Cinci a écrit :Tout ce que Jésus aura accepté de souffrir pour les hommes, afin de les sauver, devient littéralement absurde ; qu’il devient absurde qu’il faille pour Dieu plonger son Fils dans un tel abîme afin de sauver des hommes, quand il aurait eu ou aura toujours les moyens de racheter les hommes par une méthode chirurgicale connue de lui seule dans la 4e dimension.
Je pense à un autre passage d’Adrienne Von Speyr :
« En contemplant tout d'abord ce mystère, le Seigneur voit pour ainsi dire l'institution, la constitution du purgatoire lui-même. Il le voit comme l'unité de la justice et de l'amour, de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, donc comme conditionné aussi par la croix. A l'arrière-plan se trouve l'enfer qui n'est pas pénétré. Mais le Seigneur se trouve maintenant au milieu des deux extrêmes; d'un côté se trouve l'oeuvre du pur amour : la croix, de l'autre côté l'oeuvre de la pure justice : l'enfer. Et il voit ce que le Père fait des deux : il voit la synthèse. Il y a ici une prévenance réciproque de la part du Père et de la part du Fils. La prévenance du Fils consiste en ce qu'il a déposé sa rédemption auprès du Père pour être initié au mystère du Père. Par sa souffrance sur la croix, il a en main la clef de la rédemption; en soi, il pourrait absoudre toutes les âmes tout de suite et tout simplement et les conduire au ciel. Mais cela se ferait sans tenir compte du Père, cela ne se ferait donc pas dans l'unité de l'amour du Père ni à l'intérieur de sa mission. C'est pourquoi il doit se porter à la rencontre de la justice du Père. Le Père vient à la rencontre du Fils en ne lui montrant pas en premier lieu l'enfer nu, mais la synthèse de l'enfer et de la croix, donc l'effet de l'amour du Fils à l'intérieur de la pure justice. Avant la croix, il n'y avait que l'enfer définitif. Il n'y a de purgatoire que par l'acte rédempteur du Fils. Et le Père montre au Fils qu'il n'est pas sans être influencé par la rédemption, même si cette rédemption demeure provisoirement déposée auprès de lui, le Père.
Le Fils est ensuite conduit plus profondément dans le lieu de purification. C'est le lieu qu'Adrienne a déjà vu auparavant, où l'amour du Fils n'est pas encore reçu, où les âmes refusent encore d'entrer dans la flamme de l'amour purifiant. Tous les lieux et tous les états où l'amour du Seigneur n'est pas reçu correspondent à cette région du purgatoire... ... ... Et plus le Fils pénètre profondément dans le mystère du Père, plus grandit sa vénération pour l'oeuvre du Père; plus il veut laisser au Père sa liberté, moins il veut s'imposer avec son œuvre; plus il devient pur don de lui-même au Père inconcevable en son action, plus il se livre aux ténèbres du Père. Il avance dans son mystère en tâtonnant. Il ne peut pas agir le samedi saint, il reste lié dans la vision". »
J’ai eu du mal à comprendre ce passage, mais il me semble qu’il y est dit que Dieu le Fils pourrait sauver chaque âme sans passer par l’enfer ni le purgatoire mais cela se ferait sans tenir de Dieu le Père. Pourquoi ? Parce que cela ne tiendrait pas compte de sa justice. Et quelle est-elle ? C’est de ne pas sauver la créature malgré elle, de ne pas forcer le salut.
Et plus le Fils pénètre en enfer plus il veut laisser au Père sa liberté. Je ne comprenais pas car je me demandais pourquoi le Fils préférerait abandonner les âmes en enfer, comme face à cette justice qui m’apparaissait comme exclusivement punitive, alors qu’il peut sauver ces âmes ?!
Mais il n’est pas question de cela, il est question selon ce que j’en comprends de laisser la justice du Père guider par le moyen de l’enfer l’âme vers le salut, respectant ainsi la liberté humaine. Il est donc question ici de justice car l’homme n’est pas sauvé malgré lui mais avec lui. Et tandis qu’on tendrait à lier l’enfer à la justice et le salut à la grâce, on voit qu’il est aussi question de justice dans le salut tout comme il est aussi question de grâce dans l’enfer.
Cinci a écrit :La mort de Jésus en croix donne à penser que le péché est une affaire sérieuse. Qu’il ne serait pas si facile que cela que de pouvoir contourner certaines exigences (porter sa croix, sanctifiez-vous davantage, etc.) On pensera que la menace de l’enfer éternel représente un truc à prendre au sérieux puisque pour nous en sauver il aura fallu que Jésus endure l’épreuve cruelle.
Oui il a fallu qu’il pénètre l’enfer jusqu’à son extrémité pour pouvoir en ramener l’homme selon la justice, c’est-à-dire en tenant compte du péché, en redirigeant l’homme vers Dieu, en tournant le mal en bien. Comment tourner le mal en bien si tu ne pénètres pas le mal ? Comment vaincre le péché si tu ne le réduit pas à l’impuissance comme exprimer dans mon premier post de ce fil.
Oui il aurait pu sans la croix mais cela aurait été au dépend de la justice, à savoir forcer le salut, ignorer le péché, comme si cela ne s’était pas passé (ou la méthode de l’autruche) et ainsi ne pas vraiment vaincre le péché.
Il aura fallu aussi l’incarnation pour pouvoir unir le créé à l’incréé, le corruptible à l’incorruptible.
Cinci a écrit :Il y a là comme un aspect éminemment important du christianisme qui perd peut-être son sens si, de toute manière, tout le monde aurait les moyens d’être sauvé par Dieu en contournant toujours ce genre de gros obstacles. « Pas besoin de me priver. A quoi bon ? Et pourquoi je devrais jeûner ? La messe ? Bah ! plus tard. Rien ne presse. Et si je meurs ? Ce sera le paradis de toute façon. Allez voir un prêtre ? me confesser ? Quelle différence ? Je peux me confesser à Jésus dans mon salon. C’est plus confortable. Et Jésus me comprend. Faut-il évangéliser les païens ? Tous seront sauvés sans moi. »
Ça me fait penser à ceux qui me rétorquent « si tout le monde est sauvé, à quoi bon croire et s’abstenir de pécher » ?! Parce que la foi se résume juste à ne pas aller en enfer ? Je pensais que la foi était d’abord croire en Dieu amour, que vouloir tendre à ne plus pécher n’était pas se priver d’un bien précieux que serait le péché ( ?!) mais tendre vers quelque chose auquel on croit et donc que le croyant au final ne se privait pas mais était au contraire favorisé par rapport aux autres en tendant à se délivrer de ce qui asservi les autres.
Et si plutôt que d’y voir une contrainte, le croyant y voyait une grâce qui lui y est accordé, ça change un peu l’optique des choses. Car sinon, cela semble signifier que l’on s’impose ça par intérêt (échapper à l’enfer) et non par foi. Le croyant devrait plutôt se dire « moi j’ai la chance d’avoir toutes ces grâces, toutes ces aides par rapport à l’égaré »…
On peut le ressentir certes comme une contrainte en raison de notre cécité et de notre dureté de cœur mais il s’agit en réalité de cadeaux si on peut dire.
C’est une grâce pour ceux qui le vivent et dans la foi, cela grandit, sanctifie, etc. par rapport à ceux qui ne l’appliquent pas. Comme dit dans 1 Corinthiens 15: 22 « Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang. ». Tout comme un Jean Elluin parlerait d’un plus haut degré de béatitude pour ceux qui pratiquent ces choses et de plus hautes capacités d’union à Dieu, ce n’est pas rien il me semble.
Faut-il pour que les bons pratiquants en éprouvent une vraie valeur et utilité que ceux qui ne s’y appliquent pas aillent griller en enfer pour l’éternité de l’éternité… ?
Bon, je pense que ces choses peuvent garder leurs vertus, leur grandeur sans aller jusqu’à de telles extrémités, si ?
Et puis, il y aurait tout de même cet enfer par lequel il faudrait passer et qui ne serait pas une partie de plaisir, surtout pour ceux qui sont lourdement égarés.
Cinci a écrit :Il y a beaucoup de choses qui nous échappent. Mais le discours de l’Eglise paraît accréditer l’idée que le salut de chacun n’est pas gagné d’avance. Il faudrait y mettre un peu l’épaule à la roue. Qu’il serait difficile aussi d’imaginer que Jésus nous aurait conté de pieux mensonges lorsqu’il évoquait la géhenne.
Non, ceci n’empêche cela. L’existence de l’enfer et de la perdition n’empêche pas un Dieu sauveur de tous les hommes…
D’ailleurs, on en revient à l’idée de mérite. Mais quelles sont les mérites des « sauvés » ? Ceux dont Dieu leur accorde la grâce. Je me rappelle une Thérèse de Lisieux qui exprimait sa petitesse, sa faiblesse et la grâce que Dieu lui accordait en la préservant. Comme la plupart des saints d’ailleurs. Tu ne les entends pas dire « j’ai mérité tout ça, mon salut, etc. ! » mais plutôt exprimer la conscience de leur néant et de leur incapacité à faire le bien sans Dieu. Je pense à une Angèle de Foligno si horrifiée par ce qu’elle est sans Dieu. Je pense aussi à une sœur Emmanuelle qui compatissait avec des chiffonniers au passé criminel en évoquant le fait que si elle avait vécu à leur place, peut-être en serait-elle aussi passée par là.
Nous ne sommes pas maîtres de nos mérites, c’est Dieu qui fait tout. Le saint n’a pas à s’enorgueillir car il sait que tout est grâce. « Il faut que je gagne mon salut » ? Mais c’est placer l’homme au centre des choses, c’est lui accorder la capacité indépendante de son salut. Il faut certes que je laisse le Seigneur me sauver mais ce n’est pas moi qui vais gagner mon salut. Si dans ces conditions le salut de chacun n’est pas gagné d’avance par le Seigneur, c’est alors dire que le Seigneur échoue, c’est lui placer des limites.
D’où une nouvelle difficulté entre avoir foi en Dieu et avoir foi en l’enfer.
Dieu n’est-il pas sauveur de tous les hommes ?