Première Pentecôte : le souffle qui crée l'homme

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
Règles du forum
Forum de discussions entre chrétiens sur les questions de théologie dogmatique
Avatar de l’utilisateur
Xavi
Prætor
Prætor
Messages : 2192
Inscription : mar. 28 juil. 2009, 14:50

Première Pentecôte : le souffle qui crée l'homme

Message non lu par Xavi » jeu. 01 juin 2017, 12:12

La fête de la Pentecôte, c’est d’abord la fête de l’Esprit Saint, cette personne souvent méconnue de la Trinité.

Et pourtant…

Entre l’Esprit Saint et nous, il y a un don essentiel. Je peux lui dire tout simplement : sans Toi, je n’existerais pas. Sans toi, je ne pourrais pas être moi-même. Sans toi, là où je suis, il n’y aurait personne, mais seulement des créatures naturelles précaires.

Rappelons-nous notre origine. Après avoir fait surgir des êtres vivants sur la terre, Dieu fait un humain à son image. Il le fait mâle et femelle, comme la plupart des animaux. Jusque là, rien ne les distingue clairement des autres créatures naturelles. Chaque créature naturelle est une structure complexe d’éléments chimiques de la planète : ces éléments s’agglomèrent pour former un vivant qui se développe jusqu’à son terme. A ce moment, la circulation biologique cesse et les éléments se dissolvent.

L’humain seulement naturel ne serait qu’une image animée par une vie précaire comme toutes les autres créatures vivantes.

Il se produit alors un acte capital que nous raconte la Genèse : Dieu « insuffla dans ses narines (littéralement en hébreu, on peut comprendre : sur son visage, sur sa face) un souffle (littéralement en hébreu, on peut comprendre : un esprit) de vie » (Gn 2,7).

Voyez ce magnifique résumé de Job, « le Juste » : « en réalité, dans l’homme, c’est l’esprit, le souffle du Tout Puissant qui donne l’intelligence » (Jb 32, 8) parce que « L’Esprit de Dieu m’a créé. Et le souffle du Tout Puissant m’anime » (Jb 33, 4).

Dans ce qui n’était qu’une réalité naturelle précaire, l’Esprit Saint a soufflé et ce souffle y a déposé une marque, y a créé un esprit.

Ce souffle a créé une réalité spirituelle qui ne s’est plus jamais éteinte. Ce fut un don gratuit et irrévocable, confié à la liberté de ses bénéficiaires humains qui l’ont transmis sans exception à tous leurs descendants jusqu’à ce jour.

Ce souffle spirituel divin dans un corps naturel a fait surgir un être absolument nouveau dans la création.

Des êtres vivants, des mâles et des femelles, il y en avait déjà sur la terre. Il y avait déjà des êtres sensibles, affectueux, raisonneurs, perspicaces, dotés de capacités diverses leur permettant diverses actions dans la nature.

Mais, ne voyons-nous pas que, quelles que soient les qualités de ces êtres, ils n’existaient (comme leurs descendants aujourd’hui) que temporairement dans la réalité terrestre, sans existence personnelle au-delà de leur propre réalité naturelle précaire ?

Dans la réalité spirituelle, Dieu n’a pas transformé une âme humaine en y ajoutant un esprit. Non ! Avant que l’Esprit Saint ne souffle un esprit dans une créature, cette créature n’était pas une « personne » dans la réalité spirituelle. Il y avait déjà des êtres naturels sur la terre, mais pas des « personnes » vivant dans la réalité spirituelle au-delà de leur réalité corporelle.

L’esprit insufflé lors de la création des premiers humains à l’image de Dieu a façonné dans leurs corps une âme absolument nouvelle dotée de l’immortalité de l’esprit insufflé par l’Esprit Saint.

A partir de cet instant, la personne humaine a été créée. Elle est une âme par l’effet d’un esprit insufflé dans un corps.

Le corps peut se dissoudre par l’effet de la mort naturelle. L’esprit peut être rendu à Dieu qui l’a insufflé dans l’humanité. Mais, l’âme, créée par cet esprit dans ce corps à nul autre pareil, ne meurt pas dans la réalité spirituelle où la mort n’a aucun pouvoir. Son corps pourra être ressuscité sous des formes diverses avec l’esprit immortel qui vient de Dieu. L’âme spirituelle est immortelle.

Dès la conception physique d’un descendant d’Adam et Eve, l’esprit insufflé par l’Esprit Saint, pour créer nos premiers parents à l’image de Dieu, est transmis dans ce petit corps infinitésimal et à nul autre pareil, formé par la fusion des noyaux des cellules reproductrices de ses père et mère.

Dès cette conception, et donc bien avant les différenciations complexes qui formeront son futur cerveau, ses futures capacités neurologiques, son affectivité, sa sensibilité, son caractère et ses capacités cérébrales. Bien avant.

L’esprit qui crée l’homme existe et subsiste sans aucune des facultés humaines cérébrales par lesquelles nous croyons si souvent pouvoir définir un humain et le distinguer des animaux. Il existe et subsiste bien avant qu’elles ne soient formées. Il existe et il subsiste même si ces facultés sont dégradées par maladie, vieillesse ou accident. Cet esprit dans notre coeur nous permet une véritable communion spirituelle tant avec les plus petits qui nous sont chers, avant que leur cerveau ne soit formé, qu'avec nos proches dont le cerveau a été dégradé.

Aucune capacité de notre cerveau, de notre affectivité ou de notre raison ne nous distingue par elle-même des animaux.

Ce qui nous différencie c’est l’esprit que nous avons reçu par un souffle de l’Esprit Saint et qui nous fait exister dans la réalité spirituelle de Dieu, qui nous rend capable d’y participer et d’y partager éternellement la communion d’amour de Dieu.

Mon âme, ma personne, moi, mon être immortel, a été créé et est devenu vivant, dès le premier instant de ma conception, par l’effet de cet esprit transmis depuis la création d’Adam et Eve. C'est vrai pour chacun de nous.

Mon âme, c’est moi. Mon esprit, c’est ce que l’Esprit Saint a insufflé dans Adam et Eve et qu’eux-mêmes ont ensuite transmis à tous leurs descendants successifs de sorte qu’il m’a été transmis, avec mon corps, par mes propres parents, lorsqu’ils m’ont conçu.

Un esprit transmis. Un corps à nul autre pareil provenant de la multitude des croisements généalogiques de mes innombrables ancêtres. Cet esprit dans ce corps a créé cette âme, cette personne : moi. Et chacun de nous peut en dire autant.

En ce temps de Pentecôte qui est le temps de la fête de l’Esprit Saint, puissions-nous célébrer au plus profond de nous-mêmes ce don inouï de l’Esprit Saint qui nous permet d’être.

Sans oublier, bien sûr, cet autre don inouï de l’Esprit Saint que fut l’incarnation du Christ.

Sans oublier, non plus le don de la confirmation et de sa présence continue pour soutenir l’Eglise et chacun de nous.

Célébrons et rendons grâce à l’Esprit Saint de tout notre cœur, ce si beau mot qui exprime l’esprit reçu qui nous fait vivre au plus profond de nous-même.

Avatar de l’utilisateur
Xavi
Prætor
Prætor
Messages : 2192
Inscription : mar. 28 juil. 2009, 14:50

Re: Première Pentecôte : le souffle qui crée l'homme

Message non lu par Xavi » ven. 16 juin 2017, 16:25

Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a apporté une contribution remarquable à la réflexion sur le souffle spirituel qui a créé l’humanité en publiant, durant son pontificat, un petit ouvrage particulièrement lumineux intitulé « Credo pour aujourd’hui », dans lequel il développe ce qui peut être compris à notre époque de la création des premiers humains à l’image de Dieu, dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques.

Il estime « pouvoir établir un diagnostic sur la forme de l’évolution de l’être humain. La glaise était devenue homme au moment où un être, dans un premier temps, même si ce fut quelque peu obscur, fut capable d’élaborer la pensée de Dieu. Le premier « tu » même à peine balbutié, qui sortit de la bouche de l’homme en direction de Dieu, coïncide avec la venue au monde de l’esprit. C’est à ce moment là que fut franchi le Rubicon de l’évolution de l’être humain. Car ce n’est pas l’utilisation des armes ou du feu, ni de nouvelles méthodes de cruauté ou d’exploitation qui font l’homme, mais sa capacité d’être en contact direct avec Dieu. » (p. 55-56).

Le pape Benoît XVI précise que « l’apparition de l’homme est l’éveil de l’esprit » ce qui aide l’homme « à se comprendre et à devenir de plus en plus celui qu’il est : un être qui peut dire « tu » à Dieu pour l’éternité » (p. 56)

Au préalable, le Pape s’est demandé si l’esprit qui caractérise l’humain créé à l’image de Dieu, était le résultat d’un hasard dans l’évolution de la nature ou s’il en était au contraire le but : « doit-on considérer l’esprit, et la vie dans ses formes progressives, comme un simple pourrissement accidentel à la surface du matériel (c’est-à-dire de l’existant qui ne se comprend pas lui-même), ou doit-on le considérer comme le but de l’action et ainsi, à l’inverse, voir la matière comme étant la préhistoire de l’esprit ? Si l’on penche pour la seconde solution, alors il est clair que l’esprit n’est pas le produit accidentel d’une évolution matérielle, mais que c’est plutôt la matière qui représente un moment de l’histoire de l’esprit. Mais cela n’est qu’une autre manière d’exprimer que l’esprit est créé et non qu’il est le pur produit de l’évolution, même s’il apparaît à la manière d’une évolution » (p. 53-54)

Serait-ce trop audacieux ? Comment peut-on ainsi relier l’esprit à la matière au point de pouvoir dire que l’esprit « apparaît à la manière d’une évolution » et que la matière est la « préhistoire de l’esprit » ou que la matière « représente un moment de l’histoire de l’esprit » ?

On peut se demander si le souffle de Dieu qui insuffle l’esprit qui crée l’homme dans un corps a eu une durée correspondant à la durée de l’évolution de ce corps ou s’il s’agit d’un acte créateur spécifique instantané, mais, du point de vue de l’évolution constatée par les sciences modernes, le Pape observe que la capacité de l’homme a été façonnée et a évolué jusqu’au « moment » de la création de l’humanité, lorsque le souffle divin a créé un esprit capable de partager sa vie, de devenir spirituellement vivant.

Le Pape constate, en effet, avec des mots concrets, que « la glaise est devenue homme » à un « moment ». Un moment où a été franchi « le Rubicon de l’évolution de l’être humain », ce qui reconnaît que le moment où la glaise est devenue homme se situe dans une « évolution » de l’être humain et donc à un moment historique dans le cours du temps.

Il considère qu’à ce moment il y a une « apparition de l’homme » que le Pape ne définit cependant pas comme un fait matériel mais comme un fait spirituel, un « éveil de l’esprit ».

On est loin ici d’un « Adam » corporel qui, par miracle, aurait été instantanément façonné avec de la poussière du sol, sans évolution physique dans le temps, par une transformation physique aussi soudaine et immédiate que la transformation de l’eau en vin lors des noces de Cana.

Dans le Credo du Pape Benoît XVI, l’apparition de l’homme dans l’histoire n’est plus considérée comme un évènement matériel, la survenance d’un corps sans histoire biologique préalable, mais comme un évènement spirituel, même si cet évènement se produit dans la réalité matérielle, à un moment et à un endroit concrets scientifiquement et historiquement.

La « venue au monde de l’esprit » est un « éveil ». Il ne s’agit pas d’une intervention matérielle dans la nature créée.

Ce qui se produit au moment de l’apparition ou de la création de l’homme à l’image de Dieu, c’est un « éveil » d’un « esprit ». Cet évènement n’est ni symbolique, ni abstrait, mais se produit à un moment de l’évolution. Il s’agit d’un éveil d’un « déjà là » dans la nature créée qui est advenu à un moment de son évolution.

Sans cet « éveil », ce « déjà là » est comme un moteur inerte, une capacité inactivée. L’esprit n’existe pas du seul fait de la capacité spirituelle produite par l’évolution du cerveau humain. Même si elle est aussi créée par Dieu, cette capacité naturelle reste absolument incapable, par elle-même, de se « connecter » à Dieu, à la vie spirituelle de Dieu.

Sans un souffle créateur, l’esprit capable de « dire « tu » à Dieu » n’est pas encore présent, ni vivant. Il ne va être créé que par le souffle de Dieu.

Cet esprit humain qui se trouve ainsi éveillé, n’est pas un « pur » produit de l’évolution, mais le Pape Benoît XVI ne le considère pas non plus comme une créature absolument autre par rapport à la réalité matérielle déjà créée.

Il est facile de penser que l’esprit a été donné par Dieu. Le Pape nous emmène beaucoup plus loin. L’esprit humain n’est pas étranger au corps et, comme tout l’humain lui-même, son esprit est aussi créé avec son corps et dans son corps.

Non pas comme un « pourrissement », ni comme un fait « accidentel », ni comme une réalité extérieure « à la surface du matériel », comme on pourrait être tenté de considérer a priori une création spirituelle qui vient du corps. Dans la création de l’esprit que le Pape nous présente, le corps n’est pas méprisable et la survenance de l’esprit n’est pas accidentelle, ni extérieure au corps.

Bien au contraire, avant la création de l’humanité, la matière qui constitue le corps est « la préhistoire de l’esprit ». L’expression est audacieuse : elle récuse toute coupure entre la matière et l’esprit. La matière est reconnue comme « un moment de l’histoire de l’esprit ».

La création de l’esprit n’est cependant pas un « pur » produit de l’évolution, mais, néanmoins, l’esprit humain « apparaît à la manière d’une évolution » comme étant « le but de l’action », le but de l’évolution de la matière qui a précédé cette création de l’esprit humain.

Ce qui, dès lors, fait apparaître que si l’esprit n’est pas le « pur » produit de l’évolution, l’évolution matérielle participe cependant à sa survenance et que l’esprit humain n’est donc pas non plus une « pure » réalité spirituelle.

Comme la personne humaine qui est créée par le souffle de l’Esprit dans un corps, l’esprit humain ainsi insufflé par Dieu est aussi créé et façonné dans un corps, dans la matière.

Tout se passe comme si, tout au long de la longue évolution corporelle de l’être humain, son corps, et particulièrement son cerveau, avait ouvert progressivement, dans son système psychique profond, une béance, un vide, un « trou noir » dans la matière et la réalité psychique, jusqu’à un moment historique bien précis où la création corporelle de l’humain est arrivée au bord d’un « Rubicon », ce fleuve qui exprime l’endroit d’une traversée décisive, essentielle et irréversible.

C’est « l’instant » de la création de l’humanité : un souffle divin vient insuffler un esprit dans un corps façonné pour cette création par une évolution.

Mais, voyons le bien, l’esprit humain n’existerait pas sans le souffle de Dieu qui l’a créé, ni sans le corps dans lequel il est créé.

Ce souffle divin a soufflé dans la « poussière » du sol, dans la matière, dans un corps. Il en est résulté une âme avec un esprit capable de partager la vie de Dieu, d’aimer Dieu, d’entendre Dieu et d’entrer en communion avec Lui.

Une âme spirituelle immortelle mais façonnée par un souffle spirituel dans un corps, à un « moment » dans le cours historique de l’évolution.

Et le Pape Benoît XVI nous précise, de manière très concrète, que ce moment ne peut être déterminé uniquement par des critères relatifs aux capacités terrestres car « ce n’est pas l’utilisation des armes ou du feu, ni de nouvelles méthodes de cruauté ou d’exploitation qui font l’homme, mais sa capacité d’être en contact direct avec Dieu. » (p. 55-56)

Le Magistère de l’Eglise avance ainsi dans une compréhension actualisée d’une question théologique fondamentale posée aux croyants par la science moderne : faut-il, à la lumière des connaissances scientifiques modernes depuis Darwin, considérer que l’être humain à l’image de Dieu, capax Dei, a été créé dans le cours de l’histoire des homos sapiens et que les premiers humains à l’image de Dieu ont été créés à un moment et à un endroit aussi précis et historique que l’incarnation du Christ dans le sein de Marie, à Nazareth, il y a 2.000 ans ?

Avec, comme l’Eglise l’a toujours enseigné, un vrai premier couple situé dans l’histoire réelle et doté à l’origine des mêmes pouvoirs sur la création naturelle que ceux du nouvel Adam sans péché qui nous sont montrés par les miracles de Jésus de Nazareth et par sa résurrection.

Avec, hélas, comme l’Eglise l’a aussi toujours enseigné, un péché originel au commencement de l’histoire, par lequel nos premiers parents ont rompu leur communion avec Dieu, qui est tout aussi réel et historique que la passion du Christ lors de laquelle, au contraire du premier Adam, le nouvel Adam n’a cédé à aucune tentation mais est resté en communion avec le Père et l’Esprit Saint.

Mais, ne faut-il pas y percevoir aussi aujourd’hui, en l’état actuel des connaissances, une constatation implicite que la création d’un esprit dans le cours de l’évolution, implique que le corps d’Adam et Eve, ce premier couple d’humains créés à l’image de Dieu et capables de partager la vie de Dieu, a eu des ancêtres biologiques naturels comme toutes les autres créatures et comme le Christ lui-même ?

Quelle que soit l’opinion de chacun des croyants, l’éclairage du Pape Benoît XVI permet à tous de considérer que la provenance du corps n’est pas le critère décisif de la création de l’humanité, de la survenance dans le monde créé d’âmes spirituelles immortelles capables de partager la vie de Dieu et de participer personnellement à la vie spirituelle.

L’évangile de la création du Pape François, dans son encyclique Laudato si, nous invite, à la suite des réflexions de son prédécesseur, à ne pas avoir peur de méditer la création de l’humanité comme un fait de l’histoire survenu dans une nature indivisible qui, même pour la création de l’homme, s’avère un vêtement sans couture.

Son approche a fait l’objet de deux autres sujets de cette section du forum :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 92&t=39379
et
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 92&t=38316

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 37 invités