Jean Elluin - Quel enfer?

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Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » dim. 12 févr. 2017, 21:24

Bonjour,

Attendu qu'Il existe un fil sur l'origine du mal et que je ne voudrais pas gâcher celui-ci en déblatérant sur jean Elluin "dedans" - car c'est là-bas, c'est à dire "dedans" l'autre fil, que j'ai obtenu cette suggestion de lecture de la part de Didyme - j'aime mieux traiter le cas à part.

Le livre c'est "Quel enfer?" qui est parut aux Éditions du Cerf en 1994, d'une manière posthume puisque son auteur Jean Elluin a fait retour vers le Père en 1992.

En quatrième de couverture :
"L'enfer a longtemps fait partie de l'imaginaire chrétien de l'au-delà, non sans angoisse, mais sans être trop contesté par les chrétiens eux-mêmes. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Des théologiens eux-mêmes, comme H. Urs von Balthasar, ou des grands auteurs spirituels, comme Thérèse de Lisieux, ont défendu une espérance sans limite pour tout homme : la miséricorde de Dieu n'est-elle pas plus grande que sa justice, si l'on fait acte d'espérance?

Ce livre est le bilan de la recherche menée sans concession durant toute une vie. Jean Elluin n'a pas voulu minimiser l'opposition irréductible entre Dieu et le mal, ni la nécessité de la justice sans laquelle la vie morale serait vidée de sa substance. Le mal en nous doit donc être définitivement écarté de Dieu. Mais ne sommes-nous pas plus grand que le mal? C'est sur cette voie étroite que l'auteur invite à cheminer. Deux éminents théologiens - les pères Yves Congar o.p. et Gustave Martelet s.j. - ont accompagné cette recherche qui ouvre une issue au-delà de l'abîme. "

Dans la préface du livre réalisée par Gustave Martelet :

C'est vrai qu'on dit beaucoup de nos jours que Dieu respecte trop la liberté pour ne pas lui laisser le pouvoir de se perdre à jamais! Sait-on vraiment ce que l'on dit, lorsqu'on parle ainsi de l'enfer et de Dieu? Qu'est d'autre cet enfer auquel on semble tant tenir, qu'une éternité de douleur et de haine dont aucun repentir ne sortira jamais? Comme l'écrit Jean Elluin : "Une haine aveugle et une douleur stérile ne sauraient rétablir le moindre ordre réel d'harmonie ni la moindre justice d'amour - la seule qui soit digne de Dieu!"

En juxtaposant une telle douleur à une telle haine, on ne fait que doubler le désordre et l'injustice. En les éternisant en existence, on porterait le mal à l'infini. Il est vain de prétendre que la réalité d'un tel enfer serait exemplaire et dissuasive. Si elle le fut un temps, elle ne peut qu'inspirer désormais le pure rejet d'un Dieu qui pourrait consentir à jamais à cet "enfer là" ou qui resterait impuissant devant lui, alors que la culture ouvre les coeurs à la réalité d'un Dieu qui n'est Dieu qu'en étant, par essence et non sous condition, l'Amour en trois personnes.

Pour se délivrer du cauchemar lié à ce maximalisme infernal et infernalisant, faudrait-il en venir à souhaiter que Dieu anéantisse ceux qui se condamnent eux-mêmes à un tel supplice? Mais transformer le Créateur en meurtrier final de ses propres enfants pour éviter qu'il soit, indirectement tout ou moins, leur bourreau, c'est redoubler l'absurde ou lieu de l'évincer. On l'évince au contraire en refusant tout simplement cette vision maximaliste qui conduit à renier, comme indigne de nous, Celui qu'on devrait au contraire se réjouir d'adorer.

Il faut en revenir à l'hypothèse envisagée par le dernier concile : "Si dans la formulation de la doctrine, qu'il faut soigneusement distinguer du dépôt de la foi, il est arrivé que sur certains points on ne s'est pas montré assez attentif, il faut y remédier en temps opportun d'une façon appropriée."

Cette situation étant réellement la nôtre devant une vision maximaliste de l'enfer, nul mieux que Jean Elluin ne peut nous aider à sortir d'une pareille impasse. Impasse qui n'est pas celle de la foi, mais d'une intelligence de la foi qui s'appuie encore sur des figures abîmées de la conscience humaine, pour mal interpréter les figures judiciaires de l'Évangile. Or l'Église elle-même nous met sur le chemin dans lequel un Jean Elluin s'est résolument engagé et désire nous engager, quand elle refuse de déclarer jamais que Judas est sûrement damné.

[...]

Appuyé sur une étude longuement et judicieusement menée de main de maître sur saint Augustin et plus encore sur saint Thomas notre auteur renouvelle en profondeur les considérations dites traditionnelles, en fait inacceptables et inacceptées, sur le rapport de la justice et de la miséricorde à propos de l'enfer. A cette lumière, il est capable de critiquer le dernier état de la réflexion d'un Hans Urs von Balthasar sur ce point. Une évocation de la pensée orthodoxe sur le même sujet couronne tout l'ensemble.
Dernière modification par Cinci le lun. 13 févr. 2017, 2:26, modifié 1 fois.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » dim. 12 févr. 2017, 22:07

Toujours dans la préface :

Notre auteur rejoint ainsi et développe une intuition trop oubliée de saint Ambroise. Pour l'évêque de Milan, il s'agit, dans ce passage de Matthieu 25, comme en tout autre analogue du Nouveau Testament, de la division sauvé-condamné qui passe à l'intérieur de chacun. Sans doute la faute personnelle à proscrire est présentée comme une mise en scène au style d'apocalypse, où l'incompatibilité du mal et de la gloire prend corps dans la division objective de deux groupes opposés, où tout est bien pour toujours dans l'un et tout est mal, également pour toujours, dans l'autre. Le scénario nous choque par sa brutalité. A juste titre, car la seule leçon que l'Évangile entend nous inculquer ici c'est l'impossibilité absolue de se dire du Christ, en dédaignant les dédaignés du monde, auxquels le Fils de l'homme s'est pour toujours identifié.

A ces remarques exégétiques d'une extrême importance, Jean Elluin ajoute la dénonciation de cette mentalité "close" dont j'ai déjà décrit plus haut le trait majeur et qui fait sa règle d'une lecture irréfléchie de l'Évangile et ses délices d'une vision maximaliste et éternellement impensable de l'enfer. Il démasque au surplus l'incohérence où s'enfermerait cette vision en conférant à une liberté finie le pouvoir de dresser pour toujours devant Dieu une sorte de contre-infini que Jean Elluin appelle un "contre-Omega de l'amour". Peu importe le mot, l'essentiel est de voir que l'impuissance que l'on attribue à Dieu pour sauver tous les hommes se retourne en toute-puissance de certains pour se perdre à jamais . L'infinité change de camp mais c'est pour le malheur des créatures qui, pourtant, n'ont jamais demander d'exister!

L'issue d'une pareille impasse est à chercher du côté d'Abraham qui le premier "a espéré contre toute espérance" (Rm 4,18), en se fiant aveuglément au pouvoir salvifique de Dieu.

Faute de quoi, on instaure au terme de l'histoire un dualisme insurmontable pour Dieu lui-même, où une simple créature devient l'incarnation éternellement incurable du mal. Ce dualisme qu'on refuse à bon droit au début de l'histoire, on le fait triompher à son terme et cela pour toujours! Grâce à lui, si l'on peut parler ici de "grâce", les damnés deviendraient des sortes d'antidieux ou des dieux à l'envers, possédant d'une manière inaliénable le pouvoir et le droit effrayants de s'aliéner à tout jamais eux-mêmes - sans oublier que Dieu concourrait de manière indirecte à cette éternelle inversion, en accordant à ses auteurs de subsister pour toujours en un tel tourment. D'où la question inévitable : à quoi pensent les hommes qui se forgent un tel Dieu et osent demander qu'on puisse y croire encore?

Malgré sa hardiesse, on ne trouvera rien dans cet ouvrage qui rappelle ou qu rénove l'apocatastase qu'on attribue à Origène. Jean Elluin refuse obstinément toute hypothèse "niveleuse" comme il dit, qui liquiderait l'importance du péché et la nécessité d'un repentir total pour en être sauvé. Rien davantage, qui minimiserait l'anéantissement éternel du péché dans le coeur obstiné du pécheur. Rien donc non plus, qui masquerait l'effet éternellement frustrant des méfaits du péché dans la personnalité du pécheur.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Trinité » lun. 13 févr. 2017, 0:55

Cinci,

Je fais une petite intrusion dans votre dialogue, car cette phrase m'interpelle :

L'infinité change de camp mais c'est pour le malheur des créatures qui,pourtant n'ont jamais demander d'exister!

J'ai cette réflexion dans la continuité de la votre :

"Croyez vous que l'âme condamnée aurait désiré exister ,si elle avait su à l'avance quelle serait condamnée ,dans le cadre du libre arbitre quelle n'aurait jamais sollicité?

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » lun. 13 févr. 2017, 2:20

Trinité,

Je vous en pris. Ça ne m'ennuie pas que vous interveniez. Pour répondre à la question : Il est probable qu'une personne, sachant par avance et sans possibilité de se tromper qu'il n'y aurait bien que l'enfer éternel qui l'attendrait au bout du chemin, préférerait sûrement sombrer dans le néant. Donc, l'âme préférerait ne pas exister.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Trinité » lun. 13 févr. 2017, 13:10

Cinci a écrit :
lun. 13 févr. 2017, 2:20
Trinité,

Je vous en pris. Ça ne m'ennuie pas que vous interveniez. Pour répondre à la question : Il est probable qu'une personne, sachant par avance et sans possibilité de se tromper qu'il n'y aurait bien que l'enfer éternel qui l'attendrait au bout du chemin, préférerait sûrement sombrer dans le néant. Donc, l'âme préférerait ne pas exister.
C'est bien ce que je pense!

Alors toujours dans la continuité ! Pourquoi Dieu a t'il créé cette âme????

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Didyme » lun. 13 févr. 2017, 14:33

Tiens, tu t'es déjà procuré le livre ? Tu l'as lu ?
L'autre est un semblable.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Didyme » lun. 13 févr. 2017, 15:42

Je vais reprendre ce post du fil sur l'origine du mal pour y répondre dans ce fil qui me paraît plus approprié :

Cinci a écrit :
dim. 12 févr. 2017, 4:04
Il s'agit certainement d'un maître-ouvrage. C'est passionnant de lire ses propos. Il se payait le luxe de réaliser une petite critique aussi de Hans urs von Balthasar (ce qui serait aussi une critique de ma propre posture par la bande). On parle d'une critique bienveillante et constructive.
Oui, d'ailleurs c'est marrant car certaines critiques qu'il fait sur une certaine "frilosité" de Hans Urs Von Balthasar, quant à ses positions bridées en quelques sortes par les mentalités qui l'entouraient, est exactement ce que j'avais ressenti en lisant "l'enfer une question".

Cinci a écrit : J'ai déjà pu voir en partie de quoi il devrait s'agir mais si je pense à ce que tu voulais faire observer, soit le mal qui est limité, soit d'éviter d'élever des damnés au rang de contre-Dieu capables de mettre Dieu en échec. Puis la notion de justice chez Dieu et tout.
Oui d'ailleurs, c'est son insistance à distinguer la créature fini du Dieu infini qui m'a fait cogiter sur le lien possible entre la finitude de la créature
et le péché pouvant en tirer son origine.

Cinci a écrit :Ses idées sont très séduisantes. Je serais même porté à lui donner raison.

Il fait carrément disparaître la réalité ultime d'un enfer où le réprouvé serait définitivement repoussé dans un feu terrible pour y souffrir éternellement une peine sans possible rémission. il ne fait pas disparaître la notion de peine ou de châtiment cependant. Sauf qu'il met de l'avant la notion de châtiment tempéré et même miséricordieux, en tant que plus convenable à la nature de Dieu. Le mal fini par être totalement aboli, les réprouvés redressés et pacifiés avec Dieu lui-même, même si ces derniers y auront définitivement perdu une plus étroite capacité d'union avec Dieu. Une différence subsiste avec les grands saints au moins.
En même temps, je dois avouer éprouver une petite gêne quant à cette position qui donne comme une impression que Dieu ne mène pas ses œuvres, qu’il y a comme quelque chose qui sorte de sa volonté. Le fameux "hasard" je crois :-D
L'autre est un semblable.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Jeremy43 » lun. 13 févr. 2017, 17:04

Bonjour,

L'enfer existe déjà ici bas, comment ne pourrait-il pas exister de l'autre côté ? en sachant qu'en mourant nous sommes fixés dans nos choix ?

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par TREBLA » lun. 13 févr. 2017, 17:59

Cher Jeremy43,

Vous faites une observation très profonde.
L'enfer existe déjà ici bas, comment ne pourrait-il pas exister de l'autre côté ?
Marc 9:47-48 - Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le; mieux vaut pour toi entrer dans le royaume de Dieu n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la géhenne, où leur ver ne meurt point, et où le feu ne s’éteint point.

Quel est cet endroit où le feu ne s’éteint point? Je dirais que c'est l'enfer.

Que le Seigneur vous bénisse.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » lun. 13 févr. 2017, 18:08

Trinité,
Alors toujours dans la continuité ! Pourquoi Dieu a t'il créé cette âme????
Il faudrait répondre que c'est pour l'unir à Lui, pour la faire participer de sa gloire.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » lun. 13 févr. 2017, 19:27

Didyme,
Tiens, tu t'es déjà procuré le livre ? Tu l'as lu ?
Oui, je n'ai pas encore tout lu naturellement. Je n'ai pas tout assimilé sans doute. Mais je pourrais mieux comprendre la remarque d'un père Yves Congar lorsqu'il disait ne plus croire à cet "enfer-là".

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Trinité » lun. 13 févr. 2017, 23:20

Cinci a écrit :
lun. 13 févr. 2017, 18:08
Trinité,
Alors toujours dans la continuité ! Pourquoi Dieu a t'il créé cette âme????
Il faudrait répondre que c'est pour l'unir à Lui, pour la faire participer de sa gloire.
...Tout en sachant dans son omniscience quelle ne le suivrait pas???

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Trinité » lun. 13 févr. 2017, 23:33

Trinité a écrit :
lun. 13 févr. 2017, 23:20
Cinci a écrit :
lun. 13 févr. 2017, 18:08
Trinité,

Il faudrait répondre que c'est pour l'unir à Lui, pour la faire participer de sa gloire.
...Tout en sachant dans son omniscience quelle ne le suivrait pas???
A moins que:

La seule réponse possible est: Tout comme Dieu a accepté de se faire tout petit en prenant la condition de l'Homme, Dieu est libre de ne pas faire usage de son omniscience.

En clair, lorsqu'il donne la vie à un être humain, rien ne l'empêche de le faire en ne voulant pas savoir quel usage il fera de son libre arbitre. Et je pense qu'il en est bien ainsi. A défaut, Dieu créerait sciemment, effectivement, des êtres voués aux pires tourments. Affreux et déconcertant!!! Cela ne colle pas avec l'Amour infini de Dieu; mais cela colle avec cet infini que de créer et de donner la liberté, tout en ignorant volontairement le devenir de cette création.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » mar. 14 févr. 2017, 3:14

Trinité,

Je me suis plié à votre questionnement, mais comme sans vouloir me soucier d'un quelconque rapport de dépendance étroit entre la première et la deuxième question.

Ainsi, il serait probablement correct de dire que, dans le cas très théorique où l'individu saurait d'avance que sa fin serait aussi effroyable, sans recours et éternisée, et qui si on lui donnait réellement le choix : probablement qu'il aimerait mieux le néant. Son vrai choix ou l'exercice de la sa liberté le conduirait à vouloir disparaître.

Le point est intéressant au moins en ce qu'il peut suffire à montrer que ce n'est pas vrai que les coupables choisissent l'enfer de flamme pour l'éternité.

On dit cela parfois ou bien on l'entend dire : "C'est son choix!" ; "Vous devez choisir entre l'enfer éternel et le paradis"; "Il a choisi de passer son éternité loin de Dieu. Que voulez-vous? Le damné aime encore mieux des tourments éternels en compagnie de monstres effrayants que d'être uni avec des saints pour éprouver une grande libération. Pour lui, la libération de son mal (son insuffisance, son péché, etc.) représenterait une épreuve plus difficile."



Suite à l'autre question :
La seule réponse possible est: Tout comme Dieu a accepté de se faire tout petit en prenant la condition de l'Homme, Dieu est libre de ne pas faire usage de son omniscience.
J'aurais peut-être répondu de cette façon, encore il y a peu. Au moins dans l'hypothèse où il s'agirait de postuler que Dieu serait impuissant en face de la liberté de l'autre, c'est à dire d'un autre qui préférerait mordicus sa propre ruine contre toute logique. Dieu serait impuissant face au prétendu choix du damné qui préfère lui-même l'enfer éternel par-dessus tout.

Ainsi, pris en sandwich entre l'idée d'un Dieu qui ne peut rien contre la décision de sa créature qui préfère se défiler loin de Lui éternellement, et un Dieu qui ne peut pourtant pas avoir souhaité amener à l'existence un être, pour son malheur le plus absolu et le plus durable : je supposerais "quelque chose" comme vous. Je me dirais, par exemple, que Dieu ignore le mal, ne le considère pas, ne l'envisage pas. Dieu crée de façon gratuite et uniquement en vu du bien. Dans son mouvement créateur, le Père ne s'amuserait pas à supputer des scénarios de malice, des scénarios du pire. Le Père aurait un besoin de créer plus grand que celui d'en connaître les tenants et aboutissants ultimes.

Mais dans cette dernière optique ou comme celle que vous venez d'avancer : nous verrions Dieu mettre une limite à ses propres capacités de connaissance. Un Jean Elluin dirait alors (d'après ce que j'ai pu lire) qu'un pareil Dieu créateur ne serait pas dans "toute la vérité". Et c'est vrai que cela constitue une objection de poids.

Ce serait un peu comme si Dieu devrait se mentir à lui-même. "Je veux bien créer mais je ne veux pas savoir pour la fin. Je pourrais, mais j'aime mieux pas. Conséquence? La créature fini en enfer éternel. Et après? Dieu pourrait peut-être rajouter : ce n'est pas ma faute. Je suis étranger à tout ça. Rien à voir dans ce drame!" Il y aurait comme un zeste de mensonge ...
Dernière modification par Cinci le mar. 14 févr. 2017, 20:58, modifié 1 fois.

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Re: Jean Elluin - Quel enfer?

Message non lu par Cinci » mar. 14 févr. 2017, 20:47

Et alors ...

On penserait que Dieu doit créer ses créatures on vue de leur bonheur, non pas de leur malheur. Il conviendrait de penser que Dieu n'ignore pas ce qui devrait en être de la fin, à savoir si ses créatures finissent dans un enfer de flamme éternel par centaines de milliers ou par millions, si elles sont sauvées au contraire.

Dans le cas où Dieu sait bien ce qu'il fait et où le futur ne serait pas voilé pour lui, alors sa décision de créer Jacquot, tout en sachant que Jacquot devra aboutir en enfer éternel, signifie, ni plus ni moins, que la volonté divine est que Jacquot finisse dans les tourments et les flammes pour toujours. Est-ce imaginable? Jean Elluin répond que ce n'est pas possible.

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