Cinci a écrit :Nos choix émanent de nous. Pourquoi parler de magie? Affirmer que nos choix seraient contraints par des manoeuvres originelles de Dieu ou simplement par des événements extérieurs? il me semble que ce serait dépouiller tout le monde d'une réelle maîtrise de leur propre volonté. Notre volonté n'est pas soumise à des événements extérieurs et que Dieu aurait orchestré.
De la magie parce que comme le hasard, ça ne sort de nulle part. Ça n'a aucune cause, ne suit aucun but, n'a aucun sens.
Le hasard c'est la loi de l'absurde, du non-sens, tu en es conscient ?
Tu dis que nos choix émanent de nous, mais notre volonté d'où vient-elle ? Du hasard ?
La question est de savoir si notre personnalité, notre être profond a été créée par Dieu ou si cela provient de nulle part. Notre volonté, d'où provient-elle ? Pourquoi avons-nous telle volonté ? Si cela ne vient pas de Dieu et que nous sommes tel que nous sommes, alors que condamner si nous sommes « mauvais » pour faire de mauvais choix (bah oui, nous sommes mauvais puisque nos choix « mauvais » émaneraient de nous), si nous ne pouvons faire autrement que faire de mauvais choix de par ce que nous sommes ?
Et si nous sommes mauvais, nous ne pouvons être créée par Dieu.
Notre volonté s'est-elle créée toute seule, sommes-nous alors la création de l'absurde puisque rien de sensé ne serait à l'origine de notre personnalité ? Ou sommes-nous notre propre créateur pour être pleinement ce que nous sommes sans que nos choix n'aient à voir avec Dieu ?! Théorie encore plus absurde.
D'ailleurs, qu'est-ce que notre personnalité, notre volonté ? D'où provient-elle ? Fait-elle partie de l'âme, Dieu l'a-t-il conçue ou bien notre personnalité n'a pas été créée, notre volonté n'est pas un don de Dieu, n'en est pas issue ? Mais cela reviendrait à dire que nous sommes incréés, que nous sommes des Dieux. J'ai l'impression qu'il y a comme une gêne inconsciente dans l'idée d'être une création. On veut être tellement libre que l'on en vient à penser que nous sommes pleinement maître de nous-même, de ce que nous sommes comme si nous avions une existence, une identité indépendante de Dieu. Tels des adolescents voulant s'affranchir de leurs parents, on voudrait s'affranchir de Dieu. Comme si nous voulions être nos propres maîtres, nos propres œuvres, notre propre création. Mais … nous sommes des créatures … des créatures … créées … et non par nous-mêmes mais par Dieu …
ça me fait penser à un passage faisant référence à Lucifer qui selon certains passages (Esaïe 14, Ezéchiel 28) s'enorgueillit de ce qu'il était, de ses qualités comme si cela venait de lui, alors que cela venait de Dieu. Il voulait (ou pensait) être le créateur et non la créature.
Cinci a écrit :Il y a du hasard dans la mesure où Dieu n'exerce pas une emprise sur la volonté des personnes. Il n'exerce pas une emprise sur le subconscient des individus malgré eux de telle sorte que l'un devra fatalement faire un damné, l'autre un saint. Dans la théologie chrétienne, le fait qu'il puisse y avoir des damnés en enfer éventuellement, et ce, malgré ce que Dieu aurait voulu (Dieu ne peut pas vouloir que des hommes aillent se perdre) montre qu'il y a un aspect de risque ou du "hasardeux" dans le fait de la création.
Cinci a écrit :Aldous fait bien de poser une distinction entre la liberté et le libre-arbitre. Quand bien même que Dieu dispose d'un libre-arbitre, la liberté de Dieu ne repose pas dans le fait de devoir choisir entre bien agir ou mal agir, entre la capacité d'affirmer ou nier ce qui lui plairait.
La liberté de Dieu tient au fait qu'il est totalement Lui-même, il est ce qu'il doit être, il jouit d'une totale maîtrise de lui-même, il se possède parfaitement, son être n'est pas soumis à la corruption, à l'erreur, à la maladie, la mort, etc. Donc, les anges de Dieu sont libres, les saints du Paradis sont libres, la Sainte Vierge est libre. Une liberté qui ne veut pas dire que la Sainte Vierge pourrait décider demain de mal se comporter, ou que l'archange Gabriel devrait passer son temps à supputer ce qui serait le mieux de faire.
Cinci a écrit :Les êtres moraux sont dotés d'une faculté de libre-arbitre. Il est vrai que le péché d'Adam aurait changé quelque chose dans la dynamique des rapports entre Dieu et l'homme, en ce que l'humanité est devenue captive du mal en quelque sorte, et que dans cet état de déreliction consécutif au péché, l'exercice de son libre-arbitre ne permet pas à l'homme de s'extraire de l'empire du mal. C'est la théologie de l'Église qui signale qu'il nécessite plutôt une intervention de la grâce divine pour que l'homme puisse trouver la liberté véritable.
J'ai eu du mal à comprendre vos points de vue au fil de cette discussion avec ces « libre-arbitre », « volonté libre », « liberté », ce qui m'a un peu confondu au départ. Mais il me semble y voir plus clair désormais. Et je n'ai pas l'impression de vraiment dire autre chose en fait.
Je suis moi-même tout à fait d'accord sur le fait que Dieu n'exerce pas une emprise sur notre volonté de même que nous ne sommes libres qu'en Dieu. Je comprends cette distinction que vous faites avec Aldous entre le libre-arbitre d'avant la chute et le libre-arbitre d'après la chute car avant la chute nous exerçons bien une volonté libre dans le fait que nous sommes pleinement nous alors qu'après c'est un libre-arbitre soumis aux interactions.
Là, je ne dis pas le contraire. Ce que je dis c'est que Dieu est notre créateur, et qu'il n'ignore pas nos cheminements, nos réactions. Je dis que Dieu est LE Créateur et qu'il n'ignore pas le déroulement des événements, les mécanismes de ce qu'il a conçu, et qu'il n'ignore pas les réactions des créatures face aux événements.
Mais qu'est-ce que cela implique pour toi (pour vous) le fait que Dieu soit notre créateur ?
Par ailleurs, tu me dis que ce libre-arbitre proviendrait du hasard car sinon « il (te) semble que ce serait dépouiller tout le monde d'une réelle maîtrise de leur propre volonté », mais d'une, le fait qu'il n'y ait pas de hasard n'enlève en rien la maîtrise de notre volonté. Quand bien même il y a une influence extérieur, que Dieu a conçu notre personnalité et donc la volonté qui va avec, cela n'empêche que lorsque nous posons un choix, c'est tout de même un choix qui vient de nous et pour lequel nous posons librement notre accord. Mais à côté, tu dis :
Cinci a écrit :La liberté de Dieu tient au fait qu'il est totalement Lui-même, il est ce qu'il doit être, il jouit d'une totale maîtrise de lui-même, il se possède parfaitement, son être n'est pas soumis à la corruption, à l'erreur, à la maladie, la mort, etc. Donc, les anges de Dieu sont libres, les saints du Paradis sont libres, la Sainte Vierge est libre. Une liberté qui ne veut pas dire que la Sainte Vierge pourrait décider demain de mal se comporter, ou que l'archange Gabriel devrait passer son temps à supputer ce qui serait le mieux de faire.
Donc en tant que nous ne sommes pas totalement nous-même, nous n'avons pas une volonté libre. Donc comment parler de « réelle maîtrise de notre propre volonté » quand du fait de la chute nous l'avons perdu ?!
Alors, que Dieu n'exerce pas une emprise sur notre volonté est une chose mais que Dieu ne guide pas notre volonté pour devenir ce que nous-sommes vraiment (et ce que nous sommes n'est qu'en Dieu), nous laissant par là esclave de l'extérieur, du péché, du hasard, c'en est une autre.
Comment dans ces conditions Dieu se détournerait-il, même par instant de sa création pour la laisser voyager à l'aveugle ?
Moi dans cette optique (une vie parsemée de hasard), je me sens tout sauf libre, je me sens prisonnier de cette absence de sens que l'on appel le hasard, prisonnier de moi-même sans pouvoir me reposer sur Dieu. Personnellement, je sais être un enfant qui a besoin d'être accompagné et non pas abandonné au hasard au nom d'une certaine liberté. L'idée que Dieu m'abandonne, sachant mes limites, que les événements que je peux vivre, rencontrer sont le fruit du hasard (certes, pas tous selon vous mais en partie), qu'ils n'ont pas vraiment de sens, mais c'est insupportable ! J'ai l'impression de nager en plein athéisme régie par le hasard si par respect pour une pseudo-liberté (parce que c'est bien une illusion de liberté que celle-ci), Dieu nous laisserait à la merci d'un hasard.
Par ailleurs, c'est assez ironique comme approche car cela signifierait que malgré le fait qu'il soit notre créateur, Dieu ne nous connaîtrait pas si nos choix résultent du hasard. Car si cela résulte du hasard, cela veut dire que Dieu ignore les choix que nous allons faire.
Cinci a écrit :Maintenant est-ce que Dieu peut garantir que tout homme usera de son libre-arbitre de la bonne façon? Pouvait-il garantir qu'aucun ange ne chute au départ? Voulait-il au contraire la perte de certains? Si Dieu désir qu'aucun homme puisse jamais se perdre et que malgré cela certains seront perdus : il me faudra conclure que Dieu voulait une création contenant une part d'indéterminé (comme volonté ou choix d'individus pour lesquels il n'aura aucune prise pour en faire des enfants de Dieu) ou alors c'est Dieu qui est responsable de la chute de tel et tels.
Pour moi, il est toujours et encore là le nœud du problème, la fameuse perdition éternelle...
Toute doctrine, toute logique finit selon moi par bugger à son extrémité du fait de celle-ci.
Tu vois, on finit par admettre le hasard pour faire tenir la damnation, parce qu'à chaque fois cette doctrine me paraît conduire dans une impasse.