J’espère que le sujet ne va pas dévier.
J’ai été lire d’autres interventions de Belin, et je comprends mieux les réactions qu’elles suscitent.
Il y a d’autres sujets ouverts ou à ouvrir concernant la sexualité, la valeur du célibat ou les effets du mariage.
Le présent sujet sur la splendeur eucharistique du mariage ne se situe ni sur le plan d’une quelconque comparaison avec le célibat (ni a fortiori avec le célibat consacré), ni sur le plan des effets du mariage ou des finalités qu’il permet d’atteindre.
Le sujet ici est de méditer la valeur du mariage lui-même dans la lumière de l’Ecriture et de la foi de l’Eglise.
Cela peut partir dans tous les sens.
Sur ce point, Belin pose un premier problème essentiel pour un dialogue fructueux.
Dans le sujet « La sexualité et l’amour » de la section Religion-Vie Chrétienne, Belin a écrit :
Une fois de plus ce que je dis depuis N'EST PAS MON OPINION UNIQUEMENT! mais celle que l'Eglise a toujours enseigné par le passé. C'est Saint Jean-Paul II qui a écrit le CEC et c'est Lui qui a donné une doctrine sur le mariage qui semble être en contradiction avec ce que l'Eglise a toujours enseigné depuis plus de 2000 ans et il a même changé la définition de la finalité du mariage du droit canon
…
J'ai l'impression que la fameuse "théologie du corps" de Saint Jean-Paul II n'a aucune autre références ni dans la Bible, ni dans la tradition, et ce ne sont que de simples enseignements qui n'ont pas été fait dans le cadre de l'enseignement du magistère, bref cela me semble être l'opinion personnelle de Saint Jean-Paul II et non un enseignement de l'Eglise, toutefois je souhaiterais que quelqu'un qui a plus de connaissance là-dessus nous éclaire.
Accepter d’opposer les papes entre eux et, a fortiori, s’opposer à l’enseignement d’un pape de notre époque sur la base des enseignements de papes plus anciens ayant vécu dans des contextes différents que nous ne vivons pas, est une position qui peut affaiblir profondément la foi catholique qui cherche toujours à réactualiser la foi à chaque époque et dans chaque culture dans le respect et la cohérence avec l’enseignement de l’Eglise depuis 2000 ans.
Je crois que l’enseignement du pape Jean-Paul II n’est pas contraire aux enseignements antérieurs de l’Eglise, mais qu’il ouvre d’autres points de vue sur une même réalité.
Selon les époques et les circonstances, le point de vue est orienté vers tel ou tel aspect du mariage.
Dans la section de théologie d’un forum catholique consacré à l’intelligence de la foi catholique, il me semble indispensable, pour éviter une vaine dispersion, de fonder nos échanges sur une soumission loyale partagée aux écrits du Magistère et sur des interprétations (une herméneutique) qui lisent les écrits du magistère et cherchent à les comprendre en les mettant en harmonie les uns avec les autres.
Vouloir opposer un pape à un autre mène inévitablement à des impasses, voire à un relativisme profond.
Il faut, au contraire, chercher inlassablement la cohérence à travers les différences par lesquelles les pères de l’Eglise et les papes successifs ont tenu compte des connaissances, du langage, de la culture, et de toutes les circonstances de l’époque de chacun d’eux.
A certaines époques, le point de vue a pu retenir prioritairement la valorisation du célibat consacré, la lutte contre la concupiscence ou les questions relatives à la contraception, mais sans écarter pour autant la valeur du mariage en lui-même.
Cela peut être observé chez St Augustin que Belin cite à plusieurs reprises.
Je relève, par exemple, que, sur la valeur du mariage, Belin cite beaucoup St Augustin alors qu’il indique expressément qu’il ne partage pas son avis sur ce point essentiel.
Belin a écrit :On a cette façon de contemporaine de présenter le mariage comme un bien "ultime" et non comme un bien de "moyen" et cela brouille les cartes, je cite d'abord saint Augustin pour mieux illustrer ma pensée:
. Il est à remarquer que parmi les dons de Dieu, il en est que l'on doit rechercher pour eux-mêmes, tels sont la sagesse, la santé, l'amitié; il en est d'autres qui ne sont nécessaires que comme moyens, tels sont la science, la nourriture, la boisson, le sommeil, le mariage et les relations conjugales. Parmi les derniers actes les uns sont nécessaires à la sagesse , telle est la science; les autres sont nécessaires à là santé, tels sont la nourriture, le breuvage, le sommeil; d'autres enfin sont nécessaires à l'amitié, comme le mariage et l'acte qui lui est propre ; car c'est sur lui que repose la propagation du genre humain, pour qui les relations de l'amitié sont un bien si grand. Quant aux biens qui sont nécessaires comme moyens celui qui n'en use pas dans le but qui leur est assigné, pèche tantôt véniellement, tantôt mortellement
Dans ma notion de bien "ultime", la santé et même l'amitié n'y font même pas parties car ils ne sont pas des motifs d'espérance pour notre salut…
Pour revenir au mariage, je trouve que dans votre présentation le mariage est vu comme un bien "ultime" c'est à dire on présente les beautés du mariage, en nous laissant implicitement croire qu'en y participant on accomplit ainsi un bien "ultime"…
Contrairement à Belin, dans l’extrait qu’il invoque St Augustin cite bien « l’amitié » parmi les « dons de Dieu … que l’on doit rechercher pour eux-mêmes » et, parmi les actes qui peuvent être « nécessaires » à l’amitié, St Augustin cite « le mariage et l’acte qui lui est propre ».
Entre des époux, c’est avant tout une amitié de communion totale des personnes (corps, âme et esprit) qui est la réalité principale du mariage et cette réalité est un bien en soi.
Belin a écrit :Lorsque l'union conjugale des époux ne vise pas la procréation, je partage alors totalement le point de vue de saint Augustin selon qui c'est un péché véniel.
Belin interprète ici St Augustin en oubliant leur désaccord sur l’amitié des époux que St Augustin a considéré comme un don de Dieu à rechercher pour lui-même, ce qui oriente l’interprétation actuelle de Belin.
Lorsque St Augustin écrit que « celui qui n'en use pas dans le but qui leur est assigné, pèche tantôt véniellement, tantôt mortellement », cela concerne certes les « biens nécessaires comme moyens » (dont le mariage et l’acte qui lui est propre), mais Belin oublie que le but assigné au mariage et à l’acte qui lui est propre dans l’extrait qu’il cite est « l’amitié » (ici, la communion des époux) que St Augustin présente comme un don de Dieu à rechercher pour lui-même.
Si l’on retire de la longue phrase citée ce qui ne concerne pas notre sujet, St Augustin nous dit clairement ceci : « parmi les dons de Dieu, il en est que l'on doit rechercher pour eux-mêmes, tels … l'amitié; il en est d'autres qui ne sont nécessaires que comme moyens, tels … le mariage et les relations conjugales… nécessaires à l'amitié…
celui qui n'en use pas dans le but qui leur est assigné, pèche tantôt véniellement, tantôt mortellement ».
Cet extrait vient du texte de St Augustin intitulé « De ce qui est bien dans le mariage », dans lequel il écrit aussi que « l'union de l'homme et de la femme est en elle-même un bien réel …
L'honorabilité du mariage ne résulte pas seulement de la création des enfants, mais encore du besoin naturel à des sexes différents de faire entre eux société. Autrement le mariage ne serait pas convenable entre vieillards, surtout s'ils avaient perdu leurs enfants ou s'ils n'en avaient jamais eu. Or ce mariage entre vieillards, tous le regardent comme légitime; l'ardeur juvénile des époux n'existe plus, mais il suffit que l'affection les unisse » (n° 3)
Ceci étant, St Augustin insiste et détaille divers autres points de vue sur le mariage, sans guère détailler l’amitié des époux et la valeur du mariage comme bien en lui-même.
Mais, le mariage est aujourd’hui profondément blessé et j’ai l’impression que sa valeur peut et doit être redécouverte, même dans les écrits anciens des Pères et du Magistère qui étaient davantage orientés vers d’autres aspects.
Il y a aujourd’hui une grande souffrance et Belin en témoigne clairement.
Dans le sujet « Tout quitter pour entrer en religion » de la section Soutien-Discernement de vocations, Belin a écrit :En fait le seul choix raisonnable à la lumière de la Foi est le renoncement, je vais reprendre un raisonnement que j'ai déjà eu à présenter dans un autre fil:
Lorsqu'on désire trouver son bonheur dans une relation conjugale et auprès de la famille qu'on aura:
- On n'a aucune garantie qu'on trouvera effectivement un(e) compagnon (compagne). J'ai beaucoup de cousines qui ont cherché sans succès un époux durant leur vie, aujourd'hui elles tendent vers la soixantaine...célibataire malgré elle.
- Si on en trouve, on n'a aucune garantie que effectivement notre compagnon (compagne) ou notre famille feront effectivement notre bonheur: Il y a souvent des désillusions, et notre foyer devient pratiquement pour nous l'enfer sur terre.
- Même si on y trouve le bonheur il est éphémère et précaire: un jour on peut vous apprendre que votre épouse et tous vos enfant sont mort dans un accident, un jour votre compagnon peut vous dire qu'il veut le divorce et vous forcer à vivre célibataire malgré vous.
- Enfin même si au final vous trouvez du bonheur auprès de votre épouse, vos enfants, les enfants de vos enfants, ce bonheur n'est pas un motif d'Espérance pour un bonheur éternel auprès de Dieu.
Par contre lorsqu'on renonce par amour pour Dieu à ce bonheur ( et à tout autre bonheur selon le monde la précision est importante):
- On a la certitude d'avoir auprès du Christ et dès ce monde un bonheur qui sera le centuple du bonheur qu'on a sacrifié
- On a la certitude d'avoir dans l'éternité auprès de Dieu ce bonheur sacrifié, mais dans sa perfection
Alors entre choisir un bonheur incertain, précaire, illusoire, et sans motif d'Espérance d'une part et d'autre part choisir un bonheur qui est le centuple du premier bonheur, qui est certain et éternel. je pense que le choix s'impose de lui même pour peu qu'on regarde les choses sous la perspective de la Foi.
Il me semble que ce message montre assez clairement la perception de Belin.
Difficile de ne pas y lire une profonde désespérance.
C’est même effrayant. Comment notre société peut-elle susciter une si grande tristesse ?
Le cri de douleur de Belin rend urgent de redécouvrir la grâce du mariage que Jésus nous a enseignée.
Pourquoi rester si méfiant et craintif lorsque le Christ lui-même nous révèle que, des milliers d’années après Adam et Eve, c’est encore et toujours Dieu lui-même qui unit les époux, c’est encore et toujours le premier des sacrements de l’histoire humaine ?
Mais, encore faut-il croire à sa parole ! C’est la foi qui sauve !
Que les jeunes qui aspirent au mariage se tournent avec ferveur vers le Seigneur pour lui demander ce don indissoluble qu’il promet de donner !
Le tableau extrêmement sombre de Belin est contredit par d’innombrables époux de toutes époques, y compris de la nôtre.
L’amitié conjugale qui unit totalement un homme et une femme, corps, âme et esprit, reste un trésor magnifique que peut découvrir celui qui accepte d’y voir la main de Dieu collaborant avec les époux qui se laissent conduire par Lui.