne la phrase :
"Or l'amour veut que l'autre soit vraiment autre, et non pas un reflet de soi."

Un côté, j'ai envie d'acquiescer. Mais d'un autre, notre vocation n'est-elle pas de faire la volonté divine, non la notre. Notre vocation est l'unité, de faire un avec Dieu, l'union à la divinité par l'union de Dieu à l'homme. Nous sommes créés pour cela, pour le Christ.
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Re: Jésus a révolutionné le sens de la mort

Message non lu par Cinci » lun. 20 nov. 2017, 4:37

Une petite capsule sympathique du Père Verlinde, tiens!



(cf 6e et 7e minute)

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