Cinci a écrit :Ta réflexion qui vise à faire disparaître totalement le hasard et pour me signifier que Dieu est bien en maîtrise de ce qui se déroule dans l’univers : c’est ce que mon auteur appelle la vision divine des choses. Dieu connaît, sait ce qu’il fait, intervient extraordinairement au moment voulu par lui, etc. En un sens, Dieu est certainement comme cette grande intelligence de Laplace. Le père Humbrecht le reconnaîtrait fort probablement, je pense.
Oui mais surtout Dieu connaît la suite parce qu’il connaît l’origine pour être l’origine, pour en être le fondateur. Il ne connaît pas tout simplement parce qu’il connaît tout mais surtout parce qu’il a tout fait. Il n’est pas simple observateur mais l’acteur de par son acte créateur. Sa connaissance de l’état initial et continu de la création vient de ce qu’il en est l’architecte. Il est aux commandes du début à la fin, il mène la création à la fin qu’il lui a assigné de toute éternité. Il ne laisse pas aller la création en roue libre, comme extérieur, étranger à sa création, à son évolution, voir impuissant ou plutôt ignorant face à la loi du hasard.
La différence est que pour vous Dieu connaît les choses seulement parce qu’il serait hors du temps, qu’il aurait une vision immédiate de toute chose, comme un observateur. Alors certes, il peut agir mais comme dans quelque chose qui lui « échappe », qu’il n’a pas forcément voulu à l’origine. Là, je ne parle pas de son action continue de créateur dans la création, qui résulte de ses desseins initiaux mais d’interventions comme de correction. D’ailleurs, je ne comprends pas votre discours en fait car je ne comprends pas comment Dieu peut maîtriser les événements, comment Dieu peut connaître l’avenir, peut même maîtriser le hasard. Comment Dieu pourrait-il connaître l’avenir si le hasard existait ? En effet, comme le hasard rend les choses incertaines, fait qu’une chose pourrait aussi bien se produire que ne pas se produire, il rend tout imprévisible et ne peut que brouiller l’avenir, rendant Dieu prisonnier d’un présent qui se déroule selon le résultat des événements hasardeux. Dès lors que Dieu connaît l’avenir, cela implique que les choses suivent une logique, un chemin, qu’elles s’accomplissent comme elles doivent s’accomplir, excluant ainsi le hasard.
Vous dites que Dieu maîtrise le hasard, qu’il connaît les résultats hasardeux mais le hasard ne répond à aucune loi, il est indéfinissable, indéterminable, tout au plus envisageable. Si la liberté nécessitait le hasard, Dieu violerait cette liberté dans sa connaissance, sa maîtrise du hasard. Et on en revient au même que s’il n’y avait pas de hasard tout court. Il offrirait une illusion de hasard qui n’en serait pas un et tromperait cette « liberté ».
Cinci a écrit :Sauf qu’il introduirait, dans cet univers que Dieu maîtrise, cette dimension de hasard qui concerne les créatures.
Mais qu’est-ce que ça peut vouloir dire ?
Pour répéter mes questions précédentes :
Alors expliquez-moi d’où viennent nos choix, d’où vient notre être, notre âme, notre personnalité, notre identité à l’origine ? Y aurait-il une autre origine, un autre alpha que Dieu ?
Expliquez-moi d’où vient qu’un événement se produise ? Y aurait-il des effets, des conséquences sans cause ?
Cinci a écrit :Il me semble que ce n’est pas plus scandaleux d’introduire le hasard pour nous dans la création que d’y introduire le temps.
Je trouve que si car d’un côté, on a le temps qui répond à une certaine logique, qui a du sens et de l’autre le hasard qui ne répond à aucune logique, qui est l’absurde.
Le temps est lié à la condition de créé. Etant incomplète, inaccomplie, faillible, la créature ne peut être fixe, immuable, elle est nécessairement soumise au changement que permet le temps. Dieu étant perfection, plénitude, il ne nécessite aucun changement et n’est donc pas soumis au temps, est dans l’éternité.
Alors que le hasard ?
Franchement, je ne vois pas ce qu’il vient faire là ?! Une nécessité pour la liberté ? Mais en y réfléchissant bien, je me demande si le hasard n’est justement pas de l’anti-liberté.. Car au lieu d’exprimer pleinement ce que je suis au travers d’une création qui évolue depuis ses racines, je me retrouve prisonnier d’une loi du hasard qui me fait « sortir » moi et la création de leur logique, de leur expression naturelle pour nous placer face à un évènement absurde qui n’a nulle raison d’être, qui pourrait ne pas être et qui vient m’entraver. Je suivais mon chemin et le hasard vient y mettre des embûches, coupe le fil des événements, leur fait perdre leur sens en y plaçant des événements, des expressions vide de raison, hasardeux. Au final, où se trouve réellement la liberté ? Dans l’expression de la création telle qu’elle est posée par Dieu, qui a beau suivre
un chemin ne fait rien d’autre que de suivre
son chemin, sa voie, qu’exprimer ce qu’elle est, sa logique ? Ou quand on l’en empêche, qu’un hasard l’en ferait sortir, lui ferait faire des choix qui n’ont pas de raison d’être, qui n’ont pas véritablement de sens, qui ne suit pas son évolution naturelle depuis son origine, je dirais même qui ne la respecte pas ?
Je ne me sens pas moins libre quand j’imagine suivre mon destin, que ma vie serait « écrite ». Au contraire, c’est ma vie et je l’accomplie, je m’accomplie. Qu’un hasard régisse ma « liberté », ma vie me donne la sensation d’être confronté comme à une loi folle, ivre. Tout perd son sens, se dénature. Le hasard devient une entrave.
Du coup, on pourrait ainsi également se demander si du fait que les événements, mes choix sont en grande partie le fruit du hasard alors celui-ci ne déresponsabilise-t-il pas quelque part ?