Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

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LXX
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Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par LXX » sam. 04 févr. 2017, 18:08

Bonjour !
Je lis souvent la comparaison entre le Christ mort pour nos péchés et l'Agneau Pascal, et j'aimerai bien savoir d'où ça vient exactement ?

Car pour les juifs, l'agneau Pascal symbolise au plus la vie, car son sang a sauvé les hébreux en Egypte:

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Les juifs continuent à commémorer l'exode en célébrant la Pâque en sacrifiant un agneau. La fête de Pessa'h (passage) célèbre durant huit jours la libération du peuple d'Israël et la traversée de la mer Rouge.
Le sacrifice de l'agneau tire son origine d'un ordre de Dieu à Moïse, avant la traversée de la mer Rouge, pour immoler un agneau par famille1. Le sang de l'agneau, répandu sur les portes des maisons des Hébreux avec une branche d'hysope, permettait de signaler à l'Ange de la Mort que ces maisons devaient être épargnées de la mort des premiers nés, qui ne devait frapper que les Égyptiens (une des dix plaies)2.
Mais pas la rémission des péchés dans le sacrifice :(

Le seul animal que j'ai trouvé remplissant ces conditions, est le Bouc à Azazel, il portait les fautes d'Israël, et était envoyé au démon ( :?: ) pour pardonner les péchés du peuple.

Lévitique 16
01 Le Seigneur parla à Moïse après la mort des deux fils d’Aaron, ceux qui moururent lorsqu’ils se présentèrent devant le Seigneur.
02 Le Seigneur dit à Moïse : « Parle à ton frère Aaron : qu’il n’entre pas n’importe quand dans le sanctuaire, au-delà du rideau, devant le propitiatoire qui se trouve sur l’Arche. Ainsi il ne mourra pas quand j’apparais dans la nuée, au-dessus du propitiatoire.
03 Voici comment Aaron entrera dans le sanctuaire : avec un taureau destiné au sacrifice pour la faute et un bélier pour l’holocauste.
04 Il revêtira une tunique de lin consacrée, il portera à même le corps un caleçon de lin, il se ceindra d’une ceinture de lin et se coiffera d’un turban de lin. Ces vêtements sacrés, il les revêtira après avoir baigné son corps dans l’eau.
05 Il recevra, de la communauté des fils d’Israël, deux boucs destinés au sacrifice pour la faute et un bélier pour l’holocauste.
06 Aaron présentera le taureau du sacrifice pour sa faute et accomplira le rite d’expiation pour lui et pour sa maison.
07 Puis il prendra les deux boucs et les placera devant le Seigneur à l’entrée de la tente de la Rencontre.
08 Aaron tirera les sorts pour les deux boucs : un sort “Pour le Seigneur” et un sort “Pour Azazel.”
09 Aaron présentera le bouc sur lequel est tombé le sort “Pour le Seigneur” et en fera un sacrifice pour la faute.
10 Quant au bouc sur lequel est tombé le sort “Pour Azazel”, on le placera vivant devant le Seigneur afin d’accomplir sur lui le rite d’expiation, en l’envoyant vers Azazel, dans le désert.
11 Aaron présentera le taureau du sacrifice pour sa faute, puis il accomplira le rite d’expiation pour lui et pour sa maison, et il immolera ce taureau en sacrifice pour sa faute.
12 Il prendra alors un brûle-parfum rempli de charbons ardents qui étaient sur l’autel, devant le Seigneur, puis il prendra deux pleines poignées de poudre d’encens aromatique et portera le tout au-delà du rideau.
13 Il mettra l’encens sur le feu, devant le Seigneur : un nuage d’encens recouvrira le propitiatoire qui est sur le Témoignage. Ainsi Aaron ne mourra pas.
14 Il prendra alors du sang du taureau et en aspergera avec le doigt le côté oriental du propitiatoire ; puis, devant le propitiatoire, il fera sept aspersions de ce sang avec le doigt.
15 Il immolera alors le bouc destiné au sacrifice pour la faute du peuple, et il en portera le sang au-delà du rideau. Il fera avec ce sang comme il a fait avec celui du taureau : il en aspergera le dessus et le devant du propitiatoire.
16 Il accomplira ainsi le rite d’expiation sur le sanctuaire pour les impuretés des fils d’Israël, leurs transgressions et toutes leurs fautes. Ainsi fera-t-il pour la tente de la Rencontre qui demeure avec eux au milieu de leurs impuretés.
17 Que personne ne se trouve dans la tente de la Rencontre depuis l’instant où Aaron entre pour accomplir le rite d’expiation dans le sanctuaire, jusqu’à ce qu’il en sorte ! Ainsi Aaron accomplira-t-il le rite de l’expiation pour lui-même, pour toute sa maison et pour toute l’assemblée d’Israël.
18 Ensuite il sortira vers l’autel qui est devant le Seigneur et accomplira pour lui-même le rite d’expiation. Il prendra du sang du taureau et du sang du bouc, et il en mettra sur les cornes de l’autel, tout autour.
19 De ce sang il fera sept fois l’aspersion sur l’autel, avec son doigt. Ainsi il purifiera et sanctifiera l’autel, le séparant des impuretés des fils d’Israël.
20 Une fois achevé le rite d’expiation du sanctuaire, de la tente de la Rencontre et de l’autel, Aaron fera approcher le bouc vivant.
21 Il posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant et il prononcera sur celui-ci tous les péchés des fils d’Israël, toutes leurs transgressions et toutes leurs fautes ; il en chargera la tête du bouc, et il le remettra à un homme préposé qui l’emmènera au désert.
22 Ainsi le bouc emportera sur lui tous leurs péchés dans un lieu solitaire. Quand le bouc aura été emmené au désert,
23 Aaron rentrera dans la tente de la Rencontre, retirera les vêtements de lin qu’il avait mis pour entrer au sanctuaire et les déposera là.
24 Il baignera son corps dans l’eau, en un lieu consacré, puis reprendra ses vêtements, sortira et offrira son holocauste et celui du peuple, accomplissant ainsi le rite d’expiation pour lui et pour le peuple ;
25 il fera fumer à l’autel la graisse du sacrifice pour la faute.
26 Celui qui aura emmené le bouc pour Azazel devra nettoyer ses vêtements et baigner son corps dans l’eau ; après quoi il pourra rentrer au camp.
27 Le taureau et le bouc offerts en sacrifice pour la faute et dont le sang a été porté dans le sanctuaire pour accomplir le rite d’expiation, on les emportera hors du camp, et leur peau, leur chair et leurs excréments seront brûlés au feu.
28 Celui qui les aura brûlés devra nettoyer ses vêtements et baigner son corps dans l’eau ; après quoi il pourra rentrer au camp.
29 C’est pour vous un décret perpétuel : le septième mois, le dix du mois, vous ferez pénitence, et ne ferez aucun travail, ni l’israélite de souche ni l’immigré qui réside parmi vous.
30 C’est en effet en ce jour que l’on accomplira pour vous le rite d’expiation afin de vous purifier de toutes vos fautes, et devant le Seigneur vous serez purs.
31 Ce sera pour vous un sabbat, un sabbat solennel, durant lequel vous ferez pénitence. C’est un décret perpétuel.
32 Le prêtre qui aura reçu l’onction et l’investiture pour exercer le sacerdoce à la place de son père accomplira le rite d’expiation. Il revêtira les vêtements de lin, vêtements consacrés ;
33 il accomplira le rite d’expiation pour la partie très sainte du sanctuaire, et il purifiera la tente de la Rencontre et l’autel. Il accomplira ensuite le rite d’expiation pour les prêtres et pour toute l’assemblée du peuple.
34 C’est pour vous un décret perpétuel ; une fois par an, pour les fils d’Israël, on accomplira le rite d’expiation de toutes leurs fautes. » Et l’on fit comme le Seigneur l’avait ordonné à Moïse.


Ca me trouble un peu, qu'en pensez-vous ?

J'ai trouvé ce commentaire de St Justin:

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Et ces deux boucs, entièrement pareils, que la loi ordonne d'offrir les jours de jeûne, dont l'un était envoyé dans le désert et l'autre immolé, ne représentent-ils pas les deux avènements de Jésus-Christ? le premier, lorsque les anciens du peuple et les prêtres traitèrent Jésus-Christ comme on traitait le bouc émissaire, car ils l'ont traîné hors de la ville, ils ont porté sur lui leurs mains, ils l'ont dévoué à la mort; le second, lorsque vous reconnaîtrez, dans le lieu même de Jérusalem, ce Jésus que vous avez accablé d'outrages, et qui était la victime de propitiation pour tous ceux qui veulent faire pénitence, et qui observent le jeune dont parle Isaïe; ce jeune, tout spirituel, qui consiste à déchirer les contrats, les obligations usuraires et tyranniques, et à pratiquer fidèlement tous les devoirs que parcourt le prophète et que j'ai rappelés, d'après lui, devoirs que ne manquent pas d'observer ceux qui croient en Jésus-Christ. 5 Vous savez aussi que ce sacrifice de deux boucs, que la loi prescrivait d'offrir les jours de jeûne, devait se faire à Jérusalem et non ailleurs.

- St Justin
Avez-vous des infos supplémentaires ?

Du coup ici le Démon (Azazel) symbolise le peuple Hébreu qui a trainé Jésus dans le désert, le bouc qui portait nos fautes ? :?:

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TREBLA
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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par TREBLA » sam. 04 févr. 2017, 18:49

Cher LXX,

Vous posez une bonne question:
Je lis souvent la comparaison entre le Christ mort pour nos péchés et l'Agneau Pascal, et j'aimerai bien savoir d'où ça vient exactement ?
C'est saint Paul qui fait cette comparaison. Lisez 1 Corinthiens 5:7, s'il vous plaît.

"Faites disparaître le vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain, car Christ, notre Pâque, a été immolé."

Veuillez considérer les versets suivants de la première lettre de Pierre.

1 Pierre 1:17 Et si vous invoquez comme Père celui qui juge selon l’œuvre de chacun, sans favoritisme, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre séjour sur la terre
1 Pierre 1:18 vous savez que ce n’est pas par des choses périssables, par de l’argent ou de l’or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez héritée de vos pères,
1 Pierre 1:19 mais par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache

Que le Seigneur vous bénisse.

Cinci
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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Cinci » sam. 04 févr. 2017, 20:04

Bonjour,

Je peux toujours "tenter" de vous aider grâce au numéro 118 des Cahiers Évangile. Il est justement consacré au sacrifice du Christ.

On peut y lire ceci :

"Voici l'agneau de Dieu"

La mention de l'agneau est tout à fait explicite dans la première scène du récit évangélique (1, 19-51) présentant Jean Baptiste, Jésus et les premiers disciples, dont quatre sont nommés :André, Simon-Pierre, Philippe, Nathanaël.

L'épisode est divisé en quatre journées [...] La deuxième journée (v,29-34), Jean Baptiste, voyant Jésus arriver, proclame : "Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde" [...] L'expression l'agneau de Dieu (ho amnos tou théou) est un hapax : elle est unique dans toute la Bible! Elle constitue donc le premier titre décerné à Jésus [...] Comment faut-il entendre ce titre?


Le serviteur souffrant

Une autre piste offerte à l'interprétation du titre d'agneau de Dieu consiste à exploiter la seconde des occurences du mot amnos en dehors du 4e évangile. Il s'agit de la catéchèse pré-baptismale administrée par Philippe à l'eunuque éthiopien rencontré sur la route de Gaza (Ac 8,26-39). Le chant du Serviteur souffrant d'Isaïe 52-53 y est cité au verset 32 : "Comme une brebis, il a été conduit à la boucherie, comme un agneau muet devant celui qui le tond, il n'ouvre pas la bouche" (Isaïe 53,7)

Non seulement le mot amnos figure comme métaphore du Serviteur souffrant, mais le commentaire de Philippe en suggère aussitôt l'application à Jésus, présenté comme l'objet de l'évangile (v.35) . Dès lors, il ne s'agit plus tant de l'agneau pascal que du Christ Serviteur, désigné à travers la métaphore isaienne de l'agneau docile et muet. Dans le même perspective, J. Jeremias a suggéré d'expliquer amnos par un jeu de mots entre l'araméen talya (agneau) et l'hébreu taleh (serviteur).


[...]

Le salut par la croix

Il se trouve que la première épitre de Jean introduit un vocabulaire relativement nouveau pour exprimer le rôle propre du Christ dans l'oeuvre du salut : à deux reprises figure le mot grec hilasmos, signifiant littéralement "expiation" ou "propriation", mais traduit le plus souvent par "victime d'expiation" ou "victime de propriation".

Une première fois (1 Jean 2,1-2), la référence au pardon est explicite : "Si quelqu'un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste. C'est lui qui est victime de propriation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier." On remarque ici la conjoncture du vocabulaire judiciaire (le Christ avocat, litt. Paraclet; cf Jn 14,16 où l'Esprit n'est Paraclet qu'en second lieu, après Jésus) et du vocabulaire rituel, la victime évoquant les sacrifices pour le péché.

La seconde fois (4,10) , il est fait rappel de l'ensemble de la "carrière" du Fils dépêché pour le salut du monde (cf. également Jean 3,16) ; mais, à la différence de l'évangile, l'envoyé est qualifié de "victime de propriation pour nos péchés". Si, de l'évangile de Jean à l'épitre, la source de l'envoi demeure l'amour du Père pour les hommes, le mode d'action du Fils envoyé implique désormais le mode sanglant du sacrifice.

Il est par ailleurs affirmé sans ambages que "le sang de Jésus nous purifie de tout péché" (1,7) ou encore, dans une paraphrase du récit évangélique de la croix, que Jésus Christ est venu par eau et par sang, non avec l'eau seulement, mais avec l'eau et le sang (5,6) Une telle insistance n'est pas fortuite [...]

S'il fallait revenir au tout début de l'évangile, on pourrait dire que l'agneau vainqueur, qui enlevait le péché du monde du seul fait de sa manifestation, est désormais perçu comme l'agneau immolé qui ne sauve les hommes qu'au prix de sa vie livrée et de son sang versé. [...]


Victime de propriation ou grand prêtre intercesseur?

Si la dimension sacrificielle de la christologie johannique paraît bien attestée au stade de la première épitre, on peut cependant se demander à quel type de sacrifice il est ainsi fait référence et s'il est légitime de réduire le terme hilasmos à la seule victime, alors même que la forme grammaticale du mot désigne plutôt un processus qu'un objet. Notons cependant sa proximité lexicale avec le nom neutre hilastérion désignant un objet, le propriatoire, c'est à dire la plaque d'or pur couvrant l'arche d'alliance (Exode 25,17) et faisant une fois par an, à l'occasion du grand Pardon ou fête de Kippour, l'objet d'une aspersion avec le sang des victimes (Lévitique 16, 14-15)

Or le fameux propriatoire (hilastérion) figure dans deux textes du Nouveau Testament : d'abord la lettre de Paul aux Romains (3,25), où le propriatoire désigne métaphoriquement le Christ, instrument de la rédemption "par son propre sang moyennant la foi"; ensuite dans la lettre aux Hébreux (9,5) où il constitue une pièce maîtresse de l'ancien sanctuaire, évoqué comme figure de la tente céleste, avec une évocation circonstanciée des rites de Kippour, selon les indications portées en Lévitique 16. La question est alors de savoir dans quelle mesure le mot hilasmos de 1 Jean 2,2 et 4,10 n'évoquerait pas le rituel du grand Pardon, plutôt que n'importe quel sacrifice de l'ancien Israël.

De fait, une brève enquête philologique à travers la Septante révèle que le mot hilasmos et son composé exhilasmos, s'ils peuvent traduire différents mots hébreux désignant la miséricorde divine, le pardon (Psaume 130,4 ; Dn 9,9), voire le sacrifice pour les péchés (Ez 30,10; 44, 27; 45,19) , s'appliquent le plus souvent au rituel du grand Pardon (Ex 30,10; Lv 23,27; 25, 9; Nb 5,8; 2 M 3,33). Les deux mots en question correspondent alors à l'hébreu ha-kippourim, littéralement les "expiations" ou les "pardons", ce pluriel suggérant sans doute le caractère complexe de ce rituel, mettant en oeuvre la médiation du grand prêtre, le saint des saints du Temple, le sang d'un taureau ou d'un bouc versé sur le propriatoire, sans compter le bouc émissaire chassé au désert. Les deux mots figurent notamment dans l'expression "au jour des expiations" (Lv 23,27) et, s'Il est parfois fait mention de l'une des victimes, ce n'est jamais par le mot hilasmos; on trouve plutôt alors l'expression "le bélier de l'hilasmos" (Nb 5,8) ou encore "le sang de la purification des péchés", de l'expiation (Exode 30,10)

Autrement dit, s'il est indéniable qu'un arrière-plan rituel sous-tend la christologie johannique de l'hilasmos, c'est à dire de Kippour dans son ensemble qui fournit la typologie du Christ rédempteur à l'heure de la croix, et non la seule victime - laquelle des deux d'ailleurs, vu la complexité de ces sacrifices? On peut dire que, selon le modèle de Kippour, le Christ est à la fois l'autel (ou plutôt le propriatoire), le prêtre et la victime. On peut même dire que, s'il fallait choisir l'une des figures du rituel de Kippour pour l'appliquer plus précisément au Christ, il pourrait s'agir de la personne du grand prêtre intercesseur : Jésus n'est-il pas justement qualifié de Paraclet auprès de son Père (2,1) intercédant pour les péchés des hommes, au titre de sa propre justice, et ce au coeur même du rituel d'expiation (2,2) ?

Le Christ de cette lettre n'est pas le grand prêtre de la première Alliance, mais sa spécificité ne peut se dire sans référence à la figure révolue du grand prêtre. De même, dans la première épitre de Jean le salut par la croix participe du modèle de Kippour, mais il est aussi d'un autre ordre; de plus, la figure du Christ ne saurait être identifiée à un seul élément du rituel, victime ou grand prêtre. Le Christ est à lui seul, et de façon complètement neuve, le grand Pardon de Dieu, la réconciliation accomplie, la rédemption définitivement acquise.

Source : Le sacrifice du Christ et des chrétiens, Cahiers Évangile, numéro 118, pp. 42-47

Cinci
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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Cinci » sam. 04 févr. 2017, 20:25

A propos de :
LXX
Le seul animal que j'ai trouvé remplissant ces conditions, est le Bouc à Azazel, il portait les fautes d'Israël, et était envoyé au démon ( :?: ) pour pardonner les péchés du peuple.
Non, il semble que cette avenue doit être écartée.

Ici :
Dans la vision paulinienne des choses, Christ mourut bien pour les péchés des hommes, mais il n'en fut pas souillé par le péché. La figure du bouc émissaire ne s'applique pas au Christ. Dans le rituel du grand Pardon, le bouc émissaire n'était pas mis à mort. Il était chargé des péchés des hommes par imposition des mains du grand prêtre, puis envoyé au démon Azazel, dans le désert (Lv 16, 10,22) Au contraire, la victime sacrifiée, à Kippour comme pour les autres sacrifices, est une victime sainte (Lv 6,18); par sa mort elle libère d'un péché qui, d'une certaine façon, ne l'atteint pas.

Cahiers, p, 16

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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par LXX » mer. 08 févr. 2017, 19:58

Bonjour, merci pour vos réponses
Cinci a écrit :
sam. 04 févr. 2017, 20:25
A propos de :
LXX
Le seul animal que j'ai trouvé remplissant ces conditions, est le Bouc à Azazel, il portait les fautes d'Israël, et était envoyé au démon ( :?: ) pour pardonner les péchés du peuple.
Non, il semble que cette avenue doit être écartée.

Ici :
Dans la vision paulinienne des choses, Christ mourut bien pour les péchés des hommes, mais il n'en fut pas souillé par le péché. La figure du bouc émissaire ne s'applique pas au Christ. Dans le rituel du grand Pardon, le bouc émissaire n'était pas mis à mort. Il était chargé des péchés des hommes par imposition des mains du grand prêtre, puis envoyé au démon Azazel, dans le désert (Lv 16, 10,22) Au contraire, la victime sacrifiée, à Kippour comme pour les autres sacrifices, est une victime sainte (Lv 6,18); par sa mort elle libère d'un péché qui, d'une certaine façon, ne l'atteint pas.

Cahiers, p, 16
Comment alors considérer le commentaire de Saint Justin ?

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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Cinci » jeu. 09 févr. 2017, 4:39

Bonjour,

Justin fait un parallèle avec le bouc émissaire pour signifier ce que les pharisiens auraient bien aimé faire. Jésus pouvait être le bouc dans le regard de ces derniers. Nous savons que jésus était la victime sans tache.

gerardh
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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par gerardh » jeu. 09 févr. 2017, 11:25

______

Bonjour,

Le second bouc correspond à la propitiation. Le premier correspond à la substitution.


________

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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Cinci » jeu. 09 févr. 2017, 16:11

On peut rajouter d'autres données intéressantes. Toujours à partir des Cahiers ...

La rançon

"... Jésus précise sa conception du pouvoir : non pas domination, mais service. Il en fait l'application à ses disciples, comme pour lui-même : "Si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur (diakonos)." La raison ultime de renversement radical des valeurs, c'est la propre mission du Fils de l'homme : "Car le Fils de l'homme est venu non pour être servi mais pour servir (diakonèsai) et donner sa vie en rançon (lutron) pour la multitude." (Mc 10,45)

Explication :

Le terme de rançon évoque en effet la libération d'un esclave ou d'un prisonnier par le paiement d'une somme d'argent et, au sens métaphorique, dans le Deuxième Isaïe, la libération des exilés de Babylonie [...] La valeur du don de la vie correspond à la théologie du martyre bien attestée dans le IVe livre des Maccabées (apocryphe du Ier siècle de notre ère). Le martyr prie en ces termes : "Fais de mon sang leur purification et prends ma vie comme rançon pour la leur". Plus loin, on apprend que "le tyran fut puni et notre pays purifié, puisque les martyrs sont devenus comme une rançon pour le péché de la nation".

[...]

C'est en effet par un acte libre que Christ s'offrit sur la croix. Cette liberté était nécessaire pour que l'acte soit véritablement libérateur pour l'humanité. En complément de l'image sacrificielle, Paul fait jouer pour l'événement du Golgotha la thématique de la libération. Avant cet événement, nous étions esclaves de la mort et du péché; grâce à lui, nous sommes libérés. Le vocable théologique de rédemption que Paul emploie à ce propos vient du substantif grec lutron qui désigne la rançon versée par l'État romain pour racheter des citoyens devenus esclaves chez l'ennemi suite à des faits de guerre. Transposant les termes d'une liberté matérielle à une liberté plus fondamentale dans l'ordre du salut, Paul ose écrire que "Christ nous acheta un bon prix" (1 Co 6,20; 7, 23)

Cette image fait difficulté. Hommes modernes épris de liberté : nous n'imaginons pas que notre libération puisse être le résultat d'une transaction commerciale. Telle n'était cependant pas la situation dans l'Antiquité gréco-romaine, où la liberté complète n'existait à peu près pas. On était toujours sous la dépendance de quelqu'un; donc pour l'esclave, passer d'un mauvais maître à un bon maître était une véritable libération. C'est bien le type de passage auquel Paul fait allusion dans la description du salut que nous a acquis le Christ : jadis esclaves de la mort et du péché, nous avons été achetés par un bon maître qui nous a payés d'un grand prix - sa mort - et nous sommes désormais esclaves de lui. Paul n'hésite pas à dire cela de lui (Rm 1,1) ainsi que de tous ceux qui appartiennent à Christ parce qu'ils ont mis leur foi en lui (1 Co 7,22). Mais être esclave d'un maître excellent est la forme la plus haute de la liberté.

Il faut prendre garde ...

Une autre difficulté vient de ce que l'image de la transaction commerciale pourrait être poussée à bout - ce que Paul ne fait pas - et que la pousser à bout conduit à la rendre aberrante. Christ a bien payé, le prix payé est sa propre vie. [...] Christ aurait-il payé à Dieu? Mais qui serait donc ce Dieu tortionnaire assoiffé du sang de son Fils? Serait-ce au contraire au démon qu'aurait été versée la somme? Mais quelle faveur Dieu ferait-il au démon pour lui concéder un salaire aussi exorbitant?

Il ne faut pas oublier que les images ne sont que des images; chaque terme de la métaphore ne mérite pas d'être mis en parallèle avec un terme équivalent dans la réalité à laquelle elle renvoie. Si les mots de rédemption et de rachat valent d'être conservés pour parler du sacrifice du Christ, car ils se trouvent dans l'Écriture et ont été consacrés par la tradition, ils sont à utiliser avec discernement, sous peine de transformer un superbe acte d'amour désintéressé en un marché sordide.

Il est essentiel de noter que, si immolation /sacrifice du Christ il y a, il n'est jamais compris comme exigé par Dieu pour apaiser une colère contre le genre humain. Il est bien plutôt compris comme conséquence inéluctable de l'endurcissement du monde, au pouvoir de Satan : c'est parce qu'elles s'opposent à Dieu que les puissances du monde ont tué le Christ et ses témoins. Et c'est à cause de cela que le jugement s'abat sur eux.

La substitution

Elle laisserait entendre que nos péchés nous auraient mérité un châtiment et que Christ aurait subi la sanction à notre place. Inconsciemment, c'est la figure du bouc émissaire qui fonctionne alors, et nous avons vu que les textes de Paul ne conduisent aucunement à l'identifier au Christ. Elle donne aussi de Dieu un visage peu ouvert au pardon, comme s'il fallait bien que quelqu'un paie. On revient plus ou moins par là à la figure d'un Dieu vindicatif dénoncée précédemment , que ni Paul ni la tradition biblique n'autorisent. Vulgarisée par des cantiques populaires comme le Minuit, Chrétiens, elle n'a certainement pas servi la foi chrétienne.

- Cahiers, pp. 18; 56; 60

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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Cinci » jeu. 09 févr. 2017, 16:47

Bref, il n'y aurait pas lieu de faire une équivalence entre le Christ et le bouc émissaire du rite de Kippour.

Kippour

Le rituel prévoyait que le grand prêtre tire au sort la destinée de deux boucs; l'un "pour Dieu", devait être immolé, et l'autre, "pour Azazel", allait être envoyé dans le désert, chargé symboliquement des péchés du peuple.

Il prononçait ensuite la deuxième confession en imposant les mains sur le taureau comme pour la première fois (M Yoma 4,1-2), puis il immolait l'animal. Venait alors le rite de l'encens; il pénétrait dans le Saint des saints, lieu absolument vide depuis que l'arche d'Alliance avait disparut (en 587), mais rempli de la présence divine, invisible. Il déposait les charbons brûlants sur la pierre de fondement; elle dépassait le niveau du sol d'une hauteur de trois doigts (M Yoma 5,2). Il entassait l'encens sur les charbons, et tout le local était rempli de fumée (M Yoma 5,1)

Il devait entrer encore deux fois dans le sanctuaire, muni une première fois du sang du taureau et une deuxième fois du sang du bouc que le sort avait désigné "pour Dieu". Il faisait huit aspersions à l'intérieur du Saint des saints , puis il aspergeait de même le voile du Saint des saints depuis l'extérieur. Il devait ensuite asperger l'autel des parfums à l'intérieur et l'autel des holocaustes dehors.

Lors de la troisième confession, faite au nom de tout Israël, le grand prêtre imposait les mains sur le bouc émissaire, chargé des péchés du peuple; il était ensuite conduit dans le désert (M Yoma 6,2) et précipité du haut d'une falaise.

Le grand prêtre, délégué de la communauté auprès de Dieu, osait s'approcher au plus intime de la présence divine pour signifier le pardon reçu et la réconciliation. Rien de magique en tout cela, car le pardon ne s'obtenait pas sans repentir [...] Les dernières lignes du traité Yoma de la Mishna rapportent les paroles de Rabbi Aqiba pour qui le véritable bain rituel d'Israël est Dieu lui-même : "Comme le bain rituel purifie ceux qui sont impurs, aisni le Saint - béni soit-il - purifie Israël".

En clair, tout comme le dirait aussi bien la lettre aux Hébreux dans le Nouveau Testament : Jésus représente plutôt ce grand prêtre qui réalise l'expiation au moyen de son propre sang. C'est notre grand prêtre qui s'offre lui-même "pour Dieu" et en notre faveur. Le symbole du bouc émissaire qui est chargé des péchés du peuple et envoyé dans le désert conviendrait bien mieux au Barabbas du récit de la Passion. C'est Barabbas qui est désigné "pour Azazel", non pas Jésus. C'est bien le sang de la victime sans tache qui purifie Israël.

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Voyageur
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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Voyageur » ven. 28 sept. 2018, 0:57

Cinci a écrit :
jeu. 09 févr. 2017, 16:47
Le symbole du bouc émissaire qui est chargé des péchés du peuple et envoyé dans le désert conviendrait bien mieux au Barabbas du récit de la Passion. C'est Barabbas qui est désigné "pour Azazel", non pas Jésus. C'est bien le sang de la victime sans tache qui purifie Israël.
Mais Christ s'est également chargé de nos péchés... Il est aussi descendu aux Enfers pour nous libérer de ses entraves. C'est l'Agneau Pascal, l'hostia parfaite, prenant sur lui les coups mortels et les péchés du Monde.

La foule n'a pas désigné un bouc "pour Azazel" et l'autre "pour le sacrifice". Elle a offert à Dieu la victime chargée de péchés. Il est incroyable que c'est à travers cet ultime blasphème que nous fûmes tous sauvés ! Je pense qu'il a marqué la fracture de l'Ancienne Alliance et l'avènement du Royaume.


Barabbas, quant à lui, est le faussaire, le Malin, qui s'est glissé sous l'apparence de la juste violence. Il s'est montré semblable au Christ, portant jusqu'à son propre nom : Jésus Bar Abbas. Son fardeau séditieux sembla plus léger à porter pour Israël que celui de l'amour inconditionnel. Séduit, le peuple se détourna de DIEU et son inaccessible perfection pour vénérer le brigand, l'Opposant. Or, le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra. (Psaume 1, 6)
Tu m'as montré les chemins de la vie,
Tu me rempliras de joie par ta présence.

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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Sefer » mer. 17 oct. 2018, 1:06

Bonjour

Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, il ne faut pas départir un verset de son sens premier.
"Le bouc pour Azazel" comme étant le bouc envoyé à un démon dans le désert est un choix de traduction dépendant d'une interprétation.
En fait, la bible ne parle jamais d'Azazel comme étant un démon qui recevrait un sacrifice.
Le mot "Azazel" peut être traduit par un quelque chose comme "la falaise escarpée", genre "la falaise tranchante" dans le désert. Et selon cette compréhension du texte au premier degré, il fallait apporter un bouc vers la falaise escarpée (que le Cohen connaissait), d'où il serait lancé en contrebas ...

Je ne dis pas qu'Azazel n'est pas également un ange du désert, (c'est celui qui, selon la mystique juive, régirait la bande de gaza) mais je rajoute juste que ce n'est pas le sens premier du verset mais une "allégorie" si je puis dire ...

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Phylos
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Re: Agneau Pascal et Bouc d'Azazel

Message non lu par Phylos » ven. 30 nov. 2018, 13:47

A l'attention de Sefer, à propos du bouc et de la falaise escarpée: Saint Luc 4, 28-30 (et avant pour le contexte):

"Tous sont remplis de fureur dans la synagogue en entendant ces choses.
Ils se lèvent, le jettent hors de la ville et l'amènent jusqu'à un escarpement de la montagne sur laquelle leur ville est bâtie pour le précipiter.
Mais lui passe au milieu d'eux et va...".

Si vous le souhaitez, nous pouvons le commenter.

Philippe.

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