Je n'avais pas d'idées claires à ce sujet. J'ai encore des doutes.
Si je regarde à nouveau ...
"Une conception chirurgicale de l'enfer ne supprime pas la colère "métaphorique" de Dieu, ni notre crainte de cette colère ni les justes risques de notre espérance. Un tel enfer reste redoutable à l'extrême par la traversée déchirante de son feu dévorant, et surtout par la perte définitive qu'il entraîne de nos plus hautes capacités d'union à Dieu." (p. 69)
"Oui, le sérieux de notre liberté veut la possibilité d'une sanction définitive (négativement éternelle) : d'une certaine perte à jamais, par douleur consumante de nos capacités d'union à Dieu; et un tel risque comporte à lui seul, dès qu'on le médite, une liberté humaine qui donne le vertige, et un châtiment plus grave qu'aucune peine temporaire, si douloureuse ou prolongée qu'on l'imagine." (p.73)
Voir les conclusions du numéro 85, art. 1, 2 et 3
http://jesusmarie.free.fr/1a2ae_q085.htm
Il semble que l'auteur se réfère à la Somme Théologique. Et saint Thomas se réfère lui-même à l'évangile de Luc.
C'est comme si Jean Elluin figurait l'enfer comme un "mal nécessaire" et nécessaire pour que l'homme pécheur puisse enfin comprendre que Dieu est Dieu, que Dieu est bon (le Samaritain dans la parabole de Luc) , qu'il n'y a pas d'autre issue qu'en Dieu et avec Dieu, etc. Le pécheur obstiné qui fini en enfer doit subir la peine de l'homme tombé aux mains des brigands qui vont le rouer de coups et le dépouiller. Le Christ récupère alors le patient et le mène à l'hôtellerie (purgatoire?) où l'homme pourra finir de se rétablir, et avant qu'il ne repasse pour le prendre avec lui.Luc 10, 30 :
30 Jésus reprit : " Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ; il tomba entre les mains des brigands, qui le dépouillèrent, et l'ayant chargé de coups, se retirèrent, le laissant à demi-mort.
31 Or, il arriva qu'un prêtre descendait par le même chemin ; il vit cet homme et passa outre.
32 De même un lévite, étant venu dans ce lieu, s'approcha, le vit et passa outre.
33 Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, et, le voyant, fut touché de compassion.
34 Il s'approcha, banda ses plaies, après y avoir versé de l'huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le mena dans une hôtellerie, et prit soin de lui.
35 Le lendemain, tirant deux deniers, il les donna à l'hôte et lui dit : Aie soin de cet homme, et tout ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour.
36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de l'homme qui tomba entre les mains des brigands ? "
Il écrit : "Un tel enfer (de Jéricho?) reste redoutable à l'extrême par la traversée déchirante de son feu dévorant, et surtout par la perte définitive qu'il entraîne de nos plus hautes capacités d'union à Dieu"
Il suggère que l'homme tombé en enfer devra subir une perte de ses facultés quelconques. L'homme ressort du passage de Jéricho amoindri par rapport à ce qu'il pouvait être au départ. C'est l'homme qui ressort de la salle d'opération avec une jambe en moins, un bras ou une jambe de moins ou que devra faire le deuil de sa capacité d'audition, sa capacité de bien goûté les plats, etc. La partie médicinale ou curative à l'hôtellerie permet de bien cautériser les plaies, redonne des forces au patient. L'homme est finalement sauvé mais il ne pourra jamais plus se trouver dans l'état de "plus complète satisfaction" et auquel il aurait eu droit si seulement il aurait su faire bon usage de sa liberté au départ, s'il avait été capable de se soumettre aux bons conseils de Dieu, s'il avait voulu ou su voir plut tôt où était son bien véritable.
Les blessures ou l'amputation sont métaphorique dans toute cette histoire. On comprend par là que l'homme n'atteindra pas à la même capacité de bonheur s'il doit traverser le passage de Jéricho pour y subir une peine que s'il n'aurait pas eu à la subir dans ce passage-là.
Évidemment, Jean Elluin est préoccupé par le désir de voir Dieu sauver tous les hommes. Il bâtit son système de représentation de telle sorte qu'au moins Dieu puisse bien être "tout en tous" à la fin. C'est son fameux point Oméga. Pour lui c'est Dieu chez tous à la fin, présent objectivement et de manière béatifiante chez tous (et donc pas d'enfer éternel) quoique le degré de béatitude ne sera pas le même pour tous. Dans son système, Adolph Hitler est finalement sauvé mais il ne peut obtenir la même béatitude que les innocentes victimes de sa cruauté de jadis. Il n'obtiendrait évidemment pas la béatitude d'un saint Ignace d'Antioche mort en martyr pour témoigner de l'amour du Christ.
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Source : Jean Elluin, Quel enfer?, Les Éditions du Cerf, 1994, 206 p.